Dans les prairies et les bosquets à l’est du Grand Trianon, Louis XV, à l’instigation de Madame de Pompadour, confie en 1750 à Claude Richard, assisté dix ans plus tard de Bernard de Jussieu, l’aménagement d’un « jardin de plantes » qui traduit son intérêt passionné pour les expériences botaniques. L’architecte Gabriel l’agrémente d’un jardin à la française et d’une ménagerie pour animaux ordinaires, à l’inverse de la proche Ménagerie royale, plus exotique, de Louis XIV. Il édifie aussi au milieu des allées de verdure deux fabriques d’agrément et de détente, le Pavillon français et le Salon frais.
En 1762, le Roi demande à son Premier architecte de construire un château d’un genre nouveau, qui dispense une vue sur les différents jardins. Reconnu comme un chef-d’œuvre d’architecture du néo-classicisme naissant, cet édifice de plan carré, simple et épuré, aux quatre façades décorées de l’ordre corinthien, conjugue les talents de Gabriel, du sculpteur Guibert et de décorateurs qui apportent à l’intérieur le dernier goût, plus raffiné que riche, dans lequel une place privilégiée est réservée à la nature et à l’atmosphère champêtre. Le rez-de-chaussée est dédié au service, l' »étage noble » comprend les pièces de réception avec trois salles entresolées à l’usage de la Reine et l’attique est formé des « appartements des seigneurs ». La comtesse Du Barry, qui succède comme favorite de Louis XV à la marquise de Pompadour, inaugure le château en 1769.
À la mort de son grand-père, Louis XVI offre le Petit Trianon à sa jeune épouse Marie-Antoinette, qui crée un univers personnel et intime, loin des fastes de la cour. Elle fait élever un théâtre de société, puis sacrifie la botanique et fait aménager un jardin à l’anglaise, en contraste avec la monotonie du reste du parc. Richard Mique érige plusieurs fabriques, entre 1777 et 1782, dans les contours d’allées et d’une rivière sinueuses : un temple dédié à l’Amour, un « jardin alpin » avec son belvédère et un jeu de bagues. Dans un style plus rustique, un hameau d’agrément vient compléter l’ensemble, selon l’inspiration rousseauiste du peintre Hubert Robert.
Trianon est la partie du domaine de Versailles qui souffre le plus de la Révolution française, le château est vidé de son mobilier avant d’être aménagé en auberge, les jardins sont transformés en bal public, les fabriques du parc sont pillées ou laissées à l’abandon.
Toponymie
Trianon était un village situé près de Versailles, disparu en 1668 pour être intégré au parc de Versailles et sur le territoire duquel ont été bâtis le Grand et le Petit Trianon.
Trianon est désigné dans une bulle du pape Alexandre III en 1163 sous le nom de Triarnum, dont l’origine marque probablement la jonction de trois domaines avec le sens du latin Trifinium.
Jusqu’au XIIe siècle, le village dépendait du diocèse de Chartres mais fut vendu par les seigneurs de Versailles en 1225 à l’abbaye Sainte-Geneviève de Paris. La dîme était versée au village, aujourd’hui lui aussi disparu, de Choisy-aux-Bœufs, situé non loin de là. L’église de Trianon, dédiée à Notre-Dame (Divæ Mariæ de Trienno), n’était qu’une simple annexe de cette paroisse. Cependant, en 1258, un sergent de Saint Louis, Nicolas de Choisy, fit don au curé d’une rente de quarante livres qu’il avait lui-même perçue du Roi, afin d’aider à la division de la paroisse de Choisy et Trianon. Quelque cinq siècles plus tard, c’est d’ailleurs en hommage au même Saint Louis que Louis XV fit exécuter la toile qui orne la chapelle du Petit Trianon.
La seigneurie de Trianon releva ensuite de la famille de Montholon.
Le premier parc attenant au nouveau château de Louis XIII à Versailles fut ébauché en 1627, alors que Louis XIV avait pour dessein de créer un véritable domaine royal pour ses chasses. Mais l’arpentage laissait en dehors les terres de Trianon — à l’exception de quelques arpents vendus au Roi en 1632 par les époux Jean Martin et Marguerite Le Brun, importants censitaires versaillais —, seul le chemin venant de Versailles était détourné, compliquant la vie quotidienne des habitants. Lors d’une nouvelle phase d’agrandissement vers 1640, l’emprise s’étendit au-delà du diocèse de Versailles pour empiéter sur celui de Chartres, à la limite des prés de Trianon et du « pont des Meuniers ».
Dès 1660, Louis XIV envisagea de créer le Grand parc en annexant les terres entre les bourgs de Versailles et Choisy-aux-Bœufs et les hameaux de Satory et Trianon. Ce premier projet écarta les prés de Trianon, trop plats et découverts ; un mur d’enceinte fut élevé qui laissait le village à l’extérieur. Dès septembre 1662, par une nouvelle extension, on décidait d’enclore une partie du territoire de Saint-Antoine-du-Buisson et l’intégralité de celui de Trianon.
Entre 1662 et 1665, désireux de créer un lieu réservé à sa détente et à ses plaisirs, le Roi acheta le village alors situé au nord-ouest du domaine royal du château de Versailles. Une certaine Élizabeth Mareschal, veuve Charles Longuet, perçut 42 000 livres pour ses maisons et terres de Trianon. Les héritiers de Jacques Lemaire, qui avait déjà vendu des parcelles à Louis XIII, cédèrent une grosse maison du hameau. L’abbé et les religieuses de Sainte-Geneviève-au-Mont reçurent en échange de 107 arpents 29 perches un peu plus de 31 585 livres ainsi qu’un dédommagement de 1 749 livres pour la perte de terres labourables depuis l’édification d’une enceinte en 1663.
En 1668, le village fut rasé et les terres du cimetière furent transférées dans celui de Choisy-aux-Bœufs en 1670. Outre la disparition du hameau, l’extension du parc bouleversait l’économie locale : les censitaires étaient expulsés, les seigneurs locaux perdaient les bénéfices de leurs terres et l’évêché de Chartres était dépossédé de ses droits.
Louis XIV fit bâtir, entre 1670 et 1672, un château de fantaisie, le Trianon de porcelaine, sur l’emplacement de l’église et des maisons de Trianon.
De ce nom dérivent ceux des autres palais qui furent construits à proximité :
- Grand Trianon (ou « Trianon de marbre »), construit à la place du Trianon de porcelaine ;
- Petit Trianon construit par Louis XV, que Louis XVI offrit ensuite à Marie Antoinette.
Son histoire
Dès 1749, sous l’impulsion de sa favorite Madame de Pompadour qui entend le soustraire de sa sujétion à l’ennui, Louis XV crée un nouveau lieu de plaisir à Trianon. Dans cette perspective, et inspiré par la doctrine du docteur Quesnay, il fait installer un petit potager avec des serres permettant de cultiver des espèces jusqu’alors inconnues et d’expérimenter de nouvelles méthodes. Le Roi apprécie le Trianon d’Hardouin-Mansart, même s’il commence à s’y ennuyer, malgré les nouveaux aménagements qui y sont entrepris dès 1747 pour redonner au lieu le caractère d’intimité de cette « petite fantaisie de campagne » qui existait du temps de son illustre arrière-grand-père Louis XIV. On utilise, pour ne pas s’en éloigner, le terrain qui fait face, au nord-est, une vaste prairie traversée par quelques allées et plantée de bosquets d’arbres, en deçà du bois des Onze-Arpents. Une pépinière existe alors en cet endroit, aménagée entre 1693 et 1730 pour fleurir les jardins de Trianon, à côté de quelques logements, de deux glacières et du bassin du Trèfle, réservoir creusé au XVIIe siècle pour alimenter les jeux d’eau de Trianon.
Madame de Pompadour en Belle Jardinière.
Charles André van Loo, 1754-1755.
Le Roi fait édifier par son Premier architecte Ange-Jacques Gabriel une nouvelle « ménagerie », qui abrite des animaux de basse-cour et comprend une étable, une bergerie et une laiterie. Il fait aussi restaurer les deux glacières de Louis XIV et édifier la maison du jardinier. Le mur d’enceinte construit en 1668 lors de l’annexion du village de Trianon est démoli en cet endroit.
Pour agrémenter les environs de la ménagerie, Gabriel entreprend, vers 1750, la création d’un petit jardin à la française au sud de celle-ci, nommé durant une dizaine d’années « Nouveau Jardin du Roi ». Les deux axes perpendiculaires sont décorés de quatre bassins ornés de statues d’enfants. Il fait aussi construire deux nouveaux bâtiments : le Pavillon français, pour les jeux, les collations ou les concerts intimes, et le Salon frais, dont l’unique pièce sert de salle à manger d’été. Les bosquets sont réalisés et entretenus par Jean-Baptiste Belleville, le jardinier du Grand Trianon. Un portique de treillage, ouvrage de Langelin et sur lequel doivent s’enrouler des plantes grimpantes, est monté à la bordure orientale du potager, en guise d’entrée.
Louis XV observant les jardins de Trianon.
Gouache attribuée à Jacques-André Portail, vers 1750.
Durant près de dix ans, le jardin fruitier et potager est en permanente évolution, selon les intérêts du Roi, qui fait appel dès 1750 à Claude Richard dont il a admiré le talent à Saint-Germain, un élève de Lemonnier qui lui a été recommandé par le duc de Noailles. On y fait pousser des plantes étrangères encore peu connues comme l’ananas, le café, l’abricot, la cerise, la prune ou la pêche. Une figuerie est installée à proximité du Pavillon frais et, pour conserver tout son charme aux promenades, on garnit les bords des allées de petits orangers en pots de fer. Le Roi apprécie de se promener dans ce jardin et d’en goûter ou d’en offrir les fruits ; les fraises, dont Antoine Nicolas Duchesne cultive toutes les sortes existant en Europe pour permettre de multiples greffons, deviennent d’ailleurs l’une des fiertés de Louis XV.
Plan du « Nouveau Trianon » planté par Louis XV.
Anonyme, vers 1774.
En 1759, le Roi décide de joindre à ses potagers un jardin botanique dont il confie la destinée à Bernard de Jussieu, qui a acquis au Jardin royal des plantes médicinales (l’actuel jardin des plantes de Paris) une grande renommée parmi les naturalistes de son temps et qui, sous la direction de Claude Richard, enrichit considérablement la collection, offrant une quinzaine d’années plus tard près de quatre mille variétés de plantes. On agrandit alors le jardin fleuriste, qui a été créé au côté du potager et qui fournit déjà, au gré des saisons, cierges, aloès, géraniums, jonquilles ou siliquastrum. Le précédent jardin potager est détruit et remplacé par des parterres de fleurs et des serres, chaudes ou sans feu, qui s’étendent à l’avant de la maison du jardinier et à l’est du domaine. On rapporte des expéditions lointaines des plantes exotiques dont la culture est expérimentée dans le jardin, des tulipiers de Virginie, des végétaux de l’île Rodrigue, de Cayenne, de Chine ou des Indes, mais aussi des espèces d’Espagne, du Portugal, de Gibraltar et d’Afrique du Nord. Des reines-marguerites, apportées de Chine et améliorées par Claude Richard, sont plantées en référence à Marguerite de Provence, auquel le Roi souhaite rendre hommage. On y étudie aussi le blé, afin d’en découvrir des espèces capables de mieux résister aux maladies, de produire plusieurs récoltes annuelles et d’ainsi lutter contre la famine.
En plus d’être pour le Roi un passe-temps et une fantaisie apparemment futiles, le jardin de Louis XV devient la plus grande collection botanique d’Europe. Joyau vanté dans toutes les cours et loué par tous les milieux scientifiques, c’est un véritable laboratoire d’expérimentation.
Afin de réduire les allées et venues avec le château de Versailles et de préserver l’intimité de sa favorite Madame de Pompadour, Louis XV envisage dès 1758 la construction d’un petit château à proximité des nouveaux jardins. Le projet initial prévoit de supprimer le bâtiment des officiers et d’agrandir le jardinet adjacent, mais l’on s’en tient finalement à déplacer volières et poulaillers près de la vacherie et à remodeler les potagers en bosquets. Le portique de treillage est démonté et le jardin botanique est transféré sur de nouvelles terres plus à l’est pour permettre d’ériger, à cet endroit, la nouvelle construction. Une partie des collections potagères de Richard est aussi réimplantée sur de vastes terrains situés au nord du bassin du Trèfle.
Le chantier, confié à Ange-Jacques Gabriel, dure six ans, de 1762 à 1768, retardé par la guerre de Sept Ans. De forme carrée de « douze toises sur chaque côté », le nouvel édifice possède quatre façades différentes, mais qui ont en commun de comprendre chacune cinq croisées. Son architecture est emblématique de la nouvelle inspiration tournée vers l’antique et l’influence « à la grecque » des sculptures d’Honoré Guibert, beau-frère du peintre Vernet et auteur de l’ensemble des sculptures du château, apporte une finition d’exécution qui le fait alors qualifier de « chef-d’œuvre ». Un jeu subtil de perrons permet de rattraper les différences de niveau et la forte déclivité du terrain d’ouest en est autorise la création d’un rez-de-chaussée accessible sur deux côtés.
Le coût total s’élève à 736 056 livres, dont près d’un tiers pour les seules menuiseries. Le marquis de Marigny, directeur des Bâtiments du Roi, commande en 1768 à quatorze peintres les toiles qui doivent orner les murs ou les dessus-de-porte et dont les thèmes, inventés par Charles-Nicolas Cochin, sont approuvés par le Roi. Presque tous ces artistes sont issus de la dernière génération de ceux de Louis XIV, Marigny ayant souhaité maintenir une certaine tradition classique rompant avec le style rocaille, dans la lignée de son oncle et prédécesseur à cette fonction, Le Normant de Tournehem.
Mais Madame de Pompadour, à qui est destiné le château, meurt le 15 avril 1764, sans pouvoir assister à l’achèvement de son œuvre. C’est donc avec sa nouvelle favorite, Madame Du Barry, que Louis XV inaugure le Petit Trianon en 1768. Ce n’est cependant que le 9 septembre 1770 qu’il couche pour la première fois dans le nouvel édifice. Le Grand Trianon devient dès lors en grande partie abandonné au bénéfice de ce nouvel château sur lequel se concentrent tous les regards.
Dès 1767, il est projeté d’installer une chapelle dans le Petit Trianon. Cependant, les bagatelles du roi de France dans le domaine lui font quelque peu oublier son projet, que les restrictions budgétaires ne participent pas à ranimer. Le 15 novembre 1772, par souci de l’étiquette, il donne finalement l’ordre d’exécuter la construction, qui est réalisée en moins d’une année. Cachée entre les communs et les arbres, son architecture extérieure est simple et seuls le clocheton et le toit mansardé se laissent entrevoir. C’est la dernière réalisation de Gabriel pour Louis XV à Trianon, achevée un an avant la mort du Roi.
La mode évoluant au gré des fantaisies, le jardin, élégant, frais et soigné, est le dernier des jardins français, pour lesquels un besoin de dompter la nature est prétexte à des dessins d’architecture, traçant une symétrie parfaite, mais monotone. D’un côté du château, on aperçoit de longues allées de tilleuls, de larges pelouses marquées de cabinets fleuris. D’un autre, le jardin botanique révèle ses parterres réguliers de plantes rares. Du troisième, on a vue sur la cour entourée de charmilles et, par un ha-ha, sur les bosquets artificiels du Grand parc. Mais à ce formalisme déclinant succède un nouveau concept, venu d’Angleterre où les immenses espaces ne permettent pas une parfaite maîtrise de la nature, basé sur une approche « naturelle et pittoresque ». L’inspiration vient aussi de Chine, même si « la fantaisie voire la sauvagerie de ses jardins est encore bien trop exotique ». D’ailleurs, de la façade septentrionale du petit château, on aperçoit au loin quelques chemins sinueux contournant des bosquets sauvages, timide introduction à la mode nouvelle qui domine la décennie prochaine.
Lorsque Louis XV meurt en 1774, d’une maladie dont il a ressenti les premières atteintes au Petit Trianon, la comtesse Du Barry doit quitter le domaine. Dès son avènement, Louis XVI, sur les conseils du comte de Noailles, offre le château à sa femme Marie-Antoinette par cette formule, rapportée par l’abbé Baudeau : « Vous aimez les fleurs, Madame, j’ai un bouquet à vous offrir. C’est le Petit Trianon ». Si d’autres témoins rapportent différemment la scène en ces termes : « Madame, ces beaux lieux ont toujours été le séjour des favorites des rois, conséquemment ils doivent être le vôtre », on peut néanmoins douter de l’authenticité des propos soi-disant historiques et rapportés après coup, connaissant le mépris qu’avaient les dauphins pour madame Du Barry. Quoi qu’il en soit, la jeune reine est enchantée du cadeau, ayant déjà montré auparavant son désir d’avoir une « maison de campagne à elle », son « Élysée« — comme la Julie de Rousseau — afin de pouvoir s’affranchir des contraintes de la cour et se distraire de ce monotone horizon du parc de Versailles.
Marie-Antoinette pend la crémaillère de sa nouvelle possession le , en compagnie de madame Clotilde, la comtesse et le comte de Provence et celle et celui d’Artois et son royal époux qui, peu de temps après, lui remet la clef du domaine sertie de 531 diamants, exécutée par le serrurier François Brochois et l’orfèvre-joaillier Michel Maillard. Elle ne changera que peu de choses de l’intérieur de cette résidence et le mobilier de 1789 est à peu près celui qui s’y trouvait à la mort de Louis XV : « Tout fut conservé sans exception et la reine couchait dans un lit très fané et qui avait même servi à la comtesse du Barry », écrit madame Campan dans ses Mémoires, non sans exagération ; des remeublements sont en fait peu à peu ordonnés par la Reine, surtout à partir de 1787, et sont confiés à Bonnefoy du Plan, son garde-meuble, aussi concierge du Petit Trianon. Durant quinze ans, elle façonne aussi par petites touches le lieu selon son désir, intégrant de nouveaux décors ou transformant certaines pièces, comme le « cabinet des glaces mouvantes » ou la bibliothèque, des aménagements dirigés par Richard Mique, le nouveau Premier architecte.
Surtout, succombant à la mode du jour d’un paysage irrégulier et pittoresque, romantique et imprévu, la Reine souhaite un jardin dans le nouveau style « anglo-chinois » à la place du Jardin botanique de Louis XV. L’architecte Gabriel en dresse un premier plan, en juillet 1774, qui ne convainc pas. Elle demande un projet à Antoine Richard, fils de Claude et jardinier de Trianon. Compliqué, besogneux, peu élégant et sans grâce, ce projet n’est pas non plus retenu, car son auteur apparaît meilleur jardinier que paysagiste et, surtout, son désir de préserver les serres du jardin botanique qu’il a créé avec son père ne concorde pas avec les vœux de la Reine d’un jardin « à la mode ». En outre, la Reine rejette les extravagances dont on peut parfois lui prêter le goût, préférant le bucolique à l’illusion.
Le comte de Caraman, recommandé par la princesse de Beauvau, puis Richard Mique dessinent un jardin à l’anglaise, dans lequel ils dispersent des fabriques à caractère sauvage. Ils installent ainsi un lac, une petite montagne, des rochers et une grotte tapissée de fausse verdure pour le repos de Marie-Antoinette. Le très savant jardin botanique de Claude Richard est alors détruit, mais nombre de pièces sont sauvées par son fils Antoine, qui les confie au comte de Buffon, directeur des Nouveaux jardins du Roi, à Paris. On le remplace provisoirement durant l’année 1775 par des arbres et du gazon en même temps que l’on commence le creusement de la rivière et la création de la « grande île ».
Plan du jardin et château de la Reine.
Gouache de Claude-Louis Châtelet, vers 1770.
Entre-temps, la Reine commande une nouvelle fantaisie, toujours à la mode chinoise : un jeu de bague, comme il en existe à Monceau ou à Marly. Il est monté dans le courant de l’année 1776 par l’ingénieur Perrier, le serrurier Roche et le charpentier Taboureux, tous des Menus-Plaisirs, les sculptures étant exécutées par Augustin Bocciardi. La lutte d’influence entre Mique et d’Angiviller atteint alors son paroxysme. Le premier, en tant que Premier architecte du roi ayant remplacé Gabriel, devrait dépendre du second, directeur des Bâtiments du Roi, successeur de l’abbé Terray ; or, la création par Marie-Antoinette du titre d’Intendant des Bâtiments de la Reine complique les relations entre les deux hommes, mais accorde à Mique une plus grande autonomie au sein de Trianon. C’est donc lui qui termine le jeu de bague au début de l’année 1777, malgré les difficultés des entrepreneurs à se faire payer de leur travail, dont le coût total est évalué à plus de 78 000 livres, pour un devis initial de 17 000.
Le , Richard Mique propose à Marie-Antoinette son projet finalisé d’aménagement du jardin. Elle en écarte l’ermitage à cloche, le parc de moutons à la chinoise, le salon de colonnes d’eau jaillissante et la fausse ruine. Les autres fabriques sont confirmées, la réalisation de maquettes est engagée et les travaux de terrassement se poursuivent. Le coût est estimé à 300 000 livres, ce qui provoque des tensions entre Mique, l’architecte, le comte d’Angiviller, l’ordonnateur des bâtiments du roi, et Necker, le directeur du Trésor, auxquelles seul le Roi parvient à mettre un terme.
La création du Grand rocher se prolonge sur plusieurs années, une butte est destinée au belvédère, une autre est plantée de peupliers d’Italie, marronniers, sapins et marsaults, que l’on prend dans les forêts du Roi. Le « Jardin alpin » qui est en train de naître rappelle à la Reine les décors de son enfance et participe à modifier le regard que l’on porte jusqu’alors sur les paysages de montagne, car, là encore, on constate l’influence de Rousseau : « le terrain étaloit les charmes d’un séjour riant et champêtre ; quelques ruisseaux filtroient à travers les rochers, et rouloient sur la verdure en filets de cristal ; la terre humide et fraîche étoit couverte d’herbes et de fleurs ». On fait appel au peintre Hubert Robert pour exécuter une série de dessins préparatoires et pas moins de quatorze maquettes sont présentées à la Reine pour la seule disposition du rocher et de son pont rustique.
C’est aussi Robert, aidé de Deschamps pour les modèles, qui réalise les ébauches de la première fabrique du Jardin anglais : le Temple de l’Amour, « sommet de la perfection et du bon goût », selon le prince de Ligne. Ces maquettes de diverses tailles, qui permettent d’éviter les erreurs et d’avoir une meilleure estimation du résultat final, sont exécutées comme de véritables œuvres d’art. Pour son enchantement, les fenêtres de Marie-Antoinette s’ouvrent sur ce temple, érigé au milieu de la grande île en juillet 1778. Pour en décorer le centre, on préfère au projet d’une statue de Cupidon enfant proposé par Deschamps une œuvre similaire de Bouchardon, déjà réalisée depuis 1746, et qui correspond parfaitement au thème du lieu. L’île est garnie de fleurs et plantée de « pommiers-paradis et rosiers pelote-de-neige » qui prodiguent des effluves parfumés.
Déjà sous Louis XV le théâtre occupe une place prépondérante dans les divertissements de Trianon. Marie-Antoinette, lorsqu’elle reçoit le domaine, doit se contenter, pour ses spectacles, de scènes provisoires montées d’abord dans la galerie du Grand Trianon puis dans l’orangerie du Petit Trianon. En 1777, elle charge l’architecte Richard Mique de lui édifier un théâtre. Après deux années de travaux, débutés en juin 1778, pour un coût avoisinant les 200 000 livres, la salle est inaugurée le . L’extérieur n’offre aucun caractère, car il est destiné à être caché par le Jardin alpin, d’un côté, et le Jardin français, de l’autre ; seule la porte donne matière à décoration par le sculpteur Joseph Deschamps, encadrée par deux colonnes ioniques portant un fronton orné, en tympan, d’un génie d’Apollon. Durant cinq ans, la Reine se produit elle-même sur la scène, au sein d’une petite troupe rassemblant ses intimes, ou assiste aux représentations des acteurs des Comédies française et italienne.
Durant quinze années, le domaine appartient en propre à Marie-Antoinette, elle y est chez elle, rejetant les étiquettes de Versailles et établissant les usages de l’intimité, et donne des ordres « de par la Reine », ce qui paraît paradoxal dans un pays régi par la loi salique. Sa marque personnelle est partout visible, mais elle construit pour son plaisir immédiat et non pour l’éternité. C’est aussi le lieu où l’on donne des fêtes restées célèbres : conséquemment, ce sont elles qui galvanisent l’opinion du peuple, l’excès de ces divertissements entraîne l’exagération dans leur impopularité, on n’hésite pas à évoquer la destruction d’une forêt entière pour des fagots brûlés, à supposer l’hébergement d’amours illicites voire à accuser la Reine d’avoir soustrait une portion de terre à la France. Mais elles sont en réalité moins fréquentes que les rumeurs ne le propagent, en raison de leur coût élevé que le financement de la guerre d’Amérique ne permet plus. Pourtant, c’est bien ce fossé réel entre les difficultés du peuple et la vie insouciante et dispendieuse de Marie-Antoinette dans son domaine du Petit Trianon, qui alimente la rumeur, l’invention outrancière et la calomnie absurde, qui, elles-mêmes, contribuent à forger l’opinion de la Révolution.
Le , Marie-Antoinette se trouve dans ses jardins du Petit Trianon, près de la grotte, lorsqu’un page vient la prévenir de l’arrivée imminente d’une foule armée aux grilles du château de Versailles. Dès le départ de la famille royale, Trianon est quasiment laissé à l’abandon, aux seules mains du personnel qui continue d’y loger. Les travaux sont interrompus, laissant aux entrepreneurs un demi-million de livres d’impayés. Très attaché au domaine, l’ancien jardinier de la Reine, Antoine Richard, est nommé conservateur du jardin et des pépinières de Trianon en 1792 par le ministre de l’Intérieur Roland. Après la chute définitive de la monarchie en 1792, l’intégralité du mobilier et des objets du Petit Trianon est réuni à celui du domaine de Versailles et livré à l’encan, sur décret de la Convention du 10 juin 1793. Les enchères commencent le dimanche 25 août 1793 et se poursuivent jusqu’au 11 août 1794. Les biens sont éparpillés dans le monde entier. On renforce la surveillance et l’on renvoie « ceux qui n’y sont pas logés », afin de limiter la mise à sac : on retrouve les glaces brisées, les consoles fêlées, les ferrures arrachées et les dessus-de-porte retirés. L’argenterie, les plombs et les cuivres sont réquisitionnés pour les arsenaux et la Monnaie. Le sculpteur Amable Boichard, nouvellement nommé après la démission des frères Rousseau le 20 avril 1794, est chargé de « supprimer les emblèmes de la royauté et féodalité ».
Trianon est déclaré propriété nationale et le terrain est partagé en dix lots. La ville de Versailles propose que le Petit Trianon serve de jardin botanique, mais c’est au potager de Versailles qu’André Thouin, jardinier du nouveau Jardin des plantes, décide de l’établir. Finalement, Antoine Richard obtient de l’administration que les biens nationaux des environs de Paris ne soient pas vendus, mais conservés par la République naissante. Il obtient le soutien du représentant du peuple envoyé en mission à Versailles, Charles Delacroix désormais convaincu après avoir pourtant préalablement ordonné la destruction complète du domaine, et de son successeur, le conventionnel André Dumont, et la vente est annulée par arrêté du 4 pluviôse an III.
Ne procurant jusqu’alors aucun revenu à l’administration, le Petit Trianon est loué en 1796 à un cabaretier et aubergiste du nom de Charles Langlois auquel succède en 1801 le citoyen Mettereau. Les bals et fêtes populaires qui y sont tenus dégradent la résidence et les jardins. Lorsqu’un Allemand, le docteur Meyer, visite le lieu au printemps de la même année, il constate la présence de l’affiche de vente encore sur la porte, les numéros de chambres au-dessus des portes, ainsi que l’état de dévastation et de vandalisme des pièces. Les jardins sont délabrés, par manque d’entretien, et deux maisonnettes du proche hameau de même que le Pavillon frais menacent de s’écrouler, mais c’est surtout la nature et l’intempérie des saisons qui reprennent leurs droits. Malgré les multiples voltes-faces politiques du pouvoir central, une certaine organisation des jardins est réalisée, mais à des fins éducatives avec l’établissement d’une école centrale.
En 1805, le Petit Trianon reprend son rang de palais et il est affecté par l’empereur Napoléon à sa sœur Pauline, princesse Borghèse. Les travaux de réfection sont rapidement engagés : les couvertures sont refaites, les conduites révisées, le palier du premier étage est redallé de marbre, les cheminées sont restaurées, les peintures sont refaites à neuf, de gris pour l’attique ou les huisseries et de « couleur pierre à forte colle » pour les pièces secondaires. Les salles principales sont repeintes de couleurs grisées teintées de bleu ou de mauve. Les miroirs ayant tous disparu sont remplacés et de nouvelles toiles sont commandées. L’Empereur consacre 150 454 francs au remeublement du château. Le projet de l’Empereur de réunir les deux Trianons dans un même enclos les séparant du parc de Versailles entraîne la création d’un pont métallique, dit « de la Réunion », qui enjambe un chemin creux.
Napoléon Ier et Marie-Louise se promenant au Hameau de la Reine en 1811.
Gouache de Louis Gadbois.
En 1810, le domaine revient à l’impératrice Marie-Louise qui fait alors restaurer l’ancienne résidence de sa grand-tante, malgré le passé douloureux des lieux. Elle se plaît dans cette demeure qui lui rappelle le château de Laxenburg, en Autriche, dans lequel elle avait résidé durant son enfance. Le coût trop élevé de réhabilitation du Pavillon frais ou de certaines chaumières du hameau entraîne leur destruction. L’apogée de la vie impériale à Trianon est marqué par la « fête de l’Impératrice », donnée le 25 août 1811, jour de saint Louis, prétexte à de grandes illuminations dans les jardins, à des scènes champêtres féeriques en musique et à des spectacles divers provoquant l’enthousiasme de la cour et du couple impérial.
À la Restauration, la duchesse d’Angoulême, fille de Louis XVI et Marie-Antoinette, hérite du Petit Trianon, mais en raison des souvenirs douloureux qui s’y rattachent, elle n’y fait qu’une promenade et se contente de participer au dîner du mariage du duc de Berry avec Marie-Caroline en 1816. Dans l’hypothèse de séjours de Louis XVIII ou Charles X, souvent évoquée, mais jamais réalisée, tout est quasiment laissé en l’état.
Dès son arrivée au pouvoir, Louis-Philippe fait retirer les portraits de la famille royale, seule modification apportée au château par son prédécesseur. Il fait appel à son architecte Frédéric Nepveu qui achève de repeindre l’ensemble du premier étage de couleur grise, remplaçant l’ancien vert pâle qui rappelait les jardins entourant le château. Tandis qu’il s’installe au Grand Trianon pour surveiller la transformation du château de Versailles en « Musée dédié à toutes les gloires de la France », il attribue à son fils Ferdinand et sa belle-fille la duchesse d’Orléans un appartement à l’attique du Petit Trianon, quelques semaines après leur mariage. Cette dernière, après y avoir passé des jours heureux en compagnie de son époux, revient l’y pleurer et se consacrer à l’éducation de ses enfants. Elle y séjourne souvent, même si elle qualifie sa présence à Trianon d’exil. On conserve l’ameublement de 1810 non sans remanier la disposition des appartements. Les sièges sont recouverts par Jean-Louis Laflèche selon la mode du moment de même que les rideaux sont changés. Ces remplois alliés à de petits achats et des récupérations, épargnant des dépenses superflues avec la disparition des véritables « palais royaux » d’antan, participent à créer un style disparate, fantaisiste et déroutant, élégant et précieux, parfois rocaille ou gothique ; le pratique prend le pas sur la finesse et le raffinement dans ce nouveau mélange des genres historiciste. Les jardins, s’étendant jusqu’au hameau, sont aussi reconstruits ou rétablis selon la disposition du temps où le roi Gustave IV de Suède admirait le domaine de Marie-Antoinette. Aménagés en musée, les châteaux de Versailles et de Trianon perdent dès lors leur rang de résidence officielle.
Si la princesse Mathilde, cousine de Napoléon III, émet le souhait de prendre possession du Petit Trianon, il n’en est rien. En 1867, l’impératrice Eugénie ordonne de replacer au Petit Trianon les meubles et objets des collections de l’État ayant appartenu à Marie-Antoinette et ayant été dispersés à la Révolution lors des ventes de plus de 17 000 lots sur l’ensemble du domaine de Versailles. Il faut néanmoins attendre le XXe siècle et les travaux de Pierre Verlet, historien du mobilier royal, pour voir appliquée une identification précise et scientifique des meubles selon les inventaires des archives de la maison du Roi.
Malgré les efforts de Gaston Brière pour faire revenir les toiles originales de Vien, Hallé, Lagrenée et Doyen de la grande salle à manger, le Petit Trianon est l’objet de moins en moins d’attentions après l’action de l’Impératrice Eugénie. Il est fermé durant la Seconde Guerre mondiale et n’est ensuite accessible au public qu’entre de longues périodes consacrées à d’importantes réparations. Sous l’impulsion de Gérald Van der Kemp, dans les années soixante-dix, le château perd son fameux « gris trianon » du XIXe siècle au profit du vert d’eau d’origine. Peu à peu, des pièces du mobilier d’origine reviennent au château, rappelant aux visiteurs le goût de Trianon traduit par Riesener, Jacob ou Foliot.
La tempête du 26 décembre 1999 affecte particulièrement les jardins de Trianon en raison de bourrasques de vent d’une rare violence qui détruisent une grande partie des plantations, dont le célèbre tulipier de Virginie issu de la création du jardin en 1783. Un programme de restauration est alors mis en œuvre dès le début de l’année 2002 afin de reconstituer une composition cohérente avec le projet initial de la reine Marie-Antoinette.
Au début des années 2000, le parti pris des restaurateurs est de « donner l’impression que le temps s’est arrêté le 5 octobre 1789 », date du départ définitif de la famille royale de Versailles, et non de faire de ce lieu un musée. Le mouvement d’opinion autour de Marie-Antoinette, renforcé par la sortie du film de Sofia Coppola, a favorisé cette tâche d’ampleur dirigée par Pierre-André Lablaude, architecte en chef des monuments historiques. Depuis les années 1980, le musée s’attache à rapatrier les pièces reconnues, dispersées à la Révolution, grâce aux dons et aux acquisitions. Certains aménagements correspondent néanmoins plus à une reconstitution qui provoque les critiques de puristes.
Dans le cadre d’un mécénat dont elle fait le centre de ses événements promotionnels, la société Breguet, dont le fondateur est au XVIIIe siècle l’un des horlogers de la Reine et désormais filiale du groupe Swatch, a contribué à la restauration du Petit Trianon à hauteur de cinq millions d’euros en 2008. Le coût de la restauration des seuls intérieurs est estimé à 2,3 millions d’euros. Une grande partie du budget est par ailleurs destinée à assainir les soubassements et à redéployer toute l’installation électrique. Cette restauration, qui a demandé la fermeture du lieu pour un an de travaux, s’inscrit dans la dynamique du Grand Versailles, vaste campagne de modernisation et d’aménagement du château et des jardins. Ce projet muséographique entraîne aussi de nombreux changements dans la disposition du mobilier ; l’étage noble retrouve l’aménagement de l’époque de Marie-Antoinette tandis que les meubles acquis au XIXe siècle sont installés à l’attique dans une suite d’évocations des personnalités féminines qui ont vécu au Petit Trianon. D’autres mécènes ont participé à la restauration du domaine : Peugeot pour le hameau, World Monuments Fund France pour le théâtre, Friends of Vieilles maisons françaises pour la grotte, Audemars Piguet pour les jardins ainsi que la Société des amis de Versailles.
À cette occasion est créée une nouvelle organisation des visites, au sein d’un espace nommé « domaine de Marie-Antoinette », comprenant le château du Petit Trianon et ses jardins, ainsi que le hameau de la Reine. Auparavant, seul le château est ouvert à la visite moyennant un prix d’entrée permettant d’accéder à une partie de l’étage noble, les jardins et les allées du hameau restant libres. Ce nouvel accès payant par la maison du Suisse provoque des critiques et des craintes à propos de la prévalence commerciale sur l’Histoire. En outre, la fermeture du domaine le matin et la fin de la gratuité en basse saison pour les jardins font aussi l’objet de protestations. La fréquentation du domaine du Petit Trianon est, en 2010, de 630 000, équivalente au nombre de visiteurs de 2007, mais inférieure à celui des années 2008 et 2009 qui ont accueilli plus de 700 000 personnes. En 2011, 693 000 entrées ont été comptabilisées sur le domaine avant une importante augmentation de la fréquentation en 2012 et 2013 (respectivement 796 000 et 820 000 entrées, payantes ou gratuites), résultat des campagnes de communication et des expositions temporaires.
En 2010, le Petit Trianon entre dans le monde virtuel avec sa reconstitution en trois dimensions accessible sur internet, réalisée avec un triple objectif, de conservation, de restauration et de valorisation.
Les bâtiments antérieurs
Le bâtiment des gardes existe déjà lorsque sont entrepris les travaux d’aménagement du domaine de Louis XV, non loin des deux glacières. Il abrite un corps de garde française lors des séjours du Roi. Il complète un corps de garde suisse, présent au XVIIIe siècle à proximité du bassin Plat fond, mais dont le bâtiment est aujourd’hui disparu.
En 1850, Questel construit en bordure du Jardin français, à l’emplacement de l’ancien corps de garde, un bâtiment destiné à accueillir le Musée des voitures, dans lequel sont exposés entre autres les carrosses du Sacre de Napoléon ou la Topaze, voiture ayant servi au mariage de l’Empereur avec Marie-Louise. Le bâtiment, vétuste et en mauvais état, est démoli en 1978 et les véhicules sont transférés vers les Grandes écuries.
Les deux glacières de Trianon, souterraines et condamnées par un système de double porte, sont installées par Louis XIV en 1686 et fonctionnent jusqu’en 1909. Elles représentent une des premières constructions du domaine de Trianon, à l’écart de l’ancien village. Leur emplacement est choisi avec soin, sur un terrain sec et proche d’un bosquet, et à proximité du Grand canal afin de faciliter le transport de la glace. La fosse est de forme tronconique et le fond est maçonné en pente vers le centre avec une grille permettant l’évacuation des eaux de fonte. La partie extérieure, en pierre de meulière, est garnie de chaume. Pour les approvisionner, durant les journées les plus froides de l’hiver, des journaliers cassent la glace du canal et la transportent dans des voitures à cheval avant de la jeter au fond des glacières dont le tour est préalablement garni de paille. Elles restent en fonction durant la Révolution et sont même utilisées pour fournir la famille royale aux Tuileries puis au Temple. Elles sont remises en état sous la Restauration et sont concédées en 1849 à un limonadier. Elles sont ensuite exploitées, jusqu’en 1909, par la Société des glacières de Paris. Ce n’est qu’en 1982 que les glacières de Trianon sont entièrement rénovées.
Le bâtiment de Châteauneuf est une construction en forme de fer à cheval, accolée au mur d’enceinte du parc du Petit Trianon, sur sa limite occidentale, et comportant deux étages d’élévation surmontés d’un comble d’ardoise mansardé. Édifié en 1703 par Jules Hardouin-Mansart, il sert à loger les jardiniers et fontainiers ainsi que certains personnels des bâtiments du roi dans les étages. Les caves et le rez-de-chaussée sont destinés à servir d’orangerie pour Trianon et à remplacer le cabinet des parfums de l’ancien Trianon de porcelaine. Les plantes les plus rares de la collection de Louis XIV sont disposées dans les combles afin d’en accélérer la floraison durant les mois d’hiver. Son successeur, Louis XV, convertit les étages en intégrant un décor de lambris et de cheminées afin d’y loger des personnages plus importants, sans doute des officiers de la Garde royale. Il fait aussi adjoindre une petite aile à un étage sous comble en retour à gauche dans la cour. Ange-Jacques Gabriel semble y avoir été logé durant l’aménagement du Petit Trianon. C’est au « Château neuf de Trianon » que Jacques Briot, jardinier en chef de Trianon, crée, en 1858, le marronnier à fleurs rouges. Perdant au fil du temps sa destination de serre, il reste jusqu’à nos jours un logement pour des personnels du domaine de Versailles.
Le jardin Français
Le jardin « à la française », créé dès 1749 par l’architecte Gabriel, est caractérisé par des lignes géométriques et symétriques. Nommé à l’origine « Nouveau jardin du Roi » ou « Jardin de la ménagerie », ce parterre fleuri permet de mettre en valeur l’aspect scientifique des potagers de Claude Richard, installés aux alentours. De nos jours, les parterres sont aménagés selon le plan de 1774, incluant la perspective simplement prolongée lors de la construction du château. De longues pelouses à bordures fleuries ne sont interrompues que par deux des quatre bassins et par le pavillon central en forme de croix de saint André. Ces quatre bassins, de forme circulaire et au rebord de marbre, sont disposés en vis-à-vis de chaque façade du pavillon et sont agrémentés de statues de plomb représentant des groupes de trois Enfants jouant avec des poissons et des oiseaux aquatiques, sculptées par Jules-Antoine Rousseau. Les longues allées parallèles bordées de peupliers délimitent aussi des salles vertes aménagées dans des charmilles.
La ménagerie est l’un des premiers bâtiments construits sur le domaine du Petit Trianon. À l’inverse de la Ménagerie royale de Louis XIV, située plus au sud, qui accueille des animaux exotiques et sauvages, celle de Trianon est réservée à des volatiles de basse-cour plus ordinaires : poules, pigeons et faisans forment la majorité des espèces. Elle est bâtie de 1749 à 1753, au sud des deux glacières créées par Louis XIV et de quelques logements de gardes et de jardiniers. Gabriel y inclut aussi une vacherie, dont les vaches sont importées de Hollande pour la qualité de leur lait, une bergerie pour les moutons, une laiterie et le logement de la laitière. Les « belles poules », en réalité surtout des faisans et des pintades, sont aussi l’objet d’une attention scientifique et leur squelette est aussitôt remis à l’Académie des sciences. L’avant-corps central, à fronton et voûte en coupole, accueille la « laiterie d’apparat ou de propreté » dans laquelle le roi et ses hôtes viennent déguster les laitages préparés dans la pièce voisine.
Un long bâtiment formant cour avec les autres édifices tient lieu de fourrières pour le service. Lors d’une deuxième phase d’aménagements lancée le 11 septembre 1751, on installe, à l’est du Salon frais, une volière, dans un « pavillon carré, percé d’une grande porte cintrée, et accosté de deux bâtiments moins élevés à une fenêtre, avec trois cours qui ont chacune un petit bassin ». L’intérieur est luxueux et les parois sont garnies de loges de menuiserie. Le sol est formé de sable et les cheminées de brique servant à chauffer les poules royales sont protégées par une grille dorée. Ce pavillon est remplacé lors de la création du jardin botanique par la demeure du concierge. On place aussi dans le jardin plusieurs poulaillers, eux aussi disparus. Ces bâtiments servent aujourd’hui de logements pour les agents du domaine de Versailles.
Achevé en 1750, le Pavillon français se compose d’un salon central octogonal, ouvert par quatre portes-fenêtres cintrées et accosté de quatre cabinets éclairés chacun de trois grandes fenêtres : une antichambre, un réchauffoir, un boudoir et une garde-robe. Il est couvert d’un toit en terrasse, bordé de statuettes d’enfants et de vases. La frise du salon central décorée d’animaux de basse-cour rappelle la ménagerie voisine : on y trouve des poules, des coqs, des pigeons, des canards et même quelques cygnes, ainsi que des Amours, au-dessus des portes, jouant avec des cages et des corbeilles.
Le Pavillon frais (ou Salon frais), achevé en 1753 par Ange-Jacques Gabriel, est un petit édifice situé en regard du Pavillon français, servant à l’origine de salle à manger d’été dans laquelle on vient prendre le frais et déguster les produits du potager et de la laiterie. Il est entièrement recouvert de panneaux de treillage verts et surmonté de vases en corbeille. Le jardinet de verdure agrémenté de deux bassins était autrefois entouré d’une galerie de treillage ponctuée de tilleuls taillés en boule. Rasé sous Napoléon Ier en raison de son état de décrépitude, le pavillon est restitué en 2010.
La Maison du jardinier est située à proximité du bassin du Trèfle. Lorsqu’est nommé, par Louis XV, Claude Richard comme jardinier-fleuriste de Trianon, il faut penser à un logement. En septembre 1750, ordre est donné de construire un bâtiment à l’emplacement de la pépinière, qui est dès lors transférée de l’autre côté du bassin du Trèfle. Un second bâtiment plus petit est construit en parallèle au sud-ouest, de l’autre côté d’une courette et donnant sur l’enclos des glacières.
Le bâtiment principal comprend quatre niveaux, incluant les caves. Au rez-de-chaussée, une cuisine avec four à pain, réchauffoir et cellier côtoie une chambre et un grand cabinet, devenu au XIXe siècle une salle à manger. Un entresol avec deux chambres complète le premier étage qui en contient quatre autres. Un petit bâtiment perpendiculaire reliant les deux bâtiments et contenant trois pièces a aujourd’hui disparu. La maison en face abrite une étable, une écurie, un poulailler et deux remises.
Après Claude Richard, son fils Antoine et, sans doute aussi, son petit-fils Louis-Claude, les jardiniers en chef de Trianon demeurent successivement dans la maison jusqu’en 1900 : Duchesne, Jouet, Goupy, Philippar et Charpentier. Antoine Richard, qui y demeure pendant la Révolution et contribue à sauver le domaine de la vente aux enchères, a l’idée d’utiliser les jardins fruitiers et potagers pour nourrir les habitants de la ville de Versailles.
Le bâtiment est aujourd’hui nommé « Pavillon de Jussieu », même si le botaniste n’y a jamais véritablement vécu. Jusqu’en 2015, il a abrité le Centre de recherche du château de Versailles (CRCV) qui a déménagé vers le Grand Commun. Enfoui sous le lierre, il fait face, avant l’Orangerie, au « jardin Charpentier », du nom du jardinier qui l’a replanté, en 1850, de rhododendrons et magnolias qui fleurissent encore aujourd’hui, malgré la tempête de 1999 qui a emporté les plus beaux spécimens du domaine.
L’Orangerie est située en face de la Maison du jardinier (qu’on appelle aussi « Pavillon de Jussieu »). Lors de sa construction, à la même époque que cette maison, elle délimite par le nord un parterre potager nommé « jardin de Richard ». Sous Marie-Antoinette, on y installe parfois un bâti provisoire de planches, toiles et cartons pour donner des représentations avant la construction du Théâtre de la Reine. Une seconde orangerie, de taille plus réduite, est située à proximité du pavillon de Châteauneuf.
Le Jardin Anglais
Contrastant en tous points avec le jardin à la française qui s’étend derrière le château de Versailles, le Jardin anglais du Petit Trianon témoigne de l’esthétique et de la pensée de la seconde moitié du XVIIIe siècle. L’œuvre végétale n’est plus disjointe de la nature, elle l’imite, la met en scène. Il n’y a plus d’un côté l’homme et de l’autre le jardin géométrique. Sous l’influence d’une pensée voltairienne et athée, le jardin à l’anglaise place l’homme au centre de l’univers. Richard Mique intègre et assimile dans la construction du jardin les influences en vogue depuis le début des années 1770, sans pour autant les imiter aveuglément : Thomas Whately (en) et l’Art de former les jardins modernes, Claude-Henri Wateletet son Essai sur les jardins, Antoine-Nicolas Duchesne, Michel Paul Guy de Chabanon et l’Épître sur la manie des jardins anglais, Jean-Marie Morel et la Théorie des jardins, Georges-Louis Le Rouge et les Jardins anglo-chinois et l’abbé Delille et son poème Les jardins.
Ce décor champêtre, dont la perspective porte le regard au-delà même des limites du domaine en s’étendant aux campagnes, est ponctué de diverses fabriques qui s’harmonisent avec un environnement naturel d’arbres, de pelouses et de pièces d’eau : les classiques, inspirées de l’Antiquité, comme le Temple de l’Amour ou le Belvédère, les exotiques, comme le Jeu de bague, les naturelles, comme le rocher ou la grotte et les rustiques, à l’image des maisonnettes du hameau.
Le belvédère, petit pavillon de forme octogonale, surmonté d’un dôme de plomb caché par une balustrade, se dresse sur une butte dominant le petit lac. Il est édifié de mars 1778 à mai 1781 et fait partie de la série de fabriques construites par Richard Mique. Il est utilisé par Marie-Antoinette comme salon de musique. Le pavillon est gardé par des paires de sphinges symbolisant les saisons, sculptées en 1778 par Joseph Deschamps, comme la décoration des façades. Il abrite un luxueux salon circulaire, aux murs revêtus de stuc par Louis Mansiaux et peints d’arabesques à l’huile par Sébastien-François Leriche. La coupole, de Jean-Jacques Lagrenée le Jeune, représente des Amours dans un ciel. Le sol est pavé d’une mosaïque de marbre bleu turquin, vert, blanc veiné et rouge.
Le « Grand rocher », dont la construction, laborieuse, nécessite quatre années, est le pendant naturel du belvédère : cette montagne artificielle, entourée de conifères et constituée de gros blocs de pierre, est la source même de l’effet aquatique de cette « petite Suisse », parfois aussi surnommée le « Jardin alpin ». Depuis un réservoir situé à l’arrière et alimenté par le bassin du Trèfle, les eaux se jettent en torrent dans le petit lac.
Après une année de travaux de restauration financés par les mécènes Vinci et World Monument Fund pour un montant d’un million d’euros, le belvédère et son rocher sont inaugurés le 6 juin 2012.
À droite du belvédère, une colline artificielle porte le nom de « montagne de l’escargot », en raison de son dédale de chemins escarpés et ombragés, lesquels aboutissent à une terrasse. Ce paysage prétendument montagnard est composé d’une succession d’étages scientifiquement hiérarchisés de pins, mélèzes, sapins ou genévriers, rappelant les précipices du Valais. Une petite vigne couvre l’un des versants.
Au pied de la montagne, une petite vallée conduit à la grotte. L’entrée en est à dessein peu repérable afin de ménager l’effet de surprise. Le page Félix d’Hézecques la décrit ainsi : « si obscure que les yeux, d’abord éblouis, avaient besoin d’un certain temps pour découvrir les objets. Toute tapissée de mousse, [elle] était rafraîchie par le ruisseau qui la traversait ». La grotte permet à la Reine de s’isoler et d’échapper aux visiteurs inopportuns ; elle est fermée d’une grille du côté de l’escalier, le bruit de la cascade couvre le son des conversations et un orifice laisse apercevoir de l’intérieur ceux qui voudraient s’approcher, disposition sans doute volontaire de l’architecte qui entretient le mystère et alimente les rumeurs du temps de Marie-Antoinette, alors que ce réduit est avant tout une décoration de jardin. L’idée est d’ailleurs répandue d’aménager, dans les jardins de l’époque, des « grottes sauvages » : on en trouve au Désert de Retz, à Ermenonville, à Méréville, à Neuilly ou à Rambouillet. Mais celle-ci est de dimensions réduites, un refuge bucolique et romantique favorable à la mélancolie. Elle est couverte de peluche teintée de vert, donnant l’illusion d’un tapis de mousse sur l’intégralité de la grotte, complété d’un décor en trompe-l’œil.
En l’an 2000, la grotte est restaurée grâce au mécénat de Friends of Vieilles Maisons Françaises. En parallèle, la recomposition végétale et paysagère de la butte bénéficie du soutien de Parcs et Jardins de France.
Terminé en 1778, le Temple de l’Amour, fabrique de style antique, est érigé par Richard Mique et Joseph Deschamps sur un îlot de la rivière artificielle à l’est du Jardin anglais. La tholos, placée sur une plate-forme surélevée de sept marches, comprend douze colonnes corinthiennes qui supportent un dôme décoré de caissons, dont les bas-reliefs représentent les symboles de l’amour. La sculpture au centre du temple est une copie exécutée par Louis-Philippe Mouchy, autre sculpteur du XVIIIe siècle, de l’Amour se taillant un arc dans la massue d’Hercule, d’Edmé Bouchardon, statue conservée au musée du Louvre.
Pour satisfaire son goût du rustique, Marie-Antoinette désirait faire construire, comme pour le Prince de Condé à Chantilly en 1775, un petit hameau. En 1783, Richard Mique conçoit les plans d’un petit village idyllique.
Autour d’un étang artificiel, il va faire ériger douze chaumières agrémentées de potagers, de vergers, d’une ferme pour produire du lait et des œufs pour la reine et de petits jardins clos ainsi qu’un phare et un moulin. La plus importante de ces maisons est la Maison de la Reine au centre du hameau.
Le Petit Trianon et ses jardins ont été talentueusement représentés par le peintre et dessinateur Claude-Louis Châtelet, à la demande de la reine dont il était l’un des artistes favoris.
Le jeu de bague chinois, inauguré au printemps 1777 à proximité du petit château, était un manège surmonté d’une immense ombrelle de six mètres de diamètre tournant sur un pivot. Le mât était soutenu par trois sculptures de Chinois, en chêne des Vosges et de Hollande, et au sommet tournait une girouette ornée de deux dragons dorés. Les joueurs prenaient place sur quatre chimères à cornes de cuivre, les joueuses sur des paons, et s’amusaient à décrocher, avec des lances de cinquante centimètres de longueur, les anneaux de métal suspendus. Le mécanisme, mû par deux serviteurs, avait été installé dans une fosse et son entretien délicat avait été confié à l’ingénieur royal Jean-Tobie Mercklein.
En 1781, on compléta l’ensemble par une petite galerie semi-circulaire en treillage, surmontée d’un toit de pagode chinoise et dont le salon central ovale était meublé de douze bancs de bois peint avec des dossiers à entrelacs chinois, pour le confort des spectateurs. Lors de travaux réalisés dans le château de Gabriel l’année suivante, on créa en sous-sol une galerie qui permet un accès direct, sous le perron menant au jeu de bague, à une porte placée sur le demi-palier de l’escalier central.
Ce divertissement avait des détracteurs, qui critiquaient sa « frivolité » et reprochaient l’opposition de style avec le château tout proche. C’est sans doute aussi ce jeu qui participa aux reproches faits à la Reine lors de sa disgrâce.
À la Révolution, le jeu de bague fut démonté et vendu en pièces détachées pour le tiers de son prix. Napoléon en fit réaliser une réplique assez exacte en 1810 pour sa nouvelle épouse Marie-Louise, petite-nièce de Marie-Antoinette. On avait conservé les sculptures de Chinois, mais les animaux étaient désormais des cygnes et des aigles, oiseaux favoris de l’époque impériale. La fosse était un peu plus grande et le mécanisme plus sophistiqué. Le mât supportant le parasol duquel pendait seize sonnettes de buis était surmonté d’un dragon ailé. Le budget de 20 000 francs ayant été dépassé, il ne fut pas possible de rétablir la galerie de Marie-Antoinette, on installa simplement une balustrade.
Le jeu de bague disparut au milieu du XIXe siècle, mais la galerie de liaison avec le château a été restaurée en 2008. On a planté en 1988 un tilleul, puis, huit ans plus tard, à sa place, un jeune tulipier au centre d’un cercle de gazon, pour représenter l’ancien mât et le plateau du jeu de bague.
L’architecte Mique reprit un projet du comte de Caraman qui avait souhaité installer une ruine sur le modèle du temple de Balbec : un édifice rectangulaire orné de vingt-quatre colonnes et de bas-reliefs, dont l’entour serait semé de débris, de tambours renversés, de fragments de corniches et d’architraves. Un salon y serait aménagé au rez-de-chaussée, qui permettrait une vue sur le hameau et, au-delà, le village de Saint-Antoine-du-Buisson. Cette fausse ruine, qui se serait située sur le grand rocher un peu à l’écart du hameau, au sud du bois des Onze-Arpents et à l’est du Grand lac, n’a finalement jamais été édifiée, bien qu’on la trouve sur certains plans de 1786-1788. Elle a néanmoins été reprise dans l’histoire des Fantômes du Trianon.
De même, un pavillon chinois de forme trilobée portant le nom de « Solitude » devait être édifié au centre du bois des Onze-Arpents, dans l’un des premiers projets de Richard Mique. Si le projet n’a finalement jamais été réalisé, le jardinier Alain Baraton en a reconstitué le tracé en gazon lors des replantations de 1999 et a créé les trois parterres qui apparaissent sur les plans de Mique.
La Porte Saint-Antoine
Il existait une porte à l'extrémité de l'allée Saint-Antoine, qui ouvrait sur le village de Saint-Antoine-du-Buisson. Lors d'une de ses visites des travaux de construction du hameau, le roi Louis XVI trouva qu'il manquait quelque chose au tableau. Il décida d'élever un arc de triomphe qu'il dessina lui-même. Le monument fut édifié de juillet 1786 à juin 1787. Il est orné à la clef et sur ses deux faces d'une dépouille du lion de Némée qui fut tué par Hercule. Cette sculpture de Joseph Deschamps est l'emblème de la force et elle est représentée dans d'autres endroits du domaine, marquant symboliquement l'entrée dans un univers dompté par les rois.
Château du Petit Trianon
Le château du Petit Trianon est un château situé dans le domaine du Petit Trianon, au sein du parc de Versailles, dans les Yvelines, en France. Construit par l’architecte du roi Louis XV, Ange-Jacques Gabriel, de 1762 à 1768, il est considéré comme un chef-d’œuvre du néoclassicisme, alliant le goût le plus moderne et l’intégration à la nature environnante.
Édifié pour madame de Pompadour qui meurt avant de le voir achevé, il est inauguré par madame du Barry en 1768, presque vingt ans après les premiers aménagements du Nouveau jardin du roi. Car, s’il est le plus imposant du domaine du Petit Trianon, il n’en est pourtant pas le premier bâtiment, mais se situe au contraire dans la continuité d’un projet qui s’étale sur quatre décennies. Il est offert par Louis XVI, dès son avènement, à sa jeune épouse Marie-Antoinette qui lui donne son empreinte, associant pour toujours, dans l’imaginaire du public, l’édifice et la Reine.
De plan carré de vingt-trois mètres de côté, l’édifice doit sa particularité à ses quatre façades comprenant cinq hautes fenêtres scandées par des colonnes ou pilastres de l’ordre corinthien. En raison de la déclivité du terrain, le rez-de-chaussée du château n’est accessible que par les faces donnant sur le sud et sur l’est ; cet étage est réservé au service. L’étage « noble », où l’on entre par le grand escalier d’un vestibule conçu comme une cour intérieure, comprend les pièces de réception et l’appartement de la Reine. Un entresol de trois pièces abrite la bibliothèque de Marie-Antoinette. En attique, plusieurs logements autrefois attribués à Louis XV et sa suite accueillent aujourd’hui l’évocation des « Dames de Trianon », ces femmes qui ont imprégné ces murs de leur marque.
La décoration, confiée par l’architecte Gabriel à Honoré Guibert, est entièrement basée sur la nature et le goût de l’antique. Véritable prolongement architectural des jardins avoisinants, le château est orné de sculptures de fleurs et de fruits, les peintures sont des allégories des saisons ou des fleurs, les meubles sont agrémentés de motifs champêtres.
Symbole d’une monarchie nouvelle, qui aspire à plus d’intimité et de quiétude que la représentation permanente imposée par Louis XIV, le château du Petit Trianon est aussi la fragilité du système que condamne la Révolution française de 1789. Néanmoins épargné par les années, il demeure le « château des femmes », bénéficiant au XIXe siècle de l’engouement des souveraines Marie-Louise, Marie-Amélie et Eugénie. Les campagnes de restauration réalisées au début du XXIe siècle lui redonnent l’allure qu’il avait le jour où Marie-Antoinette le quitte pour la dernière fois, comme si le temps s’était arrêté.
Classé avec le château de Versailles et ses dépendances au titre des Monuments Historiques par la liste de 1862 et par arrêté du 31 octobre 1906, il est également inscrit au patrimoine mondial de l’Unesco depuis 1979. Il est aujourd’hui ouvert au public dans le cadre du musée national des châteaux de Versailles et de Trianon, au sein du Domaine de Marie-Antoinette.
Construction
Le roi Louis XV dont la personnalité triste et secrète confine à l’ennui, décide en 1749 de reprendre possession de Trianon, qu’il « aimait tant » étant enfant, mais dont les douleurs ressenties en ce refuge à l’occasion de plusieurs deuils l’avaient éloigné. Encouragé par sa favorite, madame de Pompadour, il fait bâtir, sur de nouvelles parcelles au nord-est du château de marbre, quelques bâtiments permettant de renouer avec l’idée d’une petite fantaisie de campagne qui avait autrefois prévalu au Trianon de porcelaine de son aïeul. Une ménagerie est consacrée à des animaux de ferme et de basse-cour et deux petits pavillons sont édifiés au sein d’un nouveau jardin à la française.
Cet espace jardinier, Nouveau jardin du roi, qui permet au Roi d’aspirer à son goût pour la botanique et l’horticulture, ne suffit bientôt plus et l’on commence dès 1758 à réfléchir à la construction d’un petit château de campagne afin de fermer la perspective des parterres à la française. Les premières ébauches s’inspirent du tout nouveau château de l’Hermitage du prince de Croÿ conçu selon un plan centré.
Le projet est retardé par la guerre de Sept Ans, mais ces événements permettent d’accroître le temps de réflexion et de fixer les hésitations des premiers plans. Celui de 1761 ne comprend que trois fenêtres par façade. Seule celle sur le jardin botanique présente quatre croisées sans ressaut, mais est mal adaptée au nivellement. Chaque croisée centrale est sommée d’un fronton circulaire, le tout étant richement orné, voire surchargé. Les proportions sont mal équilibrées et les escaliers trop modestes. Cela ne convainc pas et ne parvient pas à surmonter les indécisions dont le Roi est souvent l’objet.
L’idée, qualifiée plus tard de « géniale », est de porter à cinq le nombre de croisées par façade, permettant à l’édifice de gagner en majesté par rapport aux premières ébauches et de satisfaire les exigences du terrain. On conserve le principe de quatre pilastres ou colonnes, selon l’orientation cardinale, qui viennent scander régulièrement les hautes fenêtres. La stéréotomie est finalement préférée, caractérisée par un décor ornemental uniquement géométrique. L’édifice est de plan carré et les dimensions, de douze toises par côté, sont fixées par la largeur du jardin à la française. C’est le choix d’un ordre colossal qui confère au bâtiment, malgré ses dimensions modestes, un caractère monumental tout en conservant l’harmonie des proportions.
La décision finale intervient le 20 mai 1762 et 700 000 livres sont affectées à la construction dès la signature du traité de Paris mettant fin à la guerre de Sept ans. Le chantier de ce qui porte encore le nom de « Pavillon du Roi » est confié à Louis Le Dreux de La Châtre, l’un des meilleurs architectes de l’équipe d’Ange-Jacques Gabriel. Soixante-quinze tailleurs de pierre et cent vingt maçons sont mobilisés. Les fondations sont faites fin 1762. Le gros œuvre s’étend sur les deux années suivantes et l’édifice est couvert en 1764. Lors des campagnes de 1765 à 1768, on réalise les sculptures, la menuiserie, la serrurerie et la peinture. Afin de donner un air nouveau à la décoration, on préfère aux traditionnels sculpteurs du Roi, Jacques Verbeckt et Jules-Antoine Rousseau, un nouvel artiste, Honoré Guibert, qui travaille « dans le goût grec ».
S’il est qualifié de chef-d’œuvre, le bâtiment ne l’est pourtant ni pour son innovation ni pour son originalité. L’architecte, plus simplement, a su assimiler diverses références, s’inspirer des inventions et des courants du moment, assembler les meilleurs modèles des maisons les plus admirées. Cet équilibre, presque évident, entre l’antique et le moderne — deux genres à priori incompatibles — se dissimule derrière une apparente simplicité : dans la nouveauté, Gabriel ajoute à la force et à la noblesse du classicisme hérité de Mansart l’élégance du XVIIIe siècle.
Le château des femmes
Le château n’est achevé qu’en 1768, soit quatre ans après la mort de madame de Pompadour. Il est donc attribué à madame du Barry, nouvelle favorite de Louis XV. Si le Grand Trianon demeure le lieu des fêtes et des réceptions, le Petit devient rapidement un lieu d’intimité. La Pompadour avait marqué le projet d’un raffinement d’avant-garde en matière d’art et de décoration. Le château est voué aux fleurs, ornement principal, mais appartient au roi : au-delà de la symbolique sur les maîtresses royales, la notion d’harmonie entre la décoration et les jardins avoisinants est omniprésente.
Dérogeant à son statut de roi, Louis XV cède son cabinet intérieur, le mieux situé du château, à madame du Barry qui en fait sa chambre, tandis qu’il s’installe à l’attique. Elle est la première à demeurer régulièrement au Petit Trianon, loin de l’hostilité que lui vouent les filles du Roi et les dauphins. C’est dans ce château que le Roi, venu en compagnie de sa favorite le 26 avril 1774, ressent les premiers symptômes de la maladie qui l’emporte deux semaines plus tard. La maîtresse royale, qui a déjà quitté Versailles depuis cinq jours, n’y reparaît plus, ayant reçu du nouveau roi une missive, transmise par le duc de la Vrillière, lui intimant de se rendre au couvent du Pont-aux-Dames.
Pour la première fois, une reine de France devient propriétaire d’un château : en juin 1774, Marie-Antoinette reçoit en cadeau de son époux, le nouveau roi Louis XVI, le domaine du Petit Trianon. Le lieu répond parfaitement à ses aspirations, elle se sent à son aise dans cette atmosphère florale qu’elle a désirée sans pour autant l’avoir décidée : les coupes de fruits sculptées dans les lambris par Guibert, les métamorphoses des divinités en fleurs selon les vœux de Cochin et les pinceaux de Lépicié ou Jollain, les scènes champêtres composées par Lagrenée ou Vien, les jardins fleuris et botaniques sous ses fenêtres dessinés par Richard ou Jussieu, les motifs fleuris des meubles de Foliot ou Joubert, tout concourt à satisfaire l’aspiration de la Reine à s’évader des contraintes de la cour de Versailles vers un univers consacré à la nature.
Durant les premières années, elle ne fait que peu de transformations. Sa tentative de retirer deux tableaux qui heurtent sa pudeur dans la grande salle à manger est vaine. Elle fait simplement inscrire son chiffre dans la rampe de l’escalier et supprimer l’escalier du nord-est. L’installation de glaces mouvantes devant les fenêtres de son boudoir commence néanmoins à faire jaser. Ce n’est que plus tard, après avoir mené à bien son grand projet d’aménagement de ses jardins, qu’elle entreprend quelques rénovations dans ses appartements.
Au mépris du protocole, la Reine prend l’habitude de loger à « son » château, le Roi n’y venant que souper en invité. Les règlements sont faits « au nom de la Reine », et non du Roi ; Marie-Antoinette se comporte comme une simple châtelaine, rompant avec le cérémonial ou les toilettes royales : « Trianon, je n’y tiens point de cour, j’y vis en particulière ». Elle reçoit ses intimes : on joue, on chante, on danse, on fait de la musique, on se promène dans les jardins. Les hommes sont invités mais pas plus que le Roi ne dorment au château. Les femmes sont les maîtresses du lieu et plusieurs d’entre elles logent à la suite de la Reine : Madame Élisabeth, qui veille sur Madame Royale, la comtesse de Polignac, mais aussi la princesse de Chimay, la comtesse d’Ossun ou madame Campan, la femme de chambre. En dix ans, elle séjourne cent seize jours dans son château.
Ce mode de vie, alliance de simplicité apparente, de luxe et de plaisir, est digne d’une jeunesse insouciante. C’est ainsi que se dessine la « légende noire » d’une souveraine qui, ne rêvant que d’intimité, se soustrait au regard du peuple, donnant consistance aux rumeurs les plus terribles.
Le Petit Trianon, abandonné à la suite du départ de la famille royale en 1789, dépouillé de tout son mobilier lors de la vente aux enchères de 1793 et même temporairement transformé en hôtel, est mis à la disposition de Pauline Borghèse, sœur préférée de l’empereur Napoléon Ier, respectant la tradition de cette résidence qui demeure le « château des femmes ». En 1805, on repeint l’ensemble des pièces de diverses teintes de gris. C’est au menuisier Benoît-François Boulard qu’est confiée la mission de remeubler les appartements, dans un style se rapprochant de l’Ancien Régime. L’impératrice Joséphine, qui ne vivra pourtant jamais au château du Petit Trianon, participe au choix des étoffes et du mobilier, que l’on veut plus riches et élégants que sous l’Ancien Régime. Même si l’architecte Trepsat ordonne le retour des toiles déposées au musée de Versailles durant la Révolution, la plupart des cadres demeurent vides durant l’Empire et sont simplement remplacés par des papiers peints représentant des paysages ou vert uni. Les travaux coûtent plus de 150 000 francs. La princesse, qui apprécie fort le château, y séjourne près de deux mois en juin et juillet 1805, puis une dernière fois en décembre 1809, lorsque Napoléon revient à Trianon afin de préparer le domaine pour sa nouvelle épouse.
L’impératrice, l’archiduchesse Marie-Louise d’Autriche, est la petite-nièce de la reine guillotinée par la Révolution française. Son mariage avec Napoléon, qu’on lui a pourtant enseigné à haïr, est aussi une conséquence du « traité de Schœnbrunn », du nom du palais qui a vu grandir Marie-Antoinette. Mais elle s’affranchit de ces symboles et des souvenirs difficiles liés au château, probablement sans même y songer ou par inconséquence, et se plaît à Trianon. Du Grand, elle s’évade vers le Petit, qui lui rappelle le château de Laxenburg de son enfance et où elle commence à laisser son empreinte. Elle loge dans la chambre de sa grand-tante, entièrement redécorée d’extravagance, sous un dôme de soie broché d’or qui masque les boiseries originales. Elle reprend le train de vie d’avant 1789 : un jeu de bagues est reconstitué à proximité du château, elle réhabilite le petit théâtre et redonne de somptueuses fêtes dans les jardins.
Avec la monarchie de Juillet, la famille royale s’installe en 1837 au Grand Trianon. Le château du Petit Trianon est attribué au jeune couple alors appelé à succéder à Louis-Philippe : le duc et la duchesse d’Orléans. Ils occupent l’ancienne chambre de la Reine et un appartement de l’attique, conservant en grande partie le mobilier de l’Empire qui est néanmoins ré-agencé et retapissé. Très vite, avec la fourniture par deux nouveaux ébénistes, Alphonse Jacob-Desmalter et Louis-Édouard Lemarchand, d’un nouveau mobilier de complément, le château est réaménagé pour permettre un confort qu’il n’avait encore jamais connu. Il est aussi adapté aux commodités modernes, avec la création de deux petites salles de bain au centre de l’édifice et d’un escalier privé en colimaçon permettant une meilleure communication entre les appartements des époux. La demeure n’est plus un palais royal mais une demeure de campagne, adaptée au goût du moment. La duchesse, qui continue de séjourner à Trianon après la mort accidentelle de son mari, n’a pourtant plus le goût de ce château qu’elle trouve triste, se considérant elle-même « en exil ». Le lieu tombe en oubli après le départ de cette dernière princesse.
L’impératrice Eugénie de Montijo éprouve pour Marie-Antoinette une sympathie proche de la dévotion et lui voue un véritable culte, à tel point que l’on retrouve ce besoin d’identification, poussé jusqu’au syncrétisme, dans des toiles de Franz Xaver Winterhalter la mettant en scène dans une évocation des jardins du Petit Trianon ou dans une robe de style fin XVIIIe siècle de la Reine. À l’occasion de l’Exposition universelle de 1867, l’Impératrice souhaite organiser une rétrospective en hommage à la souveraine, se félicitant que « son âme, après plus d’un siècle d’errance, regagne enfin son havre de Trianon ». Eudore Soulié, premier véritable conservateur du château de Versailles, est chargé de rassembler les œuvres. Sur les directives de Louis-Joseph Napoléon Lepic, aide de camp de Napoléon III et superviseur du chantier, le petit château est vidé de son mobilier Empire, les façades nettoyées, les peintures raccordées, les sols abîmés remplacés et les portes réparées. À défaut d’une exactitude historique, le premier étage est entièrement garni de 144 objets « ayant été ou présumés avoir été à l’usage de la Reine ». La restauration coûte 5 000 francs. À la suite de cette manifestation, le Petit Trianon devient un musée consacré au XVIIIe siècle et à Marie-Antoinette, reine dont le mythe commence à s’imposer peu à peu.
Pendant plus d’un siècle, le château n’est l’objet que de peu d’attention, malgré les efforts des conservateurs, architectes et historiens pour rendre la présentation plus conforme à ce que révèlent les archives. Mais le regain de popularité de Marie-Antoinette dès la fin du XXe siècle, accompagné de la sortie de succès cinématographiques qui lui sont consacrés et qui participent à la propagation du mythe, a porté à nouveau la lumière sur ce petit château de campagne d’une reine de France tour à tour adulée et conspuée, qui a, sans qu’elle ne s’en rende compte, contribué à son destin tragique.
Description
Le style néoclassique est en rupture totale avec le style rocaille du Pavillon français, construit par le même architecte en 1750. Inspiré par l’architecture néo-palladienne et peut-être de dessins de Jean-François Chalgrin, le bâtiment, de plan carré et surmonté d’une balustrade, s’élève sur trois niveaux et représente une surface totale de 1 458 m2. Entouré de jardins, il est visible de tous côtés, cette forme devant connaître un grand engouement jusqu’à la fin du XVIIIe siècle. Ses quatre façades comparables cachent cependant de subtiles différences, exigées entre autres motifs par la déclivité du terrain. Celle donnant vers l’ouest, c’est-à-dire sur le Jardin français, est la plus riche : elle est ornée d’un avant-corps de quatre colonnes isolées de style corinthien surmontées de chapiteaux. Du côté de la cour sud, le rez-de-chaussée est à bossages horizontaux, alors que le grand étage et l’attique sont scandés de pilastres corinthiens. La façade donnant sur le nord est de même composition, mais ne comportant que les deux étages supérieurs, et ouvre sur le Jardin anglais par deux rampes comparables à celles du nord. La façade orientale sur l’ancien jardin botanique possède un accès en rez-de-chaussée, lui aussi à bossages horizontaux créant une base continue, mais reste dénuée de colonnes ou pilastres, la principale décoration étant destinée aux jardins d’agrément, au détriment des serres et plates-bandes réservées à l’étude. Les sculptures ornant les corniches, architraves et cadres des croisées sont néanmoins identiques sur les quatre faces, marquant une certaine sévérité de ce retour à l’antique. Le comble plat à l’italienne est dissimulé par une balustrade en guillochis percés à jour.
La décoration est marquée par une subtile évolution de l’art et non par une victoire absolue de la modernité ; si subsistent certaines habitudes anciennes, comme la coquille ou les trophées d’Amour, elles côtoient des formes nouvelles, dans la sculpture ou la menuiserie, dont les motifs sont directement inspirés des jardins de Trianon, tels que les guirlandes de feuilles ou la profusion de fruits.
Le rez-de-chaussée, accessible seulement depuis les côtés du sud et de l’est en raison du dénivelé du terrain, abrite essentiellement les communs. Le jeu des terrasses permet de dissimuler les circulations nécessaires au service du Petit Trianon, et, en particulier, la communication avec les édifices annexes, comme le théâtre ou la chapelle. Au premier étage se trouvent les pièces de réception et l’appartement de la Reine. À l’attique se situent l’appartement du Roi et ceux des invités. Par le perron on accède directement à l’étage noble. Semblant ouvert sur les jardins, l’étage des salons est en fait situé au-dessus d’un rez-de-chaussée qui donne, du côté de Versailles, sur une petite cour d’honneur rectangulaire arrondie aux angles, réaménagée du temps de Marie-Antoinette, encadrée d’un petit mur et d’une haie de charmilles et fermée par une grille vert tendre flanquée de deux guérites pour les sentinelles. En face se trouve l’avenue du Petit Trianon qui permet de rejoindre le château de Versailles.
On accède au rez-de-chaussée, qu’on appelle au XVIIIe siècle « les souterrains », par le vestibule ouvrant par deux portes sur un modeste perron de la cour d’entrée, au sud du château. À gauche se trouve la salle des gardes et à droite, la salle de billard, le reste étant réservé à l’usage du service. Affecté, avant la restauration achevée en 2008, à l’accueil du public et aux services, cet étage retrouve sa destination première ; l’entrée se fait comme à l’ancien temps par la maison du Suisse.
Vestibule
Départ de la rampe.
Du vestibule, on accède à l’escalier d’honneur du château, tournant à deux volées droites, construit en pierre calcaire de Saint-Leu et orné d’une rampe en bronze doré et fer forgé, œuvre des serruriers Louis Gamain et François Brochois. Son dessin est ample et scandé de médaillons ovales à tête de coq, qui portaient à l’origine le chiffre de Louis XV, remplacé ensuite par celui de Marie-Antoinette, les lettres M et A entrelacées. Le décor mural est simplement traité en pierre de taille, formant une transition ornementale entre l’intérieur et l’extérieur. Le sol est carrelé de marbre blanc veiné et vert Campan, couleur rappelant les verdures des jardins.
Située en retrait sous les volées de l’escalier, une porte donne accès au réchauffoir couvert d’une voûte surbaissée. Sur le demi-palier de l’escalier à la septième marche, une autre petite porte, à gauche, permet de rejoindre l’ancienne galerie chinoise du jeu de bague par un long corridor créé en 1781 — transformation la plus importante apportée par Marie-Antoinette au château —, et situé sous la terrasse faisant face au Jardin français.
Salle des gardes
Un premier projet de 1763 prévoit dans cette grande salle du rez-de-chaussée une bibliothèque botanique, qui n’est finalement pas réalisée, et l’on y trouve, jusqu’au milieu du XIXe siècle, les gardes du corps. Pour cette raison, le décor est simple : les murs sont décorés d’une fausse coupe de pierre et le parquet est fait de grosses planches. On y avait installé quelques lits avec matelas et couvertures, de même que des meubles de rangement.
Avec la restauration de 2006–2008, la salle sert d’entrée aux visiteurs du domaine, par un couloir, autrefois fermé, qui la relie au jardin de la chapelle. Les deux tableaux exposés, du peintre autrichien Johann Georg Weikert, ont été commandés pour être placés dans la grande salle à manger du premier étage et représentent tous deux le spectacle qui avait été donné le 24 janvier 1765 à Schönbrunn en l’honneur du second mariage de Joseph II, avec la princesse de Bavière. Marie-Antoinette avait demandé à sa mère Marie-Thérèse la réalisation de copies de ces deux toiles qu’elle affectionnait ; sur l’une d’elles, elle apparaît à l’âge de dix ans dansant avec ses frères un ballet-pantomime de Gluck, l’autre représente ses sœurs aînées interprétant quatre Muses dans un opéra. Elle reçoit le 18 mars 1778 ces œuvres dont elle dit : « Ils augmenteront bien le plaisir que j’ai quand je suis à Trianon ».
Salle de billard
Dans cette pièce d’angle du rez-de-chaussée se dresse à l’origine le billard de Louis XV, disparu. Celui commandé par Louis XVI en 1776 à Antoine-Henry Masson, paumier-billardier du Roi, d’une dimension de 414 par 219 cm, est constitué de chêne massif et d’ivoire, avec quinze pieds tournés. Il est accompagné de vingt plaques de fer pour les bougies, de douze billes d’ivoire pour la Guerre ou la Carambole et d’une trentaine de queues, pour un coût total de 3 000 livres. En 1784, Marie-Antoinette le fait transférer au premier étage et on le remplace par un autre billard, de moindre élégance, pour les officiers de la garde. Il est adjugé pour 600 livres à une brocanteuse du nom de Rouger en 1794 lors des ventes révolutionnaires.
Le billard d’origine n’ayant pas été retrouvé, une restitution est entreprise, en 2005, dans le cadre d’un mécénat de compétence d’une valeur de 50 000 euros avec l’entreprise Chevillotte, en respectant les matières d’origine et les couleurs initiales. Après avoir été exposé dans les Petits appartements du Roi du château, il retrouve sa place originelle en 2008.
Les murs sont entièrement lambrissés et le parquet à point de Hongrie a lui aussi été restitué selon les plans initiaux. Sur la cheminée est exposé un buste de plâtre de Marie-Antoinette d’après l’œuvre en marbre de Louis-Simon Boizot, qui avait été commandée en 1781 par le comte de Vergennes, secrétaire d’État aux Affaires étrangères. Deux toiles sont accrochées au mur : l’une, d’Élisabeth Vigée Le Brun représente la Reine et l’autre, la famille royale.
Réchauffoir
La principale des pièces du rez-de-chaussée affectées au service est la cuisine centrale, ou « grand office », accessible depuis le vestibule par une galerie intermédiaire. Deux petites réserves d’office lui sont rattachées. À partir de 1770, elle devient plus exactement un réchauffoir, surtout destiné à parfaire la préparation des plats qui sont confectionnés dans les communs. En effet, afin de ne pas incommoder les occupants du château par des nuisances, les véritables cuisines se trouvent dans une vaste aile à proximité du château reliée au réchauffoir par une longue série de couloirs abrités. Sa large voûte plate surbaissée, en pierre de taille, créée par Gabriel, est considérée comme un chef-d’œuvre. On y trouve une grande cheminée à hotte à la grecque et un fourneau maçonné destiné à réchauffer les plats. Marie-Antoinette le fait supprimer en raison des odeurs qui s’en dégagent et la pièce est affectée aux « femmes de la Reine ». Il est restitué en 2008 sur le modèle de celui, d’origine, situé au hameau de la Reine et l’on installe des tables et des ustensiles de cuivre dans le style de l’époque.
Cheminée.
Fourneau.
Fruiterie
Louis XV souhaite faire installer des « tables volantes », comme il en existe au château de Choisy, permettant de faire apparaître au centre de la salle à manger du premier des tables préalablement garnies à l’étage inférieur. C’est l’inventeur Loriot qui est le concepteur de ce mécanisme par lequel on peut mouvoir, en montant ou en descendant, une ou plusieurs tables, se substituant ainsi à une pièce de parquet de même dimension en forme de rose. Ce dispositif procure le double avantage de surprendre les convives et de préserver l’intimité des conversations en supprimant la présence des domestiques et les regards indiscrets. L’exposition du procédé est faite au Louvre en mai 1769 et la réalisation pour Trianon est confiée au serrurier Gamain et au mécanicien Richer. Pour permettre l’installation des poulies et des contrepoids pour les deux tables prévues, deux pièces du rez-de-chaussée lui sont dévolues, ce qui entraîne un premier agrandissement des offices dès 1770. Cependant, en raison du coût élevé de ce mécanisme, son installation est annulée, le 16 mars 1772, par une lettre de Marigny à Loriot. Seuls sont réalisés quelques aménagements, en particulier la trémie que l’on aperçoit dans le plafond, et son inventeur est indemnisé.
Les deux petites pièces redeviennent de simples salles d’offices et deux meubles de rangement de la fruiterie ont été restitués d’après les plans d’époque, de même que la cheminée. Un étroit escalier permet d’accéder à deux petites caves, les seules du château, où aurait dû être installée la machinerie assurant le fonctionnement de ces « tables volantes ». C’est à l’arrière de la fruiterie qu’est réalisée en 1782 une galerie qui mène au jeu de bague.
Y ont été installées des bornes multimédia qui offrent aux visiteurs des informations sur le Petit Trianon, et en particulier sa construction et sa récente restauration, ainsi qu’une modélisation en trois dimensions du premier étage.
Salle de l’argenterie
On conserve dans cette salle la vaisselle et l’argenterie du Petit Trianon. Une partie est transférée dans les communs lors de l’extension de ces derniers. De grandes armoires permettent de réserver les pièces commandées par la Reine. Restituées en 2007 selon des modèles de l’ébéniste André-Jacob Roubo, elles exposent désormais quelques éléments de grande valeur, comme un service « à attributs et groseilles » de Louis XV ou celui « à perles et barbeaux » de Marie-Antoinette, de même que certaines pièces du XIXe siècle. Le premier est un service de porcelaine commandé en 1763 pour divers châteaux du Roi, transféré à Trianon en 1769 et complété jusqu’en 1790. Il provient de la Manufacture de Sèvres et est décoré, vraisemblablement par Charles Buteux, actif à la manufacture entre 1756 et 1782, de trophées civils ou militaires. Le second, de même provenance, contient 295 pièces et est livré à la Reine le 2 janvier 1782, pour un montant de 12 420 livres. Son décor, imaginé par le peintre Michel-Gabriel Commelin et réalisé par Jean-Nicolas Lebel, est très à la mode, formé d’une large frise d’un semis de bleuets avec un rang de perles blanches, dans la lignée du service commandé l’année précédente pour quinze convives et représentant des cartels roses et barbeaux sur fond blanc. La dorure est exécutée par Jean-Pierre Boulanger.
Salle du mécanisme des glaces
Le mécanisme des glaces mouvantes du boudoir.
Sous Louis XV, la petite pièce au nord-est comporte un escalier qui mène aux cabinets du roi du premier étage. Il est supprimé en 1776 et la pièce devient un simple dépôt ; on y installe le mécanisme des « glaces mouvantes » du boudoir de la Reine, situé au-dessus. Celui-ci est réalisé, pour un coût de 24 470 livres, par Jean-Tobie Mercklein, ingénieur royal des Menus-Plaisirs et concepteur quelques années auparavant du jeu de bague et le maître serrurier de la Couronne Jacques-Antoine Courbin. Vendu à la Révolution, ce système de poulies quasi théâtral est restitué en 1985, rendu totalement opérationnel et même modernisé par son électrification.
Sont aussi exposées dans cette salle deux vitrines présentant un ensemble d’outils de jardinage, vraisemblablement utilisés dans le hameau de Marie-Antoinette.
Sur le palier du premier étage se trouve un bas-relief, placé entre les deux fenêtres, représentant une tête de Méduse « semblant interdire l’accès aux importuns », et achevé en 1765 par Honoré Guibert, qui a exécuté toutes les sculptures du Petit Trianon. À la manière d’une cour, confortant l’impression d’espace extérieur, les fenêtres intérieures donnant à la fois sur les petits appartements de service et sur l’entresol sont intégrées dans une véritable façade de même calcaire fin que l’édifice, avec balustrades forgées et œils-de-bœuf encadrés de festons de feuille de chêne fouillés dans la pierre. La porte-fenêtre centrale, donnant sur le vide de l’escalier, est cintrée et munie aussi d’un garde-corps forgé. Sur les deux murs latéraux, des guirlandes de laurier pendent sous les panneaux appelés « tables », en ressaut, surmontées d’un entablement néoclassique. Les quatre portes sont rehaussées de tympans.
Par la porte de gauche de l’escalier d’honneur, on peut monter à l’entresol et à l’étage d’attique ; par celle de droite, on accède à l’antichambre des salles de réception et à des pièces plus intimes. Le sol de tout l’étage est couvert d’un parquet Versailles. L’antichambre et les salles à manger ouvrent directement, par les quatre grandes portes-fenêtres donnant vers l’ouest, sur un perron permettant d’accéder au Jardin français. La plupart des fenêtres du premier étage, à l’origine composées de petits carreaux, sont transformées sous Marie-Antoinette en grandes glaces ouvrant sur les jardins, pour augmenter la luminosité des pièces mais aussi pour permettre une meilleure vue vers l’extérieur.
Antichambre
Le décor de l’antichambre est sobre. Les murs sont lambrissés sur toute leur hauteur et peints en vert d’eau réchampi de blanc. Le 22 mars 1768, Louis XV commande à Jacques-Philippe Caresme deux tableaux destinés à garnir les dessus-de-portes, dans l’inspiration des Métamorphoses d’Ovide, selon les instructions du secrétaire de l’Académie royale, Charles-Nicolas Cochin, qui « souhaite que le sujet puisse entrer dans les fleurs ». Le premier, Myrrha métamorphosée en arbuste, représente Myrrha, future mère d’Adonis, changée en arbre à myrrhe pour échapper à son père incestueux Théias, roi de Syrie. Le second, disparu à la Révolution française, est une représentation de Nymphe métamorphosée en menthe, Proserpine irritée d’avoir surpris Pluton avec la fille de Cocyte, la change en menthe et son frère en baume sauvage pour avoir favorisé les amours de sa sœur.
L’antichambre est parfois appelée « salle des buffets » ou « salle des poêles ». En effet, dès l’origine, deux gros poêles de faïence sont disposés de chaque côté de la porte menant à la salle à manger, qu’ils contribuent aussi à chauffer sans gâter la luxueuse décoration de ce lieu de réception. Démontés lors de la Révolution, ils sont remplacés en 1805 par deux nouveaux appareils de chauffage à mosaïque unie du poêlier-fumiste Joseph-Marie Trabuchi. Ils laissent ensuite la place à deux fausses portes revêtues de miroirs, restituées au XXe siècle. Entre ces deux périodes, Louis-Philippe fait installer à leur emplacement des panneaux sculptés provenant du Salon frais.
Deux bustes de marbre de Louis-Simon Boizot de soixante-dix centimètres, commandés par Marie-Antoinette en 1777 à l’occasion de la visite de son frère, sont disposés sur des gaines de chêne sculpté peint et doré, de chaque côté de la porte-fenêtre ouvrant sur le Jardin français, et représentent Joseph II du Saint-Empire et Louis XVI, portant tous deux l’ordre de la Toison d’or et le Roi, le cordon de l’ordre du Saint-Esprit.
Une des toiles les plus connues représentant Marie-Antoinette est exposée dans l’antichambre. Cette huile sur toile d’Élisabeth Vigée Le Brun, peintre attitré de la Reine malgré la cabale menée par Adélaïde Labille-Guiard, est surnommée Marie-Antoinette à la rose. Créée en 1783, elle est l’une des cinq répliques du portrait officiel de 1778 réalisées par l’artiste elle-même ; dans la première, qui fait alors scandale, la Reine pose en robe de gaulle et en chapeau de paille, préfigurant son goût pour le hameau que l’on construit à proximité.
Grande salle à manger
Grande salle à manger du Petit Trianon.
L’antichambre ouvre sur la grande salle à manger, véritable laboratoire de dégustation des fruits et légumes cultivés dans le domaine. Son décor est entièrement consacré à la nature, selon le vœu de Louis XV d’une harmonie végétale entre la décoration intérieure du château et ses jardins. On y retrouve, comme dans les deux pièces voisines, des lambris richement sculptés par Honoré Guibert représentant, dans leur partie basse, des entrelacs de fruits. Sur les panneaux hauts, flambeaux et carquois pendent de couronnes de fleurs. La cheminée de marbre bleu turquin, de Jacques-François Dropsy, figure des trophées et guirlandes de fleurs et de fruits. Elle est surmontée d’un miroir orné de pampres de vigne tenus par un mascaron bachique.
Les sujets des dessus-de-porte, commandés en même temps que ceux de l’antichambre, sont choisis dans un esprit identique : Vertumne et Pomone, Vénus et Adonis, Borée et Orythie et Zéphir et Flore. Les deux premiers, rectangulaires, sont exécutés par Clément Belle, les autres, de forme cintrée, par Charles Monnet, peintres moins en vue que ceux engagés pour les grandes compositions, mais œuvrant tous deux selon les directives de Charles-Nicolas Cochin.
Sur les murs latéraux, chaque arcade percée d’une porte est encadrée de deux vastes toiles représentant des scènes allégoriques autour de la nourriture. La Moisson est exécutée en 1769 par Lagrenée et montre Cérès et le roi Triptolème enseignant la culture du blé. La Chasse est commandée à Vien, directeur de l’Académie de Rome, qui représente en 1773 Diane et ses nymphes ordonnant le partage du fruit de sa chasse entre les bergers. À la mort de Louis XV, les deux derniers tableaux ne sont pas achevés, ce qui provoque une confusion entre les peintres contemporains. La Pêche est figurée par Doyen, Neptune et Amphitrite, accompagnés d’un cortège de nymphes et tritons, offrant aux hommes les richesses de la mer. Enfin, la quatrième toile, exécutée par Hallé et représentant La Vendange et le triomphe de Bacchus avec les paysans cultivant le raisin, soulève la critique et on la remplace quelque temps par une œuvre de Pierre sur le même thème.
Le roi Louis XV soupe pour la première fois dans cette salle à manger en septembre 1769, sur un fauteuil de damas de Gênes cramoisi entouré d’une vingtaine de chaises. Marie-Antoinette, après avoir pris possession du domaine, souhaite retirer les deux derniers tableaux, appréciant peu la représentation de nus. À cette occasion, elle demande à sa mère Marie-Thérèse deux reproductions de toiles la représentant avec ses frères et sœurs lors du mariage de Joseph II. Mais elle ne parvient pas à imposer le changement de ces toiles qui risque de rompre l’harmonie iconographique mise au point par Cochin et celles de Weikert sont exposées au rez-de-chaussée, dans la salle du billard. Le dernier dîner du couple royal se tient le 24 juillet 1788.
Les quatre tableaux, égarés durant la Révolution française, sont remplacés en 1805 par des toiles à la détrempe de Pierre Drahonet, représentant des architectures en ruines ; elles sont retirées à la Restauration et Louis XVIII fait réaliser en 1819, par François-Louis Dejuinne, quatre toiles sur le thème des saisons mais avec les allégories initiales : le Printemps (Flore et Zéphyre), l’Été (Cérès et Triptolème), l’Automne (Bacchus et Silène) et l’Hiver (Borée enlève Orythie). Terminées en 1825, après la mort du Roi, elles ne sont installées que sous Louis-Philippe et restent en place jusqu’à la fin du XIXe siècle, octroyant à la pièce le nom de « Salon des saisons » ou « Salle à manger aux saisons ».
Au centre du parquet Versailles subsistent les traces d’une trappe, vestige de l’ancien projet de « tables volantes » qui prévoyait de les envoyer, depuis l’étage inférieur, déjà dressées.
Petite salle à manger
La petite salle à manger contiguë devait elle aussi accueillir une des « tables volantes » du projet abandonné de Loriot. Elle sert sous Louis XV aux repas en tête à tête et aux soupers galants. Son décor reprend le thème de la nature et les panneaux sont sculptés de paniers et d’ornements végétaux, à l’égal de l’antichambre, mais dans la seule partie haute des lambris.
Le peintre Jean-François Amand est chargé en 1768 d’exécuter en dessus-de-portes un épisode en trois parties de la légende de l’Amour mais il meurt quelques mois plus tard, avant d’avoir achevé son œuvre. C’est Antoine Renou qui réalise la commande les Amours et les Grâces, mais les tableaux disparaissent à la Révolution française. On installe, sous le règne de Louis-Philippe Ier, trois pastorales de Jean-Baptiste Pater réalisées dans les années 1720 : le Bain, le Concert champêtre et la Pêche, qu’on a longtemps attribuées par erreur à Watteau.
La salle à manger est meublée de dix-neuf chaises, dont une plus haute pour le Roi. La cheminée n’ayant, par omission, pas été commandée en 1766, le sculpteur Jacques-François Dropsy en fournit une, de ses propres ateliers, en griotte d’Italie. En 1784, Marie-Antoinette transforme la petite salle à manger en salle de billard et fait installer dans cette pièce le billard qui se trouve au rez-de-chaussée. Cette destination est conservée au XIXe siècle : un nouveau billard, de dimensions imposantes, réalisé en 1830 par Cosson est mis en place en avril 1836 lors de l’installation de la duchesse d’Orléans. Les sièges Empire sont recouverts de cannetillé vert. Le porte-queue de la veuve Morillon, un guéridon, une table de quadrille et une console complètent le mobilier.
Un portrait dit de la Belle jardinière représentant la marquise de Pompadour par Carle van Loo est exposé sur l’un des panneaux.
Salon de compagnie
Le salon de compagnie est la pièce principale de ce qu’on nomme « les appartements de la Reine ». On peut y accéder directement depuis le Grand escalier par un petit corridor. À l’origine, il est le salon de réception de madame de Pompadour. Il est parfois aussi appelé « Grand salon ».
On retrouve en partie haute des panneaux muraux la coquille traditionnelle, le reste étant dévolue à une décoration raffinée évoquant la nature, avec des chaînes de fleurs et de fruits sculptées par Guibert. Parfaite illustration de l’esprit floral, les deux « L » du chiffre de Louis XV sont formés de feuilles enlaçant trois fleurs de lys au naturel sous une couronne de fleurs. Les soubassements sont finement ouvragés par les menuisiers Jean-Antoine Guesnon et Clicot, avec, sur fond de tournesols, des branches de lys mêlées de couronnes de roses.
La lanterne, commandée par Marie-Antoinette en 1784 pour remplacer l’ancien lustre de Louis XV, est réalisée par Pierre-Philippe Thomire, en émail bleu lapis, verre et bronze ciselé rehaussé d’ors à deux tons représentant des arcs et carquois de l’Amour désarmé. Après avoir été démontée lors des ventes révolutionnaires, la « fameuse lanterne de Trianon » est installée en 1867 dans le grand escalier avant de retrouver sa place originelle lors des restaurations de 2008.
Comme dans les pièces de réception, les portes sont surmontées de toiles commandées en 1768 dans la série inspirée des Métamorphoses d’Ovide. Nicolas-René Jollain réalise les allégories de Clytie changée en tournesol et Hyacinthe changée en fleur. À Lépicié sont confiés les deux autres dessus-de-porte : Adonis changé en anémone et Narcisse changé en fleur.
Marie-Antoinette transforme la pièce en salon de musique où elle aime à retrouver le cercle de ses intimes. Le piano-forte est réalisé en 1790 par Pascal-Joseph Taskin, en bâti de chêne et acajou avec des incrustations d’ébène et de citronnier. La harpe est l’œuvre du luthier de la Reine, Nadermann. Elle est exécutée vers 1780 pour un autre client et est comparable dans sa facture à celle sur laquelle Marie-Antoinette jouait avec un talent hérité de sa formation viennoise. Le goût de la Reine pour ces instruments comme la harpe, le clavecin ou le piano-forte, souvent joués par des femmes, favorise la diffusion de cette musique, que l’on interprète aussi bien dans le cadre intime des sociétés que sur les scènes de concerts. Gautier-Dagoty a réalisé une gouache représentant la Reine jouant de la harpe.
« Malgré les plaisirs du Carnaval je suis toujours fidèle à ma harpe, et on trouve que j’y fais des progrès ».
— Marie-Antoinette à l’impératrice Marie-Thérèse, 13 janvier 1773, in Lettres de Marie-Antoinette, chap. XVIII.
Le mobilier livré en 1769 pour madame du Barry comprend un canapé, six fauteuils, dix-neuf chaises, un écran de cheminée et un paravent. Réalisé par Nicolas-Quinibert Foliot, Pierre-Edme Babel et la veuve Bardou, il est recouvert de pékin bleu peint de fleurs. Il est dispersé lors de la Révolution. Lors du remeublement de l’Empire, on installe des sièges avec des pieds à carquois. Après les vaines tentatives de Vivant Denon, directeur général des musées, de rassembler les toiles d’origine, on installe deux tableaux sur les boiseries du salon de compagnie : Alexandre malade et son médecin Philippe de Jean Restout et Le Jeune Pyrrhus à la cour du roi Glaucias, de Hyacinthe Collin de Vermont.
En mai 1837, une grande table ronde dite « de famille », avec des pieds à griffes, est livrée par Alphonse Jacob-Desmalter ; trop imposante, elle est peu adaptée au raffinement du salon. Les actuels sièges et rideaux en damas de Lyon de trois couleurs en dominante cerise sont une restitution de l’apparat textile que l’on trouve dans les appartements royaux du XVIIIe siècle. Les toiles en dessus-de-porte ont retrouvé leur place d’origine.
Boudoir
Cette petite pièce de l’angle nord-est du château n’est à l’origine destinée qu’à permettre le passage entre le rez-de-chaussée et les appartements privés du Roi situés en entresol ou en attique. Elle est certainement la pièce de « café du Roi ». L’escalier est en demi-cercle et occupe une large moitié de l’espace. On y trouve un canapé en gros de Tours vert ainsi qu’une table encastrée de Riesener. Le café est à la mode à la cour de Versailles ; le Roi torréfie lui-même les quelques livres récoltées dans son jardin expérimental de Trianon et prépare en personne sa boisson favorite qu’il partage avec sa famille, en contemplant les serres de son jardin botanique.
En 1776, Marie-Antoinette fait transformer l’endroit en boudoir. L’escalier est supprimé et l’on installe un mécanisme ingénieux permettant d’obturer par de grands miroirs s’élevant du sol les deux fenêtres de cette pièce, qui est directement accessible depuis le perron est donnant sur le jardin fleuriste de Louis XV, futur jardin anglo-chinois. La mécanique est installée à l’étage inférieur sous la direction de l’ingénieur des Menus-Plaisirs, Jean-Tobie Mercklein. On appelle dès lors ce boudoir le « Cabinet des glaces mouvantes », dans lequel la Reine vient rechercher intimité et discrétion, mais dont elle peut aussi sortir facilement par le perron pour accéder aux jardins, en toute indépendance.
En 1787, Marie-Antoinette demande à son architecte Mique de redessiner la décoration de cette pièce, bien que jusque-là « élégamment décorée ». Les frères Jules-Hugues et Jean-Siméon Rousseau réalisent des lambris richement ouvragés dans un style arabesque : les sculptures se détachent en blanc sur un fond peint de bleu, à la manière des camées de Wedgwood, marque du nouveau goût de la France pour l’anglomanie. On y retrouve la part importante laissée aux fleurs, dans l’inspiration des jardins alentour. Les panneaux étroits sont agrémentés de bouquets de roses fleuries. Les plus larges montrent l’écu fleurdelisé soutenu par des rubans, avec des cassolettes à fumées légères, des colombes, couronnes et carquois d’Amours. Le chiffre de la Reine apparaît encadré de deux torches amoureuses ornées de roses.
Cette rénovation marque la première étape du renouvellement prévu de l’ensemble des décors des appartements de la Reine, qui est interrompu par la Révolution.
Le mobilier commandé par Marie-Antoinette à Georges Jacob en 1786 se compose d’un lit de repos, de trois fauteuils et deux chaises, le tout couvert d’un poult-de-soie bleu garni d’une broderie de dentelle et de soie. Ce mobilier est dispersé à la Révolution, mais lors de la restauration du château dans les années 2000, on installe des meubles d’origine et de facture comparables, provenant du pavillon du comte de Provence situé près de la pièce d’eau des Suisses. Créés en 1785 par Jacob sur des dessins de l’ornemaniste Dugourc et confectionnés dans les ateliers Reboul et Fontebrune, à Lyon, ils sont recouverts d’un lampas bleu à grand dessin arabesque blanc, représentant des Cyclopes.
Sur la cheminée de marbre blanc à colonnes engagées dans des gaines, installée en 1787, est disposée une reproduction d’une pendule créée pour Marie-Antoinette en 1780 par le sculpteur François Vion et l’horloger Jean-Antoine Lépine, en bronze ciselé doré sur un socle de marbre blanc. Nommée « la Douleur » ou « la Pleureuse d’oiseau », elle représente une jeune femme pleurant la mort de son oiseau posé sur un autel tandis qu’un Amour lui en offre un autre. De part et d’autre sont posés deux bustes en biscuit de Sèvres du XIXe siècle, d’après des modèles de Boizot, représentant la reine de Russie Catherine 1re et son fils Paul 1er.
Le boudoir est vidé à la Révolution de son mobilier et de son système de « glaces mouvantes ». Lors de son installation au Petit Trianon, la duchesse d’Orléans y fait apporter un ensemble de mobilier de forme gondole, composé de deux fauteuils, douze chaises et des tabourets de pied, livré en 1810 par le tapissier Darrac pour le salon de musique du Pavillon français. À l’origine couvert d’un damas bleu et blanc, il est retapissé en 1837 d’une « toile perse fond blanc, rayures à petits bouquets, avec crête à jour en soie lilas et blanche, suspendus à des thyrses dorés ». Un fauteuil d’un genre « fantaisiste et déroutant » est installé dans le boudoir sur instruction de la duchesse, en 1837 : de style gothique tendant vers l’indonésien, il est en bois noirci à montants et traverses torsadés et couvert par le tapissier Perrelle d’une perse capitonnée.
Chambre de la Reine
Cette pièce, de même que le boudoir et le cabinet de toilette voisins, possède un plafond abaissé, permettant de créer le niveau supérieur d’entresol, ce qui accentue la sensation d’intimité. C’est le cabinet de retraite du roi Louis XV. Comme dans les autres pièces, Guibert réalise la décoration sculptée des boiseries, sur le thème des plantes, mêlant paniers et festons surplombés de coquilles. Habitué des chantiers de Gabriel, Médard Brancourt exécute les peintures et les dorures des corniches de plâtre et des lambris de chêne, comme dans tout le château. Les panneaux étroits en pilastres sont plus simplement décorés de roses au naturel et de petits bouquets. Le cabinet comprend quatre trumeaux de glaces. La cheminée de brocatelle d’Espagne, prévue pour le château de Saint-Hubert, y est installée en 1764 après la mort de la marquise de Pompadour, et agrémentée de sculptures de style rococo par Honoré Guibert, lequel livre aussi deux petites consoles. Le cabinet est entouré d’un canapé, deux fauteuils et six chaises en gros de Tours vert et blanc.
Mobilier aux épis créé par Georges Jacob pour la chambre de la reine.
En 1772, la pièce est transformée en chambre pour madame du Barry, qui occupe jusque-là un appartement dans l’attique. On supprime alors deux trumeaux pour y installer le nouveau mobilier commandé aux menuisiers Foliot, verni de blanc par la veuve Bardou et garni d’un pékin blanc peint de fleurs et de tresses de feuilles par le tapissier Capin.
En investissant le château, Marie-Antoinette fait sienne cette chambre. Malgré les écrits postérieurs de sa première femme de chambre, madame Campan, elle souhaite renouveler le mobilier de cette pièce ou, pour le moins, le fait dorer à neuf et recouvrir d’un nouveau pékin peint, en 1776. Elle ne modifie pourtant rien au décor des boiseries sculptées de fleurs. Finalement, elle commande en 1787 à l’ébéniste Georges Jacob un nouvel ensemble dit « aux épis » comprenant : un lit, une bergère, deux fauteuils, deux chaises, un tabouret de pied, un écran de cheminée et un fauteuil de toilette. On retrouve la fantaisie champêtre dessinée par Jean-Démosthène Dugourc. La sculpture de Jean-Baptiste Rode représente des épis de blé liés en spirale par des rubans avec des branches de lierre, des pommes de pin et des brins de muguet. L’étoffe, un basin d’Angleterre, est brodée, dans les ateliers lyonnais de la veuve Marie-Olivier Desfarges, de délicats bleuets et de guirlandes de roses, fleurs préférées de la Reine, qu’elle prend alors plaisir à dessiner en compagnie de son protégé, Pierre-Joseph Redouté, surnommé le « Raphaël des fleurs ». Le lit est sculpté par Pierre-Claude Triquet. L’ensemble des peintures du mobilier est confié à Jean-Baptiste Chaillot de Prusse, artiste peintre, ce qui fait dire au page Hézecques que « la vivacité des couleurs défiait le pinceau le plus exercé ».
Le lit est vendu en 1793 avec le reste du mobilier du Petit Trianon mais n’est pas retrouvé, à l’inverse des autres meubles de cette chambre qui ont repris leur place originale : « un bois de lit en chaire à prêcher, à colonnes et treillages, marié en jasmin et chèvrefeuille, complet de ses étoffes en basin des Indes blanc, brodé en laine avec ses cordons ». Il est remplacé par un lit créé en 1780 pour le château de Fontainebleau et repeint aux couleurs du mobilier d’origine dans le cadre d’une restitution.
Tabouret de pied du mobilier aux épis créé par Georges Jacob. Le tissu est d’origine.
Les dimensions modestes de la chambre et du lit contrastent avec celles de la chambre de la Reine, au château. Cette différence souligne le désir de sérénité de ce « havre de paix », renforcé par la vue du Temple de l’Amour, érigé en 1778. C’est d’ailleurs derrière ces vitres que, durant plusieurs années, la Reine voit se concrétiser son rêve d’un « jardin enchanté où elle peut enfin ôter sa couronne, se reposer de la représentation, reprendre sa volonté et son caprice ». Cette sensation d’un « tableau de maître, d’une vue bucolique » est encore préservée aujourd’hui.
Au XIXe siècle, la chambre est occupée par Pauline Borghèse, sœur de Napoléon, dès 1806. Devenue impératrice, Marie-Louise lui succède. Le plafond est tendu de soie blanche lamée d’or, le tapissier Darrac fournit les tentures de satin bleu ciel avec des galons d’or et l’ébéniste de l’Impératrice, Pierre-Benoît Marcion livre le mobilier autour d’un lit en bois doré à une place, comprenant une commode et un secrétaire ainsi qu’un guéridon en bois doré et marbre blanc et de deux tables de nuit en acajou.
La duchesse d’Orléans, qui s’installe au Petit Trianon, fait modifier le premier étage et, en particulier, fait réaménager en 1837 la garde-robe à chaise, à laquelle on accède depuis la chambre de la Reine par un étroit couloir, qui dessert aussi une salle de bain dans laquelle la duchesse fait installer la baignoire en cuivre étamé, couverte d’une housse de coton à volants. La commode exposée dans cette salle de bain est le premier meuble commandé par Marie-Antoinette lorsqu’elle prend possession du château en 1774 ; réalisée par Daniel Deloose, elle est livrée par Jean-Henri Riesener.
Un lit à deux places d’époque Empire, élargi et restauré par Louis-Édouard Lemarchand, vient remplacer celui de Marie-Louise, en 1838. Il est en bois doré sculpté par Pauwels-Zimmermann et rejoint le mobilier de l’Impératrice, à savoir deux bergères, un pommier, quatre chaises, deux tabourets de pied et un écran de cheminée. L’ancien satin bleu ciel est cependant remplacé par le tapissier Jean-Louis Laflèche par un cannetillé bleu galonné de trois couleurs.
Cabinet de toilette
L’ancienne bibliothèque botanique de Louis XV est, depuis l’époque de Marie-Antoinette, un petit cabinet de toilette, qui ne possède pas de décoration particulière. Marie-Louise acquiert en 1810 des sièges de forme gondole, peints en gris rechampi blanc, recouvert par le tapissier Darrac d’une toile de Jouy à fond vert incrusté d’un médaillon. Les deux fauteuils, quatre chaises et deux tabourets de pied sont regarnis en 1828 par Laflèche d’un damas jaune. En mai 1837, Louis-Édouard Lemarchand livrent plusieurs meubles de palissandre, dont une armoire à glace, un cabinet de toilette et une table à écrire, révélation d’un « style Louis-Philippe » aujourd’hui encore méconnu.
L’entresol des appartements de la Reine — restauré en 2008 et, dès lors, pour la première fois accessible aux visites-conférences — abrite sa bibliothèque ainsi que les chambres des dames d’honneur et de chambre. Il se situe juste au-dessus du boudoir et de la chambre de la Reine. On y accède par le petit escalier qui mène aux appartements d’attique. Trois pièces entresolées donnent sur le jardin botanique, devenu le jardin anglais de Marie-Antoinette, avec, comme point de vue principal, le Temple de l’Amour.
Bibliothèque de Marie-Antoinette
Situé dans la partie nord-est du château, le cabinet d’angle de Louis XV est aménagé sur le palier d’un escalier privé permettant au Roi d’accéder à l’attique depuis le premier étage. L’escalier est supprimé depuis quatre ans, à l’occasion de l’installation des glaces mouvantes, lorsque, en 1780, Marie-Antoinette ordonne à son architecte Richard Mique d’aménager le lieu en bibliothèque. On installe dans cet espace de grandes armoires « peintes en blanc adouci avec des panneaux grillés à mailles de fil de laiton ». Ces armoires, démontées au XIXe siècle, ne sont restituées qu’en 2008 selon les plans de Mique. Les grandes glaces sont encadrées de cuivre et les tiroirs à estampes comportent des boutons représentant un aigle d’Autriche. La bibliothèque est essentiellement formée par Nicolas-Léger Moutard, imprimeur-libraire de la Reine entre 1774 et 1792. Elle est inventoriée lors de la Révolution française, de même que l’ensemble des ouvrages du château, par le comité présidé par l’abbé Grégoire. Ces livres, reliés en plein maroquin de veau fauve ou marbré portent les armes de la reine sur des plats sans or ainsi que les initiales « CT » — « Château de Trianon » — surmontées d’une couronne, sur le dos. La plupart d’entre eux comportent la présentation de leurs auteurs. On trouve, parmi ces 1930 volumes, 1328 consacrés aux belles-lettres (dont 365 au théâtre), 158 aux sciences et 444 à l’Histoire. Selon Mercy, la Reine n’a lu entre 1770 et 1780 qu’une dizaine de livres, en particulier des romans, « n’ayant aucun goût pour les lectures sérieuses [et] ne s’entendant, de tous les arts, qu’à la musique ». Et la composition de cette bibliothèque, de même que celle du boudoir du hameau ou celle du château, est surtout le fait de monsieur Campan, officiellement Secrétaire du Cabinet auprès du bibliothécaire de la reine, ce dernier, d’ailleurs, l’historiographe Moreau, n’ayant aucunement les faveurs de la reine. La Reine ne fréquente sans doute jamais cette pièce, les livres lui étant apportés selon ses désirs.
Chambre de la dame d’honneur
Lors de la construction du château, l’entresol ne possède véritablement qu’une chambre et une antichambre, les deux angles étant occupés par des escaliers. La pièce centrale est réservée aux intimes du Roi et de sa favorite. Marie-Antoinette y loge ses dames d’honneur successives lors des séjours au Petit Trianon, sans doute la comtesse de Noailles, mais surtout la fidèle princesse de Chimay, qui prend cette fonction en 1775 lors de la nomination de la princesse de Lamballe comme surintendante de la maison de la Reine.
Sous l’Empire, la chambre est attribuée à la demoiselle de compagnie de la princesse Borghèse, sœur de Napoléon. Avec la Monarchie de Juillet, c’est une femme de chambre de la duchesse d’Orléans qui l’occupe. La décoration actuelle est une restitution de l’état de référence de 1789. La toilette de campagne, attribuée à Jean-Henri Riesener, porte la marque au feu et au pinceau du garde-meuble du château de Trianon. En revanche, les fauteuils et les chaises en cabriolet, œuvre du maître-ébéniste Jacques Gay, bien que contemporains de Marie-Antoinette, ne sont placés au Petit Trianon qu’au XIXe siècle.
Chambre de la première femme de chambre
Simple antichambre sous Louis XV, cette pièce est occupée par la première femme de chambre de Marie-Antoinette. La plus célèbre d’entre elles est madame Campan, née Henriette Genêt, d’abord femme de chambre puis première en 1786, en survivance de madame de Misery qui a délaissé sa charge de titulaire depuis plusieurs années. La décoration de la pièce est simple ; les portes de l’alcôve n’ont été installées qu’à la Révolution.
Salle de bains
L’entresol se prolonge vers le centre du château, à l’arrière du salon de compagnie, d’où il ne reçoit de lumière que de la grande cage de l’escalier principal. On y loge le service de la dame d’honneur de la Reine. Ce n’est qu’à la demande de Louis-Philippe, en 1837, que cette partie est aménagée par l’architecte Nepveu selon le même principe qu’à l’étage inférieur : une salle de bains est créée, attenante à la chambre occupée par la femme de chambre de la duchesse d’Orléans. On conserve dans la pièce mitoyenne une garde-robe à l’anglaise ou « cabinet de chaise ». Le petit escalier en colimaçon a aussi été construit au XIXe siècle, par réduction en profondeur de l’ancienne chambre de service, afin de permettre la liaison avec l’appartement du fils aîné du roi, Ferdinand, duc d’Orléans, et de son épouse, la princesse Hélène de Mecklembourg-Schwerin, à l’attique.
L’étage d’attique abrite initialement l’appartement de Louis XV, auquel on accède par deux escaliers situés aux angles sud-est et nord-est. Il est composé d’une chambre, d’une antichambre et d’un cabinet d’angle. Le reste de l’étage est réservé aux « seigneurs » ou, plus exactement, les pièces donnant sur les jardins sont occupées par les « personnes marquantes de la suite du roi ». Le centre de l’attique est un dédale de cabinets peu éclairés, dans lesquels loge le personnel, portant le nombre de lits, tant pour les maîtres que les domestiques, à une vingtaine. Quelques petits cabinets noirs renferment des chaises percées. Le capitaine des gardes du corps ainsi que le premier valet de chambre occupent les logements adjacents à l’appartement du roi, le reste étant organisé en six appartements.
Antichambre de Louis XV
L’antichambre de Louis XV est située entre l’escalier principal et la chambre du Roi. Ses boiseries, installées en 1768, de décor sobre et peintes de couleur vert d’eau, sont un remploi de chambranles provenant du palais de l’Élysée, légué par la marquise de Pompadour. Les deux angles arrondis de la pièce mènent à une garde-robe et un cabinet à chaise percée accessible aussi par une porte dérobée dans la tenture de la chambre. La cheminée est sans doute de même origine et est sculptée dans un marbre de Sarrancolin. Le régulateur à compensation, de parquet, est un mouvement de Robert Robin. Sa boîte est en acajou, avec panneaux à jour et à glaces, et décorée de bronze doré à oves avec couronne de fleurs et branches de chêne et de laurier.
Chambre de Louis XV
Cette chambre est investie en 1772 par le roi Louis XV qui accorde son cabinet intérieur, situé à l’étage inférieur, à madame du Barry, dans un acte de dérogation de son statut royal qui paraît alors impensable. Son petit-fils, Louis XVI, qui reprend naturellement ce petit appartement sans d’ailleurs y apporter de modifications, ne dort jamais au Petit Trianon, préférant, après les promenades et les soupers, retourner à Versailles.
Le mobilier d’origine n’ayant pas été reconnu, il est restitué en 1985 d’après son état d’Ancien Régime. Le lit à la polonaise, de hêtre doré et sculpté de mufles de lion, exécuté en 1775, remplace celui qui avait été réalisé par Nicolas-Quinibert Foliot dans un style à la turque. Les tentures murales en lampas blanc et cramoisi de Lyon, de même motif « à musique chinoise » que le mobilier, sont une restitution selon les inventaires conservés de 1768. Les trois trumeaux de glace reprennent le dessin trouvé sur la maçonnerie lors des restaurations initiées en 1985.
La cheminée de marbre griotte d’Italie provient des petits appartements de Marie-Antoinette au château, réordonnés par Louis-Philippe en 1836.
Cabinet de Louis XVI
L’appartement de Louis XV se termine par un cabinet, situé à l’angle des jardins botanique et fleuriste, dernier palier de l’escalier privé qui mène du rez-de-chaussée à l’attique. Les portes sont munies de serrures spéciales conçues par François Brochois afin que le Roi puisse les verrouiller de deux tours de clef. À l’inverse des autres pièces de son appartement, Louis XVI remplace l’ensemble du mobilier de son prédécesseur lors de la suppression de l’escalier. Composé de quatre éléments, il est confié en juillet 1777 à l’ébéniste Jean-Henri Riesener. Le bureau est en placage de bois des Indes satiné et d’amarante, orné de bronzes dorés et d’un galon d’or et couvert d’un velours noir ; vendu 600 livres à la Révolution, alors qu’il en a coûté 4 500 seize ans plus tôt, il réintègre son emplacement d’origine en 2002. La commode est de même confection de marqueterie, rehaussée de marbre blanc veiné. Un secrétaire et une petite table complètent le lot.
Petit salon de Madame Royale (évocation)
L’Illumination du Pavillon du Belvédère, Petit Trianon
Claude-Louis Châtelet, 1781.
En 1782, Marie-Antoinette fait aménager, pour sa fille aînée Marie-Thérèse dite « Madame Royale », un des appartements des « seigneurs » à l’attique en réunissant plusieurs logements. C’est aussi pour elle et ses frères que la Reine fait édifier à la même époque le hameau. Elle loge à proximité de sa tante, Madame Élisabeth, et de sa gouvernante, la duchesse de Polignac.
Lors de la restauration de l’attique en 2008, cette petite chambre est consacrée à l’évocation de Madame Royale. Les tentures reproduisent fidèlement des toiles de la manufacture de Jouy. La chambre donnant sur le Belvédère est prétexte à une présentation d’un tableau de Claude-Louis Châtelet exécuté en 1781 : L’Illumination du Belvédère, retraçant la fête donnée en l’honneur de Joseph II, frère de Marie-Antoinette, en août 1781.
Petit salon de Madame Élisabeth (évocation)
Madame Élisabeth occupe, à partir de 1782, l’appartement de son frère Louis XVI au Petit Trianon, que celui-ci n’utilise jamais. Elle peut ainsi veiller sur sa nièce, Marie-Thérèse, le Roi la qualifiant de « deuxième mère pour ses enfants ».
La petite chambre donnant sur le Jardin anglais lui est consacrée lors des restaurations de 2008. Comme dans la pièce voisine, les tentures reproduisent des toiles de Jouy-en-Josas. Le motif de lilas provient de la chambre du propriétaire de la manufacture, Oberkampf.
Cabinet de toilette de Marie-Louise (évocation)
Cette petite chambre située dans l’angle nord-ouest du bâtiment, donnant à la fois sur le Jardin français et le Jardin botanique — ultérieurement le Belvédère —, est sous Louis XV l’une des chambres réservées aux Seigneurs de la suite. À l’époque de Marie-Antoinette, elle accueille vraisemblablement une des intimes de la Reine. C’est l’une des rares salles de l’étage à posséder une petite garde-robe et une pièce de domestique. Lors de la restauration de 2008, elle est aménagée en évocation du cabinet de toilette situé au premier étage, dans sa décoration et son mobilier de l’époque de la duchesse d’Orléans. Les sièges fournis à l’impératrice Marie-Louise sont simplement recouverts de damas jaune qui remplace la toile de Jouy verte d’origine. La table de quadrille provient de l’ancien salon de billard et le guéridon, du cabinet des glaces mouvantes.
La petite chambre adjacente, réduite lors des travaux d’agrandissement de la précédente, est destinée, depuis la réouverture de l’attique aux visites du public, à l’exposition de toiles évoquant le domaine du Petit Trianon : une peinture d’Antoinette Asselineau témoigne de la décoration du petit théâtre à l’époque de Louis-Philippe ; deux toiles du début du XIXe siècle sont des évocations du hameau de la Reine.
Chambre de Marie-Louise (évocation)
Étant l’une des mieux orientées de l’attique, cette chambre est vraisemblablement habitée par madame du Barry avant que cette dernière ne s’installe à l’étage inférieur, à proximité de l’escalier intime du Roi. Aucun mobilier féminin n’est prévu lors des commandes de 1768, madame de Pompadour étant morte quatre ans plus tôt ; la dernière maîtresse de Louis XV se contente donc des meubles destinés aux seigneurs de la cour.
Les deux appartements centraux de l’attique donnant sur le Jardin français, initialement de même configuration et de même taille, sont remaniés sous Marie-Antoinette afin de créer une chambre plus grande, de surface comparable à la chambre de la Reine ouvrant sur le Jardin anglais. Lors de la restauration de 2008, cette grande salle est aménagée pour évoquer la chambre de Marie-Louise puis de la duchesse d’Orléans — ancienne « chambre de la Reine » — avec le mobilier et la disposition d’alors.
Boudoir de la duchesse d’Orléans (évocation)
La chambre située à l’angle sud-ouest de l’attique a conservé sa disposition de l’époque de Louis XV, avec garde-robe et pièce de domestique adjacente. Elle est aménagée en 2008 en évocation du boudoir tel qu’il était lors de la présence de la duchesse d’Orléans dans le château. Cette seule pièce fait référence, dans le cadre muséographique, à la duchesse, car elle n’est garnie que de mobilier livré spécialement pour elle. Cependant, les deux précédentes pièces, si elles comprennent des meubles ayant auparavant appartenu à l’impératrice Marie-Louise, sont bien présentés avec leurs tissus restitués de 1837.
Pièce de l’impératrice Eugénie (évocation)
De tous les logements de cet étage dont peu d’informations sur leur occupation ont traversé l’Histoire, l’un d’entre eux est consacré à l’impératrice Eugénie dans la série d’évocations établie au début du XXIe siècle à l’attique du Petit Trianon. L’épouse de Napoléon III organise, à l’occasion de l’Exposition universelle de 1867, une réunion des « meubles, tableaux et objets divers se rattachant par un lien authentique au souvenir des hôtes illustres » de Trianon, en hommage à Marie-Antoinette, pour qui elle éprouve une sympathie proche de la dévotion. À la suite de cette manifestation, le Petit Trianon devient un musée consacré au XVIIIe siècle et à Marie-Antoinette, reine dont le mythe commence à s’imposer peu à peu. Les pièces exposées sont des « objets Marie-Antoinette », soit lui ayant appartenu, comme plusieurs vases, soit évoquant son souvenir. La tenture murale à gros bouquets de fleurs est une reproduction d’une toile imprimée présente au château au XIXe siècle.
Théâtre de la Reine
Le théâtre de la Reine est un théâtre construit pour la reine Marie-Antoinette par l’architecte Richard Mique de juin 1778 à juillet 1779. Il est situé dans le domaine du Petit Trianon, dans le parc du château de Versailles, dissimulé entre les charmilles du Jardin français et les hauts arbres du Jardin alpin. L’extérieur du bâtiment, à l’apparence d’une dépendance, contraste avec la décoration sophistiquée de son intérieur, paré de soie et de velours bleus et de sculptures dorées, pourtant tout de faux-semblant. Il est inauguré en 1780, dix ans après l’ouverture du « Grand Théâtre », comme on nomme alors l’Opéra royal du château de Versailles.
Cette petite salle de comédie est pour la Reine un lieu secret, loin de la cour de Versailles et de ses tourments. Elle vient jouer elle-même la comédie, au sein d’une troupe réduite à son entourage intime, en souvenir de son goût, depuis l’enfance, pour le théâtre et la déclamation. On y interprète les auteurs à la mode, certains d’entre eux, comme Beaumarchais, étant même interdits à la cour. La scène, deux fois plus vaste que la salle, ainsi que la machinerie, complexe et des plus modernes, sont l’œuvre du machiniste Boullet, de l’Opéra de Paris.
Le théâtre de Trianon est épargné lors de la Révolution française, jugé sans valeur. Plusieurs reines et impératrices, Marie-Louise, Marie-Amélie et Eugénie, se sont, au cours du XIXe siècle, approprié le lieu, devenu en quelque sorte l’apanage des femmes. Affecté au musée, il est très peu visité et, après quelques campagnes de restauration, est resté intact jusqu’à aujourd’hui, y compris sa machinerie, exemplaire quasi unique du XVIIIe siècle.
Marie-Antoinette avait un goût pour le théâtre, l’une des passions de la bonne société française, comme toute la jeunesse de son temps. Avant elle, Louis XIV en était un très grand amateur et ne se privait pas du plaisir de monter quelquefois lui-même sur les planches. Madame de Pompadour maintint la tradition et devint la vedette de spectacles, réservés à quelques invités privilégiés, que l’on donnait au pied de l’escalier des Ambassadeurs. La dauphine avait même, dans le plus grand secret, monté une petite troupe, seulement composée de ses beaux-frères et belles-sœurs, qui s’amusait à jouer dans quelque cabinet d’entresol les meilleures comédies du Théâtre-Français. Elle se rappelait ainsi les cours de déclamation que lui faisait donner sa mère Marie-Thérèse afin de la former à la prononciation française. Quelques années plus tard, devenue reine, elle fut chargée par Louis XVI, son époux, de conduire la programmation du théâtre de la cour, qu’elle n’hésita pas à remettre au goût du jour.
L’Opéra de Versailles était un théâtre de cour où l’on ne jouait guère que dans les circonstances solennelles ; à l’inverse, le « théâtre de société », comme il en existait dans de nombreuses résidences de campagne, était plutôt destiné aux proches et aux amis, qui s’adonnaient ainsi au jeu de la comédie intime. Au mois d’avril 1775, la Reine fit construire dans la galerie du Grand Trianon un théâtre provisoire, avec un vestibule, une salle semi-circulaire, une avant-scène et une scène en tréteaux. On y joua en août La Bonne Femme et le Duel comique. Mais la Reine ne se satisfaisait pas de cette installation et demanda, au printemps suivant, le transfert des châssis vers l’orangerie du Petit Trianon. On y donna une représentation le 23 juillet 1776, à laquelle assistèrent le Roi, ses deux frères, la comtesse de Provence et « Mesdames tantes ». La Comédie française et la Comédie italienne participaient à cette représentation.
Mais cette installation succincte manquait de machinerie ou de coulisses qu’on dressait hâtivement dans la ménagerie lorsqu’il en était besoin. Durant l’année 1777, Marie-Antoinette donna l’ordre à Richard Mique de lui proposer un projet, inspiré de la petite salle du château de Choisy construite par Gabriel et qui fut vite adopté ; les travaux commencèrent en juin 1778. On utilisa l’emplacement d’une ancienne serre du jardin botanique de Louis XV, à quelques mètres à l’est de la ménagerie. Destinée à être dissimulée par les tilleuls et les charmilles du Jardin français et la « montagne » du Jardin alpin, pour échapper au caractère contestataire que l’Église attribuait au Théâtre, la construction se présenta comme un simple volume rectangulaire monté de meulière simplement enduite à la chaux, sans aucune décoration extérieure, avec un toit en ardoise à quatre pans percé de quinze lucarnes. On soigna néanmoins l’entrée avec une exèdre pavée en damier qui fut précédée de deux colonnes ioniques portant un fronton triangulaire orné, en tympan, d’un génie d’Apollon. Pour rejoindre l' »allée Neuve », on avait dressé une armature de treillage couverte de toile bise, permettant de relier le théâtre au château, afin de se protéger des intempéries et surtout du soleil, et conserver ainsi son « teint de lait ».
Auparavant, le sculpteur Joseph Deschamps avait proposé d’intégrer au fronton les attributs des quatre poèmes : lyrique, héroïque, tragique et comique. Mais on préféra l’enfant couronné de lauriers et tenant une lyre, qu’il sculpta en pierre de Conflans. Les emblèmes de la comédie et de la tragédie furent néanmoins ajoutés aux deux côtés. L’intérieur, en revanche, fut richement décoré, du moins en apparence car les sculptures de Deschamps étaient de carton-pâte ou de plâtre avec des suspentes en fil de fer et les peintures en trompe-l’œil. La Reine avait en effet promis que la dépense serait minime et le Roi n’avait d’ailleurs pas hésité à faire usage de sa cassette personnelle, sans doute aux fins de participer aux frais de tentures et menuiseries, dont la dépense, non connue, revenait au garde-meuble, Bonnefoy du Plan. La construction coûta 141 200 livres. La scène fut construite dans des dimensions permettant de recevoir les décors utilisés au théâtre de la Belle Cheminée au château de Fontainebleau ou aux châteaux de Choisy et de Bellevue. La largeur d’ouverture du cadre de scène fut donc imposée à 7 mètres, comme à Fontainebleau, et la largeur totale du bâtiment fut déterminée à 13 mètres, permettant à moindre coût de concevoir une charpente de toit contenant la machinerie avec une entrait à la base de la ferme d’une pièce de bois d’un seul tenant. Le rideau d’avant-scène, seul luxe décoratif, était fait de gros de Tours bleu frangé d’or. Le machiniste Pierre Boullet, inspecteur des théâtres du Roi et élève de Blaise-Henri Arnoult avait fait construire une machinerie des plus modernes. La peinture du plafond, exécutée par Lagrenée et figurant Apollon au milieu des Grâces et des Muses, fut terminée en juillet 1779.
Une première représentation fut donnée sur la scène du théâtre de la Reine le 1er juin 1780 et l’inauguration solennelle se déroula le 1er août suivant. Sur insistance de la Reine, l’entreprise se voulait privée et la troupe se limitait à quelques membres de la famille royale ou intimes de la cour, au risque d’animer jalousies et rancœurs au château. On la surnommait parfois « la troupe des seigneurs ». Les membres de leur suite, les dames du palais ou les grandes charges n’y étaient pas conviés et le parterre du théâtre était simplement constitué de gens du service en sous-ordre qui, même s’ils étaient peu considérés, ne se privaient pas de répandre des critiques, sans doute justifiées par un jeu généralement qualifié de médiocre. La Reine en profitait pour imposer ses choix ; si la coutume voulait qu’on n’applaudît pas en sa présence, elle l’avait finalement permis et même encouragé, confortant un peu plus son désir de s’éloigner du protocole rigide de la cour. Mais ces spectacles auxquels assistait assidûment le Roi se voulaient avant tout un divertissement et se poursuivaient après neuf heures du soir par un souper de la famille royale. Il s’agissait d’un théâtre moderne et l’on y jouait de ce fait des pièces et de la musique modernes, au contraire de l’Opéra royal où l’on représentait de la musique ancienne. La querelle entre gluckistes et piccinnistes gagna même le Petit théâtre, mais c’est surtout la comédie qui dominait les représentations et les tenants de l’opéra italien en furent écartés. La Reine, qui aimait aussi chanter sur scène, d’une voix qu’on disait juste et fraîche, venait parfois écouter ses compositeurs préférés, comme André Grétry, qui fut son directeur de la musique particulière, ou François-Joseph Gossec. Le régisseur du théâtre était Pierre-Dominique Bertholet, beau-père de madame Campan, femme de chambre de la Reine.
Marie-Antoinette se promenant dans le Jardin français, à proximité du Pavillon français et du Petit Théâtre, en compagnie de Madame Royale, du duc de Normandie et du Dauphin.
Ces comédies furent suspendues à la mort de l’Impératrice le 29 novembre 1780, qui avait paru fort inquiète de ces quelques représentations qu’elle qualifiait de nouveau caprice de sa fille, redoutant des rapports par trop familiers. Si la Reine laissa le jeu, en raison de ce deuil puis d’une nouvelle grossesse, elle assista comme spectatrice aux pièces données par les acteurs professionnels des Comédies française et italienne. Elle revint à son goût de la comédie au printemps de l’année 1782 et donna une grande fête en l’honneur du tsarévitch de Russie pour qui l’on joua un opéra-comique et un ballet. Mais le rythme soutenu de la première année s’était étiolé et la troupe des seigneurs ne donnait guère qu’une seule représentation par an.
Le dernier rôle connu de Marie-Antoinette fut celui de Rosine, dans Le Barbier de Séville, lors de la représentation du 15 septembre 1785 à laquelle assista l’auteur, Pierre-Augustin Caron de Beaumarchais, pourtant jugé sulfureux et dont la comédie Le Mariage de Figaro avait d’ailleurs été interdite jusqu’en 1784. Ce fut pendant les répétitions de cette pièce qu’éclata l’affaire du collier de la reine. La scène du théâtre ne servit plus ensuite qu’à y dire quelques proverbes, car la mode avait passé et le divertissement se déplaçait désormais vers le hameau dont on finissait d’édifier les dernières chaumières ou vers Saint-Cloud qui accueillait les nouveaux spectacles.
Le décor du théâtre, tout en faux-semblant, occasionna force déception auprès des représentants des bailliages lointains venus à Versailles pour la tenue des États généraux, convaincus de pouvoir dénoncer une débauche de luxe. Si le lieu fut jugé sans valeur, le mobilier fut néanmoins vendu en 1794, de même que les tentures murales et le rideau bleu et or d’avant-scène. Les grandes torchères latérales échappèrent à ces ventes révolutionnaires.
Lorsque Napoléon prit possession du Petit Trianon, il ordonna des rénovations du théâtre de la Reine, abandonné depuis la Révolution et très dégradé. Sous la direction de l’architecte Trepsat, on réalisa un entoilage en papier peint bleu impérial, un aigle impérial, rehaussé d’or sur une toile de fond azur, fut installé au-dessus de la scène à la place du chiffre de Marie-Antoinette et l’on aménagea la loge impériale sous une grande toile en forme de tente militaire. Quelques retouches furent réalisées sur l’ancien décor mais la mise en place d’un nouvel éclairage, un lustre en cuivre doré et cristal de Bohème comportant vingt-huit lampes, obligea à percer la toile de Lagrenée qui ornait le plafond. Après cette restauration, réalisée en deux campagnes, on remeubla le parterre avec dix-huit banquettes et douze tabourets et les loges avec une centaine de chaises de hêtre imitant l’acajou ; l’ensemble, de même que les appuis des loges et des baignoires, était couvert d’un velours d’Utrecht de couleur bleue.
De façon très symbolique, on rouvrit le théâtre par la représentation, le 5 août 1810, du Barbier de Séville. Le 9, on joua Les Femmes savantes. L’année suivante, le 25 août, l’Empereur donna une grande fête au Petit Trianon en l’honneur de son épouse et l’on interpréta sur la scène de la comédie les Projets de mariage, d’Alexandre Duval et La Grande Famille ou la France en miniature, de René-Alissan de Chazet. Comme Marie-Antoinette qui se rendait à la Comédie abritée par une treille, Napoléon et Marie-Louise y accédaient à partir du Grand Trianon par un corridor en coutil.
Vue du Petit théâtre sous Louis-Philippe, à l’époque où la salle avait été tapissée de rouge, huile sur toile d’Antoinette Asselineau, 1838.
À la Restauration, ni le théâtre ni le Petit Trianon ne furent utilisés par la duchesse d’Angoulême, qui hérita pourtant du domaine. Après la campagne de rénovation qu’il ordonna en 1835, Louis-Philippe assista à plusieurs spectacles qui eurent lieu sur la scène du Petit théâtre. Il fit, à cette occasion, rétablir le chiffre de Marie-Antoinette sur la voussure et l’on recouvrit les murs de papier cramoisi à motifs de palmettes. Le peintre et décorateur de théâtre Ciceri réalisa une copie de la toile endommagée du plafond, « dans le style de Louis XVI ». En 1835 et 1836, il créa aussi plusieurs fonds de décor : un intérieur rustique, une place publique, une forêt et un salon riche. On procéda aussi à quelques aménagements sur le proscenium afin d’abaisser un nouveau rideau de manœuvre lors des changements de décor. Paër, ancien maître de chapelle de Napoléon Ier, dirigea trois opéras à l’occasion du mariage de la princesse Marie avec le duc Alexandre de Wurtemberg en octobre 1837.
Seules quelques représentations eurent lieu durant la suite du XIXe siècle. Pour assouplir l’extrême rigidité du deuil, depuis quatre années, de la duchesse d’Orléans, le Roi donna en son honneur une fête à Trianon, en présence de la Reine, du duc de Nemours, de tous les autres princes et de quelques ministres. Les artistes de l’Opéra-Comique donnèrent sur la scène de la petite comédie Le Déserteur, de Monsigny et Sedaine. Le 13 avril 1848, une société d’amateurs joua en concurrence avec des acteurs du théâtre de la Porte-Saint-Martin et du Gymnase-Dramatique au bénéfice des ouvriers de Versailles : Les Premières Amours de Scribe et Michel et Christine de Scribe et Dupin. Le lundi 1er juin 1891, le Comité de la statue de Jean Houdon et l’Association artistique et littéraire de Versailles donnèrent une fête unique : la Comédie-Française reprit La Gageure imprévue, l’Opéra-Comique, Le Devin du village et le corps de ballet de l’Opéra dansa sur Psyché et l’Amour, ballet composé spécialement par Hansen sur la musique de Lulli, Gluck, Grétry, Rameau, Marais et Noverre.
Au début du XXe siècle, la salle était très délabrée en raison d’infiltrations dans la toiture. Elle fut restaurée grâce à la donation Rockefeller entre 1925 et 1936, pour un budget de 700 000 francs. Le plancher fut alors refait et le papier de tapisserie bleue fut rétabli d’après un fragment que l’on avait conservé. Le rideau de manœuvre bleu fut déplacé vers l’avant-scène pour remplacer le rouge qui avait été installé au début du XIXe siècle.
La toile de Lagrenée du plafond ayant disparu, on la remplaça en 1968 par une copie, mais peu d’améliorations furent apportées au théâtre jusqu’à la fin du siècle. En tant que dépendance du domaine de Trianon depuis sa création, il fut intégré, en 1995, à une nouvelle structure juridique dénommée Établissement public du musée et du domaine national de Versailles et ayant une autonomie de gestion financière, sous la tutelle du ministère de la Culture.
La campagne de restauration démarrée en 2001 fut réalisée grâce au mécénat de World Monuments Fund France, organisation non gouvernementale destinée à recueillir des fonds pour la préservation du patrimoine mondial, dans le cadre d’un accord signé en 1997 avec Hubert Astier pour un montant de 700 000 $. Outre la réfection du plafond et des structures des balcons qui menaçaient de s’effondrer, les travaux, sous la direction de Pierre-André Lablaude, ont été basés sur une étude précise des archives du XVIIIe siècle afin de restituer le théâtre tel que l’avait connu Marie-Antoinette, au détriment, d’ailleurs, des normes actuelles de sécurité, ce qui obligea à renoncer à son authenticité fonctionnelle pour préserver son authenticité esthétique. On reconstruisit aussi la loge royale qui avait disparu, les tissus furent refabriqués avec le motif de quadrillage de Richard Mique.
La machinerie a été remise en état sous l’égide de Jean-Paul Gousset, directeur technique de l’opéra de Versailles et les changements de décor à vue sont à nouveau possibles, de même que le tonnerre retentit comme autrefois, grâce à une sorte de chariot aux roues déformées. Mais le théâtre reste un musée conservatoire des arts et techniques du spectacle et les représentations publiques n’y peuvent pas être autorisées par la commission de sécurité. Il reste l’un des rares témoignages restés intacts de ces machineries historiques, avec le Grand Théâtre de Versailles, le théâtre Napoléon III de Fontainebleau et le théâtre impérial de Compiègne.
Classé avec le château de Versailles et ses dépendances au titre des Monuments Historiques par la liste de 1862 et par arrêté du 31 octobre 1906, il est également inscrit au patrimoine mondial de l’Unesco depuis 1979. Le théâtre est aujourd’hui accessible au public dans le cadre du musée national des châteaux de Versailles et de Trianon, au sein du Domaine de Marie-Antoinette, mais sa visite se limite à un aperçu de la salle depuis le vestibule, d’avril à la fin du mois d’octobre.
L’entrée du théâtre se fait par un vestibule en hémicycle qui donne, en face, sur deux pièces en enfilade, et, à droite, vers les étages supérieurs. La première pièce, le foyer, de forme octogonale, ouvre sur la salle de spectacle par une porte à double battant munie d’une belle serrure. Il est décoré, au-dessus des portes, de bas-reliefs représentant les Muses, œuvre de Joseph Deschamps.
La salle, de forme ovale, est tendue de moire et de velours bleus, de même que les appuis et les sièges. Elle possède deux rangées de loges avec un parterre en contrebas, encadré de deux baignoires ceinturées de balustrades. L’orchestre la sépare de la scène dont l’ampleur surprend et qui permet d’accueillir plusieurs formes de spectacles grâce à une machinerie complexe de fils et de bois. Aux cintres se trouvent encore des toiles et châssis de décors du XVIIIe siècle. À partir du deuxième dessous, situé sous le plateau de scène, on actionne un grand axe qui, d’une part, enroule les fils de chanvre permettant le déplacement en ciseau des châssis de coulisse et, d’autre part, fait descendre les frises des cintres, d’où, en même temps, on déroule les toiles de fond en lointain. À l’origine, l’éclairage de la rampe est assuré au moyen de quatre-vingts bougies réfléchies par un cuivre argenté. Les châssis de coulisse sont eux aussi éclairés à l’arrière de chacun des panneaux. Lors des représentations, la salle tient son éclairage, équivalent, par tradition, à celui de la scène, de nombreuses lampes à huile disposées dans des boîtes en fer-blanc sur les corniches.
La fosse d’orchestre peut contenir vingt-deux musiciens et la salle est de 254 places. Le trou du souffleur est situé au centre et à l’avant de la scène, ajout du XIXe siècle car le souffleur se tenait, sous l’Ancien Régime, dans la coulisse opposée au régisseur. Le balcon est soutenu par des consoles en forme de dépouille de lion et la seconde galerie est décorée d’une frise d’acanthe.
Femmes portant un candélabre.
Le théâtre est garni de sculptures, qu’on a réalisées par souci d’économie en carton-pâte, relevées d’ors jaune et vert. Les panneaux sont peints en imitation de marbre blanc veiné. La voussure est percée de douze œils-de-bœuf séparés par des enfants tenant des guirlandes de fleurs et de fruits. En ornementation d’avant-scène se trouve à chaque encoignure une sculpture de deux femmes tenant un candélabre : « elles portent d’un geste élégant un grand cornet garni de soleils, de roses, de lis, étagés en girandole, parmi lesquels brillaient quatre-vingt-onze flammes de bougies ». Le rideau, de couleur bleue, est soutenu par deux bustes de femmes sortant d’une gaine. La voussure frontale comprend deux œils-de-bœuf et, entre eux, le chiffre de la Reine tenu par deux Muses couchées.
Le plafond peint d’après l’original de Jean-Jacques Lagrenée représente « Apollon dans les nuages, accompagné des Grâces et des Muses, autour desquels voltigent des Amours tenant des flambeaux ».
Accolé à la façade occidentale du théâtre, un petit bâtiment d’un seul étage abrite le foyer des musiciens, celui des artistes et quelques loges et coulisses. Au-dessus du vestibule se situe le petit appartement de Richard Mique, réaménagé en 1842 pour servir de foyer au public. Offert par Marie-Antoinette, il fut pour l’architecte un honneur et un gage incontestable de son talent et, surtout, un témoignage de sa docilité aux fantaisies de la Reine.
Représentations de 1780 à 1785
La Reine et son entourage jouent dans la plupart des œuvres données sur la scène du théâtre. Cependant, certaines représentations sont assurées par les chanteurs et danseurs de l’Académie royale de musique, comme lors de la fête donnée le 6 juin 1782 en l’honneur du grand-duc Paul de Russie ou lors de la réception de Gustave III de Suède, le 21 juin 1784.
La troupe de la Reine ne compte guère qu’une douzaine de membres : Madame Élisabeth, le comte d’Artois, le duc et la duchesse de Guiche, le comte d’Adhémar, le comte de Vaudreuil, le comte de Polignac, sa sœur la comtesse de Polignac, le comte Esterházy, le bailli de Crussol et la comtesse de Châlons.
- 1er juin 1780 : Prologue pour l’ouverture du théâtre de Trianon (Despréaux) et Christophe et Pierre-Luc, parodie de Castor et Pollux (Despréaux, Gentil-Bernard et Rameau).
- 1er août 1780 : La Gageure imprévue (Sedaine) et Le Roi et le Fermier (Sedaine et Monsigny).
- 10 août 1780 : On ne s’avise jamais de tout (Sedaine et Monsigny) et Les Fausses infidélités de Barthe.
- 6 septembre 1780 : L’Anglais à Bordeaux (Favart) et Le Sorcier (Poinsinet et Philidor).
- 19 septembre 1780 : Rose et Colas (Sedaine et Monsigny) et Le Devin du village (Rousseau).
- 12 octobre 1780 : Le Devin du village et Le Roi et le Fermier.
- 27 juin 1781 : La Fête d’amour (Mme Favart et Chevalier) et Jérôme et Fanchonnette (Vadé).
- 16 juillet 1781 : L’aveugle de Palmyre (Desfontaines et Rodolphe) et La Matinée et la veillée villageoises, ou le Sabot perdu (Piis et Barré).
- 20 juillet 1781 : La Petite Iphigénie (Favart et Voisenon).
- 26 juillet 1781 : Les Deux Porteurs de chaise (Piis, Barré, Chardin).
- 1er août 1781 : Iphigénie en Tauride (Gluck et Guillard).
- 11 avril 1782 : La Matinée et la veillée villageoises, ou le Sabot perdu (Piis et Barré) et Le Sage étourdi (Boissy).
- 6 juin 1782 : La Jeune Française au sérail (Gardel) et Zémire et Azor (Marmontel et Grétry).
- 6 juin 1783 : Les Sabots (Cazotte et Duni), Isabelle et Gertrude (Favart) et Les Deux Chasseurs et la Laitière (Anseaume et Duni).
- 19 mars 1784 : L’Amitié sur le trône (Linières) et Les On-dit (chevalier de Boufflers).
- 21 juin 1784 : Le Dormeur éveillé (Marmontel et Piccini).
- 31 juillet 1784 : Le Comédien bourgeois (Carmontelle), Les Amours d’été (Piis et Barré) et Berlingue (Despréaux).
- 15 septembre 1784 : Le Barbier de Séville (Paisiello).
- 18 septembre 1784 : Dardanus (Sacchini).
- 19 août 1785 : Le Barbier de Séville (Beaumarchais).
Représentations sous Louis-Philippe
- 22 juin 1836 : Le Gamin de Paris (Bayard et Vanderburch) et Renaudin de Caen (Duvert et Lauzanne).
- 11 août 1836 : Le Pré aux Clercs (Hérold et Planard).
- 18 octobre 1837 : Moïse (Luigi Balocchi (it) et Étienne de Jouy, Rossini) et L’Italienne à Alger (Angelo Anelli et Rossini).
- 19 octobre 1837 : La fille d’un Militaire (Henri-Horace Meyer et Paul Laurencin) et Le Mauvais Œil (Loïsa Puget, Eugène Scribe et Gustave Lemoine).
- 21 octobre 1837 : Prosper et Vincent (Duvert) et La Neige ou le Nouvel Eginhard (Auber, Scribe et Delavigne).
- 22 octobre 1837 : Il Barbiere di Siviglia (Rossini).