Source DRAC et oeuvre de Drouyn.

Château de La Trave

Dans une contrée, stérile en apparence, couverte d’immenses forêts de pins et de chênes, existent les châteaux qui, au commencement du XIVe siècle, appartenaient aux plus puissants barons du pays bordelais. Là s’élèvent, à quelques kilomètres les uns des autres, Budos, Noaillan, Villandraut, La Trave, Cazeneuve, Roquetaillade, etc., dont les possesseurs ont joué un si grand rôle pendant les trois cents ans de la domination anglaise.

Le château de La Trave, ou plutôt de La Trau, comme on l’appelait autrefois, a été bâti vers 1306, sous le pontificat de Clément V, et probablement par Arnaud-Bernard de Preyssac, damoiseau, qualifié de soudan ; c’est peut-être lui aussi qui épousa la fille d’Arnaud Garcias de Goth, frère du pape. Il était seigneur, en partie, du fief du Breuil, dans la commune de Cissac en Médoc.

En 1356, le soudan de La Trau fut un des seigneurs gascons qui se distinguèrent le plus à la bataille de Poitiers. Il était dans le corps commandé par le captal de Buch, et se trouva, en face de celui à la tête duquel était le roi de France, le seul qui disputa la victoire. Il avait fait avec le prince Noir la campagne du Languedoc. Ce chevalier était membre de l’ordre de la Jarretière. Lorsque le prince de Galles partit pour l’Angleterre avec le roi Jean, son prisonnier, le soudan de La Trau le suivit avec quelques autres seigneurs gascons.

La plus grande partie des seigneurs de cette époque, et surtout ceux de Gascogne, ne vivaient que de la guerre. Aussi, après la paix de Brétigny, les hostilités ayant cessé entre la France et l’Angleterre, quelque-uns d’entre eux prirent-ils du service partout où il y avait à se battre ; ainsi, nous venons de voir un soudan de La Trau combattre vaillamment contre les Français à la bataille de Poitiers ; huit ans plus tard (1364), nous le retrouvons combattant dans les rangs de ces mêmes Français à la bataille de Cocherel, gagnée par Du Guesclin, et contribuant puissamment, avec le sire d’Albret, messire Petiton de Curton et messire Aymon de Pommiers, tous gascons, au gain de la bataille. Trois ans après (1367), le même seigneur, sans doute, accompagnait en Espagne le prince de Galles au secours de Pierre le Cruel, et se trouvait en face de Du Guesclin. La guerre s’étant rallumée en 1369, entre la France et l’Angleterre, on voit le soudan de La Trau faire partie d’une chevauchée en Rouergue, sous les ordres de Jean Chandos. En 1372, on le trouve dans l’armée anglo-gasconne sous les murs de La Rochelle, et enfin partout où son souverain le roi d’Angleterre avait des ennemis à combattre.

Au milieu de toutes les fluctuations politiques de cette époque, les soudans de La Trau furent toujours fidèles aux rois d’Angleterre, qui les comblèrent de faveurs. Ainsi, le 11 avril 1377, Edouard III concéda le lieu de Montendre au soudan de La Trau, chevalier. Cette concession fut confirmée en 1380-81 par Richard II. C’était, dit Froissard, un vaillant chevalier et bon homme d’armes, et le roi d’Angleterre, en lui concédant Montendre, l’avait probablement chargé de défendre, contre les Français, la partie de la Saintonge dans laquelle se trouve cette ville. Il se jeta dans Mortagne (1378, ville très-forte pour l’époque, et qui domine le cours de la Gironde. Ceux de la ville avaient grande confiance en lui, et « par son conseil, ils ouvroient et luy obeyssoient comme à leur capitaine ». Le siège dura plus d’un an. Yvain de Galles, qui était à la tête de l’armée française, voyant qu’il ne pouvait prendre la ville par la force, l’enveloppa de quatre bastides, espérant ainsi l’obtenir par la famine ; mais il fut assassiné par un traître qui avait gagné son amitié. Le meurtrier se présenta au château,

« et quand le soudich l’eut entendu, si crola la tête et le regarda fellement et dit : Tu l’as meurdry et saches certainement, tout considéré, que si je ne veois notre très grand profit en ce fait, je te ferais trancher la teste et jeter corps et teste dedans les fossés ; mais puisqu’il est fait, il ne se peut défaire ; mais c’est dommage du gentil-homme, quand il est ainsi mort ; et plus y aurons de blanc que de louanges ».

Le siège n’en continua pas moins, et le soudan, réduit à la dernière extrémité, proposa de se rendre, à la condition que lui et ses gens se retireraient à Bordeaux. Les assiégeants ne voulurent pas y consentir. Un secours étant arrivé d’Angleterre, le soudan ne voulut plus entendre parler de condition, et les Français levèrent le siège.

En 1380, Richard II donne à ce même soudan les propriétés que Gaillard Begner avait possédées à Bordeaux et dans la banlieue de cette ville. Edouard III lui avait donné une rente à vie de 200 écus ; en 1381, il renonça à cette rente. A cette époque, la seigneurie d’Arbanats appartenait au soudan de La Trave ; car nous voyons, par le Catalogue des Rôles Gascons, que le roi d’Angleterre lui accorda, en 1384-85, la permission de tenir un marché et des foires dans son domaine et terre d’Arbanats.

À partir de la fin du XIVe siècle, la soldanie de La Trave passa dans la puissante famille de Montferrand, dont un membre, Bertrand de Montferrand, épousa, avant 1394, Isabelle de Preyssac, héritière des biens de son père. L’abbé Baurein, qui nous fournit ce renseignement, ne nous dit pas si le soudan n’avait pas d’enfants mâle ; mais c’est probable.

Avant d’abondonner ce personnage célèbre, qu’il nous soit permis de raconter encore un épisode de sa vie aventureuse et romanesque. En 1381, le roi d’Espagne et celui du Portugal s’étant déclaré la guerre, ce dernier fit demander du secours au roi d’Angleterre, qui chargea le comte de Cambridge de cette expédition ; il mit sous ses ordres cinq cents lances et autant d’archers. Parmi les chevaliers qui l’accompagnaient, on trouve le soudan de La Trau à la tête d’un corps de Gascons.

L’armée anglaise s’embarqua à Plymouth, après y avoir attendu pendant longtemps un vent favorable. Arrivée dans les parages de l’Espagne, la flotte fut dispersée par une effroyable tempête. Le comte de Cambridge et les Anglais, après avoir éprouvé de grands dangers, parvinrent à gagner Lisbonne ; mais le navire où étaient les Gascons, « messire Jean Chastel-Neuf et le souldich de l’Estrade, le sire de La Barde et environ quarante hommes d’armes, chevaliers et écuyers » fut séparé des vaisseaux anglais.

Les Gascons perdirent leur chemin, traversèrent le détroit des Maures de Gibraltar, pénétrèrent dans la Méditerranée au-delà de Nenamari, faillirent plusieurs fois être pris par les Sarrasins. Ils se regardaient comme perdus et n’avaient plus l’espoir de revenir à terre, lorsque au bout de quarante jours, pendant lesquels ils coururent toute sorte de périls, le vent les repoussa dans la mer d’Espagne ; là, ils rencontrèrent deux navires marchands de Lisbonne qui se rendaient en Flandre. Mais trompés par eux, ils faillirent tomber dans un péril aussi grand que celui qu’ils venaient d’éviter. le capitaine, après leur avoir laissé du vin et des vivres frais, leur dit que le roi du Portugal et les Anglais assiégeaient Séville, où s’était renfermé le roi de Castille. Enchantés de cette nouvelle, ils ordonnèrent à leurs matelots de les conduire devant cette ville ; mais ceux-ci ayant quelques raisons pour se méfier des renseignements des marchands, étant arrivés en vue de Séville, firent monter un enfant sur la hune pour s’assurer si en effet la ville était assiégée. Sur sa réponse négative, ils virèrent de bord au plus vite et entrèrent dans le port de Lisbonne.

Peu de temps après, le roi du Portugal désigna à chaque corps d’armée le point du pays qu’il devait occuper. Les Gascons et une partie des Anglais furent envoyés à Villa-Viçosa, avec la recommandation de ne pas attaquer les Espagnols sans l’ordre du roi. Malgré la promesse qu’ils firent de s’y conformer, ils ne purent résister au désir de se battre et de piller quelques forteresses. Excités par le chanoine de Robertsart, capitaine anglais, ils attaquèrent le château de La Higuera, où se tenaient environ soixante hommes d’armes espagnols. Le soudan de La Trau faisait partie de l’expédition. Le château fut attaqué vigoureusement ; les Gascons firent des prodiges de valeur ; les Espagnols se défendirent en désespérés, et ne demandèrent à capituler que lorsqu’il n’en resta plus que trois d’entre eux qui ne fussent blessés. le chanoine de Robertsart ne leur accorda que la vie et les laissa prendre la route de Xérès, où se tenait le maître de Saint-Jacques, à qui appartenait le château de La Higuera.

À la nouvelle de cette expédition, le roi du Portugal fut courroucé. Les Anglais et les Gascons, après avoir promis de nouveau de rester en repos, passèrent tout l’hiver en leur garnison sans chevaucher, « dont il leur ennuyoit grandement ». Mais après l’hiver, ils résolurent de chevaucher, voulut ou non le roi du Portugal. Le soudan de La Trau fut, en conséquence, envoyé vers le comte de Cambridge, et lui dit :

« Sire, les compagnons m’envoyent devers vous savoir quelle chose vous voulez faire ; car ils ont grand merveille pourquoi on les a amenés en ce pays, quand tant y séjournent, et que ce leur tourne à grand déplaisance. Si me répondez que vous voulez que ils fassent, car ils ont grand désir de chevaucher ».

Le comte répondit que le roi n’avait l’intention de commencer sérieusement la guerre que lorsque le reste des troupes anglaises serait arrivé, et qu’en attendant, ils ne les empêchait pas de chevaucher, mais que cependant ils devaient obéir au roi puisqu’ils étaient à sa solde.

« Par ma foi, monseigneur ! dit le souldich, il paye mal ; car aussi les compagnons se plaignent trop fort de son payement et non sans cause, car il nous doit encore tous les gages de six mois ».

« il vous payera bien, dit le comte, toujours vient bien à point l’argent ».

Peu satisfait de cette réponse, et malgré les nouvelles défenses du roi, le chanoine de Robertsart se mit aux champs avec ses compagnons. Sa petite armée, composée de quatre cents lances et d’autant d’archers, se rendit devant la ville d’Elvas, qu’elle prit, ainsi que le château, qui ne se défendit que très légèrement. Plus loin, le château de Cortijo leur donna plus de peine ; mais le capitaine ayant été tué d’un coup de flèche, ils y entrèrent de vive force et en tuèrent tous les défenseurs. Continuant leur route, ils se dirigèrent vers un marais dans lequel paissaient « plus de vingt mille bêtes, boeufs, porcs, vaches, moutons, brebis, » et rentrèrent avec cette proie à Villa-Viçosa.

La solde de l’armée se faisant encore attendre, on envoya vers le roi un messager qui n’obtint qu’une réponse défavorable. Alors les principaux seigneurs de l’armée, parmi lesquels on trouve le sire de La Barde, celui de Chastel-Neuf et le soudan de La Trau, se réunirent dans un monastère près de Villa-Viçosa, résolurent de se nommer un capitaine, de prendre pour devise : « Ami à Dieu, et ennemi à tout le monde », de faire la guerre pour leur propre compte, même au roi du Portugal et de commencer par piller Villa-Viçosa. Ils allaient mettre de suite leur dessein à exécution, lorsque arriva le chanoine de Robertsart, qui parvint à les calmer, les engagea à voir le comte de Cambridge et à s’entendre avec lui. Celui-ci leur conseilla d’envoyer trois des leurs à Lisbonne, où se tenait le roi. C’est ce qu’ils firent. Ces députés s’expliquèrent avec courage et franchise. Le roi, après quelques reproches, leur promit de payer leur solde entière dans quinze jours et tint parole. Au moment de leur départ, il les pria de lui envoyer le comte de Cambridge, avec lequel il fut convenu que dans peu de jours on marcherait contre le roi de Castille. Celui-ci, ayant réuni une puissante armée, fit proposer au roi du Portugal de choisir, soit en Espagne, soit en Portugal, un lieu favorable pour combattre. Il fut convenu qu’on le chercherait dans ce dernier pays. Le soudan de La Trau et Thomas Simour, chargés de faire ce choix, désignèrent une plaine entre Elvas et Badajoz. La bataille ne se donna pas, et, dans ce lieu même, l’Espagne et le Portugal firent la paix sans consulter les Anglais, ce qui déplut fort au comte de Cambridge. Le roi de Portugal n’ayant plus besoin de ses alliés, ils repassèrent en Angleterre. Le soudan de La Trau dut partir avec eux.

Nous avons vu plus haut que si ce personnage, type complet des guerroyeurs du XIVe siècle, servit avec constance le roi d’Angleterre, il en reçut des récompenses de toute nature. Henri IV distribua au gendre les mêmes faveurs qui avaient été accordées au beau-père. Ainsi, en 1400-01, il lui concéda, dans la ville de Mortagne-sur-Gironde, certains impôts, et c’était justice, à cause de la vigoureuse défense de cette place par le soudan en 1378. Il lui donna de plus une rente dans la ville et châtellenie de La Bourt, qui faisait partie des domaines d’Albret.

En 1412-13, il lui confia la garde de Bourg et le fit maire de cette ville. En 1415-16, le roi Henri V confisque la terre de Livran aux fils et héritiers de Fauquet de La Trave, pour la donner à Gaillard de Durfort, seigneur de Duras et de Blanquefort. Nous ne pouvons savoir si ce Fauquet était un membre de la famille qui possédait La Trave, mais il ne devait pas en avoir été le seigneur. En effet, nous savons vu plus haut qu’à partir de la fin du XIVe siècle, cette seigneurie fut possédée par les Montferrand, qui prenaient le titre de soudans de La Trau, et furent, jusqu’à la conquête de la Guienne, toujours fidèles aux rois anglais, dont les faveurs , ne leur manquèrent pas. Un d’eux, Pierre de Montferrand, avait épousé Marie, fille naturelle de Jean, duc de Bedford. A cette occasion, le roi d’Angleterre lui avait concédé certaines terres ; en 1430, il lui donna, à la place de ces terres, la baronnie de Marennes, le baillage et le péage de Hastingues, etc. Pierre de Montferrand, qualifié de soudan de La Trau, était un des plus riches et des plus puissants barons de la Guienne. Il se trouvait en 1450 à Blaye, lorsque cette ville fut prise par Dunois, et fit avec le général un traité particulier sur la manière et la délivrance de sa personne :

« Premièrement, que le dit sire de Montferrand baillera et payera pour sa rançon, la somme de dix mille escus d’or, dedans le quinziesme jour de juillet prochain ensuivant…

Item. Et pour la sureté d’iceux dix mille escus baillera les scellez de messire Bertrand de Montferrand, et de monseigneur de Duras, et si baillera en ostage son fils ainé et son neveu Jannet de France ou Joannet Franc…, qui tiendront bonne et loyale prison, et demeureront ostage jusques au plein et entier payement de ladite somme desdits dix mille escus.

Item. Si dans les six semaines, il lui plaist d’obeir au roi de France et de remettre cinq places qu’il possède, il demeurera quitte de ces 10 000 escus, et pour qu’il soit fidele à son serment, il remettra deux de ses principales places, mais toutefois il jouira de leur revenu.

Item. Après la reddition de Bordeaux, on lui rendra ces deux places. outre quoy, le roi promet de lui donner la seigneurie de Barat jusqu’à la valeur de cent livres tournois de rente et revenus. Et de plus lui donnera le roi, en récompense de quatre mille francs de rente, que le roi d’Angleterre lui avoit donnez dans le pays de Guienne (lesquels il a de présent abandonnez, perduez et delaissez, pour se mettre et lesdites places en l’obeissance du roi de France), la somme de trois mille escus d’or ».

Après ce traité, le soudan de La Trau passa du côté des Français ; mais en 1452 il fut un de ceux qui fomentèrent la révolte et rappelèrent les Anglais. À cette occasion, le roi d’Angleterre lui rend ses bonnes grâces et tous les domaines et les terres qu’il avait possédées autrefois en Guienne. Il ne jouit pas longtemps du fruit de sa rébellion, car, après la seconde conquête de la Guienne, il fut exilé par Charles VII ; mais ayant eu l’imprudence, l’année suivante, de rentrer en France avec un faux sauf-conduit, il fut pris, traîné à Poitiers, condamné à mort et exécuté.

À la suite de cet acte de sévère justice, son château de La Trave fut rasé ; c’est du moins l’opinion de Jouannet (Statistique de la Gironde, t. II, P. 114). D’autres prétendent qu’il ne fut détruit qu’en 1572 par les protestants, qui après le massacre de la Saint-Barthélemy, ravagèrent les environs de Bordeaux, et surtout Villandraut et Uzeste. Ce qui donne quelque probabilité à cette opinion, c’est que la seigneurie de La Trave avait été rendue à la famille de Montferrand, et qu’en 1372, le Parlement, présidé par Montferrand, avait pris des mesures sévères contre les religionnaires irrités du massacre de la Saint-Barthélemy, excité à bordeaux surtout par le jésuite Edmond Augier. Il ne serait donc pas étonnant que, pour se venger, ils aient dévasté et détruit de fond en comble le château de La Trave.

La forteresse démolie, la terre n’en subsistait pas moins, et nous voyons encore, en 1686, un membre de la famille de Montferrand, François-Joseph de Montferrand, grand sénéchal de guienne, rendant hommage au roi, prendre le titre de premier baron de Guienne, soudan de La Trau, etc. En 1705, la terre de Préchac appartenait à dame Marie-Guionne-Rochefort Théobon, qui épousa Louis de Pons. En dernier lieu, M. le comte Dubois de Lamothe, décédé il y a peu de temps dans un âge fort avancé, possédait les ruines de La Trave dont vient d’hériter M. le comte de Sabrau. D’après J. Montlezun (Histoire de la Gascogne, Supplément), les armes de La Trau étaient : parti au 1d’argent au lion de gueules, au 2 à trois faces d’argent.

Le château

Ce qui reste du château de La Trave est loin de donner, comme Villandraut et beaucoup d’autres forteresses, une juste idée de la puissance des seigneurs qui l’ont fondé, et surtout de ceux qui l’ont habité plus tard.

On ne découvre pas là, au premier abord, malgré les grands pans de murs à moitié renversés, les restes d’une de ces imposantes forteresses du moyen-age. Cependant, sa position est admirable sur la rive gauche du Ciron, charmante petite rivière qui coule profonde et rapide entre deux berges escarpées et hautes de 8 à 10 mètres. Le château est bâti sur la crête de cette berge, un peu plus élevée là que partout ailleurs, ce qui a probablement motivé le choix de cet emplacement, qui, du reste, n’était parfaitement fortifiée par la nature que du côté du Ciron. Il a donc été nécessaire de l’envelopper de fossés de tous les autres côtés. On distingue encore très-bien leur emplacement, mais ils sont presque entièrement comblés.

Le plan se compose de deux enceintes parfaitement distinctes : l’une forme le château proprement dit, et l’autre la basse-cour. toutes les deux cependant sont à peu près au même niveau, et enveloppées d’un fossé commun qui vient, par les deux bouts, se relier à la berge escarpée du Ciron. Le château est bâti sur un plan barlong dont les angles sont empâtés par une tour carrée bâtie diagonalement au tracé de la forteresse, ainsi que l’indique le plan. Une des tours, celle du nord, ne touche que par un de ses angles à celui du château. Au milieu de cette enceinte s’élevait, comme à Roquetaillade, un donjon carré, qui parait n’avoir été entouré de constructions que de deux côtés seulement. La basse-cour, de forme polygonale, et dont les murs sont reliés à deux des tours d’angle, est séparée du château par une large coupure dont les deux extrémités sont fermées par deux tours. Les courtines de cette basse-cour sont un peu plus modernes que celles du reste de la forteresse, mais cependant aussi du commencement du XIVe siècle.

Une portion des murs du sud-est est ruinée, de sorte qu’il est impossible de s’assurer si là s’ouvrait une poterne, comme à Roquetaillade et à Villandraut ; c’est assez probable, mais les portes principales se trouvaient toutes du côté opposé, c’est à dire au nord-ouest. Ainsi, pour pénétrer dans le château par la voie ordinaire, il fallait d’abord traverser le premier fossé près de l’angle nord de la basse-cour, au point où il se relie avec l’escarpement du rocher ; là était une petite tour en saillie dans le fossé, et sous laquelle passait le couloir de la porte. On voit encore les fondements de cette tour, mais rien n’indique comment elle était défendue. cette porte franchie, il fallait, pour arriver à la porte du château, traverser toute la basse-cour, qui devait être enveloppée de constructions. Les dix-neuf meurtrières dont ses murs sont percés, depuis la porte D jusqu’à la tour L, ressemblent à celles des tourelles de la porte de l’Hian à Rions. De rares ouvertures percent le mur ON, où des meurtrières étaient inutiles ; les défenses supérieures, hourds ou machicoulis, devaient suffire.

À l’extrémité de la basse-cour et en face de la porte D, on  trouvait la coupure qu’il fallait traverser probablement sur un pont-levis, au bout duquel était une tour (E) en saillie dans le fossé. On retrouve encore les fondements de cette tour, qui devait recouvrir le couloir d’une porte. Ceux qui voulaient traverser ce pont de vive force étaient battus, de face par la tour qui recouvrait la porte, et de côté par les tours N et L, sans compter une portion des courtines qui bordaient la contrescarpe de la coupure.

Dans l’état de délabrement où se trouve cette forteresse, il me paraît difficile, pour ne pas dire impossible, de retrouver le plan primitif des différents corps-de-logis renfermés dans l’enceinte principale. Aussi ne vais-je parler que de ceux dont l’existence me paraît positivement indiquée, soit par des arrachements de murs, des restes de cheminées accolées contre les courtines des fenêtres, ou des fondations qui arasent le sol.

Après avoir franchi la porte E, on se trouvait en face d’une troisième porte (F). La partie FKLE formait-elle une terrasse ou contenait-elle un corps de logis ? Je n’ai pu m’en assurer. Mais il parait positif qu’un mur s’étendait de F en K. la porte F, qui existe encore, s’ouvre sous une tour carrée ; elle est peu large, très basse, en cintre bombé, et munie d’une herse qui était mise en mouvement par des hommes logés dans une petite chambre au premier étage de la tour. De cette chambre, une meurtrière donnait en face de la porte E. Cette troisième porte enlevée, on se trouvait dans un long couloir à ciel ouvert, ou couvert peut-être d’un corps de logis formant premier étage (l’état des lieux ne permet pas de se prononcer), et en face d’un escalier à rampe droite, appuyé contre un mur (FG), des meurtrières étaient disposées sur cet escalier, de façon à battre une cour intérieure placée en H, et précédant un donjon carré (I) situé au centre du château, comme celui de Roquetaillade. Ce donjon se reliat, par deux de ses faces, à deux corps de logis adossés aux courtines des sud-est et sud-ouest. Il paraît avoir été séparé du mur FG par un étroit passage, de sorte que la porte qui s’ouvrait au bout de l’escalier devait donner sur un pont volant, seul passage pour entrer dans le donjon et le premier étage des appartements.

Les tours J et L sont démolies, mais on voit encore très bien leur plan ; la tour M n’existe plus ; il ne reste plus qu’un pan à moitié renversé de la tour N. Il est impossible de savoir quelle était leur hauteur et de quelle forme étaient leurs ouvertures. Elles n’avaient pas d’escaliers particuliers ; on ne pénétrait donc dans leurs différents étages que par les étages correspondants des corps de logis.

Le donjon est rasé jusqu’au niveau du sol. Son existence n’est signalée que par les parois, dont trois renversées, chacune d’une seule pièce, formant de vastes blocs horizontaux, qu’on est tenté, au premier abord, de prendre pour un pavage. La quatrième (AB) est tombée de gaçon à ce que sa partie verticale se trouve maintenant tournée horizontalement. Sa première place était en AC. Son épaisseur est d’environ 2 mètres, sa hauteur et sa largeur doivent être de 7 à 8 mètres. C’est dans cette paroi qu’était percé l’escalier à vis qui, du premier étage, devait descendre dans le rez-de-chaussée, au dessous duquel était une cave où l’on pénétrait par un orifice percé au milieu de la voûte.

Ce ne peut être qu’au moyen d’un fourneau de mine que des murs de cette dimension ont été démolis de cette façon et enlevés d’une seule pièce de la place qu’ils occupaient. Un d’eux comble une partie du fossé du sud-est ; d’autres masses énormes ont été lancées dans le lit du Ciron, où elles ressemblent tellement à des roches naturelles qu’on s’y trompe facilement. Le mur AB, malgré le demi-tour que l’explosion lui a fait faire, n’a pas été renversé ; il a rencontré dans sa chute le mur contre-bouté par l’escalier rampant ; il forme ainsi une cabane où l’on met du bois et des charrettes à l’abri de la pluie. Cet énorme bloc ainsi placé donne à ces ruines un aspect on ne peut plus original.

À 2 ou 300 mètres environ de La Trave, on m’a montré un souterrain qui paraît se diriger d’un côté vers le château, et de l’autre vers le bourg de Préchac. Il m’a été impossible d’y pénétrer.

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