L’église Sainte-Croix, à Bordeaux, est l’ancienne abbatiale d’un monastère bénédictin (Sancta Crux Burdegalensis). Elle a désormais rang d’église paroissiale.
L’église fait l’objet d’un classement au titre des Monuments Historiques par la liste de 1840.
L’église
Bien que l’abbaye ait été fondée au VIIe siècle, l’église actuelle ne fut construite que vers la fin du XIe siècle et au début du XIIe siècle, avec une façade de style roman saintongeais.
Elle a la forme d’une croix latine. Elle se compose d’une nef de cinq travées à collatéraux, d’un transept avec une grande absidiole sur chaque bras et d’une abside polygonale.
- Longueur de la nef : 39 m.
- Hauteur de l’abside : 15,30 m.
Elle fut restaurée par Paul Abadie au XIXe siècle, qui rajouta un clocher symétrique à l’original à gauche de la façade. Le moine dom Bedos de Celles réalisa son orgue en 1750, considéré actuellement comme un chef-d’œuvre. Il fut restauré en 1995 par le facteur Pascal Quoirin.
L’église conserve deux œuvres du peintre Guillaume Cureau (vers 1595-1648) : Saint Mommolin guérissant un possédé et Saint Maur guérissant un malade, et une Exaltation de la Croix par A. Bourgneuf (1636).
Histoire de l’abbaye
L’abbaye a été fondée à l’époque mérovingienne, au sud de Bordeaux, sur une élévation de terrain, au milieu d’un marécage traversé par un petit cours d’eau, un « estey » nommé l’Eau Bourde, qui se jetait dans la Garonne à quelques centaines de mètres de l’église actuelle. On ne connaît pas la date exacte de sa fondation. D’après une épitaphe datant du VIIe siècle, saint Mommolin, abbé de Fleury sur Loire (aujourd’hui Saint-Benoît-sur-Loire) y est mort vers l’année 679. Les moines y suivaient la règle bénédictine.
L’abbaye originale est détruite par les Sarrazins autour de 730, puis probablement reconstruite à la fin du même siècle. Elle est de nouveau totalement détruite par les terribles raids normands de la moitié du IXe siècle, qui laissent le pays exsangue.
On attribue sa réédification à Guillaume le Bon, comte de Bordeaux, sur l’emplacement de l’oratoire dédié à saint Mommolin, peut-être en 970. L’abbaye possède les villes de Saint-Hilaire du Taillan, et de Soulac. Plus tard, elle agrandit ses possessions de Saint-Macaire et Macau. Dès lors, de donations en acquisitions, le domaine s’étend peu à peu. Les ducs d’Aquitaine successifs confirment les privilèges. L’église abbatiale est bâtie à la fin du XIe siècle ou au début du XIIe siècle, en même temps que la basilique de Soulac et l’église de Macau. Elle perçoit des coutumes extra-muros au sud et s’oppose au domaine ducal de la domus de Centujan à Becula tout au long du XIIe siècle lors de ses opérations séculaires d’aménagement hydrauliques de l’Eau de Peyrelongue et pour la construction d’une batterie de moulins destinés à répondre à l’énorme demande en mouture de la ville en pleine croissance démographique.
Les abbés laissent peu à peu s’écrouler les « lieux réguliers », cuisines, dortoirs, réfectoires, etc. Les moines de la congrégation de Saint-Maur obtiennent en 1664 la permission de construire un nouveau monastère qui est terminé en 1672.
En 1784 un devis (Archives départementales de la Gironde) confie à l’architecte Étienne Laclotte la construction d’un pont traversant l’Estey de Bègles, le pont du guit, d’un cimetière et d’une chapelle, annexe de l’église Sainte Croix. Cette chapelle Saint Benoît sera transformée en entrepôt en 1797.
L’abbaye est affectée en 1793 à un hospice. En 1890, on y installe l’école des beaux-arts.
L’abbaye au XVIIe siècle, planche gravée du Monasticon Gallicanum.
Liste des abbés
- Abbés réguliers
- ? : Hélis ou Hélie.
- ? : Gombaud.
- 1066-1087 : Arnaud Trencard, il assista au concile de Saintes en 1080, c’est peut-être le même personnage que celui qui donna le lieu où l’on rebâtit le monastère.
- 1097-1120 : Foulques, il reçut du duc Guillaume la Basilique Notre-Dame-de-la-fin-des-Terres à Soulac. Il fut confirmé dans la possession de cette église contre les religieux de l’abbaye de Saint-Sever.
- 1120-1131 : Andron, il engagea le pape Calixte II à ôter son titre d’abbaye à l’abbaye Saint-Macaire en 1122-1123, nonobstant le jugement rendu par Girard évêque d’Angoulême et légat du Saint-Siège.
- 1132-1138 : Pierre de Beissac ou Buzac.
- 1138-1150 : Guillaume I Gombaud, élu à cette date selon Etiennot.
- 1151-1153 : Arnaud Gombaud.
- 1160-1170 : Bertrand de Leyran ou de Linham ou de Leinan, le pape Alexandre III lui adressa en 1164 un rescrit, daté de Sens par lequel il confirmait le monastère dans ses possessions et ses privilèges.
- 1170-1179 : Géraud de Ramefort, prieur de Saint-Macaire.
- 1180-1210 : Aranud de Vayrines, il reçut une bulle de Célestin III en 1194.
- 1210-1213 : Seguin, il est peut-être le même qu’Etiennot appelle Guillaume Seguin de Rions.
- 1213-1228 : Guillaume II Gombaud.
- 1229-1241 : Ponce de Blancfort.
- 1245-1259 : Pierre I de Linham, obtint du pape en 1247 la décoration pontificale.
- 1260-1267 : Guillaume III de Comps, reçoit plusieurs bienfaits en 1264 de Robert de Curfan.
- 1267-1270 : Bernard de La Gardera, mort le 4 des ides de mai.
- 1271-1283 : Gaillard de La Mothe (de Motta), on croit que ce fut de son temps qu’on érigea en titres les offices claustraux.
- 1283-1305 : Guillaume IV de La Loubère.
- 1305-1306 : Pierre II Arnaud, il est créé cardinal par le pape Clément V lors du consistoire du , puis nommé vice-chancelier de la Sainte-Église en 1306. On l’appelait communément cardinal de Sainte-Croix.
- 1306-1313 : Imbert d’ante.
- Abbés commendataires
- 1490 – 1499 : André d’Espinay cardinal, abandonne sa charge.
Vie paroissiale
L’église Saint-Michel, l’église Saint-Pierre, l’abbatiale Sainte-Croix, l’église Saint-Paul et l’église Saint-Éloi forment le secteur pastoral du Port, regroupé en une paroisse confiée en 2009 à la Communauté du Chemin Neuf. L’église saint-Paul reste toutefois gérée par les dominicains ; quant à l’église Saint-Éloi, elle est gérée par l’Institut du Bon-Pasteur.
Le décor sculpté du portail
L’iconographie des cinq voussures de la porte centrale traduit la force de l’Église triomphante et militante que le fidèle de l’époque interprète aisément.
Ainsi, la représentation d’hommes tirant sur une corde figurant sur la deuxième voussure peut symboliser les efforts que l’âme doit faire pour atteindre le paradis.
Les motifs des portes secondaires situées de part et d’autre de l’entrée principale quant à eux peuvent représenter les péchés interdisant tout salut éternel.
Sur l’arcade de droite on peut considérer que la luxure est symbolisée avec la représentation d’une femme mordue aux seins par un serpent. Celle de gauche peut stigmatiser l’avarice avec les représentations d’un homme ployant sous le poids d’une bourse pendue à son cou et tourmenté par le démon.
Orgue Dom Bedos de l’abbatiale Sainte-Croix de Bordeaux
L’orgue Dom Bedos de l’abbatiale Sainte-Croix de Bordeaux est, avec celui de la basilique Notre-Dame des Tables à Montpellier, un des deux orgues du sud de la France majoritairement dus à Dom Bedos de Celles, universellement connu dans le monde de l’orgue pour son magistral traité « L’Art du facteur d’orgues ».
Son histoire est mouvementée puisque la partie instrumentale, extraite du buffet qui est resté en place, a servi pendant près de deux siècles à la cathédrale Saint-André de Bordeaux avant de retrouver sa place d’origine à l’occasion d’une restauration complète réalisée à la fin du XXe siècle.
À Sainte-Croix, un premier orgue existe déjà au XVIe siècle et se voit remplacé par un instrument plus modeste à partir de 1661, construction du facteur d’origine anglaise Jean Haon.
C’est en 1730 que les moines de Sainte Croix décident de doter l’église d’un nouvel orgue bien plus imposant. La réalisation de ce chef-d’œuvre est due à l’arrivée de Dom François Bedos de Celles quinze années plus tard. Ce moine bénédictin, théoricien et facteur d’orgues résidant à l’abbatiale Sainte-Croix en sa qualité de secrétaire construit un des plus grands orgues classiques français. Cet orgue de seize pieds est réalisé en trois ans et se compose alors de 45 jeux répartis sur cinq claviers et un pédalier.
Après la Révolution, il est remis en état mais en 1811 il est réquisitionné pour la cathédrale Saint-André par l’archevêque. Dans cette cathédrale, l’orgue initial dû à Valéran de Héman, tombé en ruine, avait été remplacé en 1805 par un orgue neuf de Jean-Baptiste Micotdéménagé de l’église Saint-Pierre de La Réole (nonobstant l’opposition des Réolais…) mais ce dernier s’était révélé d’une sonorité insuffisante eu égard à la taille de l’édifice, d’où l’idée de remplacer la partie instrumentale par celle de l’orgue de l’abbatiale Sainte-Croix.
Celle-ci fut donc démontée pour être installée à Saint-André où elle va rester jusqu’en 1970. La décision est alors prise de le reconstituer à Sainte-Croix dans son buffet d’origine demeuré en place. Celui-ci est classé au titre objet la même année.
À partir de 1984 le facteur Pascal Quoirin se voit attribuer la restauration de la partie instrumentale de l’orgue. Douze années ont été nécessaires pour mener à bien cet ouvrage considérable de restitution de cet orgue monumental. La restauration s’est efforcée de restituer le plus fidèlement possible la disposition d’origine, d’après l’étude du traité de Dom Bedos, des inventaires et documents d’archives, des éléments et indices restés en place ou identifiables avec certitude, etc. La reconstruction a permis de remettre en place nombre de tuyaux d’origine, et a nécessité de refaire ceux qui manquaient.
Au début des années 1990, le buffet est débarrassé de la peinture brune le recouvrant pour retrouver sa polychromie d’origine.
À la suite de sa restauration, l’inauguration de l’orgue de Dom Bedos, considéré comme un chef-d’œuvre dans le monde entier, a lieu les 23 et 25 mai 1997, avec des interprètes prestigieux : Francis Chapelet, Jean Boyer, Jean-Pierre Leguay et Michel Chapuis.