Prenons de la hauteur...
Le nom actuel de Brézé vient sans doute de « Brizios », du nom d’un riche propriétaire gaulois établi sur le territoire ; mais il est vraisemblable que le site ait été occupé par l’homme dès la préhistoire. De la protohistoire demeurent actuellement quelques vestiges : le tracé ainsi que quelques structures de pierres sèches, sur une partie du pourtour de ce qui fut à cette époque une double enceinte. Dans la propriété, on trouve une légère butte ; il s’agit d’une motte. Aux XIIe et XIIIe siècles, la motte, supportant généralement un donjon protégé d’enceintes séparées par des fossés, était le symbole de la féodalité. C’est le cas à Brézé dont l’histoire et la tradition révèlent que le château fut un temps fortifié. Cette motte, encore partiellement entourée d’un important fossé, visible surtout le long de la façade sud, représente le siège – à une époque mal définie – d’une seigneurie, ainsi que l’attestent les ruines d’une chapelle, observables en se promenant sur la hauteur.
Les Brézé
Famille prestigieuse que celle des Brézé, et qui ne nous est pas inconnue puisque certains d’entre eux figurèrent en bonne place dans les livres d’histoire du Moyen Âge et de la Renaissance, parmi les Grands du royaume, auprès des dignitaires de la Maison du Roi et des officiers de la couronne.
Pierre de Brézé, seigneur de Maulévrier, qui fut successivement ministre de Charles VII et de Louis XI, ainsi que l’ami d’Agnès Sorel, la favorite du roi Charles VII. Jean de La Haye lui céda son château de Brissac en 1434, demeure où il entreprit d’importantes transformations. Plus tard, Louis XI lui confia la mission de secourir Marguerite d’Anjou, fille du roi René et reine d’Angleterre, lors de la guerre des Deux Roses opposant son époux, le roi Henri VI de Lancastre, à son cousin le duc d’York.
Son fils, Jacques de Brézé, épousa Charlotte de Valois, fille naturelle de Charles VII et d’Agnès Sorel, avec qui il eut six enfants, dont Louis de Brézé, et qu’il finit par assassiner, celle-ci lui ayant été infidèle.
Louis de Brézé
Il fut grand sénéchal de Normandie. Alors âgé de 56 ans et veuf de Catherine de Dreux, il épousa Diane de Poitiers en 1515 alors qu’elle n’était encore qu’une adolescente. Celle qui fut l’une des plus belles femmes de son temps était aussi vertueuse : elle resta fidèle à son époux défunt pendant de nombreuses années.
À partir du XIVe siècle, les Brézé s’allièrent à une autre grande et puissante famille angevine : les Maillé.
Les Maillé
À cette époque, la Touraine et l’Anjou appartenaient au comte d’Anjou. Du château de Tours dépendait, entre autres, Maillé, situé au nord, qui prit par la suite le nom de Luynes. L' »habergement » advint officiellement à Péan de Maillé en 1318 par son mariage avec Jeanne de Lestang, une des filles de Macé de Lestang et de Catherine de Brézé, qu’il avait enlevée avants ses noces. Cette branche de la famille de Maillé devint celle des Maillé-Brézé qui resta en possession du château jusqu’en 1682. Au XVIe siècle, Arthus de Maillé-Brézé, à qui fut confiée la mission d’aller chercher Marie Stuart en Écosse pour la ramener en France, était alors le propriétaire du château. En août 1565, au cours de leur voyage entre Fontevraud et Doué-la-Fontaine, la reine Catherine de Médicis et le jeune roi Charles IX choisirent Brézé pour y faire étape et passer la nuit. Le jeune roi complimenta ainsi son hôte : « C’est un fort beau petit château ». Pour célébrer l’événement, un somptueux banquet fut donné en l’honneur du roi.
Tableau des frères Dreux en 1580.
Les Dreux
À la fin du XVIIe siècle, c’est la famille de Dreux qui devint propriétaire du château donnant ainsi naissance à la branche des Dreux-Brézé. La mère de l’actuel propriétaire, le comte Jean de Colbert, est une descendante directe du marquis de Dreux-Brézé.
Le château souterrain
La visite du château souterrain, lieu entouré de mystères et longtemps gardés sous clés, est un complément indispensable à celle du château de surface. Bien qu’étant connu depuis des générations, personne n’aurait osé s’y aventurer, interdiction étant d’ailleurs faite de s’y promener. Ce n’est qu’à la fin des années 1990 que M. Patrick Saletta a mis l’accent sur le côté exceptionnel de l’ensemble très complexe que constitue le château souterrain de Brézé, en lui manifestant le plus vif intérêt et en entreprenant de l’explorer minutieusement. Le résultat de ses recherches nous permet aujourd’hui de les faire connaître et d’apporter un éclairage scientifique sur les circonstances de son élaboration et les conditions de vie dans ce contexte troglodytique.
Les douves sèches
Les douves sèches de Brézé sont les plus profondes d’Europe et permettent de faire le tour complet du château. Elles n’ont jamais été en eau et constituent le plus important volume creusé à ciel ouvert. Leur conception, essentiellement dissuasive, empêchait les machines de guerre d’accéder à la muraille. Entourant le château, elles font partie des ouvrages de fortification entrepris à partir de 1448 par Gilles de Maillé-Brézé comme l’attestent certains éléments de décoration de cette période et qui ont été retrouvés dans les déblais fermant les entrées des carrières à l’ouest.
Aujourd’hui profondes de dix-huit mètres, les douves n’ont pas été creusées en une seule fois puisqu’une seconde campagne de travaux fut entrepris vers 1515, date du rachat des terrains situés au sud-ouest.
Situation
C’est au sein d’une légère hauteur dominant la route très ancienne qui menait de Saumur à Loudun et à Poitiers, que se trouve le château souterrain de Brézé, invisible au premier abord. Composant un réseau d’une extraordinaire complexité, tunnels, galeries et salles furent creusés à même le tuffeau, roche caractéristique de la vallée de la Loire et de l’Anjou. Les carrières de tuffeau sont nombreuses dans la région, mais celles de Brézé comptent parmi les plus anciennes et fournissent une pierre d’excellente qualité permettant son exportation dans des régions de France assez éloignées, afin de répondre aux nécessités de construction de monuments importants. Cette exploitation de la pierre en sous-sol ne cessa à Brézé qu’à la fin du XIXe siècle.
L'Anjou du haut Moyen-Âge
Sous le règne de Louis le Pieux, dans les années 800, débute une longue période de crise : les premières invasions normandes dont les troupes arrivent jusqu’au centre de la France par les fleuves, ravageant les provinces et remontant la Loire jusqu’à Gien. Les invasions normandes cessèrent en 911 avec le traité de Saint-Clair-sur-Epte qui fixait les envahisseurs sur un territoire rebaptisé à cette occasion Normandie. Toutefois des attaques régulières furent constatées en Anjou jusqu’en 936. Durant cette période de troubles, les hommes s’unirent pour se défendre, mais par ailleurs, comme il n’existait plus véritablement d’autorités, les luttes intestines se multiplièrent et l’aristocratie profita de l’instabilité générale pour s’émanciper. Les comtes, représentants du roi, étaient alors à la tête d’un territoire qu’ils étaient chargés de défendre, ce qui impliquait la garde des frontières.
Organisation de la vie dans les souterrains
Chauffage
Les anciens habitats ne comportaient pas de cheminée. En effet, l’invention des cheminées à conduit fermé date du XIe siècle, mais leur absence n’écarte pas une éventuelle utilisation de foyers « ouverts ». D’ailleurs, des traces de rubéfaction sur l’une des fenêtres étroites d’une des salles semblent indiquer qu’elle a pu, dans certains cas, être utilisée pour l’évacuation des fumées.
Nourriture
Il était indispensable de prévoir dans les sous-sols un maximum de nourriture pour tous les occupants. À cet effet, on y transportait le produit des récoltes de l’année. Les volumes des silos du château souterrain permettent d’imaginer l’importance des réserves de grains qu’ils contenaient. Creusés dans la roche et destinés aux réserves seigneuriales, ils présentent des rainures à hauteur d’homme indiquant l’emplacement des portes en bois protégeant l’intérieur des fosses à grain et fermant hermétiquement les ouvertures de forme trapézoïdale.
Les aménagements ultérieurs
La vie dans les roches du château de Brézé ne s’est pas limitée à une occupation médiévale. Durant les siècles qui suivirent, l’aménagement fut poursuivi, notamment aux XVIe et XVIIe siècles, période durant laquelle furent installées, dans certaines caves, différentes structures complémentaires attribuées aux dépendances (cuisine, glaciaire…).