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L'origine du prieuré
Sainte Honorine est une sainte normande dont on connaît peu de chose. Deux traditions existent : dans un cas, elle est originaire de la basse Normandie (plusieurs villages portent son nom dans le Calvados et dans l’Orne) ; dans l’autre, elle a vécu à Mélamare, sur les bords de la Seine entre Rouen et l’estuaire. Après son supplice (peut-être le 27 février 303), elle est jetée dans la Seine et son corps arrive à Graville, actuellement un quartier du Havre. Un prieuré y est fondé pour abriter et vénérer les reliques.
En 876, la crainte des invasions normandes conduit les moines qui les protègent à les emmener dans des lieux plus sûrs. Contrairement à une idée reçue, ce n’est pas par la Seine qu’elles quittent leur prieuré normand. Au contraire, ses protecteurs, s’éloignent du fleuve, traversant la Normandie et le Vexin ; ils arrivent à Conflans où ils déposent leur précieux trésor dans le château en bois des comtes de Beaumont qui domine le fleuve. Pourquoi en ce lieu ? On ne le sait pas exactement.
Conservées dans l’église de la place forte, les reliques de la sainte sont vénérées par la population, mais le premier prieuré de Conflans n’est créé qu’en 1080 par Ives de Beaumont et son épouse Adèle. Il est établi près du château et confié aux moines bénédictins du Bec-Hellouin, abbaye située dans l’Eure. Les locaux sont vraisemblablement exigus et les moines entreprennent la construction d’un prieuré indépendant du domaine seigneurial, un peu plus à l’est.
Une guerre de succession entre les seigneurs Mathieu de Beaumont et Bouchard de Montmorency provoque l’incendie du château six ans après leur arrivée. Ils décident alors de s’installer dans les nouveaux bâtiments, peut-être inachevés. La translation des reliques (leur déplacement) a lieu en 1086, au cours d’une grande cérémonie en présence d’Anselme, abbé du Bec-Hellouin. Cette scène est représentée dans la partie médiane du vitrail (XIXe siècle) de la chapelle Sainte-Honorine dans l’église paroissiale Saint-Maclou.
Le prieuré avant la Révolution
Les descriptions et les représentations du prieuré renseignant sur son aspect d’origine sont pratiquement inexistantes. On sait que son déclin commence à partir du XVe siècle : en 1413, il n’y réside plus que le prieur et six moines, alors que leur nombre avait dû atteindre une vingtaine.
Une partie du dortoir des moines, son pignon d’après Patrice Dupuy, surplombait la rue aux Moines, anciennement la rue des Murs-aux-Moines, et s’effondre vers 1480. Quant au cloître, il est déjà abattu à la fin du XVIe siècle, sans que l’on connaisse sa situation exacte, mais on peut supposer qu’il jouxtait l’église prieurale.
Un procès-verbal d’expertise, dressé en 1750 en vue de la démolition de l’église vétuste, est un des rares documents qui donne des indications précises sur la situation des bâtiments d’origine.
Reconstitution du prieuré tel qu’il devait être au XIVe siècle. Le bâtiment de gauche a disparu au XVIIIe siècle. Pour celui du centre, le premier étage est devenu de nos jours un rez-de-jardin. (dessin de Claude Marchant, mise en 3D de Danyal Faiz)
Au XVIIe siècle
On peut se faire une idée de l’aspect de l’imposante église Sainte-Honorine du prieuré grâce à une carte attribuée à Jouvin de Rochefort vers 1675. Près du bord supérieur du « Cours de la Seine entre Paris (la Salpêtrière) et Poissy, avec projet de canal entre les Champs-Élysées et Achères » a été dessiné le panorama de Conflans, sur lequel on reconnaît l’église paroissiale Saint-Maclou et celle du prieuré, d’une taille supérieure ; cette dernière est longue d’environ 50 m et sa tour-clocher, haute de trente mètres, est supportée intérieurement par quatre gros piliers centraux.
On distingue également sur cette carte, à droite du prieuré, son moulin à vent qui a donné son nom au quartier du Plateau-du-Moulin ; à gauche des deux églises, le Château Neuf et la Tour Montjoie, représentés un peu trop près du confluent, et pour traverser la Seine, un bac à traille.
Sur la droite de cet extrait de la carte de Caron (1683), le prieuré constitué d’une immense église et d’un bâtiment en « U » ; au centre de l’image, l’église Saint-Maclou, avec le cimetière au nord et, à l’est, un agrandissement commencé par Henri de Montmorency et disparu aujourd’hui.
Quelques années plus tard, en 1686, le géographe Caron dessine un plan très précis de Conflans, en bordure de son immense « Carte de la forêt de Saint-Germain-en-Laye et ses environs ».
Au sud de l’église du prieuré, vers la Seine, sont construits les bâtiments conventuels qui forment un « U ». Le fond du « U » correspond aujourd’hui à la partie de la façade visible de la place Jules-Gévelot, celle qui est comprise entre la voûte d’entrée et la tourelle aux vitres bleues. Il donne alors directement sur la place et abrite le logis du prieur.
La première église date du XIe siècle ; sa façade est flanquée de deux tourelles. De cette église primitive, il ne reste plus que la base de la tourelle droite du portail d’entrée, celle qui est encastrée dans le bâtiment voisin plus récent. Elle affleure dans le parc, à quelques pas de l’escalier qui conduit à la véranda et à la nouvelle salle des mariages de Conflans. Un arbre a poussé en son centre.
Au XVIIIe siècle
L’immense église est devenue vétuste. Ses bas-côtés ont disparu, des murs latéraux consolident sa nef. En 1750, il est décidé de l’abattre et d’en utiliser les pierres pour construire un nouvel édifice plus petit qui sera fini en 1752. Tous ces renseignements sont consignés dans des procès-verbaux d’expertise et de construction. La situation de la nouvelle église est désignée par l’expression « au septentrion », c’est-à-dire au nord, de la première. Les hypothèses de localisation des deux édifices, confortées par l’appellation « crypte » pour le grand cellier (abritant aujourd’hui les bateaux de plaisance du musée de la Battellerie), ont été longtemps erronées. Ce n’est qu’après avoir retrouvé les plans correspondant aux procès-verbaux qu’on s’est rendu compte que l’emplacement choisi pour la nouvelle église empiétait légèrement sur l’ancien ; en même temps on a eu connaissance de la situation exacte des églises par rapport aux bâtiments du prieuré.
Les deux églises ont un point commun : elles n’ont pas de crypte et les reliques de sainte Honorine sont exposées au-dessus du maître-autel mais la seconde ne mesure que 26 m sur 12 m.
De cette église de 1752, il semble qu’il n’y ait pas d’autre représentation que les planches dessinées, conservées aux Archives nationales avec l’un des procès-verbaux de construction.
Plan de la nouvelle église Sainte-Honorine ; la tourelle de la façade de la précédente église est visible en bas à gauche.
L’autel Sainte-Honorine provient de l’église précédente. À sa gauche, dans un renfoncement, est réinstallé sur son soubassement, le gisant de Mathieu IV de Montmorency, seigneur de Conflans. En-dessous, un caveau est prévu pour abriter ses restes. L’ensemble est surmonté d’un enfeu.
Au sud, face à la sacristie, s’ouvre une porte donnant sur le jardin des moines ; elle permet d’accéder directement aux divers bâtiments sans passer par la cour d’entrée.
Plan de masse joint au procès-verbal de la visite de 1750. En noir, l’église à détruire, en rose la nouvelle église, en gris les bâtiments du prieuré ; ceux-ci englobent la tourelle droite de la façade de la première église.
Les chaînes de prisonniers, des ex-voto, sont suspendus au-dessus des portes latérales. Quand l’église n’a plus été un lieu de culte, elles ont été déposées dans l’église paroissiale où elles sont toujours. Pour son décor intérieur, le mobilier existant (autels, retables, stalles, chaire…) a été réutilisé. Les fidèles retrouvent donc dans ce nouveau sanctuaire tout ce qu’ils connaissaient dans l’ancien.
Si l’église est neuve, il n’en est pas de même pour les bâtiments du prieuré, à l’exception de la demeure du prieur mieux entretenue. dès 1721, ils sont mentionnés comme étant en mauvais état et devant être abattus, recommandations non suivies. L’aile sud, en bordure de plateau, est formée de plusieurs constructions juxtaposées et abrite les communs ; un cellier souterrain la prolonge. L’aile nord contient un cellier et un pressoir, surmontés d’une grange. Le logement du prieur, à l’ouest, se trouve au-dessus de la cuisine, les écuries et la vacherie. Le dernier prieur, Charles Mannay, arrive à Conflans en 1783. En 1786, il rénove ses appartements du sol au plafond car il a l’intention d’y vivre avec son frère ; ses travaux valent également pour le jardin qu’il épierre et le potager qu’il plante en asperges et chasselas.
Grâce aux inventaires et à des ventes de mobilier, on peut se faire une idée très précise de ce qu’était son logis, presque le décrire comme si on y était ! Au rez-de-chaussée, une cuisine pavée de grès possède une immense cheminée garnie d’un tournebroche avec ses poids de fer et ses chaînes, une pierre à évier (l’eau du puits de la cour étant conservée dans des barils de bois cerclés de fer), un four et un réchaud qui gardent à température convenable les plats attendant d’être servis dans la salle à manger située juste au-dessus. Dans cette dernière aux murs lambrissés, éclairée par quatre fenêtres, deux sur la cour, deux sur la Seine, une cheminée décorative permet de résister aux rigueurs de l’hiver. Mais comme les autres pièces de l’appartement du prieur, elle est assez rustique avec des solives apparentes et au sol, des carreaux de terre cuite. La vaisselle est rangée dans un buffet de l’office attenant.
La coupe longitudinale de sa nef : de gauche à droite, l’autel Saint-Nicolas, puis les deux accès à la chapelle de la Vierge, une porte donnant sur la sacristie et un renfoncement avec le gisant de Mathieu IV de Montmorency. (AN)
Coupe transversale au niveau de la chapelle de la Vierge ; la châsse de sainte Honorine est située au-dessus de l’autel principal, à droite. (AN)
Le clocheton, à six pans, est couvert d’ardoises ; il est surmonté d’une boule, d’une croix et d’un coq ; il abrite la cloche provenant de l’ancienne église. (AN)
Le prieuré, demeure privée
Le décret de l’Assemblée nationale en date du 17 mars 1790 décide de la vente des biens du clergé par les communes. À Noël, le prieuré est estimé à 13 600 livres mais la municipalité désire en conserver l’église, la plus grande salle de réunion de Conflans bien que sa couverture ait besoin de réparations. Les cahiers de doléances y avaient été rédigés à la veille de la Révolution de 1789.
Le prieuré, bien national, est vendu le 19 avril 1791. L’acheteur, Marc Flor Sabatier, bourgeois de Paris, s’y installe avec sa femme. La demande du prieur Mannay qui souhaitait y rester en tant que locataire, est refusée et en août 1791, il vend ses meubles, en partie rachetés par le nouveau propriétaire. Ce dernier va jouer un rôle influent à Conflans. Membre actif du Comité de Surveillance, le 3 nivôse an II (23 décembre 1793) il fonde, au niveau local, la Société populaire. En outre, il devient maire du 23 thermidor an VII au 8 prairial an VIII (du 10 août 1799 au 28 mai 1800).
Dans les divers rapports et procès-verbaux dressés à partir de 1791, on peut suivre les démêlés de Sabatier, anticlérical, avec la population conflanaise qui continue à venir se recueillir devant les reliques de sainte Honorine restées présentes dans l’église un certain temps : pour accéder au lieu saint, il faut traverser la cour du propriétaire après s’en être fait ouvrir la porte !
Sans doute en raison de problèmes financiers, la commune n’achète pas l’église. Quatre ans après les bâtiments du prieuré, elle est vendue aux enchères. L’affrontement est serré entre le propriétaire du prieuré et Jean Penon, Conflanais, huissier au tribunal de Versailles ; finalement Sabatier doit abandonner son rêve de reconstituer la propriété d’origine et Penon va pouvoir veiller sur les reliques.
En 1804, le prieuré de Marc Flor Sabatier est saisi à la demande d’une maison de commerce genevoise. Vendu aux enchères, il est acquis par deux marchands de biens de Versailles qui font main basse sur tout ce qui se vend dans la région.
Ils ne le conservent que trois ans, l’ancien propriétaire étant toujours dans les lieux. Ils le recèdent à un autre marchand de biens, Jean Louis Labarrière. Celui-ci rachète à Jean Penon l’église Sainte-Honorine, dite en démolition : la surface des terrains qui entourent le prieuré est reconstituée et le tout aussitôt revendu.
Musée de la batellerie
Le musée de la batellerie et des voies navigables de Conflans-Sainte-Honorine est un musée municipal, mais à vocation nationale, consacré à la batellerie, aux bateaux fluviaux et aux voies navigables.
Il a été créé en 1965, à l’initiative de Louise Weiss et confié à François Beaudouin, archéologue nauticien qui en a été le conservateur jusqu’à son départ en retraite en 1994, date à laquelle l’actuel conservateur, Laurent Roblin, lui a succédé. François Beaudouin, qui a poursuivi ses recherches sur les anciens bateaux jusqu’à sa mort en 2013, avait gardé le titre de conservateur honoraire.
Le musée se trouve dans le château du Prieuré, sur les hauteurs de Conflans-Sainte-Honorine. Il propose cinq espaces d’exposition :
- une première section relatant l’histoire de la batellerie au XVIIe et XVIIIe siècles avec des tableaux et objets d’art anciens et deux diaporamas ;
- une seconde section retraçant celle de la batellerie des XIXe et XXe siècles, axée sur la navigation mécanique (touage, halage mécanique, remorqueur, automoteur, pousseur et bateau à roues à aubes,…) ;
- une troisième section consacrée aux péniches et aux canaux fluvial et marinier du Nord ;
- plusieurs salles présentant le fonctionnement des écluses et les aménagements techniques des canaux et ports fluviaux ;
- une cour ouverte présentant des bateaux, parties de bateaux, l’outillage d’un chantier naval et les apparaux de navigation.
Le musée de la batellerie est un des acteurs principaux du pardon national de la batellerie créé cinq ans avant lui.
En 2015, après plusieurs mois de travaux, Laurent Brosse, maire de Conflans-Sainte-Honorine, inaugure sa nouvelle muséographie, plus moderne, à l’occasion du 56e Pardon national de la batellerie.
Le musée abrite de très riches collections de maquettes de bateaux et d’ouvrages d’art de tous les bassins français, de nombreux objets de batellerie et plusieurs dioramas reconstituant à échelle réduite la vie de certains ports, des tableaux et gravures, des reconstitutions scientifiques. Il permet de découvrir la navigation mécanisée, les bateaux de canal, la batellerie traditionnelle des régions de France ou encore en apprendre plus sur les voies d’eau : l’écluse et son fonctionnement, le canal, la rivière canalisée. On peut admirer notamment un port de l’Adour, un autre de la Dordogne, et aussi l’arrivée du coche d’eau à Paris à la fin du XVIIIe siècle.
Il possède aussi un important centre de documentation ouvert aux chercheurs.
Enfin, l’Association des Amis du Musée de la Batellerie, distincte du musée mais très proche, a acquis de vrais bateaux navigants qui sont amarrés, en temps ordinaire, en contrebas du musée :
- l’ancien remorqueur Jacques, plus que centenaire, dont malheureusement la machine à vapeur est au musée de la batellerie de Poses. Il est classé monument historique ;
- le remorqueur-pousseur Triton 25, dernier remorqueur à avoir été construit en 1954, et transformé en pousseur au début des années 1960. Le Triton 25 est ouvert au public à certaines occasions et se visite intégralement. Il est opérationnel.