Le château d’Arques-la-Bataille est un château fort en ruine, construit sur un promontoire rocheux dominant la ville éponyme, située dans le nord de la Seine-Maritime, près de Dieppe. Édifiée dans la première moitié du XIIe siècle sur l’emplacement d’une ancienne motte castrale, remaniée jusqu’au XVIe siècle, la forteresse subit de multiples sièges. C’est au pied de ses remparts qu’Henri IV remporta une bataille décisive contre les troupes de la Ligue en 1589. Le château fait l’objet d’un classement au titre des Monuments Historiques depuis 1875.

Situation

Le château fort d’Arques-la-Bataille a été édifié sur un site remarquable : un éperon rocheux étroit dominant la dépression perpendiculaire formée par les vallées de la Varenne, de la Béthune et de l’Eaulne qui se rejoignent pour former l’Arques à 6 kilomètres de la Manche. Dressée sur l’échine de cet éperon, la forteresse est séparée du plateau cauchois par un étroit vallon qui l’isole de son arrière-pays et renforce ses potentialités défensives, les guetteurs disposaient ainsi d’une vue étendue pouvant surveiller la vallée jusqu’à la mer.

Histoire

Château d’Arques, par Paul Huet (Musée d’Orléans).

L’histoire du château fut particulièrement mouvementée. Peu de temps après la construction de la motte castrale, en 1052, Guillaume le Conquérant fit le siège de la place-forte tenue par son oncle en révolte contre lui, Guillaume d’Arques. Le siège sera mené par un de ses fidèles chevaliers Gautier Giffard qui deviendra, après la bataille d’Hastings, seigneur de Longueville, son château étant situé à quelques kilomètres d’Arques. Victimes de la famine, les défenseurs capitulèrent, en 1053, après avoir résisté durant une année. Un deuxième siège intervint en 1145 lors de la querelle entre Geoffroy Plantagenêt et Étienne d’Angleterre pour la possession du duché de Normandie, le premier nommé parvenant à s’emparer du château après avoir contraint les occupants à se rendre. En 1204, Arques fut la dernière forteresse normande à déposer les armes devant le roi de France victorieux, Philippe Auguste qui avait, en vain, tenté de s’en emparer deux ans auparavant. Théâtre de nombreux affrontements durant la guerre de Cent Ans, le château s’avéra imprenable, les Anglais ne l’occupant qu’après la cession de la Normandie par le traité de Troyes de 1420. Jeanne d’Arc y séjourna en 1431 avant d’être jugée et condamnée à Rouen, la citadelle fut définitivement reprise par le roi de France Charles VII en 1449. Durant le conflit qui l’opposa à Louis XI, Charles le Téméraire incendia, en 1472, la ville d’ Arques, assiégea le château qui résista victorieusement.

Le rempart sud-ouest et le fossé.

Après les diverses transformations opérées sous le règne de François Ier, le château prit une part active aux guerres de religion qui secouèrent la France dans la seconde moitié du XVIe siècle. Chassé de Dieppe par les protestants en 1562, le duc de Bouillon vint s’y réfugier. C’est au mois de septembre 1589 que se déroula la plus célèbre bataille liée à la place-forte. Avec 7 000 hommes, Henri IV affronta les troupes de Ligue, fortes de 30 000 soldats, commandées par le duc de Mayenne. Bien que nettement inférieures en nombre, les forces d’Henri IV tenaient le château dont ne purent s’emparer leurs adversaires. Le 21 septembre fut une journée décisive ; alors que les défenseurs fléchissaient, ne bénéficiant pas, à cause du brouillard, du soutien des canons, le temps s’éclaircit. L’artillerie put entrer en action et infligea de lourdes pertes à l’ennemi qui se replia en désordre sur Dieppe, de nombreux cavaliers s’enlisant dans les marécages environnants.

En 1688, le château fut abandonné militairement ; en 1708, Louis XIV le déclarait « impropre au service ». Commença alors le démantèlement de la citadelle, les habitants et les bernardines d’ Arques l’utilisant comme carrière. En, il fut vendu comme bien national à un habitant d’ Arques, Louis Jean Félix Reine, qui le préserva de la destruction, admettant même la visite de l’édifice contre un droit d’entrée. Face à la menace de destruction totale en 1836, les énergies se mobilisèrent, sous la conduite d’Achille Deville, de M. et Mme Reiset (nouveaux propriétaires des lieux), pour en assurer la pérennité. En 1860, quelques pièces furent aménagées en musée avant que l’État ne devînt, pour la somme de 60 000 francs-or, propriétaire des lieux et ne procédât au classement du château au titre de Monument Historique en 1875. Un petit musée fut ouvert, des visites guidées organisées jusqu’en 1939. Durant la Seconde Guerre mondiale, les troupes allemandes occupèrent le site, y installèrent même des pièces de la défense antiaérienne et endommagèrent les ruines. Jusqu’à la fin des années 1970, des visites commentées étaient organisées, mais les lieux furent fermés au public en raison des risques de chute de pierres. Aujourd’hui, les amateurs peuvent faire le tour de l’enceinte, mais n’ont pas le loisir de visiter l’intérieur jusqu’à une hypothétique restauration.

A gauche : Plan du château d’Arques d’après un dessin de Viollet-le-Duc.

A droite : Le château d’Arques au XIIIe siècle, dessin de Viollet-le-Duc.

Description

Le château, érigé au XIIe siècle selon un plan complexe, est étiré en longueur, épousant ainsi les formes de l’éperon rocheux. Il est ceint d’une longue courtine, entourée d’un fossé sec profond de 15 à 20 mètres creusé au XVIe siècle, qui enferme dans sa basse-cour des constructions ajoutées entre les XIIe et XVIe siècles. Jusqu’à la fin du XIVe siècle, l’entrée s’effectuait par une unique porte (avec pont-levis) située au nord-ouest de l’ensemble, la seule qui resta accessible aux chevaux et charrois. À cette extrémité s’élève un bastion d’artillerie aux murs très épais construit au XVIe siècle, sous le règne de François Ier, en avant de l’entrée d’origine du XIIe siècle. Cette dernière, formée d’une triple arcade, est agrémentée d’un bas-relief représentant Henri IV à cheval, inauguré en 1845.

À l’extrémité sud-est de la cour se dresse un donjon roman de plan carré à très gros contreforts apparents. Érigé vers 1123 en même temps que la muraille par Henri Ier Beauclerc, duc de Normandie, il a succédé à un donjon de bois – une motte castrale – construit, aux alentours de 1040 – 1045, par Guillaume d’Arques, comte d’Eu, frère du duc Richard II. Le donjon se présente sous la forme d’un carré de 20,20 m de côté et possède sur ses faces nord et est des contreforts carrés de 3 × 3 mètres, les murs sont épais de 2,20 m au sud, de 3 m au nord et de 3,50 m à l’est. Un mur de refend, épais de 1,20 m, partage l’intérieur en deux salles disposées nord-sud de 15 m de long et de, respectivement, 6,30 et 6,90 mètres de large. L’accès au donjon se faisait par le mur ouest dans lequel s’ouvrait, à angle droit, un escalier de 1 m de large pris à l’intérieur de ce même mur. L’édifice abritait un four à pain, un puits et un moulin. Les accès aux étages étaient bien distincts les uns des autres pour éviter à l’ennemi de pouvoir s’emparer de l’ensemble défensif rapidement. Une plate-forme, ajoutée à la fin du XVe siècle, couronnait l’ensemble et permettait l’emploi de l’artillerie naissante. Une nouvelle porte et un second pont-levis furent construits, en 1367, par Charles V, à l’opposé de l’entrée principale, pour accéder plus directement à la partie de l’enceinte proche du donjon ; au fond du fossé, il est encore possible de voir une pile destinée à recevoir le tablier de bois du pont-levis.

Ouvrages de référence

Informations utiles

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