Prenons de la hauteur...
Son histoire
Il fut construit au XIIIe siècle par une famille de seigneurs originaires de la commune d’Escoussans : les « Seguin d’Escoussans. Cette commune est située à environ 10km au sud-est de Langoiran. Avant leur installation dans le château de Langoiran, les Seguin d’Escoussans étaient milites (équivalent des chevaliers) et seigneurs vassaux à la cour des seigneurs de Benauges. Les Seguin demeurent les seigneurs de Langoiran jusqu’à leur alliance avec la famille d’Albret en 1345 (date du mariage d’Amanieu d’Albret et de Mabille Seguin d’Escoussans). Et c’est à cette même époque que les Seguin relevèrent directement du roi d’Angleterre et non plus des seigneurs de Benauges pour certaines terres, dont Langoiran.
Outre les Seguin d’Escoussans et les Albret, plusieurs familles ont été propriétaires du château, notamment les familles Montferrand et Daffis.
La seigneurie de Langoiran a été un des éléments les plus prestigieux et les plus puissants du duché d’Aquitaine. Elle a été mêlée aux luttes entre les rois d’Angleterre et de France. Les seigneurs de Langoiran furent tous au service du roi-duc c’est-à-dire du duc d’Aquitaine, roi d’Angleterre, excepté Bérard qui à la fin de sa vie, après avoir été capturé par Bertrand du Guesclin à Eymet en 1374 jura fidélité au roi de France. Il mourut en 1379 après avoir été blessé sous les murs de Cadillac (commandé à l’époque par un certain Bernard Courant).
Bertrand III de Montferrand est nommé dans les textes » Chevalier, baron de Montferrand, de Langoiran, seigneurs de Rions, Landiras, Podensac, Veyrines, Agassac, Soussan, Portest, Uzeste et autres places ». Il épousa Isabelle de Preissac, dame du Trau, fille unique héritière du noble et puissant Arnaud Bernard de Preissac, Soudan de la Trau, seigneur de Didonne et de Lesparre, chevalier de l’ordre de la Jarretière (Order of the Garder) et de Marguerite Stratton, fille de John Stratton. De cette union entre Bertrand III et Isabelle naquit Pierre II de Montferrand, Soudan de la Trau, seigneur de Lesparre qui épousa Marie de Bedford, la fille naturelle du duc de Bedford. Pierre II mourut décapité par les français en 1453.
Après la capitulation de Bordeaux en 1453, Charles VII exigea que vingt des plus grands seigneurs gascons lui soient livrés, parmi ceux-ci un Montferrand, le seigneur de Langoiran, qui se réfugia en Angleterre. Son château fut confisqué et entra dans le domaine royal puis fut donné par ce même roi au bâtard d’Armagnac, Maréchal de France. Louis XI, prenant en ce domaine comme en d’autres le contrepied de la politique de son père, pardonna aux Montferrand et leur restitua une partie de leurs biens dont le château de Langoiran.
Durant les guerres de religion, la seigneurie de Langoiran passa successivement entre les mains de deux frères ennemis, Charles de Montferrand, chef du parti catholique à Bordeaux et gouverneur de Bordeaux et Guy de Montferrand, l’un des chefs du parti protestant pour la Guyenne. Après lui, la famille de Montferrand dut vendre le château ainsi que la baronnie de Langoiran à la famille Arnoul, famille de bourgeois anoblis.
Au début du XVIIe siècle, la seigneurie de Langoiran est entre les mains d’une puissante famille de parlementaires, les Daffis, dont certains furent présidents du parlement de Bordeaux. En 1649, Guillaume Daffis, président du Parlement de Bordeaux, prend la tête de la Fronde parlementaire en Bordelais, contre le cardinal Mazarin. Pour se venger d’une défaite de ses troupes, le duc d’Épernon, gouverneur de Guyenne, s’empare du château de Langoiran, l’incendie en et fait sauter le donjon.
Dès les années 1650-1660, le château tomba en ruine. Au XVIIIe, la seigneurie de Langoiran fut la propriété de la famille de Jumilhac, et celle-ci fut administrée par un sergent qui agissait au nom des marquis de Jumilhac.
Le , des éléments de la colonne Druilhe campent à Langoiran; c’est dans le château de Langoiran que le commandant Rougés rencontra, le vers minuit, les colonels Druilhe et Adeline (principaux chefs de la résistance de Dordogne) et leur remit la convention de reddition de Bordeaux signée par le Hafenkommandant Korvettenkapitän z.V. Kühnemann qui commande le port militaire de Bordeaux depuis .
En 1972, le château est repris et géré par M. et Mme Bibonne, qui, via leur association « Les Amis du château de Langoiran », font revivre, par le biais de chantiers de restauration et de fêtes médiévales, l’esprit du lieu tel qu’il était à l’époque médiévale. Cette association est encore active aujourd’hui.
Représentation du château de Léo Drouyn (1862)
Représentation du château de Léo Drouyn (1880)
Architecture
Le donjon
La pièce maîtresse d’un château est sans nul doute le donjon appelé aussi « grosse tour ». Selon un manuscrit ancien, le donjon aurait été dédié à saint Georges. On trouve la première trace de sa construction en 1304, en Angleterre. C’est, à l’époque, l’un des plus imposants donjons de France, du moins par son diamètre. En effet, ce donjon cylindrique fait 16m de diamètre et 18,5m de haut. Les murs font 3,5m à la base et 1,50m au sommet.
Le donjon comprenait deux étages voûtés reliés par un escalier à vis encore existant. Le premier étage faisait 8m de haut jusqu’à la clef de voûte (qui a été conservée et qui se trouve près du puits), il était pavé de carreaux sur lesquels on pouvait voir les armes des seigneurs d’Escoussan, des éléments floraux et formes géométriques. Les voûtes étaient peintes et recouvertes d’un semi de léopards d’or sur fond de gueule (couleur rouge), faisant parti des armoiries de cette famille. Sur toutes les nervures de voûtes étaient peints les blasons des familles collatérales qui se sont succédées.
Les trois salles octogonales sont munies de cheminées. Au premier étage a été réalisée à la fin du XVIe siècle une belle cheminée qui remplaça la cheminée du XIVe siècle qui se trouvait à gauche de la porte (N°1 sur la gravure) qui donne accès au premier étage.
Au rez-de-chaussée, se trouve la salle des gardes munie d’une énorme cheminée à l’intérieur du mur, d’un évier en pierre à l’intérieur d’une cavité d’archère.
Au premier étage subsistent des archères cruciformes (appelées aussi meurtrières) sous des sortes de niches. On peut observer deux fresques datant de la construction du donjon. L’une représentant saint Michel (N°2), tenant une balance de la main gauche , et de la main droite une lance. Sa tête est nimbée et ses cheveux ondoyants. Le démon, comme d’habitude cherche à la faire pencher de son côté ; mais la lance de l’archange, dirigée vers lui, le renverse et les bonnes oeuvres de l’âme, jugées par le tribunal de Dieu, l’emportent sur les mauvaises. L’autre fresque (N°3) représente saint Pierre qui tient les clefs du paradis. Avec le temps, les autres fresques qui ornaient les murs sous les différentes voûtes du château ont disparu.
Le deuxième étage constituait le logement du seigneur et de sa famille ainsi que de ses invités. Cette salle n’était pas voûtée. Une grosse poutre avec un solivage (chevron) recevait probablement un étage sous toiture ou une terrasse suivant l’époque. À ce niveau une grande fenêtre gothique trilobée a été aménagée vers la fin du XIVe siècle. À l’intérieur, ont été mis des bancs de pierre. Une cheminée gothique, très belle et assez rare, a été placée à l’intérieur d’un mur. Au XVIe siècle, comme à l’étage inférieur, a été construite une nouvelle cheminée et percée une grande ouverture.
Un donjon remanié au XVI siècle …
Au cour de ses recherches, Philippe Araguas, professeur d’histoire de l’art à l’université de Bordeaux III, a découvert une commande d’un seigneur de Pontac de la fin du XVIe siècle portant sur différents travaux dans le donjon.
Le seigneur fournissait la poulie et la corde à l’artisan. Les travaux portent sur la réalisation de deux ouvertures à l’est, de deux cheminées superposées, d’une porte donnant directement accès de la salle d’honneur à l’extérieur, de plein pied. La commande comporte également la réalisation d’une surélévation du donjon d’environ 1m. Sur l’escalier à vis a été construit un dôme en forme d’échauguette. Cela laisse supposer qu’il y avait une terrasse au XVIe siècle, car une toiture aurait naturellement couvert l’escalier. D’après un dessin du début du XVIIe siècle du hollandais Joachim Duviert, il semble qu’une toiture dépasse du donjon, mais on sait que cet artiste réalisait souvent ses dessins de mémoire.
Depuis l’époque médiévale le donjon était couronné de mâchicoulis dont il reste encore des corbeaux côté est. Ceux-ci supportaient un chemin de ronde au dessus du vide, dont les hourds permettaient une défense verticale.
Le châtelet
Toute la façade nord du châtelet a été reconstruite de 1974 à 1977 et de 1991 à 1993 suite au démantèlement qui avait été opéré après la révolution française et converti en carrière quelques années plus tard. La plus part des maisons du village furent construites avec les pierres du château. Le village de Langoiran se situait à l’époque médiévale autour de l’église Saint Pierres-es-lien au Haut Langoiran. Au Pied du Château se trouvaient quelques maisons de paysans, un moulin banal (seigneurial) et le prieuré-hôpital Saint Germain (Saint Clair au XVIIIe siècle) qui dépendait de l’abbaye de La Sauve Majeure.
À l’époque médiévale le châtelet se constituait simplement d’une tour carrée de quatre niveaux, avec un système défensif assez classique comme des meurtrières, une herse, un pont levis et certainement une bretèche au dessus du passage accédant au château. Cette partie du château a été profondément restaurée à la fin du XVe siècle et au XVIe siècle.
Au moment où on construisait sur la haute cour, un corps de logis au XVIe siècle, on a voulu relier celui-ci à la tour carrée, en jetant un arc pour recevoir un étage intermédiaire entre ces deux parties du château. Si l’on regarde l’appareil, on s’aperçoit que les pierres sont très larges, très belles avec des joints fins, alors que la tour médiévale possède un appareil en moellons réguliers caractéristique du XII-XIIIe siècle.
À partir du XVIe siècle, les seigneurs avec leur famille s’établiront dans le châtelet ainsi rénové et agrandi plus confortable que l’austère donjon médiéval.
La basse-cour
La basse cour était réservée à la domesticité du château ainsi qu’au grenier, poulailler et réserves en tous genres qui permettaient d’assurer l’approvisionnement du château. La basse cour était commandée par ce qu’on appelle un châtelet qui est relié à l’extérieur du château par un pont datant du 16e siècle.
À gauche, le bâtiment existant, faisait office d’écuries. Il a été reconstruit sur ses anciennes fondations.
À droite on peut voir une tour cylindrique du 16e siècle qui fut construite sur l’emplacement d’une ancienne tour du 14e siècle, d’ailleurs on peut observer que la base de cette tour a un plus grand diamètre que le reste de la dite tour. Pendant les guerres de religion, elle avait un but défensif, percée de nombreuses meurtrières à armes à feu. Elle se compose de trois niveaux, construite dans un appareil (pierres de parement) très simple avec beaucoup de récupération, ce qui montre qu’elle a été conçue durant une période d’insécurité. Elle est coiffée de tuiles plates (type Bardeaux).
La tour est en « goutte d’huile », un peu ovalisée au niveau de la haute cour. Elle est ronde au premier et second niveau, mais carrée au troisième qui pouvait servir de chambre.
En poursuivant plus loin, on découvre le puits du château. C’est l’un des plus profonds puits médiévaux du Sud Ouest. Il mesure 32 mètres. Le puits était indispensable dans un château, il permettait aux habitants de celui-ci d’avoir un approvisionnement régulier en eau potable. À l’époque médiévale, ce puits servait d’échappatoire lorsque le château était assiégé par l’ennemi.
Le sol médiéval de la basse cour se situait au même niveau que le puits et était recouvert d’un dallage encore existant. L’actuel niveau constitué aujourd’hui de pavés type « Napoléon » a été défini au XVIe siècle.
La chapelle
La chapelle castrale du XIVe siècle fut remaniée à la fin du XVIe siècle par la famille de Montferrand. Sous Guy de Montferrand, chef du parti huguenot et bras droit d’Henri III de Navarre, la chapelle a pu être transformée en temple.
À l’intérieur de la chapelle, on observe un tableau du XVIIe siècle qui représente la Sainte Vierge et l’enfant Jésus. En bas du tableau, on peut voir saint Antoine avec son cochon et sainte Catherine de Sienne, native d’Italie et qui fut l’une des plus célèbres saintes du XVe siècle. Le fresque est une reproduction d’une fresque qui se trouve en Rhénanie (Allemagne). Elle représente le Christ crucifié ayant à sa droite sa mère la Vierge Marie et Saint Jean. Elle a été réalisée par une Artiste bretonne, Anaïs Dein, suivant les procédés de l’époque : elle a été peinte sur mortier frais avec des pigments d’origine naturelle. C’est donc une excellente reconstitution autant par le motif (fin XIIe siècle) que par la nature même de la fresque.
La chapelle castrale était réservée à la famille seigneuriale et sa suite. Toutes les chapelles étaient desservies par un chapelain, un religieux qui faisait office de curé pour la chapelle du seigneur. Sa mission était de célébrer les messes et de donner les sacrements (Baptême, mariage…).
Au moment de la reconstruction du château, la chapelle était également en ruine, et il ne restait que la façade ouest (façade qui fait face à la Garonne), celle de l’est ayant été refaite dans les années 1990. La fenêtre trilobée date de la fin du XVe siècle. Les vitraux ont été réalisés en 1999 par un maître verrier de Bordeaux. Dans l’oeil de boeuf de la fenêtre sont représentées les armoiries des Escossan, les premiers seigneurs du château de Langoiran.
LABATUT, le moulin
Léo Drouyn date ce moulin du commencement du XIVe siècle. C’est, dit-il :
« un parallélogramme rectangle de 14,15m de long et de 11,20m de large… de sorte que le tout ne devait former qu’une seule pièce au milieu de laquelle s’élève un pilier carré destiné à supporter la charpente. On pénètre dans le rez-de-chaussée par une porte ogivale au sud… »
Mais ce sont les éléments de défense qui l’intéressent :
« deux meurtrières protègent l’ouverture d’aval… au-dessus de la porte d’entrée s’avance un moucharabiehs, soutenu par cinq consoles »… »Le premier étage prenait son jour par deux meurtrières au nord, deux à l’ouest, une au sud, cette dernière cruciforme… Du deuxième étage on montait sur le chemin de ronde par un petit escalier en pierre appliqué contre le mur ».
De fait, ce moulin, comme ceux de Blasimon, Bagas, Daignac ou Esplet, s’apparente beaucoup à une petite maison forte.