Son histoire
Au Xe siècle, Dourdan faisait partie des fiefs de Hugues le Grand qui y fit construire un castelet en bois, situé à une centaine de mètres au nord-ouest de l’actuel château, où il s’éteint en 956. Cette construction perdura suffisamment longtemps pour que Louis VII (1120-1180) en fasse, dit-on, une de ses résidences de chasse.
Entre 1220 et 1222, un nouveau château fut construit à la demande de Philippe-Auguste à l’emplacement du château capétien. Château le plus abouti de Philippe-Auguste, il reprend les caractéristiques des châteaux philippiens de l’époque, comparable aux châteaux de Gisors ou d’Angers et dans une moindre mesure au Louvre. Caractéristique de l’architecture militaire de cette époque, il était bâti sur un plan carré, protégé par des tours d’angles et un donjon isolé. Le château était entouré d’un fossé qui isolait également le donjon.
En 1240, Louis IX l’offrit à sa mère Blanche de Castille puis en 1260 à sa femme Marguerite de Provence. Ce fut ensuite un rendez-vous de chasse pour Philippe le Hardi et Philippe le Bel qui le donna en 1307 à son frère le comte d’Évreux.
En 1314, à la suite du scandale de la Tour de Nesle, Jeanne II de Bourgogne, un temps compromise fut enfermée dans le donjon du château. Le château devint la propriété de Jean Ier de Berry en 1385 qui fit ajouter les fortifications de la ville. Cela n’empêcha pas, pendant la Guerre de Cent Ans, le pillage de la ville par les Anglais en 1428 et l’emprisonnement en 1430 d’Étienne de Vignolles dit La Hire, compagnon de Jeanne d’Arc dans le donjon avant son évasion en 1431.
En 1477, Louis XI réintégra le château au domaine royal, ce qui fut suivi par une série de sièges durant les affrontements entre Armagnacs et Bourguignons. En 1512, pour rembourser la dette du roi, le domaine revint à Louis Malet de Graville jusqu’à sa mort où il fut rendu à Louis XII. Il faisait partie en 1522 de la succession en faveur de François Ier qui le donna en 1526 à sa favorite Anne de Pisseleu, comtesse d’Étampes. Récupéré en 1547 par Henri II, il fut vendu à François de Guise.
En 1567, au cours des guerres de religion, les protestants saccagèrent la ville, le capitaine des forces se réfugia dans le donjon qui fut pris le . Il fut alors donné par Henri IV à son surintendant des finances Nicolas Harlay de Sancy qui fit construire les bâtiments accolés aux courtines sud, puis au duc de Sully qui fit combler le fossé entourant le donjon et ajouter les écuries.
En 1611, Louis XIII racheta le château pour le donner à sa mère Marie de Médicis qui fit construire en 1624 un corps de garde pour loger les mousquetaires. En 1652, Louis XIV l’offrit à sa mère Anne d’Autriche, puis en 1672, il revint à Philippe d’Orléans qui le transforma en 1690 en prison royale. Le château accueillit jusqu’à 300 prisonniers comme l’indiquent les registres d’écrou de la période révolutionnaire.
En 1792, le château devint propriété du département français de Seine-et-Oise qui maintint la prison jusqu’en 1819 où elle fut déclassée en prison municipale accompagnée d’un dépôt de militaires jusqu’en 1852, date du rachat par Amédée Guénée, qui le transmet à son cousin Ludovic Guyot, lui-même le laissant à son fils Joseph Guyot. En 1961, sa fille la comtesse Gaillard de la Valdène le vendit en viager à la commune de Dourdan.
Suivit alors une période de restauration : le le château fut classé aux monuments historiques ; en 1972, la tour nord-est fut restaurée ; entre 1975 et 1977, les fossés entourant le donjon furent dégagés ; entre 1980 et 1982, la toiture et une partie de la façade côté cour furent refaites, suivies, entre 1983 et 1984, du donjon, d’une tour d’angle et des courtines et de 1986 à 1987, de la réfection de toutes les façades côté cour et des meurtrières du châtelet.
La Tour Maîtresse
La tour maîtresse (donjon) est une pièce essentielle du dispositif mis en oeuvre par les ingénieurs du roi Philippe Auguste. Dominant le château et l’ensemble de la ville, elle est le symbole du pouvoir royal.
Un rôle ostentatoire
Par sa construction soignée et ses dimensions qui la rendent visible de tous, la tour maîtresse est l’expression architecturale de la prééminence, de l’indépendance et de la supériorité du pouvoir royal. La qualité de ses matériaux, de beaux blocs de grès et de calcaire blanc, ainsi que le soin apporté à sa construction, contribuent à l’affirmation de ce rôle symbolique. De plus, la tour d’environ 15 mètres de diamètre à sa base, devait à l’origine culminer, avec sa toiture et son lanternon, à environ une quarantaine de mètres de hauteur.
Un rôle défensif
Dans le château du Louvre, Philippe Auguste avait placé la tour maîtresse au centre de la cour (base encore visible dans la crypte archéologique du musée du Louvre). Une vingtaine d’années plus tard, à Dourdan, les ingénieurs du roi édifient la tour dans l’un des angles de l’enceinte. Elle est de loin la plus puissante des neuf tours du château : c’est sans doute la raison pour laquelle elle est positionnée face à la campagne, c’est à dire face à l’ennemi. Bien que dégagée du reste de l’enceinte, elle participe à la défense du château :
- elle dispose de son propre fossé, lui aussi circulaire ;
- elle offre un double accès avec deux pont-levis en bois, l’un vers l’intérieur, l’autre vers la campagne ;
- elle est couronnée d’un hourd, galerie de bois en saillie permettant le tir vertical pour défendre la base de l’édifice.
Le donjon, symbole du pouvoir royal, est de forme circulaire. Isolé par son propre fossé, il comprenait deux pont-levis, assurant une défense autonome. D’une quarantaine de mètres de hauteur, la tour-maîtresse servait de tour de guêt. Sa partie supérieure comprenait autrefois des hourds, ainsi qu’un toit en poivrière.
Architecture
Le château est bâti sur un plan carré de soixante-dix mètres de côté, augmenté de fossés larges de douze mètres et profonds de sept, équipés d’une contre-escarpe maçonnée et enjambés par trois ponts. Il était protégé par six tours, deux au nord-est dont une reliée à l’extérieur par un pont, trois au sud-ouest, une au nord-ouest, auxquels s’ajoute un châtelet fortifié ouvrant au sud-est par un pont-levis et le donjon à l’angle nord. Toutes ces tours étaient rehaussées de toits en poivrière. Les courtines avaient une épaisseur de trois mètres soixante-quinze et une hauteur de dix mètres.
Le donjon, pièce maîtresse du château, mesurait environ trente mètres de hauteur à partir du fossé et vingt-deux depuis la cour jusqu’au sommet du toit pour un diamètre de treize mètres soixante et une épaisseur des murs fixée à trois mètres soixante-quinze. Les soubassements sont en grès taillé, l’assise en calcaire de Beauce. Aujourd’hui, la hauteur du donjon n’est plus qu’à vingt-cinq mètres des fossés et dix-huit de la cour. Il était à la conception séparé du reste du château par un fossé propre, enjambé par deux pont-levis, l’un vers l’intérieur du château, l’autre vers l’extérieur qui débouchait au premier étage par des portes ogivales. Ce premier étage est entièrement occupé par la salle commune d’un diamètre de six mètres, sous une voûte à croisée d’ogives à six pans haute de huit mètres quarante-cinq. Cette salle était équipée d’une cheminée à pilastre avec un four, un moulin à bras, un puits enchâssé dans le mur profond de dix mètres cinquante. Elle était artificiellement séparée par un plancher permettant d’en doubler la surface pour la garnison. Un escalier rampant intégré à la muraille large d’un mètre vingt-cinq, comptant quarante et une marches conduisait à la salle supérieure, une chambre, elle aussi munie d’une cheminée, haute de six mètres cinquante-cinq sous une voûte à croisée d’ogives. un escalier en vis conduisait à la salle supérieure, salle de guet de six mètres de diamètre. Au-delà se trouvaient les combles surmontés d’un clocher.
La cour était équipée d’une chapelle dédiée à Jean le Baptiste, suivie d’un hôtel particulier d’habitation en « U », complété à l’est par une terrasse couverte.
Une architecture remarquable
Le château comporte de nombreux éléments du style gothique qui se caractérise par des innovations techniques. Les deux premiers étages présentent une voûte d'ogives à six nervures, permettant d'accroître ainsi la hauteur des pièces et d'élargir les espaces intérieurs.
Au croisement des nervures se trouve une clef de voûte sculptée de motifs végétaux. Ce type de décor apparait sur la retombée des arcs, nommés culs-de-lampe. A droite de la cheminée, l'un des culs-de-lampe est décoré d'un homme accroupi au visage grotesque.
Par ailleurs, les supports de pierre de la porte de l'escalier sont ornés de feuillages stylisés.
La prison du château
A partir de 1672, le château, propriété de Philippe d’Orléans, frère de Louis XIV, est transformé en lieu de détention. L’enfermement est avant tout préventif. Toute une population considérée comme menaçante pour l’ordre social, familial ou public est incarcérée derrière les hauts murs de la forteresse.
Vendu le 15 juin 1792 au département de Seine et Oise pour 10 000 francs, le château sert de maison de force départementale jusqu’en 1819, où, durant cette période, il y a jusqu’à plus de 300 détenus. À la Restauration, le département n’ayant jamais payé son achat, il est restitué à la famille d’Orléans. Une prison communale et un dépôt sont maintenus dans le château jusqu’à sa vente en 1852 à un Dourdannais, Amédée Guénée.
Les prisonniers célèbres
Bernard de Saisset
Fils d’un chevalier du Languedoc, abbé de Saint-Antonin de Pamiers, il est nommé évêque de Pamiers par le Pape Boniface VIII en juillet 1295. Il est connu pour ses démêlés avec le comte de Foix et surtout avec le roi de France, Philippe IV le Bel, à qui il refusait sa légitimité en Languedoc. A la suite de la mise sous séquestre de ses biens, il accuse le roi de préférer la chasse aux séances de conseil et va même jusqu’à le traiter de faux-monnayeur !
Bernard de Saisset est alors arrêté à Pamiers le 13 juillet 1301. En septembre, il est conduit au donjon du château de Dourdan puis, le 24 octobre il est amené à Senlis où a lieu son procès, pour hérésie et injures envers le roi. Le pape ordonne alors sa libération, menaçant le roi de France d’excommunication. Ce fait envenime un peu plus les relations entre Boniface VIII et Philippe le Bel et débouche sur un grave évènement, l’attentat d’Anagni où le roi de France décide d’envoyer une troupe de soldats en Italie pour séquestrer le pape. Finalement Bernard de Saisset sera expulsé à Rome. Il revient en France en 1308 et reprend sa charge d’évêque de Pamiers. Il y décède en 1314.
Jeanne de Bourgogne
Elle naît vers 1291 et épouse en 1307 le comte de Poitiers, fils de Philippe le Bel.
Compromise pour non-dénonciation dans l’adultère de sa cousine Marguerite de Bourgogne et de sa soeur Blanche de Bourgogne, toutes belles-filles du roi, Jeanne de Bourgogne est enfermée au premier étage du donjon du château de Dourdan. Cependant, sa détention n’avait rien de comparable à celle de Blanche et Marguerite à Château-Gaillard, Marguerite y meurt et Blanche termine sa vie à l’abbaye de Maubuisson.
Jeanne bénéficie à Dourdan de toute commodité, elle a même à son service une dame de compagnie mais elle va attendre avec angoisse l’issue de son procès. Elle ne cesse de crier son innocence et est jugée aux alentours de Noël en 1314, peu après la mort du roi Philippe le Bel.
Elle est reconnue innocente et pure, en grande assemblée du Parlement de Paris. L’influence de sa mère a certainement été pour beaucoup dans son retour en faveur car Mahaut d’Artois ne souhaitait pas perdre le rôle que pouvait lui procurer l’avènement de son gendre Philippe V le Long. D’autre part, son époux ne pouvait ignorer que sa répudiation aurait pu compromettre la possession de la Franche-Comté !
Elle devient ainsi reine de France en 1316 et décède à Roye-en-Artois en 1330.
Etienne de Vignolle dit La Hire
Il est né vers 1390 au château de Préchacq en Gascogne. Très tôt, avec son compagnon Xaintrailles, il combat les Anglais. Son surnom vient du fait qu’il a été surnommé La Hire-Dieu, Ira Dei : la colère de Dieu. En 1427, en difficulté à Montargis, il prononce ces mots :
Dieu je te prisse que tu fasses aujourd’hui pour La Hire autant que tu voudrois que La Hire fist pour toi s’il estoit Dieu et que tu fusses La Hire.
En 1429, il participe à la journée des harengs et entre rapidement au service de Jeanne d’Arc. Il part à Blois le 22 avril et combat à ses côtés au siège d’Orléans. Il essaie ensuite de la délivrer à Rouen mais il échoue et est fait prisonnier par les Anglais. Il est alors transféré au château de Dourdan. Il est libéré en mars 1432 contre une forte rançon. Il repart ensuite en campagne avec une troupe de routiers. Il meurt à Montauban en janvier 1443. Il passe à la postérité quand le valet de coeur des jeux de cartes prend le nom de La Hire.
La maison-musée
Joseph Guyot
La maison-musée, labellisée Musée de France en 2003, abrite des collections de qualité
- Le château philippien et son histoire, des Capétiens à Joseph Guyot : panneaux explicatifs, maquette de l’état présumé du château, boulets de canon ;
- Fonds archéologiques des périodes gallo-romaine et médiévale issus de nombreuses fouilles opérées dans la ville et ses environs ;
- Collections de l’ancien Hôtel-Dieu de Dourdan : tableaux dont une peinture à l’huile sur bois attribuée au peintre flamand Pieter Coeck van Aelst, la Vierge à l’enfant (XVIe siècle), dite Vierge au Perroquet, canivets, mobilier, pots de pharmacie ;
- Le riche patrimoine architectural de Dourdan : estampes, aquarelles dits du Prisonnier, planches d’architectures des éditions Thézard, tableaux de Robert Chailloux ;
- Collections de céramiques constituées par François Poncetton : médecin, journaliste, collectionneur, initiateur, dès les années 1930, du projet de création d’un musée à Dourdan ;
- Portraits de personnalités marquantes de la ville : Jean-François Regnard, Jean-François Lebrun, Frédéric Demetz, Francisque Sarcey, Emile Zola…
- Salon XVIIIe : évocation de la présence à Dourdan des comtes de Verteillac, famille de gens d’esprit tenant salon au château du Parterre
- Fonds d’artistes des XIXe et XXe siècles : Georges Chauvel, Maximilien Luce, Bernard Naudin, Cécile Luquet, Aline Boulian…