Voir aussi « Basilique de la Sainte Tunique du Christ d’Argenteuil«
La date de sa fondation n’est pas connue : la première évocation de l’abbaye remonte à un document daté de l’an 697. Il s’agit d’une charte du roi mérovingien Childebert III. Dédiée à Sainte-Marie, l’abbaye est occupée par une communauté féminine. En 769, le roi Carloman, frère de Charlemagne, accorde de nombreux privilèges à l’abbaye, la soustrayant au droit des seigneurs locaux. En 800, Charlemagne aurait offert la sainte tunique à sa fille Théodrade, alors abbesse d’Argenteuil. Le tissu sacré a été précieusement conservé durant plusieurs siècles par l’abbaye.
Hormis ces quelques dates, l’histoire de l’abbaye est peu connue avant l’an mil. Les historiens supposent que le monastère a pu être victime des invasions normandes et être incendié ou détruit. Cachée dans un mur, la sainte tunique a pu en réchapper.
En 1003, une charte de Robert le Pieux attribue de nouveaux privilèges à l’abbaye, et lui octroie notamment le marché d’Argenteuil, lieu très important au Moyen-Age. Le document explique que sa mère, la reine Adélaïde, aurait entrepris de restaurer l’abbaye et d’y installer une nouvelle communauté de femmes. Elle y aurait également fait construire la chapelle Saint-Jean-Baptiste, encore debout aujourd’hui.
Devenue une abbaye riche et prospère, l’abbaye effectue des réparations sur ses bâtiments, ce qui explique le mélange des styles architecturaux roman et gothique. En 1129, elle attire l’attention de l’abbé Suger, conseiller du roi. En habile homme politique, il fait passer l’abbaye d’Argenteuil sous la domination de l’abbaye royale de Saint-Denis, dont il est le dirigeant. Il réussit même à en chasser les moniales, dont la célèbre Héloïse faisait partie. L’abbaye, jusque là indépendante devient un prieuré bénédictin. Celui-ci reste le centre de la vie locale jusqu’en 1789. Déclaré bien national, elle est mise en vente et rachetée par quatre citoyens d’Argenteuil. Une partie des bâtiments a également été rachetée par la commune pour y installer l’Hôtel de Ville. Les deux derniers moines sont expulsés par arrêté départemental le 24 juillet 1791
En 1917, l’usine Debet-Körnberger s’installe sur le site. Le bâtiment administratif existe encore aujourd’hui : c’est lui qui accueillera le chai municipal. En 1984, suite à la liquidation de l’entreprise, la Ville rachète le terrain et lance une campagne de fouilles de 1989 à 1991. Elles permettent de mettre à jour les vestiges de la salle capitulaire et du cloître, dont l’existence était connue. Mais ces fouilles furent également l’occasion d’une belle surprise archéologique puisqu’elles dévoilèrent la présence d’une vaste crypte, dont nul n’avait connaissance.
Pour sauvegarder son patrimoine, la commune a protégé cette crypte durant plusieurs années, avant d’engager l’an dernier un chantier de valorisation de ce cœur de ville historique. Conçu pour symboliser les différentes périodes de l’histoire argenteuillaise, un e ensemble de jardins a été conçu dans ce nouvel espace public.
Le mois suivant, le dépeçage de l’église commence : les décors et ornements sont enlevés, les clochers et autels détruits. La seigneurie, l’hôtellerie, le chapitre et les jardins en dépendant sont vendus en 1793. La salle capitulaire ne sera détruite qu’en 1855 par son propriétaire qui fait don au musée de Cluny de la façade d’entrée de cette salle (portail des Bénédictins) et d’une des colonnes centrales.
Extérieur de la chapelle Saint-Jean
Fragments du pavement
Au sol de la crypte, un pavement en damiers colorés exceptionnellement bien conservé a été dévoilé par les fouilles. Daté de la fin du XIIIe siècle, il est le signe que l’abbaye jouissait d’une grande prospérité, car les carrelages étaient assez rares au Moyen-Age. Fragile, il a dû être déposé en 1990 pour assurer sa conservation.
Les vestiges :
Après le transfert de l’abbaye sous la domination de celle de Saint-Denis par l’abbé Suger en 1129, les moines bénédictins lancent la construction d’une salle capitulaire, lieu où les moines se réunissaient quotidiennement. Juste à côté, une cour carrée fermée par des portiques, le cloitre, fut également édifiée pour permettre aux moines convers d’assister aux séances. Quelques éléments subsistent des fondations de ces deux éléments de style gothique, datés au XIIIe siècle. Il reste également des traces de plusieurs arcades de la salle capitulaire. Après la Révolution française, celle-ci fut transformée pour conserver des tonneaux de vins par les citoyens l’ayant rachetée.
La crypte, dont la découverte fut une surprise, a été construite beaucoup plus tôt, au XIe siècle, probablement lors de la restauration entreprise par la reine Adélaïde. Les analyses effectuées ont montré qu’elle n’avait subie aucune modification. Surement cloisonnée à un moment donné, elle a sans doute disparu des mémoires, et n’a donc pas été touchée par les transformations postérieures de l’abbaye. De forme rectangulaire, la crypte se situait sous le chevet de l’église. Il est fort probable qu’elle ait servi à conserver la sainte tunique durant quelques années.
Près de la crypte, une nécropole de 136 sépultures a également été découverte sur le site, attestant que l’abbaye fut en usage du Xe au XVIIIe siècle.
Non loin du site des vestiges se dresse encore la chapelle Saint-Jean-Baptiste. Cette dépendance de l’abbaye, rare témoignage patrimonial de l’époque, fut fondée en 1003, à la même période que la crypte. Au XVIe siècle, les moines la vendent à un vigneron. Une transaction qui permettra au bâtiment d’échapper à la vente nationale de l’abbaye lors de la Révolution française. Classée Monument historique en 1945, la chapelle est rachetée par la ville dans les années 1970 et restaurée en 1984.
Ostensions de la tunique du Christ
La première ostension de la tunique d’Argenteuil, attestée par une charte de l’archevêque de Rouen Hugues III d’Amiens, est celle de 1156. Les suivantes sont bientôt interrompues par la guerre de Cent Ans. L’abbaye est pillée et incendiée en 1411 et l’église paroissiale n’est reconstruite qu’en 1449. La tunique fait alors l’objet de pèlerinages des rois de France François Ier, Henri III, Louis XIII, des reines Marie de Médicis et Anne d’Autriche, ou du cardinal de Richelieu, bien attestés par les documents d’archives à partir du XVe siècle.
Après la Révolution, les pèlerinages et les ostensions solennelles reprennent au XIXe siècle, en principe tous les cinquante ans. La dernière s’est déroulée en 1984 et la suivante était programmée pour 2034. Cependant, l’évêque de Pontoise décide d’en organiser une du au en raison de la conjonction de trois événements : les 50 ans du diocèse de Pontoise, les 150 ans de la basilique Saint-Denys et l’année sainte du jubilé de la Miséricorde. Plus de 200 000 pèlerins ont été accueillis pendant ces deux semaines.
Tableau de Bouterwerk, Charlemagne apportant la Ste Tunique à Argenteuil
Architecture
Au sein de l’enceinte extérieure protégée dans son ensemble par un mur renforcé d’échauguettes à l’ouest et au sud, on distingue les espaces suivants : au nord-est le jardin du prieur (F), au sud l’ancien logis du prieur transformé en communs et sa vaste cour (H) ouverte sur la Seine à l’angle sud-est près du logis du prieur commendataire et au nord-ouest la clôture intérieure. Selon le Monasticon Gallicanum, celle-ci comporte au XVIIe siècle :
- l’abbatiale (A) qui est régulièrement orientée. Les fondations du chevet (G) qui déborde sur le potager des moines (E) en restent la seule partie visible ; le reste des fondations est actuellement enfoui sous des immeubles récents. Elle est de plan basilical avec une nef et deux collatéraux se raccordant à l’est à un transept ; sa façade s’ouvre à l’ouest par un porche encadré initialement de deux tours ;
- dans le prolongement du croisillon sud du transept un bâtiment qui abrite chapitre et réfectoire en rez-de-chaussée et le dortoir en étage. Il ferme le cloître du côté est ;
- celui-ci jouxte immédiatement le mur sud de la nef et est bordé à l’ouest par les restes d’un autre bâtiment (D). Entre 1855 et 1947, la façade de la salle capitulaire orne les jardins des thermes de Cluny. Conservée ensuite dans des conditions précaires à Argenteuil, elle est condamnée au rebut en 1963.