Le château en 3D ?

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L’on peut se demander pourquoi un tel château dans un pays plat, alors que d’ordinaire les seigneurs du Moyen Age choisissaient de préférence des escarpements naturels pour construire leurs donjons.

Si l’on a, au prix d’un tel déploiement de douves et de retranchements, fondé cette forteresse redoutable, au milieu des mielles, c’est que précisément elle était indispensable pour protéger un havre formé par un cordon littoral, qui constituait un mouillage naturel fort intéressant pour des bateaux à fond plat, comme les esnèques des Vikings.

Un premier château en bois a été construit au XIe siècle pour arrêter les vikings qui pouvaient remonter de la mer par le havre de Lessay puis emprunter un chenal jusqu’à la mare de Pirou afin d’attaquer les populations.

En 1149 le château est réédifié en pierre, ceinturé de trois douves et d’accès protégés de portes défensives munies de pont-levis.

Le château date du XIIe siècle. Il est construit sur un îlot de roche schisteuse, au milieu d’un étang artificiel que constituent les douves. Celles-ci étaient autrefois alimentées par les marais.

Château de Pirou

Architecture

Château de Pirou

Les portes défensives et les abords du château fort (1.2.3.4.5)

Autrefois il fallait franchir cinq portes défensives. Aujourd’hui, il en reste trois. Chacune d’entre elles était précédée d’une douve et munie d’un pont- levis.

  • La première porte (1) est une barbacane (porte fortifiée avancée) flanquée de deux casemates voûtées où se postaient les gardes. Elle était précédée d’une douve et munie d’un pont-levis.
  • La deuxième porte (2) était un véritable châtelet en forme de tour carrée dont l’étage a été détruit. Elle était également précédée d’une douve et munie d’un pont-levis.
  • La troisième porte (3) a maintenant disparu. Elle constituait le corps de garde et était munie d’un pont-levis. Il fallait la franchir avant de pouvoir tourner sur la gauche et accéder à la quatrième porte.A présent entre l’emplacement de la troisième et celui de la quatrième se trouve un bâtiment dont la partie destinée à l’Accueil a été aménagée au XXe siècle, l’autre partie correspond à la bergerie construite au XVIIIe siècle.
  • La quatrième porte (4) : Elle est percée d’une grande porte cochère et, sur la droite, d’un passage étroit (pertuis) pour les piétons. Au-dessus de la porte cochère on peut remarquer les armoiries de Richard Cœur de Lion avec les trois léopards. La porte, détruite dans sa partie haute, a été restaurée dans son état initial d’après une photo de 1920. Ainsi, en passant de l’autre côté, on aperçoit le chemin de ronde crénelé à l’ouest. L’accès au chemin de ronde se faisait par une tourelle carrée couverte d’une toiture pyramidale en tas de charge (toit plein), sommée d’un épi de granit.
  • La cinquième porte (5) était construite perpendiculairement au mur situé entre la boulangerie (6) et le pressoir (7). Malheureusement, le manque d’informations empêche toute tentative de reconstruction.

En progressant sous les platanes, le long du chemin qui mène au château, nous passons devant une stèle, posée en 1998, consacrée au restaurateur du site : l’Abbé Marcel Lelégard (1925-1994).

Plus loin, toujours à notre gauche se trouve donc : la boulangerie (6) (XVIIIe siècle), puis le pressoir (7) avec son tour et sa longue étreinte (XVIIIe siècle).

Tournez-vous à présent vers la forteresse : on voit l’unique tourelle (8) qui reste aujourd’hui. Son type très particulier est rattaché à l’architecture des croisés : cette tourelle s’élève au-dessus du rempart, elle est supportée en partie par une trompe, c’est-à-dire un arc bandé dans un angle rentrant formé par la muraille. Cette trompe est percée d’un mâchicoulis circulaire (ouverture au sol), caractéristique du XIIe siècle, afin d’envoyer des projectiles aux assaillants (eau bouillante, poix chauffée, pierres, sable…). Ceux-ci rebondissaient sur le replat oblique de la muraille.

Reconstruite en 1649 par Louise du Bois, marquise de Pirou, très peu de temps après la mort de son mari Charles, cette chapelle est la troisième du lieu.

Louise du Bois en a fait modifier légèrement l’orientation vers le Sud-Est afin qu’elle soit alignée sur les autres bâtiments des communs.

La chapelle a été entièrement restaurée. La charpente en carène de bateau renversée a été lambrissée avec des douves (ou douelles) de barriques.

Mobilier de la chapelle :
– Statue de saint Paul, terre cuite, fin XVIII- début XIXe siècle ;
– Statue de la Vierge à l’Enfant, bois polychrome, fin XVIIIe siècle ;
– Buste de saint Jean, bois, XIVe siècle ;
– Statue de saint Jean-Baptiste, pierre calcaire polychrome, XVe siècle ; – Autel d’époque Louis XV.
– La Cène, huile sur toile d’influence italienne, fin XVIe siècle ;
– Statue de saint Laurent, pierre calcaire polychrome, XVe siècle ;
– Statue de saint Gerbold, pierre calcaire, fin XV – début XVIe siècle ;
– Statue de saint Joseph, bois polychrome, XVIIIe siècle ;
– Statue de saint Pierre, terre cuite, fin XVIII- début XIXe siècle ;
– Les curieuses épitaphes de Charles (1640) et Louise (1662) du Bois.

Sur les vitraux on peut voir (en partant de la porte d’entrée) les blasons de la Luzerne, de sir Jehan Falstolf, de la Normandie (au XIIe siècle), de la famille Lelégard, des seigneurs de Pirou, de La Haye, du Bois et de Vassy. On retrouve ces blasons sur les cheminées à l’intérieur même du château ainsi que dans la salle de justice, cela permet de dresser un rapide historique des différents propriétaires du château :

Du XIe au XIIe siècle : la famille de Pirou possède le château fort. Les seigneurs de Pirou descendent de Serlon, fils aîné de Tancrède de Hauteville, (scène 11 de la Tapisserie de Pirou).

Un chevalier de Pirou a pris part à la bataille de Hastings (1066) lors de la conquête de l’Angleterre, sa famille a d’ailleurs reçu des terres en Angleterre dans le Devon et le Somerset.

Armes de Pirou : De sinople, à bande d’argent, accompagnée de deux cotices de même.

Pendant la guerre de Cent Ans un grand nombre de propriétaires se succèdent, notamment Sir Jehan Fastolf.

Une fois la paix revenue, jusqu’à la moitié du XVIIe siècle, le château fort revient par voie d’héritage à la famille du Bois.

De la moitié du XVIIe siècle à la Révolution : la forteresse appartient à la famille de Vassy (ville de Vassy, près de Vire – Calvados).

De la Révolution à la fin du XVIIIe siècle : le château cesse d’être habité noblement. Il est acheté par de riches bourgeois de Coutances : les Quesnel-Morinière (Musée de Coutances).

Au début du XIXe siècle, le château fort devient une ferme. Les habitants donnent la priorité au côté pratique ; ils emplissent les douves de fumier et se servent de pierres pour construire des cabanes à moutons, des clôtures pour leurs champs. Sa décrépitude s’accentue et les pierres sont dispersées aux alentours : le château subit un véritable pillage.

En 1840, le château fort devient un repaire de contrebandiers important du tabac de Jersey : ceux-ci font courir de sinistres histoires de revenants et de sorcellerie afin d’intimider les curieux.

Après plusieurs ventes successives, la forteresse redevient une ferme.

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En 1966, l’Abbé Marcel Lelégard achète le château à titre personnel et entreprend sa restauration. Déjà, en 1954, l’Abbé était à l’origine d’une association pour la sauvegarde de l’abbaye Sainte-Trinité de La Lucerne (XIIe siècle – Manche).

De 1966 à 1973 des bénévoles prennent part aux premiers travaux à Pirou : nettoyage des murs recouverts de végétations. En 1968, le château est inscrit à l’Inventaire Supplémentaire des Monuments historiques. En 1981, l’Abbé Lelégard crée la Fondation Abbaye de La Lucerne d’Outremer qui gère aujourd’hui les deux monuments et poursuit les travaux de sauvegarde et de restauration.

«Plaids» ou «Plès» vient du mot plaidoyer: la salle de justice où le seigneur réglait les litiges et percevait les impôts. Au XVIIe siècle, cette salle devient une écurie, puis plus tard une étable.

Eclairée par six fenêtres en losanges sous plomb, entièrement restaurée, on y remarque :

-la vaste cheminée (les blasons et la croix scandinave). -le plafond à poutres et solives.
-le pavé en pierres de Lande de Lessay.

La broderie relate la légende des Oies de Pirou, puis la conquête de l’Italie du Sud et de la Sicile par les normands de Hauteville, au XIe siècle. La Broderie de Pirou est exposée de mai à septembre.

Nous devons son existence à trois personnages :

  • –  Le Poète Normand Louis Beuve (1869-1949) : l’idée,
  • –  L’Abbé Marcel Lelégard (1925-1994) : trame historique et croquis de base, – La brodeuse Madame Thérèse Ozenne(1939-2009) : dessins etbroderie à la manière de la Tapisserie de Bayeux.Madame Ozenne, infirmière de profession, réalisera cet ouvrage seule, pendant ses loisirs entre 1976 et 1992, soit 58 mètres de broderie à raison d’1,5 cm à l’heure…Madame Ozenne avait auparavant étudié le point, reproduit et exposé des séquences de la Tapisserie de Bayeux, c’est au cours d’une de ces expositions que l’Abbé Lelégard l’invite à relever ce défi : broder la Telle du Conquest de l’Italie du Sud et de la Sicile.

LE CHÂTEAU

  1. Le pont (12) de deux arches en pierre qui enjambe la douve à l’endroit où elle est le moins large, remplace un pont-levis.Vous pouvez observer au dessus de la porte, les deux rainures dans lesquelles se relevaient les flèches des balanciers du pont-levis.Vous quittez maintenant la basse-cour et entrez dans la cour intérieure, aussi appelée haute cour, en passant sous la tour carrée du XVe siècle (13).

Deux parties distinctes :

A l’Est (en entrant dans la cour à droite) : le « Vieux Logis » (14). C’est la partie qui a été restaurée en premier, et qui est visitable. Le Vieux Logis a été construit sous Henri IV (1553-1610), et semble remplacer une construction plus ancienne. Par endroit, le rempart auquel est adossé le vieux logis mesure plus de trois mètres d’épaisseur.

Au Sud (en entrant dans la cour à gauche) : le « Neuf Logis » (15). Construit en 1708, et restauré extérieurement ; Il a été habité jusqu’en 1968 par des fermiers.

L’emplacement surélevé (en chantier) à l’Ouest correspond au donjon (16) : celui-ci a probablement été abattu pour éclairer la cour intérieure. Les remparts étaient autrefois hauts de douze mètres.

Il est possible de visiter trois pièces dans le Vieux Logis : la salle des gardes (17), la salle à manger (18), la cuisine (19).

De nouveau dans la cour intérieure, entrez dans la cuisine par la porte suivante, à droite du puits. Celui-ci alimentait en eau douce tous les habitants du château contrairement aux douves qui recevaient les eaux usées.

La cheminée est très profonde : environ 70 personnes réparties entre les portes défensives et les communs vivaient ici.

Sous la fenêtre au fond à gauche, il y a une augette qui servait d’évier. Elle est percée d’un trou par lequel s’écoulaient les eaux sales tombant directement dans les douves.

A droite de l’augette on peut constater l’épaisseur du mur : les remparts sur lesquels il s’appuie sont épais de trois mètres.

Face à la cheminée : le mur en pierres apparentes est percé de trous de boulins : ceux-ci servaient à y insérer des poutrelles sur lesquelles on posait des planches. Cela servait d’échafaudage lors de la construction ou de la restauration du mur.

Sa porte d’entrée donne sur les marches de l’escalier menant à l’étage.

Ici se postaient les gardes du pont. Les fenêtres médiévales sont face à la cheminée. Elles ont été démurées et restaurée lorsque le plafond a été ramené à son niveau primitif.

La pièce était chauffée par une immense cheminée dont le linteau monolithe a été restauré. L’apport d’une colonne a été nécessaire pour le soutenir vu l’importance de son poids. On peut apercevoir deux fours à pain.

Le sol est un damier de schistes et de terre cuite.

Le plafond est un « plafond à chant » : constitué de demi-poutrelles obliques qui permettaient, en plus de l’esthétique, solidité et économie de bois.

Au-dessus de la cheminée, les deux pierres saillantes (corbeaux) servaient à soutenir le plafond du XVIIIe siècle qui avait été abaissé pour des raisons de chauffage. Abaisser ce plafond a également permis la création d’un étage auquel on accédait par l’escalier à vis.

Le trou au ras du sol servait à l’évacuation des eaux sales.

En sortant de la salle des gardes vous vous trouvez sur les marches qui conduisent à l’escalier intérieur permettant d’accéder à l’étage : La pièce qui s’y trouve était utilisée, au XVIIe siècle, comme salle à manger.

Cette pièce a été entièrement restaurée. Les plus belles pierres ayant disparu durant la période de pillage, les cheminées et encadrements de portes ont dû être refaits.

Les fenêtres sont munies de vitraux en losanges sous plomb.

Sur la cheminée, à nouveau les blasons sculptés, des quelques propriétaires du château fort.

Arrivé en haut, vous pouvez apercevoir du côté des douves, cinq archères, qui ont chacune un angle de tir différent. Elles permettaient d’atteindre l’ennemi sur le chemin qui mène à la basse-cour.

Du même côté, au ras du sol, on peut constater la présence de quelques gargouilles qui servent à l’évacuation des eaux de pluie.

Le toit a été complètement refait dans les années quatre-vingt avec des pierres de schistes du Cotentin. Chaque pierre est percée dans sa partie supérieure afin d’y insérer une ou deux chevilles en chêne permettant de fixer l’ardoise à la charpente. Le mortier très épais est constitué de chaux et de sable. Le tout étant supporté par une charpente en chêne. Au sommet du toit, les tuiles faîtières en grès ornées de pitons ou de rosaces, ont un rôle décoratif.

En passant sous la tourelle (8) : le mâchicoulis circulaire que vous avez vu depuis l’emplacement de la cinquième porte.

De la tour du XVe siècle, les occupants pouvaient surveiller les déplacements des bateaux de commerce à faible tirant d’eau aux alentours et voir de très loin arriver les éventuels amis ou ennemis…

En passant sous la tour carrée (13), vous emprunterez une courtine, conduisant à la tour du XVIIe siècle (21), dite des Latrines, où un escalier a été récemment aménagé pour vous permettre de rejoindre la cour intérieure.

LA LÉGENDE DES OIES DE PIROU

Quand les Normands, vinrent faire la conquête de ce pays, ceux d’entre eux qui s’emparèrent de cette contrée furent longtemps arrêtés par le château fort de Pirou. Le jugeant imprenable, ils renoncèrent à l’enlever d’assaut et, pour le réduire par la famine, ils en entreprirent le blocus.

Après un siège interminable, ils constatèrent qu’un silence de mort régnait dans château. Craignant un stratagème ils laissèrent passer un jour entier, puis le lendemain tentèrent l’escalade. Le château était désert. Ils ne trouvèrent qu’un vieillard grabataire auquel ils promirent la vie sauve s’il leur disait ce qu’étaient devenus le Sire de Pirou, sa famille et sa garnison. Le vieillard leur expliqua alors qu’à l’aide d’un grimoire le Seigneur et toute sa maison s’étaient changés en oies sauvages pour échapper à leurs assaillants. Les Normands se rappelèrent en effet qu’ils avaient vu, la veille, au lever du jour, une quantité d’oies cendrées prendre leur essor au-dessus des remparts.

On sait que, dans les vieilles traditions populaires de Normandie, le sorcier qui s’est changé en bête doit, pour reprendre sa forme humaine, « délire », c’est-à-dire lire à rebours, la formule qui lui a servi à se « goubliner ».

Au bout d’un certain temps, les oies sauvages revinrent donc pour retrouver le grimoire qui leur permettrait de « délire » la formule de leur goublinage. Hélas, les Normands avaient brûlé le château et avec lui le livre de magie. Force leur fut donc de rester oies sauvages… Mais, depuis lors, elles reviennent chaque année au printemps avec l’espoir de retrouver le grimoire, et, sans l’avoir trouvé, elles repartent à l’automne.

Dans son Grand Dictionnaire Historique, ou mélange curieux de l’histoire sacrée et profane (publié de 1674 à 1759), Louis Moréri, après avoir raconté la légende en citant les Mélanges d’Histoire et de Littérature de Vigneul-Marville (1699), ajoute: « Voilà le merveilleux, mais ce que l’on peut dire de certain c’est que dans la nuit du1er mars, chaque année, des oies sauvages viennent reconnaître les nids que les habitants du château ne manquent pas de leur préparer au nombre de 18 ou 20, au pied des remparts, avec de la paille et du foin. Quand tous les nids sont occupés, on en prépare encore 6 ou 7 autres au sommet des murailles, lesquels ne restent pas longtemps vides. Ces oies, dont on ne saurait s’approcher à moins de six cents pas qu’elles ne s’envolent, lorsqu’elles sont dans les champs, cessant d’être le sauvages « pour l’amour de leur hôte », lorsqu’elles sont au château, viennent manger le pain et l’avoine dans la main. Elles pondent en mars, couvent en avril, les petits éclosent en mai… »

Dans un exemplaire de l’édition de 1725, une note marginale portée en 1753 par M. Ducanet dit ceci: « Depuis quelques années ces oyes ne paroissent plus, on est venu à bout de les détruire, à cause du grand dégât qu’elles faisoient dans les campagnes » (« campagnes » signifie au XVlIIe siècle : champs ouverts cultivés).

Le passage de ces oiseaux migrateurs est probablement à l’origine de la légende, mais le fait que celle-ci prétende se rattacher aux invasions scandinaves est vraisemblablement un élément de vérité non négligeable. Toute légende peut renfermer des détails qui se rattachent à l’Histoire.

La légende était sans doute déjà bien vieille lorsque Robert de Pirou, au XIVe siècle, mettait un col d’oie comme cimier sur le heaume timbrant ses armoiries.

Informations utiles

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Tel: 02 33 46 34 71

3 Le Château, 50770 Pirou