La laiterie de Rambouillet


Un édifice à la mode pour la reine Marie-Antoinette

Malgré la présence à Rambouillet d’un jardin anglais agrémenté de fabriques Marie-Antoinette, qui disposait au château d’un appartement meublé à la dernière mode; n’appréciait guère ce domaine. Aussi, pour tenter de réconcilier son épouse avec sa nouvelle acquisition, Louis XVI chargea le comte d’Angiviller d’agrémenter le parc du château d’un nouvel édifice.

Une laiterie pour la reine : l’exemple de Trianon

C’est ainsi qu’en 1785, un an après la prise de possession du domaine par le roi, ce dernier fit élever une laiterie, dans laquelle la reine pourrait y déguster des laitages, comme à Trianon. Dans ce lieu, offert par Louis XVI à son épouse en juin 1774, Marie-Antoinette se sentait véritablement chez elle, s’y comportant comme une simple châtelaine. Dès 1783, la reine avait chargé son architecte Richard Mique de lui élever un hameau, inspiré de celui du prince de Condé à Chantilly, dans le prolongement des jardins de Trianon. Mique, influencé par Hubert Robert, avait puisé son inspiration dans l’architecture vernaculaire normande. Parmi ces « fausses et charmantes masures que la reine disposa avec art autour du lac creusé par son ordre au centre de son jardin », se trouvaient deux laiteries, placées au pied de la tour de la Pêcherie. L’une, dite « laiterie de préparation », était le lieu où l’on écrémait le lait, battait le beurre et fabriquait crèmes et fromages. L’autre, dite « laiterie de propreté » ou « laiterie d’agrément », était consacrée à la dégustation des laitages. Cette activité était assurée par la présence d’un somptueux service en porcelaine, commandé en 1786 à la « manufacture de la Reine » établie rue Thiroux, à la Chaussée d’Antin.

La laiterie, un phénomène de mode dans la deuxième moitié du XVIIIe siècle

Dans son Cours d’architecture (1773), le théoricien Jacques-François Blondel précise que la laiterie d’une « maison de plaisance » est l’endroit où « les Dames viennent prendre le lait, battre le beurre, & faire des fromages, pour se délasser des courses et des amusements champêtres ». En effet, les laiteries étaient élevées pour le divertissement d’une aristocratie attirée par la vie rustique et en particulier la production des laitages. Au XVIe siècle, Catherine de Médicis en avait fait construire une près de Fontainebleau. Sous Louis XIV, la ménagerie de Versailles fut dotée de deux laiteries, d’abord par Louis Le Vau en 1662-1664, puis par Jules Hardouin-Mansart en 1698. Entre-temps, Daniel et Pierre Gittard élevèrent , à la ménagerie de Chantilly, une somptueuse laiterie pour le prince de Condé. Au milieu du siècle suivant, Louis XV en fit construire une, par Ange-Jacques Gabriel, à la ménagerie de Trianon pour Madame de Pompadour.

Les laiteries devinrent de plus en plus nombreuses au cours de la deuxième moitié du XVIIIe siècle, lorsque la mode du jardin paysager anglais se répandit en France. Désormais intégrées au sein d’un hameau, les laiteries d’agrément revêtirent l’aspect d’une maisonnette rustique ou d’un petit temple isolé, construit dans un cadre champêtre. L’artiste et collectionneur Claude-Henri Watelet, auteur d’un Essai sur les jardins en 1774, fut le premier en France à installer une laiterie dans le cadre d’un hameau, au Moulin-Joli, dès 1754. Son exemple fut notamment suivi par Jean-François Leroy au hameau de Chantilly (1774-1775), Jean-François-Thérèse Chalgrin au hameau de Madame à Montreuil (vers 1784), ou encore par Richard Mique au hameau de Trianon (dès 1783). Il en allait autrement à Rambouillet où, comme à Chantilly au XVIIe siècle, la laiterie d’agrément devait s’intégrer dans une ménagerie. Toutefois, à l’instar de Trianon, Rambouillet fut doté d’une laiterie de préparation.

L'architecture de la Ménagerie et de la laiterie


Entre rustique et antique

L’aménagement de la ménagerie et de la laiterie de Rambouillet, initié par le roi et le gouverneur de son domaine dès 1785, fut confié à Jacques-Jean Thévenin et à Hubert Robert. C’est dans le parc du château, à l’extrémité ouest des canaux et non loin de la ferme expérimentale, qu’il fut décidé d’implanter ces édifices.

Les bâtiments de la ménagerie : la laiterie de préparation et le salon du roi.

Les bâtiments de la ménagerie, tels qu’ils furent réalisés en 1786 et qu’ils apparaissent aujourd’hui, sont à rapprocher de deux dessins, réalisés par Thévenin ou son agence vers 1785, correspondant à un second projet pour la laiterie : l’un représente l’élévation de l’entrée principale de la ménagerie, l’autre illustre le plan de la ménagerie et de la laiterie de Rambouillet avec leurs abords. On accède à la ménagerie ou basse-cour par une grille flanquée de deux pavillons circulaires aux chaînages de briques. Ceux-ci précèdent deux suites de petits édifices d’apparence rustique, délimitant une cour trapézoïdale dans laquelle sont creusés deux bassins circulaires.

Une grille aujourd’hui disparue, séparait cette basse-cour du jardin de la laiterie, soulignant bien leurs destinations distinctes. Les ailes situées de part et d’autre de la basse-cour sont constituées de bâtiments dont la taille diminue au fur et à mesure que l’on s’éloigne de l’entrée, et que les fonctions des pièces perdent de l’importance. L’aile droite renfermait le logement de la ménagère, chargée de s’occuper des animaux, des étables pour huit têtes de bétail, le four, ainsi que des poulaillers et des courettes. C’est dans le soubassement du pavillon circulaire de cette aile que fut aménagée la laiterie de préparation, encore conservée dans son état d’origine. Ses parois sont bordées de tablettes présentant un rainurage destiné à l’écoulement du lait. Alors qu’à Trianon les deux laiteries se présentaient comme deux fabriques indépendantes, à Rambouillet, la laiterie de préparation se trouvait dans le sous-sol des dépendances de la laiterie de propreté.

Quant aux bâtiments constituant l’aile gauche de la ménagerie, ils renfermaient d’abord le salon du roi et son antichambre, puis une serre, des poulaillers et des petites cours closes. Situé dans le pavillon circulaire, le salon du roi est éclairé par trois fenêtres. À deux vantaux, la porte commune à l’antichambre fut garnie, du côté du salon, de huit glaces de Cherbourg mesurant chacune vingt-quatre pouces et demi de haut (0,66 m) sur dix-neuf pouces de large (0,51 m), augmentant ainsi la luminosité naturelle de la pièce. L’ingéniosité de Thévenin se manifeste dans la légère concavité du sol, qui répond au plafond en calotte du salon. Cette pièce renferme un extraordinaire décor mural peint en trompe-l’oeil, réalisé par Piat-Joseph Sauvage en 1786. Celui-ci réalisa « quatre grands bas reliefs placés dans le petit salon en rotonde de la petite ferme, représentant les quatre Saisons » En outre, aidé de trois peintres, Sauvage peignit les murs « en refend avec un stilobat antique, le plafond en voussure d’apareil », ainsi que « les croisées et la porte en bois d’acajou », et « quatre têtes de belliers sur les clefs des croisées et de la porte ».

L’enclos de la ménagerie et de la laiterie de la reine

Facilement accessibles en gondole, la ménagerie et la laiterie occupent, encore de nos jours, un enclos correspondant à la pointe des canaux, entre l’allée qui borde le jardin anglais(autrefois la route menant de Paris à Chartres) et celle qui conduit à la ferme (jadis la route de la Faisanderie). La forme de montgolfière que revêt cet enclos devait très certainement faire référence à l’envol de la montgolfière le 19 septembre 1783 à Versailles, qui « fut un événement autant de nature politique que scientifique ». Cette expérience aérostatique faite par Étienne de Montgolfier en présence du roi, de la reine et de la famille royale, avait pleinement rempli « sa fonction de communication politique en montrant la toute puissance des Français ».

Coupe transversale de la laiterie de Rambouillet, Charles Percier, vers 1805, Berlin.

Sauvage fut payé 2800 livres pour la réalisation de ce décor, dont le point fort réside dans les quatre compositions représentant les Saisons. Dans l’Hiver, des putti se chauffent à un brasier en tendant les mains vers la flamme, tandis que d’autres enfants coupent des branches et apportent du bois pour alimenter le feu. Le Printemps, quant à lui, est suggéré par des putti accompagnés de vases, guirlandes et couronnes de fleurs, pendant que deux autres dansent. L’Été, saison des moissons, est symbolisé par des enfants qui emportent des gerbes de blé, tandis que d’autres coupent du blé avec leur faucille ; en outre, deux putti préservent un troisième endormi des rayons du soleil. Enfin, l’Automne, saison des vendanges, est personnifié pat un enfant assis sur un bouc, tandis que deux putti déversent des raisins dans un tonneau et qu’un autre est en train de boire.

Originaire de Tournai, Sauvage avait été reçu en 1783 à l’Académie royale de peinture et de sculpture, dans le genre de la nature morte. Quand d’Angiviller lui passa commande pour ce décor, la carrière de Sauvage, qu’il connaissait bien, était à son apogée. En effet, le peintre avait déjà travaillé sous les ordres du directeur des Bâtiments du roi à Versailles, au cabinet des Bains de Madame Adélaïde en 1780-1781, ainsi qu’à Fontainebleau et à Compiègne, où il réalisa plusieurs dessus-de-porte pour les appartements du roi et de la reine à partir de 1785.

À Rambouillet, Sauvage donna la pleine mesure de son talent, en parvenant à rivaliser avec la sculpture et l’architecture. C’est à juste titre que Bachaumont put qualifier le peintre d' »enchanteur animant la nature morte, & donnant un relief trompeur aux surfaces les plus planes, imitant tellement le relief, que le spectateur étoit obligé d’y porter la main ».

La laiterie de la reine : les premiers projets de Thévenin

C’est au-delà de la deuxième grille de la basse-cour, dans l’axe principal de la ménagerie et retirée à l’ombre d’un petit bois à l’anglaise, que fut élevée la laiterie d’agrément, pour laquelle Thévenin élabora deux projets. Le premier que nous connaissons, est illustré par deux dessins réalisés vers 1785 : l’un représente l’élévation de la façade principale, ainsi qu’une coupe transversale de la salle rectangulaire de la laiterie ; l’autre, une coupe longitudinale de cet édifice. Thévenin projetait d’élever une façade d’ordre dorique, constituée d’un porche encadré de deux colonnes lisses surmontées d’un fronton cintré, à la manière d’un temple antique. Celui-ci devait renfermer deux salles, uniquement éclairées par des ouvertures zénithales. La première, en rotonde et couverte d’une coupole à caissons, devait abriter des tables d’appui surmontées de niches rectangulaires et arrondies, ainsi qu’un bassin circulaire central alimenté par quatre têtes de lion. La seconde, rectangulaire et voûtée en berceau, devait se terminer par une niche dans laquelle un bassin recevrait de l’eau crachée par deux têtes de bélier. Thévenin avait puisé ses premières idées pour Rambouillet dans la laiterie de la ménagerie de Chantilly, qu’il avait pu voir directement ou dans le recueil de Georges-Louis Le Rouge. En effet, cet édifice lui a inspiré l’idée de la rotonde et de la salle rectangulaire qui forment enfilade, ainsi que les têtes de bélier crachant de l’eau. Suivant ce premier projet, l’édifice aurait dû être réalisé en pierre de Sain-Leu.

En haut : Élévation de la façade principale et coupe transversale de la salle rectangulaire de la laiterie de la reine à Rambouillet ; En bas : Coupe longitudinale de la laiterie de la reine à Rambouillet (premiers projets). Jacques-Jean Thévenin ou son agence, vers 1785, non localisés.

« Plan de la laiterie de Chantilly », Georges-Louis Le Rouge, 1776.

Le projet définitif : entre austérité et originalité

Peu après, Thévenin élabora un second projet, qui correspond à ce qui a été réalisé. Le profond portique, ainsi que la frise de triglyphes et de métopes, furent supprimés. L’architecte projetait d’élever deux colonnes toscanes, à bossages, et de couvrir toute la façade de lignes de refend. L’austérité de ce nouveau projet n’est pas sans rappeler la saline royale d’Arc-et-Senans, que Claude-Nicolas Ledoux avait élevée entre 1775 et 1779. Cette tendance à la simplification se remarque aussi à l’intérieur de la laiterie, où les niches rectangulaires et le bassin central de la salle circulaire ont disparu. La principale transformation réside dans le remplacement de la fontaine, au fond de la salle rectangulaire, par des rochers factices encadrant un bassin irrégulier, transformant l’abside en une grotte artificielle. Enfin, à l’arrière de l’édifice, un local de service abritant un réservoir et une pompe fut prévu, afin d’alimenter le rocher d’une eau plus abondante que le bassin initialement prévu.

Une architecture à l’antique : la laiterie de la reine, un « temple du lait »

Élevée dans le courant de l’année 1786, la laiterie d’agrément se distingue de la ménagerie par son aspect monumental et ses matériaux. Construite en grès blanc, elle se détache avec noblesse des façades à chaînages de briques apparentes des ailes de la ménagerie. À l’extérieur de la laiterie, seul le cube enserrant la rotonde est orné de lignes de refend, couronné d’un entablement complet et surélevé d’un attique. Tous les autres murs, surmontés d’une corniche simplifiée, sont entièrement lisses.

Pour accéder à la laiterie de la reine, trois marches conduisent à la porte d’entrée. Celle-ci est encadrée de deux colonnes toscanes baguées, surmontées d’un entablement portant l’inscription « LAITERIE DE LA REINE », et d’un fronton cintré orné d’un médaillon sculpté. Cette façade devait exalter la rigueur de l’architecture antique découverte dans le sud de l’Italie à partir des années 1730.

À l’intérieur de la laiterie, la première salle adopte la forme d’une rotonde, couverte d’une coupole à caissons ornés de rosaces de feuilles de chêne. L’éclairage est uniquement assuré par un oculus sommital : cet élément distinguait la laiterie de Rambouillet de celles de Chantilly et de Trianon, qui étaient percées de fenêtres. Cette pièce apparaît comme un emprunt direct à l’architecture antique, telle qu’Hubert Robert l’avait connue et dessinée à Rome entre 1754 et 1765. La coupole ornée de caissons, ainsi que l’oculus, sont directement inspirés de la rotonde des thermes de Dioclétien. Entre la porte d’entrée et celle conduisant à la seconde pièce, les deux parois arrondies, percées chacune de trois niches en cul-de-four, sont bordées de tablettes reposant sur de hautes consoles en marbre blanc. Le caractère froid et sévère que revêt cette première pièce fait écho à l’austérité de l’architecture extérieure de l’édifice. Toutefois, le fondateur-ciseleur Étienne-Jean Forestier reçut près de 1400 livres pour la réalisation d’ouvrages de serrurerie et d’ornement, destinés aux « deux portes à deux ventaux de la laiterie », consistant notamment en des couronnes de feuilles de chêne en bronze doré.

Si cette première pièce était probablement consacrée à la dégustation des laitages, la salle suivante, de plan rectangulaire, était peut-être consacrée au rafraîchissement des produits laitiers. Couverte d’une voûte en berceau à caissons octogonaux sans décor, elle offre également un éclairage zénithal. Un amas de rochers en forme de grotte couvre le fond de la pièce sur toute sa hauteur : par trois fentes, l’eau remplissait un premier bassin, d’où elle s’écoulait dans un second plus large. La conception de cette grotte en abside, d’où jaillissait de l’eau coulant en cascade, revenait incontestablement à Hubert Robert. En effet, quelques temps après, celui-ci réalisa un aménagement identique pour une laiterie qu’il conçut, là encore à la manière d’un temple antique, dans le parc de Méréville pour le marquis de Laborde vers 1790. Le rocher était devenu un véritable « thème d’iconographie architecturale au XVIIIe siècle ». Johannes Langner a montré comment ce siècle avait redécouvert le culte antique des grottes, grâce aux récits des voyageurs en Grèce et au Levant, qui décrivaient les lieux sacrés servant de sanctuaires « naturels » à Jupiter, à Apollon et aux nymphes.

Les murs de la laiterie étaient probablement achevés à l’été 1786. En effet, les Archives nationales conservent un document, daté du 17 juin 1786, indiquant le « détail de la quantité de pied cube de marbre blanc statuaire pour la laiterie de Rambouillet », nécessaire pour les tablettes et leurs consoles, ainsi que pour le pavement des salles. Au total, le coût pour la construction de la ménagerie et de la laiterie de la reine à Rambouillet s’élevait à 237 468 livres.

À l’extérieur, Hubert Robert agrémenta l’enclos de la laiterie d’un jardin anglais. Celui-ci était composé d’allées serpentant entre des bosquets plantés d’arbres exotiques, tels que des cèdres de l’Atlas, des ormes de Sibérie ou encore des thuyas du Canada. Le peintre joua également un rôle essentiel dans la conception de la décoration et de l’ameublement de la laiterie de la reine à Rambouillet. Cet édifice devait bientôt servir de cadre à un décor sculpté commandé par d’Angiviller à Pierre Julien, dont la réputation venait d’être consacrée.

Le décor sculpté de Pierre Julien

La célébration du lait

Élève à Paris de Guillaume II Coustou, puis pensionnaire de l’Académie de France à Rome de 1768 à 1773, Pierre Julien fut agréé à l’Académie royale de peinture et de sculpture en 1778, avant d’y être reçu l’année suivante. Devenu sculpteur du roi, celui-ci fut contacté en 1782 pour réaliser la statue de Jean de La Fontaine, dans le cadre de la commande des statues des « Grands Hommes de la France », initiée par le comte d’Angiviller. Son marbre, présenté au Salon de 1785, connut un grand succès et permit d’asseoir la renommée du sculpteur, qui obtint un logement et un atelier au Louvre.

Le choix du sculpteur

C’est ainsi qu’à la fin de cette même année, Julien, qui se trouvait en convalescence chez le baron de Juys à Lyon, fut contacté par d’Angiviller, par l’intermédiaire d’Hubert Robert, afin de concevoir le décor en marbre de la laiterie de Rambouillet. La lettre de commande du directeur général des Bâtiments du roi n’a pas encore été retrouvée. Quoiqu’il en soit, un court délai fut sans doute accordé à Julien pour réaliser ces marbres. En effet, le sculpteur s’empressa de répondre, par une lettre qu’il écrivit de l’hôtel de Juys à Lyon le 29 novembre 1785. Dans celle-ci, Julien remercie le comte d’Angiviller de lui avoir confié cette commande et lui annonce sa volonté de commencer aussitôt les esquisses :

« C’est sans doute moins à quelques faibles succès qu’à mon zèle que je dois votre bienveillance, vous avés présenté le secret de mon émulation, et vous voulés bien m’encourager, il est digne de vous, Monsieur, qui etes le ministre des arts de les protéger jusques dans les sujets qui se montrent le moins à vos regards, et qu’une juste modestie en a toujours placé à une distance convenable. M.Robert m’a instruit de l’interest que vous daignéz prendre à ma situation, et de la prétieuse permission que vous me donnéz de vous en informer moy même ; l’air de lion, et le repos, ont presque operé un miracle, et si mon état se soutient je puis me promettre le bonheur de répondre à vos intentions ; si je trouve glorieux d’être occupé pour sa majesté, je trouve infiniment flatteur de l’être par votre choix, et sous vos ordres quelque court que soit le délay que vous me prescirez il suffit à mon activité, que ne puis-je répondre de même des hazars de la santé, mais tous les hommes vivent sous les loix de la même incertitude. J’espère, Monsieur, pouvoir vous donner bientôt des preuves de mon zele en vous adressant, si vous le desiréz, les esquisses de l’ouvrage de Rambouillet, je vous supplieray de me faire passer les observations qui vous seront dictées par la sureté de votre goût, et l’étendüe de vos lumieres ».

L’élaboration des esquisses et des modèles

Pendant deux mois, en décembre 1785 et janvier 1786, Julien réalisa les esquisses. Sa santé s’étant améliorée, il quitta Lyon le 6 février 1786 pour travailler dans son atelier à Paris, comme nous l’apprend une lettre de Robert adressée le lendemain à d’Angiviller :

« Monsieur le comte, je vous donne pour nouvelle que Julien est arrivé hier de Lyon bien portant. Il trouve qu’il luy sera infiniment plus commode de s’occuper icy des travaux de Rambouillet sur lesquels je l’ay un peu pressé et qu’il a le plus grand désir de continuer sous vos yeux. Il est si empressé de vous en parler que si vous ne venez pas à Paris cette semaine il ira à Versailles ».

Dans une lettre suivante, datée du 21 mars 1786, Julien évoque des modèles de bas-reliefs circulaires, ainsi qu’une figure en ronde bosse et sa niche :

« Permettez que j’aie l’honneur de vous prévenir que j’ai tout à l’heure deux modèles de faits des quatre petits bas-reliefs ronds ; et, qu’en conséquence je fus hier au magazin des marbres du Roy pour choisir celui qu’il me faut pour exécuter celui dont le modèle est entièrement fini, il n’y a que le bloc n° 418 qui puisse faire l’affaire pour ne pas prodiguez de plus gros blocs. Il ne me manque plus actuellement, Monsieur, que votre permission d’enlever ce bloc, et de la faire apporter dans mon atellier, pour que tout de suitte je puisse metre quelqu’un après celui dont le modèle est deja fini. J’ose donc vous prier, Monsieur, de faire écrire un mot à M. d’Ascis (Darcy) à ce sujet, pour qu’il m’envoye au plutot ce marbre, n’ayant pas de temps à perdre. Quant à celui de la figure de ronde bosse, nous n’avons pas pu trouver dans le magazin ou vous, Monsieur, m’avez ordonné d’aler le prendre, et en revenant j’en ai marqué un sur le port, appartenant au Roy. M. Robert, Monsieur, a du prévenir que l’esquisse de la figure étoit faite de même que sa niche. Et lorsque vous l’aurez vüe, et que les quatre modèles ronds seront terminés, je me mettrai à modeler la figure, si vous, Monsieur, êtes content de sa composition ».

À la fin du mois de mars 1786, deux modèles des quatre médaillons étaient terminés, ainsi que l’esquisse du groupe, pour laquelle Julien attendait l’approbation de d’Angiviller afin d’exécuter le modèle. Le sculpteur avait alors commencé à sélectionner des blocs de marbre appartenant au roi. Pendant tout l’été, Julien travailla à un rythme soutenu. L’exécution des modèles en plâtre était ainsi terminée en septembre 1786.

La livraison des blocs de marbre

À cette date en effet, plusieurs lettres témoignent du malentendu concernant le transport des marbres à l’atelier de Julien au Louvre. Dans l’une, datée du 19 septembre 1786, Jean-Baptiste Darcy, inspecteur général des marbres du roi, reçut de la direction générale des Bâtiments du roi les instructions suivantes :

« M. le D.G. n’étant pas, M., de retour ici, je ne puis vous procurer son ordre ministériel pour la délivrance des marbres nécessaires à M. Julien, sculpteur employé pour Rambouillet et dont vous m’avez remis la note, rédigée d’après le choix de cet artiste. Il est très intéressant qu’il les ait le plutot possible dans son attelier du Louvre. Je vous prie en conséquence de prendre les mesures les plus promptes pour le transport, qui se trouvera suffisamment autorisé par l’ordre que je présenterai au premier travail de M. le D.G. et que je vous ferai passer aussitôt ».

Au même moment, la direction générale s’adressa à Julien :

« Je juge par votre lettre, M., qu’il y a eu du mal entendu entre M. Darcis et moi sur le transport des marbres que vous avez choisis pour Rambouillet. J’écris à l’instant, pour suppléer ce mal entendu, et pour qu’il ne soit pas perdu desormais dans cet instant. Je préviens M. Pecoul de s’occuper sur le premier avis que vous lui donnerez du travail nécessaire pour former dans votre attelier le massif sur lequel il convient de fixer les marbres auxquels vous aurez à travailler ».

Toujours à la même date, des ordres furent donnés à Charles-Pierre Pécoul, entrepreneur des Bâtiments du roi :

« Je suis autorisé, M., par le D.G. à vous demander d’établir, dans l’attelier de M. Julien, sculpteur du Roi, au Louvre, lorsqu’il vous en requérera un massif en moelons suffisant à fixer et soutenir des tranches de marbre sur lesquelles il doit exécuter des bas-reliefs qui lui sont ordonnés. Je vous serai obligé de vouloir bien y donner les soins nécessaires lorsque les choses seront disposées, comme elles vont l’être pour peu de jours pour cet objet ».

C’est ainsi qu’une semaine plus tard, le 26 septembre, la direction générale des Bâtiments du roi put indiquer que « M. Darcy, directeur et garde magazin des marbres du Roi, fera délivrer à M. Julien, sculpteur, un bloc de marbre blanc statuaire dont les dimensions sont ci-après indiquées, et destiné à l’exécution d’ouvrages à faire pour le château de Rambouillet : N°2 – longueur : 6 pieds 5 pouces (2,05 m) ; largeur : 3 pieds 1 pouces (0,99 m) ; épaisseur : 2 pieds 4 pouces (0,75 m) ; cube : 43 pieds 2 pouces (13,81 m) ».

Le mois suivant, une correspondance détaillée témoigne des préoccupations de Julien et d’Angiviller d’utiliser des blocs de marbre de la plus haute qualité. Le sculpteur s’étant procuré un bloc de marbre superbe pour le premier bas-relief, il en demanda un autre aussi beau pour le second, ainsi que nous l’apprend une lettre de Julien datée du 16 octobre 1786 :

« Comme le marbre que M. Leterrier a fourny pour un des bas-reliefs ne sufit pas pour tous les deux et qu’il est infiniment plus beau que celui que j’avais choisi dans ceux du Roy, je vous demande s’il faut que je fasse d’autres recherches pour celui qui reste encore à faire pour lequel je suis après le modèle, ou s’il faut que je me serve de celui du Roy qui est très vilin et qui par conséquent jurera auprès de l’autre pour le discordant qu’il y aura entre ces grands bas-reliefs, et qui ni orait que ce dernier qui ne soit pas de beau marbre. J’attens votre réponse, Monsieur, pour faire les démarches nécessaires pour en avoir d’autres si vous le jugez à propos, je me crois obligé de vous instruire de tout ceci pour que nous n’ayons rien à nous reprocher je crois que M. Letherrier aura notre afaire si vous le trouvez bon ».

Le désir de Julien d’avoir de beaux marbres reçut pleine satisfaction. D’Angiviller chargea son adjoint Charles-Étienne-Gabriel Cuvillier, premier commis des Bâtiments du roi, de répondre au sculpteur, par une lettre envoyée de Fontainebleau le 20 octobre 1786 :

« Comme M. le D.G. m’a nettement expliqué, M., ses intentions sur les ouvrages dont il vous a chargé pour Rambouillet et que leur destination exige le marbre le plus pur, il ne faut pas vous fixer à celui que vous aviez compté prendre dans le magazin du Roi, puisque sa qualité ne répond pas à l’objet ; et puisque le Sr Leterrier peut en fournir de convenable, il ne faut pas hésiter à lui demander le cube qui vous est nécessaire et que vous vous bornerez sûrement à la plus juste mesure. Je présume de l’honnêteté du Sr Leterrier qu’il se contentera d’un juste bénéfice de commerce sur une marchandise dont le prix nous est parfaitement connu ».

Ainsi, à l’automne 1786, les esquisses et les modèles étaient terminés, et les blocs de marbre presque tous livrés à Julien.

L’exécution des marbres et leur mise en place dans la laiterie

Les délais d’exécution des marbres étant très courts, Julien sollicita l’aide de deux amis, sculpteurs du roi comme lui : Claude Dejoux et Jean-Joseph Foucou. Le premier se trouvait à Rambouillet à la fin de l’hiver 1787. La présence dans son atelier, à la mort de Julien en 1804, des modèles des grands bas-reliefs de la laiterie de la reine, prouve que Dejoux avait dû travailler à l’exécution du marbre, à Paris ou à Rambouillet. Quant au second sculpteur, sa collaboration est signalée dans une lettre qu’il adressa à d’Angeviller le 15 juillet 1787 :

« Ayant aidé M. Julien à faire un des bas-reliefs pour Rambouillet il a eu la bonté de vous prier de me nommer pour faire une figure pour le Roy ».

La présence de Foucou à Rambouillet est également attestée par une lettre du 10 février 1788 :

« Monsieur le comte a surement été instruit par M. Julien qui s’est fait aider par M. Foucou dans l’exécution de divers ouvrages qu’il a faits pour Rambouillet ; et probablement il lui a rendu bon compte de la capacité ».

L’exécution des sculptures de la laiterie de la reine se poursuivit jusqu’au printemps 1787. Un billet du 26 mars de cette année signale que le charpentier Jean-Claude Taboureux, entrepreneur des Bâtiments du roi, dut se concerter avec Julien pour le transport, à Rambouillet, d’une statue et des bas-reliefs que le sculpteur venait d’exécuter :

« Monsieur Taboureux se concertera avec M. Julien, sculpteur du Roi, au Louvre, sur les encaissements et autres précautions nécessaires à prendre pour transporter, de Paris à Rambouillet, une figure et des bas-reliefs que ledit Sr Julien vient d’exécuter, et qui sont à très peu-près en état de partir ».

Toutes les sculptures étaient en place à la laiterie, lorsque le roi et la reine vinrent à Rambouillet au cours de l’été 1787. Les travaux devaient être achevés en juin. En effet, dans une lettre adressée le 9 de ce mois à d’Angiviller, Julien évoque le coût de ses ouvrages pour la laiterie de Rambouillet :

« Monsieur le comte, je suis si heureux du succès dont vos bontés le donnent l’assurance et d’avoir répondu à votre confiance au de la bien surement de mon espoir, que je me soumet entièrement en tout ce qu’il vous plaira de régler sur l’espoir (apparemment sur le prix) de mes travaux ; je ne me suis déclaré sur les différens articles comme je l’ai fait parce que j’ai contrevenu en rien des justes estimations ; quand j’aurai exécuté le dernier bas-relief j’aurai surement dépensé et déboursé bien surement au moins trente-quatre mil livres, sur lesquels ma vie n’a pas beaucoup conté. La nécessité d’avoir fait au terme donné, m’a fait payer à tous les ouvriers et à tous les modèles beaucoup plus qu’on ne paye quand on n’est pas pressé et je vous supplie de croire que si vous m’accordiez les 64 000 livres de ma proposition, je ne serai pas encore en égalité du gain que fait un artiste auquel vous accordez pour une statue simple dix mil livres, dont il lui reste moitié ; je crois voir que votre calcul, Monsieur le Comte me réduiroit à 44 000 livres. Je ne veux point contre-dire votre sentiment, si vous jugez à propos de n’y pas changer. Mais je vous supplie de vous rendre vous même arbitre sur ce que je peux mériter et que je n’ai calculé à 64 000 livres que parce qu’après y avoir bien peiné je l’ai cru juste ; au reste je dirai encore une fois à Monsieur le Comte que je ne me plaindrai point de sa décision ».

Ainsi, Julien, qui avait demandé 64 000 livres pour paiement, dut accepter une diminution de 20 000 livres.

Deux mois plus tard, à la veille de l’ouverture du Salon de 1787, d’Angiviller annonça à Julien, dans une lettre du 8 août 1787, que le groupe en ronde bosse qu’il réalisa pour la laiterie ne pourrait figurer à cette exposition, à la grande déception du sculpteur :

« Je vais, M., vous faire éprouver un petit chagrin, mais vous connoissez si bien mon estime et mon amitié pour vous, que vous jugerez aisément que ma résolution est déterminée par des circonstances auxquelles il m’est impossible de me refuser. Ce petit chagrin consistera dans le parti que je prends de ne point faire transporter au prochain salon, la précieuse et charmante figure dont votre cizeau a enrichi la Laiterie de Rambouillet. Vous y perdrez de recevoir dans la Capitale les éloges que cet ouvrage mérite si justement ; mais vous avez reçu ceux qui pouvoient vous intéresser le plus, c’est-à-dire les éloges du Roi et les suffrages de toute la Cour. Ainsi votre ouvrage n’est point ignoré, et il ne passera désormais personne à Rambouillet qui n’y porte le désir de le voir. Il ne me reste qu’un regret, c’est celui que le tems ne vous ait pas permis de vous procurer un plâtre dont l’exposition au Salon eut très bien suppléé l’original. Au reste je vous engage à vous consoler un peu du contre-tems, par l’idée que la figure dont il s’agit est, dans le fait, assez connue, pour que ceux qui ne l’auront pas vue, y supposent un talent au moins égal à celui dont vous avez donné une preuve si complette dans la figure de Lafontaine ».

La déception de Julien fut telle qu’il décida de ne rien présenter à ce même Salon.

Les problèmes de paiement

Il est probable que Julien ne fut pas complètement payé pour la réalisation des ouvrages de la laiterie de Rambouillet. En effet, le sculpteur écrivit à d’Angiviller, le 5 mai 1789, afin de solliciter un secours sur la cassette du roi pour ses travaux à Rambouillet :

« Monsieur le Comte, pour lâcher de payer les personnes que j’ay employés pour les ouvrages que j’ai fait pour le Roy vous scavez, Monsieur le Comte qu’il me reste dû pour ce que j’ay fait pour Rambouillet seize mille livres, oserai-je vous prier, Monsieur le Comte, de mettre ma situation sous les yeux de notre bon roy, il est trop juste pour me laisser dans la peine. J’ay oui dire que ces sortes d’ouvrages étoient payés sur sa cassete dans laquelle il prend ordinairement même pour des aces de bienfaisance ».

Le 13 mai suivant, il fut remis à Julien 3000 livres à compte ; le 19, ce dernier donna quittance de cette somme :

« Je soussigné, Pierre Julien sculpteur, reconnois avoir reçu de M. Marc-Antoine-François-Marie Randon Delatour, administrateur du Trésor Royal, la somme de trois mille livres par les mains de M. a compte des ouvrages de sculpture que je fais pour le service de Sa Majesté ».

Le directeur des Bâtiments du roi ne répondit au sculpteur que le 3 juin suivant :

« Vous avez pu juger, Monsieur, par l’expédition que je vous ai faite le 13 May d’un secours d’argent que je n’avois pas négligé la lettre que vous m’aviez écrite le 5 du même mois. Je la réponds spécialement aujourd’hui pour vous observer qu’on vous a induit en erreur en vous faisant entendre que les ouvrages de la nature des vôtres se payent sur la cassette du Roi. Cette cassette a des charges auxquelles elle suffit à peine. Quoiqu’il en soit, reposez-vous, je vous en prie, sur les soins que je prendrai de faire solder votre compte, et d’abréger les délais autant qu’il sera possible ».

Les budgets de l’État et de la cassette royale étaient tellement compromis en 1787, que le paiement des sculptures dut être effectué par acomptes et ne fut, sans doute, jamais complètement acquitté. Au total, Julien réalisa pour la laiterie de la reine à Rambouillet six médaillons, deux bas-reliefs rectangulaires et un groupe en ronde bosse.

Les six médaillons

Le premier médaillon vint orner le fronton de la laiterie : par son sujet, une Vache nourrissant son veau, ce baf-relief annonce la destination de l’édifice. Dans la première salle, quatre autres médaillons, placés en alternance avec les six niches en cul-de-four, illustrent les travaux de la métairie : le Barattage du lait, la Distribution de sel aux chèvres, la Tonte des moutons et la Traite de la vache.

Les sujets de ces bas-reliefs, qui représentent des paysannes occupées par les travaux de la ferme, furent choisis en fonction de la destination du lieu et de la proximité avec la ferme voisine.

Le dernier médaillon fut placé dans la salle suivante, au-dessus de la porte communiquant avec la première pièce. Ce relief, plus grand que les cinq autres, fut très certainement placé en dernier. En effet, le peintre Sauvage fut payé 200 livres pour avoir peint « un bas-relief rond placé dans la laiterie au-dessus de la porte, pour remplir la place en attendant celui de M. Julien ». Le sculpteur a représenté une Mère allaitant son enfant. Cette figure nourricière était conforme aux idées de Jean-Jacques Rousseau, largement répandues dans la société contemporaine depuis la publication, en 1762, de l’Émile ou De l’éducation. Par ailleurs, le thème de l’allaitement n’est pas sans faire écho à l’iconographie du médaillon qui orne le fronton de la laiterie.

La traite de la vache

La tonte des moutons

Le barattage du lait

La distribution de sel aux chèvres

Les deux frises

Sur les longs murs de la salle rectangulaire furent placés, dans des renforcements, deux bas-reliefs en frise, consacrés à des thèmes mythologiques liés à l’élevage et aux bienfaits du lait. L’un, composé de trois blocs de marbre, représente Jupiter enfant chez les Corybantes ou Jupiter enfant nourri par la chèvre d’Amalthée.

Dans la mythologie, Rhéa, afin d’éviter que son époux Saturne ne dévore l’enfant qu’elle allait mettre au monde, se réfugia sur l’île de Crête où elle mit au monde Jupiter, dans une caverne du mont Ida. La garde de l’enfant fut confiée aux nymphes et aux Corybantes, chargés de faire du bruit pour cacher ses cris et sa présence sur terre. Jupiter se nourrissait alors du lait de la chèvre d’Amalthée. L’autre relief, constitué de deux blocs de marbre, représente quant à lui Apollon gardant les troupeaux d’Admète. D’après le mythe, Mercure, reconnaissable à son pétase et à son caducée, réussit à dérober l’élevage du roi des Phères qu’Apollon était censé surveiller. En effet, ce dernier était trop occupé à jouer de la flûte de Pan. Ces épisodes, empruntés à la mythologie arcadienne, présentent un lien évident avec les sujets pastoraux des médaillons de la laiterie.

Apollon gardant les troupeaux d’Admète.

Jupiter enfant chez les Corybantes ou Jupiter enfant nourri par la chèvre d’Amalthée.

Le groupe du rocher

Enfin, le groupe sculpté par Julien, représentant Amalthée et la chèvre de Jupiter, constitue la pièce maîtresse du décor de la laiterie de Rambouillet. Dès l’origine, le marbre fut enchâssé sur la haute vasque placée dans les rochers artificiels. Cet amoncellement de blocs de pierre, qui devait créer l’illusion d’une véritable grotte, évoquait ainsi l’antre mythique où naquit Jupiter. Cette composition pittoresque, au fond de la laiterie, s’inscrit dans la lignée du bosquet des Bains d’Apollon, récemment créé à Versailles. Ce dernier, conçu par Hubert Robert et aménagé par Jacques-Jean Thévenin de 1778 à 1781 ; à l’emplacement de l’ancien bosquet du Marais, devait servir de cadre aux anciens groupes sculptés de la grotte de Téthys. Le « rocher » de ce nouveau bosquet dut plaire à Marie-Antoinette, qui s’en fit aménager un à Trianon peu après. Aussi la demeure d’Amalthée, que Robert et Thévenin édifièrent à Rambouillet au même moment, devait-elle satisfaire le goût de la reine pour la nature et les retraites champêtres.

« Plan de la laiterie de Rambouillet avec l’arrengement des pièces de porcelaine de la manufacture du Roy », Anonyme, vers 1787, Sèvres.

Ouvrages de référence

Informations utiles

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78120 Rambouillet