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Biron, la forteresse gardienne du Périgord méridional

Du château de bois au château de pierre

Les premiers possesseurs et défenseurs de Biron sont très mal connus. Sans doute apparaissent-ils autour de l’an mil, succédant à une aristocratie militaire mise en place par les Carolingiens et dépossédée de son autorité et de ses biens par ces nouveaux soldats châtelains. Sur leur terre, entouré de palissades et surmonté d’une ou plusieurs tours de bois, les maîtres de Biron font partie du même groupe social d’hommes d’armes que leurs voisins de Beynac, de Badefols, de Castelnaud ou de la forteresse (castrum) de Bergerac. La puissance de cette chevalerie avant la lettre est fondée sur la possession et le maniement des armes, sur la mise en valeur de leurs domaines grâce au travail de tenanciers attachés à la terre et redevables de droits et de corvées au profit de leur seigneur. À quelle époque le château de bois, tellement vulnérable aux incendies, a-t’il laissé place à son successeur de pierre ? Seule certitude, la mention dans les documents, en 1076, d’un seigneur de Biron.

La tour féodale de Biron

Signe de l’autorité seigneuriale dont elle personnifie le pouvoir multiforme dans l’étendue de la châtellenie, la tour de Biron a été préservée des transformations et destructions ultérieures. Le logis seigneurial s’est installé à ses côtés. Tous deux portent encore sur leurs pierres les marques rougeâtres des incendies montés à l’assaut de leurs murs. Les arcs en plein cintre des ouvertures permettent de dater leur construction du milieu du XIIe siècle. Le dispositif étagé de la tour et l’épaisseur de ses murs témoignent d’un rôle défensif qui fait d’elle l’ultime refuge face aux attaques et aux sièges, car l’exiguïté des salles ne permet pas d’y résider durablement. Une enceinte protégeait l’ensemble et était elle-même entourée d’une seconde muraille délimitée, sans doute, par les parties les plus anciennes des tours Saint-Pierre et celle dite du concierge, située à droite de l’entrée actuelle du château.

Deux grandes abbayes périgourdines ont alors une histoire étroitement liée à celle de Biron : l’abbaye de Sarlat, fondée avant le milieu du Xe siècle et celle de Cadouin, création du Périgourdin Géraud de Salles, affiliée dès 1119 à l’ordre de Cîteaux. Entre ces abbayes et les châtelains de Biron s’établirent d’étroites relations fondées sur une réciprocité d’intérêts matériels et spirituels. Elles y trouvaient la garantie d’une protection militaire et eux pouvaient en espérer une assurance supplémentaire pour le salut de leurs âmes, sans oublier de belles carrières dans le haut clergé pour leurs fils cadets, tandis que leurs aînés étaient voués à la carrière des armes et la survie du nom et du lignage. Ainsi le voulait la tradition nobiliaire. Est-ce cette haute surveillance religieuse qui valut au château de Biron et à ses châtelains d’être assiégés par l’armée des croisés de Simon de Montfort ?

Depuis un siècle déjà, le lignage des Gontaut, originaire de l’Agenais, s’est établi à Biron, prenant possession du castrum sans doute après une alliance matrimoniale avec les Biron.

La chapelle, la galerie et la tour du concierge (dessin de Léo Drouyn – document SHAP, reproduit dans Le Périgord vu par Léo Drouyn)

Biron : un château cathare ?

Si l’on en croit Guillaume de Tudela, un troubadour témoin et chantre de la croisade des Albigeois, Simon de Montfort aurait quitté, en 1212, le siège de Penne-d’Agenais pour venir châtier en personne Martin Algais, seigneur de Biron, accusé d’offrir asile dans son château à des hérétiques. Époux de Raymonde, fille de Henri de Gontaut, vassal fidèle du roi-duc, Martin Algais se serait converti au catharisme après avoir appartenu à l’armée des croisés. Simon de Montfort a t’il voulu le punir pour ce revirement et ce reniement ? En tout cas, le supplice infligé au châtelain de Biron est terrible : attaché à la queue d’un cheval, il est traîné jusqu’au camp des vainqueurs et pendu. Son château, confisqué, est remis entre les mains d’un compagnon d’armes de Simon de Montfort. En échange de la reddition de son chef, la garnison a la vie sauve mais le village ne résiste pas aux assauts des croisés. Leur armée n’en a pas fini avec les grands châteaux du Périgord méridional : Beynac et Castelnaud, suspects, eux aussi, d’être des nids d’hérétiques, subissent le même sort que Biron.

Faut-il croire à cette pénétration et à cette extension du catharisme en Périgord ? N’est ce pas plutôt la volonté de soustraire le Périgord méridional à l’influence anglaise et de faire prévaloir le parti du roi de France qui a guidé les croisés de Simon de Montfort ? D’ailleurs, lors de leur passage, après avoir reçu la bénédiction de l’archevêque de Bordeaux, largement possessionné dans la vallée de la Dordogne, ils ont obtenu le soutien militaire du comte de Périgord, Archambaud Ier. Ce dernier avait des gages de fidélité à donner juste après le renouvellement de son hommage à Philippe Auguste pour maintenir son comté dans la mouvance directe du roi de France et le soustraire à la vassalité des Plantagenêts. Autant de bonnes raisons, très politiques, qui, sous prétexte d’hérésie, ont permis de conquérir les principales forteresses du sud du Périgord.

À cette raison s’en ajoute une autre, plus attirante encore, celle de la convoitise des barons du Nord pour les terres méridionales et pour une civilisation où la violence s’effaçait devant la courtoisie lors des cours d’amour des troubadours.

Cette emprise du parti français est de courte durée. Au milieu du XIIIe siècle, le roi d’Angleterre retrouve sa suzeraineté sur la région et reçoit à nouveau l’hommage des Gontaut. Ici, la guerre de Cent Ans a commencé bien avant ses débuts officiels, comme le prouve, dans chaque camp, l’implantation stratégique de villes nouvelles, les bastides, remarquables par la ceinture de leurs fortifications et l’ordonnance géométrique de leur plan en damier. Juste au nord de Biron, parmi les pions disposés sur ce futur terrain de guerre, se trouve la bastide de Montpazier, construite sur une hauteur qui domine la vallée du Dropt, affluent de la Garonne. Étroitement associés à sa naissance, les seigneurs de Biron durent bientôt s’incliner devant ses libertés, franchises et privilèges. L’interminable rivalité entre Capétiens et Plantagenêts leur redonne l’occasion d’intervenir brutalement dans le destin de la bastide, à l’exemple de Pierre II de Gontaut qui, au début du XIVe siècle, s’empare de Monpazier, la pille et rançonne ses habitants, avant d’obtenir le pardon du roi de France, en 1327. Au moment où s’assombrissaient une nouvelle fois les relations entre France et Angleterre, il était nécessaire de s’assurer de la fidélité des châtelains de Biron en les détachant de la vassalité du roi-duc. Mais pour combien de temps ?

Biron dans la tourmente de la guerre de Cent Ans

En 1345, le raid du comte de Derby en Bergeracois relance le conflit et marque le début de la guerre de Cent Ans. Froissart dans ses Chroniques décrit en détail les ravages de l’armée anglaise en Périgord et l’écrasante défaite des partisans du roi de France à la bataille d’Auberoche, en octobre. Biron subit alors le sort commun des châteaux périgourdins livrés aux garnisons anglo-gasconnes. Mais son occupation est de courte durée puisqu’il redevient français en 1351. La guerre des châteaux ne faisait que commencer. Elle avait devant elle tout un siècle d’attaques surprises et de sièges interminables accompagnés de destructions majeures, surtout dans les villages, privés de défenses et livrés aux pillages des gens de guerre. En dix ans, de 1360 à 1370, à la suite du traité de Brétigny qui reconnaissait au roi d’Angleterre la possession du Périgord, les seigneurs de Biron participent au grand basculement des fidélités nobiliaires qui redonnent au parti français le Périgord méridional, ceci avec la connivence du comte de Périgord. À la fin du XIVe siècle, malgré la présence de Du Guesclin qui se dépense sans compter pour le roi de France, le brigandage s’est installé en maître dans la région et les châtelains sont devenus des chefs de bandes qui rançonnent le plat pays.

C’est au cours du XVe siècle que l’on construit, à l’angle nord-est de la butte, le donjon octogonal, alors haut de trois étages. Cette avancée protectrice, séparée de la partie centrale du château, regroupée au sud-est, marque le renforcement de la forteresse et délimite son extension future à l’est et à l’ouest. Biron connaît les moments les plus difficiles de son existence lors des dernières décennies de la guerre. Depuis 1430, lentement mais sûrement, les Françasi ont reconquis à partir du Sarladais châteaux et places fortes du Périgord méridional. Seul leur résiste le Bergeracois où les Anglais ont concentré leurs forces pour une ultime tentative de reconquête depuis Bordeaux. Malrigou de Bideran, représentant du roi d’Angleterre à Bergerac, lance en 1444 une expédition punitive contre Biron dont le seigneur, Gaston de Gontaut, a précautionneusement rallié le parti français. En juin, pris par surprise, le château change de camp et de seigneur, tandis que les Gontaut sont punis pour trahison. Leur riposte ne tarde pas. Pour mieux s’y opposer, Bideran donne l’ordre de mettre le feu au château : les pierres roussies de la tour et du logis le plus ancien témoignent de cet incendie que Gaston et les siens réussirent à maîtriser. Bideran, qui n’avait pas dit son dernier mot, s’empare à nouveau du château trois ans plus tard, en 1447. Tant d’acharnement guerrier a un prix que la plupart des tenanciers de la seigneurie de Biron ont payé de leurs vies et de leurs biens. Déserté, leur village au pied du château n’est plus qu’un champs de ruines sur lequel veille la tour féodale qui a résisté à tous les assauts ou découragé l’ardeur des assaillants, mais ses abords ont beaucoup souffert. La reconstruction est une oeuvre de longue haleine menée à bien par les Gontaut grâce aux revenus de la seigneurie remise en exploitation avec l’arrivée de nouveaux colons et, surtout, grâce à la faveur des rois de France.

Le beau XVIe siècle des Biron et de leur château


Sous le regard des rois

Des dernières décennies du XVe siècle aux ultimes années du XVIe siècle, les Gontaut-Biron ne cessent de renforcer leur puissance en Périgord et dans le royaume. Prodigieuse moisson de bénéfices et de gloire récoltée à l’ombre des souverains et engrangée de génération en génération ! En contrepartie, le prix à payer pour eux est celui d’une fidélité à toute épreuve et d’un dévouement jusqu’au sacrifice de la vie. Entre le début des guerres d’Italie, en 1494, et la fin des guerres de religion, en 1598, chaque chef du lignage s’engage davantage dans le cercle étroit des proches du roi. En conséquence, ils délaissent de plus en plus leur château et leurs terres périgourdines pour servir le roi à la Cour et à la guerre. Pareille stratégie est pour les rois le meilleur moyen de prendre dans le filet de leur clientèle une noblesse méridionale jusqu’alors à l’écart des réseaux courtisans. Les Valois sont passés maîtres dans cette captation d’une noblesse moyenne ou « seconde », pour reprendre la terminologie des historiens, qui leur offre le rempart de son obéissance et de sa reconnaissance face à l’appétit de pouvoir des princes de sang et des grands. Ainsi se prépare la domestication de la noblesse, bien avant sa somptueuse mise en scène à Versailles par Louis XIV.

Le passage de la Révolution au château de Biron

Jusqu’en 1789, au moins, des artisans périgourdins ont travaillé au château des maréchaux pour achever les aménagements intérieurs : la dernière décennie de l’Ancien Régime est tout occupée de décoration. Mais le temps est désormais compté : la plupart des chantiers s’arrêtent au bout de de quelques mois après la convocation des Etats généraux. Puni comme la plupart des châteaux porteurs des signes et des symboles de la noblesse et de la féodalité, Biron subit d’autres outrages attachés au nom et au renom des Gontaut. Un récit daté de 1795 permet d’en apprécier l’ampleur même si son auteur, resté anonyme, ne cache pas ses penchants royalistes et son hostilité envers la Révolution. Venu de Lauzun jusqu’à Biron pour le plaisir d’une partie de chasse, il décrit sa lente progression sur le « roc escarpé » de Biron et l’entrée par une « brèche » pour accéder à la cour du château. Seul un concierge ou gardien est présent sur les lieux et sert de guide à la douzaine de chasseurs venus en visite et en pèlerinage.

La cour basse (dessin de Léo Drouyn – document SHAP, reproduit dans Le Périgord vu par Léo Drouyn)

Au spectacle presque banal des girouettes, des créneaux et des armoiries cassés et renversés s’ajoute pour eux celui d’un château entièrement vidé de son mobilier, y compris tapisseries et tableaux. C’est la chapelle qui a le plus souffert : « les statues mutilées et renversées, les cercueils brisés, les ossements confondus, gisaient encore épars dans le temple profané ». La seule consolation pour les visiteurs est d’avoir retrouvé intacts les bois des deux lits de la « chambre d’Henri IV » qui auraient servi au repos du roi et de Sully. Tout à côté se trouvait la chambre de Biron, préposé à la garde de son royal visiteur. Cette anecdote, purement fictive puisque Henri IV n’est jamais revenu en Guyenne, glorifie le compagnonnage entre le roi et Charles de Gontaud-Biron, laissant dans l’ombre le châtiment infligé au duc. Elle participe à l’élaboration de la légende d’Henri IV qui s’épanouit au XIXe siècle en dépit des réticences de Périgourdins qui, tel, Eugène Le Roy, n’apprécient guère le « roi finaud » et se souviennent de la peine infligée au premier duc de Biron.

Informations utiles

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Tel: 05 53 63 13 39

chateau-biron.fr

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