La forteresse en 3D ?

Le site de la forteresse est occupé depuis trois mille ans, comme l’ont révélé les fouilles archéologiques récentes. Il faut attendre la fin de l’époque gauloise pour connaître un peu ses habitants. Un aristocrate guerrier gaulois a érigé sa demeure à l’emplacement de l’actuel fort Saint-Georges. Les archéologues ont retrouvé le fossé carré qui lui servait d’enceinte. À l’intérieur prenaient place des maisons particulières, des bâtiments agricoles, et un espace politique et/ou culturel. Le propriétaire des lieux fut enterré juste devant, avec sa grande épée, privilège accordé par César aux vétérans de ses troupes auxiliaires indigènes. On peut la voir dans la salle d’archéologie du musée. À l’époque gallo-romaine, Chinon est déjà un petit bourg. Sur la hauteur, des constructions en pierre ou plus modestes, en torchis, se développent. Le secteur de la tombe gauloise cède progressivement la place à un petit cimetière, qui restera en usage jusqu’au Xe siècle.

Reconstitution en 3D de la forteresse royale de Chinon au XVe siècle.

Dans le contexte de la fin de l’Empire romain, le promontoire est fortifié et devient un castrum évoqué par l’historien Grégoire de Tours. Une muraille de 2,40 m d’épaisseur est construite. Pour ses fondations, de gros blocs de pierre sont récupérés sur les bâtiments antiques. Cette enceinte devait comporter une douzaine de tours. Grâce à elle, Chinon, qui faisait alors partie du royaume des Wisigoths, résiste à un siège mené par Aegidius, général romain, en 463. Le promontoire ainsi fortifié continue d’être occupé aux époques mérovingienne et carolingienne. De vastes silos enterrés et des bâtiments utilitaires de cette époque ont été retrouvés. Chinon est alors un chef-lieu de viguerie, et abrite un atelier monétaire royal aux VIIe et XIIIe siècles ; puis, de 920 à 954, la menace viking n’étant pas écartée, on y transfère celui de Tours.

Le château proprement dit prend forme entre le VIe et le Xe siècle. Il comporte un logis comtal et une tour. Protégés par une enceinte séparée, ils sont localisés à l’extrémité est de l’actuel château du milieu. Cet ensemble est distinct de la basse-cour située plus à l’ouest. Elle contient les installations économiques et artisanales nécessaires au fonctionnement du château (silos, bâtiments…).

Au Xe siècle, la forteresse est tenue par les comtes de Blois, grands vassaux du duc des Francs puis du roi des Francs. Le premier et le plus puissant d’entre eux, Thibaud Ier dit « le Tricheur » devient comte autour de 942 et le demeure jusqu’en 974. Il fait édifier une tour en pierre en 954. Pour renforcer la capacité défensive du château, il l’entoure d’une enceinte propre qui l’isole du vieux castrum.

Alors que le château est un enjeu territorial entre les comtes de Blois et d’Anjou, des transformations importantes ont lieu dans la première moitié du XIe siècle. Pour augmenter la superficie, un rempart plus vaste est construit, et un prieuré est fondé à l’intérieur du château.

Au Xe siècle, les comtes d’Anjou menacent fortement la puissance des comtes de Blois. Ils s’emparent de la Touraine en 1044 : le château de Chinon est cédé à Geoffroy Martel. Il meurt sans enfant en 1060. Son neveu Foulques IV lui succède. Il réussit à rétablir peu à peu son autorité sur ses vassaux particulièrement indisciplinés. C’est sans doute à Foulques IV que l’on doit l’achèvement de la nouvelle enceinte de la forteresse. Il lève notamment des impôts à cette fin, entre 1087 et 1105. À sa mort en 1109, l’Anjou atteint à peu près sa configuration définitive. Ses puissants voisins sont le roi de France, le duc d’Aquitaine et le duc de Normandie. Son petit-fils Geoffroy le Bel adoptera le surnom de Plantagenêt que conservera la dynastie et notamment son arrière-petit-fils : Henri II. C’est le début de la suprématie angevine qui durera jusqu’en 1205, date à laquelle le château sera conquis par le roi de France Philippe Auguste.

Henri II Plantagenêt est désigné héritier de la couronne d’Angleterre le 6 novembre 1153 par le traité de Wallingford. Au moment où le territoire Plantagenêt atteint son apogée, il s’étend des Pyrénées à l’Écosse. Afin d’assurer l’unité de son empire nouvellement constitué, Henri II va faire de Chinon sa capitale continentale. C’est à partir de ce moment que le château va prendre les dimensions qu’on lui connaît aujourd’hui. Du mariage entre Henri II et Aliénor d’Aquitaine naîtront pas moins de 8 enfants. Notons que parmi ces huit enfants se trouvent 5 héritiers mâles. Deux d’entre eux deviendront roi : Richard Cœur de Lion et Jean sans Terre. En comparaison, les amours de Louis VII apparaissent nettement moins fructueuses puisqu’il faut attendre son troisième mariage pour que naisse enfin l’héritier de la couronne de France : le prince Philippe (en 1165) surnommé Dieudonné en raison de sa venue au monde inespérée.

Henri II Plantagenêt entrepose à Chinon une partie du trésor royal. Il y séjourne fréquemment entre 1160 et 1180 et y tient pour la dernière fois sa cour de Noël en 1172, entouré de sa femme et de ses fils qui se disputent déjà son héritage territorial. En 1173, il écarte Aliénor du pouvoir et la fait enfermer dans la forteresse de Chinon, avant de l’envoyer en résidence surveillée en Angleterre. Le château de Chinon sera aussi la dernière demeure d’Henri II : abandonné de ses enfants, il y meurt en 1189.

Sa grande réalisation à Chinon est la construction du fort Saint-Georges et d’un palais en son sein. Ce palais est composé de trois ailes perpendiculaires à un corps de bâtiment parallèle à la Vienne. Il possède une chapelle, dédiée à saint Georges. Cet ensemble est articulé autour de plusieurs cours. Il est protégé par une simple enceinte, sans tours, mais dans laquelle on pénètre par deux portes monumentales, à l’est et à l’ouest. Celle de l’ouest est la mieux connue. Il s’agit d’une tour-porche rectangulaire, qui se trouvait à l’emplacement de l’actuel bâtiment d’accueil du fort Saint-Georges. À cause du relief naturel, son seuil était situé quatre mètres plus bas que les bâtiments du palais, auxquels menait une rampe d’accès. Seuls les piétons et les cavaliers pouvaient emprunter ce passage, car la porte était trop étroite pour des chariots. Ce palais a été mis au jour entre 2003 et 2005 lors de fouilles archéologiques. Il n’était pas connu auparavant. C’est une découverte très importante, car il y a très peu de palais de cette époque qui sont parvenus jusqu’à nous. Les vestiges sont actuellement préservés sous un jardin. Le rempart dominant la Vienne est encore visible et a été restauré dans toute sa majesté.

Sacré roi du vivant de son père en 1179, Philippe s’efforce de poursuivre la politique de Louis VII en l’érigeant en véritable stratégie diplomatique : prendre le parti du faible contre le fort. Philippe s’allie à Richard et Jean contre leur père. Après la mort de son frère Henri le Jeune, Richard devient l’héritier à la couronne d’Angleterre. Cela entraîne une réorientation des alliances de Philippe Auguste. C’est la raison pour laquelle Philippe prend désormais le parti de Geoffroy, le quatrième fils d’Henri II, contre Richard. Cependant, la mort prématurée de Geoffroy en 1186 porte un coup d’arrêt à cette stratégie. Des cinq fils d’Henri II, seuls deux sont encore en vie : Richard et Jean. Philippe n’a d’autre choix que de faire la paix avec Richard. De cette paix va naître une amitié entre les deux seigneurs qui inquiète Henri II. Philippe a tôt fait de persuader Richard que son père désire le déshériter au profit de Jean. Dans la foulée, Richard prête serment au roi de France pour les possessions continentales des Plantagenêt qu’il considère désormais comme siennes. Et c’est en alliés que Richard et Philippe s’empressent de mettre le siège devant les places encore fidèles à Henri II. Après avoir fui Le Mans, ce dernier se réfugie à Chinon, sa forteresse principale. Il meurt peu de temps après, le 6 juillet 1189. Richard devient alors le maître incontesté de l’empire Plantagenêt.

Le nouveau roi d’Angleterre ne jouit pas longtemps de ses possessions dans la mesure où l’appel à la croisade le somme de délivrer Jérusalem de Saladin. Richard noue un pacte de non-agression avec Philippe afin qu’aucun des deux ne profite de la croisade pour faire main basse sur les possessions de l’autre. Philippe rentré en France avant Richard, rompt le pacte et se décide à passer à l’action en 1193 en attaquant Gisors et le Vexin normand.

Sur le chemin du retour, Richard est fait prisonnier par l’empereur Henri VI. Il n’est libéré qu’en 1194, contre une rançon conséquente. En son absence, c’est sa mère qui gouverne, mais elle ne peut empêcher son frère cadet de profiter de la situation. Jean s’est allié au roi de France et lui a cédé une partie des possessions continentales des Plantagenêt. À son retour, Richard est donc forcé de mener une politique de reconquête avec, comme élément emblématique, la construction du « Château-Gaillard« . Richard en profite également pour mener ses armées vers le sud pour mater des vassaux indisciplinés, notamment le seigneur de Châlus qui avait prêté serment d’allégeance au roi de France pendant la croisade. C’est au cours de ce siège que Richard est blessé ; il meurt le 6 avril 1199.

Jean sans Terre peut alors ceindre la couronne d’Angleterre. Il renforce les défenses du château pour résister à la pression de son rival, le roi de France. Il fait notamment fortifier le fort Saint-Georges qui devient un poste avancé protégeant le château principal depuis la route de Tours. Dès 1200, Jean Sans Terre qui a conscience de l’importance stratégique de Chinon, prépare le château à la guerre : les travaux de fortifications sont menés par l’ingénieur Urri. Tours et remparts sont créés et renforcés, l’extrémité occidentale du promontoire est isolée par une douve et devient le fort du Coudray.

Peu de temps après, Jean organise le rapt d’Isabelle d’Angoulême, pourtant promise à Hugues de Lusignan, et l’épouse en grande pompe à Chinon. Se faisant l’écho des plaintes de Hugues de Lusignan et tirant parti de sa parenté avec Isabelle d’Angoulême, Philippe prend prétexte de cet incident pour confisquer les possessions continentales des Plantagenêt. Ainsi, Philippe part en guerre contre Jean. À l’automne 1204, les armées du roi de France mettent le siège devant la forteresse. Philippe Auguste prendra le château le 23 juin 1205, après un siège de neuf mois.

Au lendemain de sa victoire, Philippe Auguste décide d’accroître les capacités défensives de la forteresse. De fait, elle est aux portes du Poitou, lequel est encore sous domination Plantagenêt ! À l’instar des autres châteaux du royaume, il y applique l’architecture normalisée qui est sa marque. Outre le donjon philippien du Coudray, les remparts sont renforcés par plusieurs tours de flanquement circulaires renfermant des voûtes en ogives. Elles sont munies d’archères aménagées dans l’épaisseur totale du mur (contrairement aux archères à niches Plantagenêt).

Un soin particulier est porté aux accès. L’entrée principale du château est rendue monumentale par la construction de la porte des Champs, entre le château du Milieu et le fort Saint-Georges. Il s’agit d’un véritable châtelet d’entrée défendu par deux grosses tours circulaires, muni d’une herse et précédé d’un pont-levis. Le donjon du Coudray est aussi l’élément d’un châtelet d’entrée du même type, mais à une seule tour. La tour-porte de l’Horloge est remaniée pour accueillir une herse. Enfin, deux poternes sont aménagées : l’une est reliée par un souterrain au donjon du Coudray, l’autre s’ouvre dans le rempart nord et débouche dans la douve qui sépare le fort du Coudray du château du Milieu.

Entre le 18 et le 20 août 1308, le château de Chinon est le théâtre d’un événement important de l’histoire de l’ordre du Temple. Cet épisode s’inscrit dans le cadre d’une lutte de pouvoir entre le roi de France Philippe le Bel (1268-1314) et le pape Clément V. Dans le but de confisquer l’or des Templiers, le roi charge Guillaume de Nogaret de collecter des témoignages ayant trait aux déviances de l’ordre. S’ensuit un procès où la torture a tôt fait d’arracher des aveux qui vont bien au-delà des accusations initiales. Les Templiers admettent ainsi avoir craché sur la croix, succombé au péché de fornication etc. Afin de mener son procès comme il l’entend, le roi s’ingénie à maintenir le pape à l’écart.

Plusieurs mois après avoir ordonné l’arrestation de tous ses membres, Philippe le Bel accepte d’envoyer soixante-quinze templiers devant le pape à Poitiers. Mais, en cours de route, le roi fait retenir au château de Chinon les quatre dignitaires de l’ordre, dont le grand maître Jacques de Molay, dans le but de faire échouer toute tentative d’absolution par le souverain pontife.

Le pape décide alors d’envoyer au château de Chinon trois cardinaux chargés d’interroger les dignitaires afin de les réintégrer au sein de l’église catholique. Cette entrevue a fait l’objet d’un compte-rendu, dont l’original est resté secret jusqu’en 2001. Le parchemin de Chinon est l’acte authentique qui résulte de cette entrevue, et par lequel les dignitaires confessent leurs fautes préalablement à leur absolution. Mais le roi n’a pas tenu compte de ce repentir et finit par les faire condamner au bûcher.

Vers 1370, le duc Louis Ier d’Anjou entreprend la reconstruction des logis. De cet ensemble, il ne nous reste plus que l’aile sud, qui abritait un auditoire à son extrémité (est). On y rendait la justice dans une très grande salle située à l’étage, tandis que les quatre pièces chauffées du rez-de-chaussée servaient de bureau.

Au temps de Charles VII, l’ensemble adopte sa configuration définitive : trois ailes autour d’une cour. Un des bâtiments du prieuré Saint-Melaine, qui se trouvait en vis-à-vis du logis, est transformé en salle de jeu de paume, sport aristocratique très à la mode à cette époque. Le bâtiment perpendiculaire qui bordait la douve du Coudray comportait un porche permettant de passer du château du Milieu au fort du Coudray. L’auditoire est réaménagé en grand-salle du château, plus connue sous le nom de « salle de la Reconnaissance ».

Le reste de l’aile sud était occupé par les appartements de Charles VII et son épouse Marie d’Anjou, logés au premier étage. Ils se composent d’une chambre de parement, d’une chambre à coucher, de cabinets et lieux d’aisance. Les pièces de service et la salle à manger sont au rez-de-chaussée. La reine, principale occupante pendant plus de 25 ans (1435-1461), est à l’origine de nombreux aménagements.

Les Anglais s’emparent de Paris en 1419, forçant le dauphin Charles (futur Charles VII) à s’exiler à Bourges. Par le traité de Troyes, signé en mai 1420, les parents de Charles VII, sous influence anglo-bourguignonne, déshéritent leur fils au profit d’Henri V d’Angleterre, qui revendique l’héritage Plantagenêt.

Profitant de la lutte sans merci que se livrent Armagnacs et Bourguignons, les Anglais, menés par Henri V, s’enhardissent. Ils ont tôt fait de remporter des victoires décisives, notamment à Azincourt (le 25 octobre 1415). S’ensuit un traité humiliant dans lequel Charles VI reconnaît Henri V comme son successeur, au détriment de son propre fils, le Dauphin Charles.

Le Dauphin n’accepte pas ce traité et se fait proclamer roi de France sans avoir pu être sacré à Reims, située en terre anglo-bourguignonne. Son royaume, le royaume de Bourges, correspond approximativement à la France du sud de la Loire. Il y mène une vie itinérante entre ses différents châteaux : Chinon, Tours, Loches et Amboise. Chinon fait alors office de résidence estivale. Après avoir célébré son mariage avec Marie d’Anjou à Bourges en 1422, la cour de Charles VII s’installe au château de Chinon en 1427. La princesse Radegonde y naît en août 1428. C’est dans ce contexte que la Pucelle entre en scène, pour lui assurer sa légitimité et le convaincre de se faire sacrer à Reims.

Elle arrive à Chinon le 23 février 1429 au terme d’une chevauchée de quelque 470 kilomètres, effectuée en onze jours : une véritable prouesse pour l’époque. Cette rencontre célèbre est généralement décrite comme une scène mythique et miraculeuse, la Reconnaissance. Il n’en est rien, car il y eut, non pas une, mais deux entrevues à Chinon. La première se déroule le 25 février 1429, deux jours après son arrivée. Elle est menée jusqu’à la chambre du roi où celui-ci la reçoit en petit comité. Au château, elle est logée dans le donjon du Coudray. Sa virginité est vérifiée par une assemblée de femmes présidée par la reine de Sicile, Yolande d’Aragon, puis Charles VII l’envoie à Poitiers pour que ses conseillers et docteurs en théologie puissent juger de sa bonne foi.

À son retour, Jeanne est à nouveau reçue par le roi dans sa chambre, entre le 27 mars et le 5 avril 1429. Cette seconde audience dite « du signe », prend l’aspect officiel et public que l’on attribue généralement à la première. Elle marque la fin de l’enquête de Poitiers et tient lieu de présentation officielle de Jeanne. Jeanne apporte alors au roi une couronne en or qui était le signe matériel de sa promesse de mener le roi au sacre, puis elle se retire dans la chapelle voisine.

Cet épisode qui s’est déroulé dans l’enceinte de la forteresse marque un tournant décisif pour la Guerre de Cent Ans. Grâce à l’élection divine de Jeanne, réelle ou fabriquée de toutes pièces, le prince parvient à rassembler ses partisans derrière son étendard afin qu’ils reprennent confiance. Par la suite, c’est principalement la reine Marie d’Anjou qui vivra au château de Chinon entourée de sa cour.

Le siège de Chinon de 1205 vu par Viollet-le-Duc

Il n’existe aucun écrit ni aucune image décrivant le siège de Chinon, mais les connaissances de Viollet-le-Duc nous permettent d’imaginer comment s’affrontèrent les machines de guerre de l’époque. N’oublions pas que Chinon était une cité-arsenal…

Les deux illustrations principales accompagnant ce texte sont faites pour figurer des travaux d’approche d’une courtine flanquée de tours avec fossé plein d’eau, afin de rendre intelligibles les divers moyens de défense et d’attaque.

Sur la première, en premier plan, est un Chat A ; il sert à combler le fossé, et s’avance vers le pied de la muraille sur les amas de fascines et de matériaux de toutes sortes que les assaillants jettent sans cesse par son ouverture antérieure : un plancher en bois qui s’établit au fur et à mesure que s’avance le chat permet de la faire rouler sans craindre de le voir s’embourber. Cet engin est mû soit par les rouleaux à l’intérieur au moyen de leviers, soit par des cordes et des poulies de renvoi B.

Outre l’auvent qui est placé à la tête du chat, des palissades et des mantelets mobiles protègent les travailleurs. Le chat est garni de peaux fraîches pour le préserver des matières inflammables qui peuvent être lancées par les défenseurs.

Les assaillants, avant de faire avancer le chat contre la courtine pour pouvoir saper sa base, ont détruit les hourds de cette courtine au moyen de projectiles lancés par des machines de jet. Plus loin, en C, est un grand trébuchet ; il bat les hourds de la seconde courtine. Ce trébuchet est bandé, un homme met la fronde avec sa pierre en place. Une palissade haute protège l’engin. À côté, des arbalétriers postés derrière des mantelets roulants visent les assiégés qui se démasquent. Au delà, en E, est un beffroi muni de son pont mobile, garni de peaux fraîches ; il s’avance sur un plancher de madriers au fur et à mesure que des assaillants, protégés par des palissades, comblent le fossé ; il est mû comme le chat par des cables et des poulies de renvoi.

Au-delà encore est une batterie de deux trébuchets qui lancent des barils pleins de matières incendiaires contre les hourds des courtines. Dans la ville, sur une grosse tour carrée terminée en plate-forme, les assiégés ont monté un trébuchet qui bat le beffroi des assaillants. Derrière les murs, un autre trébuchet, masqué par les courtines, lance des projectiles contre les engins des assaillants. Tant que les machines de l’armée ennemie ne sont pas arrivées au pied des murs, le rôle de l’assiégé est à peu près passif ; il se contente, par les archères de ses hourds, d’envoyer force carreaux et sagettes. S’il est nombreux, hardi, la nuit il pourra tenter d’incendier le beffroi, les palissades et machines, en sortant par quelque poterne éloigné du point d’attaque ; mais s’il est timide ou démoralisé, s’il ne peut disposer d’une troupe audacieuse et dévouée, au point du jour son fossé sera comblé, le plancher de madriers légèrement incliné vers la courtine permettra au beffroi de s’avancer rapidement par son propre poids, les assaillants n’auront qu’à le maintenir.

Sur les débris des hourds mis en pièces par les pierres lancées par les trébuchets, le pont mobile du beffroi s’abattra tout à coup, et une troupe nombreuse de chevaliers et de soldats d’élite se précipitera sur le chemin de ronde de la courtine.

Mais cette catastrophe est prévue ; si la garnison est fidèle, en abandonnant la courtine prise, elle se renferme dans les tours qui l’interrompent d’espace en espace ; elle ne peut se rallier, enfiler le chemin de ronde et le couvrir de projectiles, faire par les deux portes A et B une brusque sortie pendant que l’assaillant cherche à descendre dans la ville, et avant qu’il soit trop nombreux, le culbuter, s’emparer du beffroi et l’incendier. Si la garnison forcée ne peut tenter ce coup hardi, elle se barricade dans les tours, et l’assaillant doit faire le siège de chacune d’elles, car au besoin chaque tour peut faire un petit fort séparé, indépendant : beaucoup sont munies de puits, de fours et de caves pour conserver des provisions.

Les portes qui mettent les tours en communication avec les chemins de ronde sont étroites, bien ferrées, fermées à l’intérieur et renforcées de barres de bois qui rentrent dans l’épaisseur de la muraille, de sorte qu’en un instant le vantail peut être poussé et barricadé en tirant rapidement la barre de bois.

On est frappé, lorsque l’on étudie le système défensif adopté du XIIe au XIVe siècle, avec quel soin on s’est mis en garde contre les surprises ; toutes les précautions sont prises pour arrêter l’ennemi et l’embarrasser à chaque pas par des dispositions compliquées, par des détours impossibles à prévoir. Évidemment un siège avant l’invention des bouches à feu n’était réellement sérieux pour l’assiégé comme pour l’assaillant que quand on était venu à se prendre, pour ainsi dire, corps à corps. Une garnison aguerrie luttait avec quelque chance de succès jusque dans ses dernières défenses.

L’ennemi pouvait entrer dans la ville par escalade, ou par une brèche, sans que pour cela la garnison se rendît ; car alors, renfermée dans les tours qui, nous le répétons, sont autant de forts, elle résistait longtemps, épuisait les forces de l’ennemi, lui faisait perdre du monde à chaque attaque partielle ; car il fallait briser un grand nombre de portes bien barricadées, se battre corps à corps sur des espaces étroits et embarrassés.

Prenait-on le rez-de-chaussée d’une tour, les étages supérieurs conservaient encore des moyens puissants de défense.

On voit que tout était calculé pour une lutte possible pied à pied. Les escaliers à vis qui donnaient accès aux divers étages des tours étaient facilement et promptement barricadés, de manière à rendre vains les efforts des assaillants pour monter d’un étage à un autre. Les bourgeois d’une ville eussent-ils voulu capituler, que la garnison pouvait se garder contre eux et leur interdire l’accès des tours et courtines. C’est un système de défiance adopté envers et contre tous.

C’est dans tous ces détails de la défense pied à pied qu’apparaît l’art de la fortification du XIe au XVIe siècle.

C’est en examinant avec soin, en étudiant scrupuleusement jusqu’aux moindres traces des obstacles défensifs de ces époques, que l’on comprend ces récits d’attaques gigantesques que nous sommes trop disposés à taxer d’exagération.

Devant ces moyens de défense si bien prévus et combinés, on se figure sans peine ces travaux énormes des assiégeants, ces beffrois mobiles, que l’on opposait à un assiégé qui avait calculé toutes les chances de l’attaque, qui prenait souvent l’offensive, et qui était disposé à ne céder un point que pour se retirer dans un autre plus fort.

« Place attaquée, place prise », dit le dicton français. Mais alors nul ne pouvait dire quand et comment une place devait tomber au pouvoir de l’assiégeant, si nombreux qu’il fut. Avec une garnison déterminée et bien approvisionnée, on pouvait prolonger un siège indéfiniment. De là, souvent, cette audace et cette insolence du faible en face du fort et du puissant, cette habitude de la résistance individuelle qui faisait le fond du caractère de la féodalité, cette énergie qui a produit tant de choses au milieu de tant d’abus, qui a permis aux populations françaises et anglo-normandes de toujours se relever et de fonder des nationalités fortement constituées.

Extrait du Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle, par Viollet-le-Duc.

Vue de Chinon en 1699

Aquarelle d’après nature par Louis Boudan provenant de la collection de Roger de Gaignières, antiquaire et généalogiste, qui offrit à Louis XIV sa remarquable collection de dessins et autres documents originaux constituée « pour servir l’Histoire », désormais conservée à la Bibliothèque Nationale dans la « Collection Gaignières ».

TOUR DE L’HORLOGE

La tour de l’Horloge est la « nouvelle » entrée fortifiée du château du Milieu créée par Jean sans Terre en 1200 lorsqu’il prépare la Forteresse à la guerre. Cette tour-porte est ménagée dans une tour longue et étroite à l’extrémité semi-circulaire. Située en retrait du rempart, elle est défendue côté est par trois archères. La porte d’entrée s’ouvre dans l’une de ces archères et débouche sur un escalier droit. La tour était également accessible par le chemin de ronde.
La tour connaît par la suite plusieurs campagnes de modifications. Au XIIIe siècle, une herse est installée. A la fin du XIVe siècle, la tour est rehaussée pour accueillir une cloche à son sommet et atteindre sa hauteur actuelle. Un escalier à vis est alors créé pour desservir les cinq niveaux que compte désormais la tour.

LOGIS ROYAUX

Vers 1370, le duc Louis 1er d’Anjou entreprend la construction des logis. De cet ensemble, il ne nous reste plus que l’aile sud, qui abritait un auditoire à son extrémité. Au temps de Charles VII, l’ensemble prend sa configuration définitive de trois ailes autour d’une cour. L’auditoire devient la grande salle du château, plus connue sous le nom de « salle de la Reconnaissance ». Le reste de l’aile sud était occupé par les appartements de Charles VII et son épouse Marie d’Anjou, logés au premier étage. On y trouve l’essentiel : une chambre de parement et une chambre à coucher, les cabinets et lieux d’aisance. Les pièces de service et la salle à manger sont au rez-de-chaussée. La reine, principale occupante pendant plus de 25 ans (1435-1461), y fera faire de nombreux aménagements.

TOUR DU TRÉSOR

Adossée au rempart sud du château du Milieu, la tour du Trésor a été construite par Henri II Plantagenêt pour abriter son trésor royal essentiellement constitué de chartes et de documents. Aujourd’hui encore la tour abrite trois salles voûtées surmontées par une terrasse. La salle centrale est éclairée par deux petites fenêtres côté sud. Elle a pu servir de salle de garde ou de bureau et devait être remplie de coffres et d’armoires. Elle est flanquée de deux petites pièces latérales pourvues d’archères qui permettaient d’assurer la défense de la tour en cas de siège.

BÂTIMENT D’ACCUEIL / PALAIS DU ROI HENRI II PLANTAGENÊT

Situé à l’est du bâtiment d’accueil actuel, le palais du roi Henri II Plantagenêt a été mis au jour entre 2003 et 2005 lors de fouilles archéologiques. Il n’était pas connu auparavant. C’est une découverte très importante, car il y a très peu de palais de cette époque qui sont parvenus jusqu’à nous. Composé de trois ailes perpendiculaires à un grand bâtiment parallèle à la Vienne, cet ensemble est articulé autour de plusieurs cours. Il est protégé par une simple enceinte, sans tours, mais dans laquelle on pénètre par deux portes monumentales, à l’est et à l’ouest. Ses vestiges sont actuellement préservés sous la terre, tandis que le rempart est encore visible et a été restauré dans toute sa majesté.

TOUR DE L’ECHAUGUETTE

Elle est la plus grosse tour de défense de l’angle nord-est de la Forteresse. Aujourd’hui, sa salle basse éventrée paraît suspendue sept mètres au-dessus du fossé. Ce niveau inférieur est une petite pièce circulaire dont le pilier central supporte une voûte. Il est équipé de deux ouvertures de tir ménagées dans l’épaisseur des murs. Un escalier aménagé dans l’épaisseur du mur menait à une salle médiane également desservie par le chemin de ronde. Cet escalier se poursuivait pour mener à la plate-forme sommitale dont il est fait mention dans un document de 1626. Possédait-elle une échauguette, comme son nom trouvé dans un texte de 1569 le laisse penser ?

TOUR D’ARGENTON

En 1477, le roi Louis XI confie la Forteresse de Chinon à Philippe de Commynes, seigneur d’Argenton. Celui-ci renforce l’angle nord-ouest du château du Milieu en construisant une tour capable de résister aux nouvelles armes à poudre. Ses murs font cinq mètres d’épaisseur et des canonnières sont percées jusqu’au niveau le plus bas, à hauteur des fossés. Sa terrasse sommitale est quant à elle située de plain-pied avec la cour du château du Milieu : cette tour moins haute que les autres est aussi moins fragile. La tour est aménagée en prison au XVIIe siècle, comme en témoignent les graffiti qui subsistent sur les murs.

TOUR DU MOULIN

La tour du Moulin a été construite à la fin du XIIe siècle, avec un talus angevin. Elle est protégée par un mur périphérique en partie basse : une chemise. La salle du rez-de-chaussée est couverte par une voûte angevine. Cette voûte bombée est très rare dans les châteaux, plus répandue dans les églises. Trois archères s’ouvrent sous les arcs de la voûte. Ce sont des postes de tirs qui permettent de protéger le pied de la tour. Le rez-de-chaussée de la tour ne communique pas avec le premier étage, uniquement accessible depuis le chemin de ronde. Il présente quatre archères à niche. Le deuxième étage était largement ouvert sur l’extérieur avec ses six baies en plein cintre avec coussièges. Il était accessible par un escalier ménagé dans l’épaisseur du mur. Celui-ci, pourvu d’une archère, commandait l’accès à la terrasse sommitale.

TOUR DE BOISSY

La tour de Boissy est édifiée à la fin du XIIIe ou au début XIVe siècle. Elle tire son nom des gouverneurs de la Forteresse de Chinon au XVIe siècle. Haute d’une trentaine de mètres et de construction très soignée, elle présente un plan polygonal. La voûte d’ogive du premier niveau, particulièrement élancée et élégante, présente des culots sculptés. La tour est surmontée par une terrasse reliée à la tour du Coudray par un chemin de ronde. Au départ, l’accès n’était possible que par cette terrasse sommitale depuis laquelle on redescendait vers le premier niveau. Celui-ci n’était alors percé que d’archères. Au XVe siècle, une porte munie d’un petit pont-levis à flèche est installée pour relier la tour aux logis royaux.

TOUR DES CHIENS

La tour des Chiens est une tour en forme de fer à cheval. Elle a été construite sous le règne de Philippe Auguste, au XIIIe siècle. La tour comporte trois niveaux surmontés par une terrasse, accessible depuis le chemin de ronde. Les archères de cette tour défensive sont décalées d’un niveau à l’autre pour assurer une défense efficace et pour éviter de fragiliser les maçonneries.
Cette tour doit son nom au chenil situé à proximité qui abritait les meutes royales au XVe siècle. A cette époque, fours à pain et latrines sont établis à côté de la tour des Chiens. Il pourrait s’agir des équipements nécessaires à la vie de l’hôtel du roi Charles VII (paneterie, logements pour le personnel…).

TOUR DU COUDRAY

La tour du Coudray est le principal élément qui subsiste des travaux effectués par Philippe Auguste après sa reprise de la forteresse aux Plantagenêt.
C’est une tour de guet, la plus haute du château, et l’élément d’une porte qui verrouille le fort du Coudray, avec double herse et pont-levis. Cette tour défensive haute de trois niveaux est pourvue d’archères, de cheminées et de latrines. Elle contrôle le fossé qui la sépare du château du Milieu. On y accède par l’étage, et la porte est protégée par un assommoir. Ces dispositifs sont modernes pour l’époque, et sont le signe de l’attention portée par le pouvoir royal à Chinon.

Son histoire en 5 personnages

HENRI II PLANTAGENÊT

Henri II Plantagenêt compte parmi ses illustres ancêtres Guillaume le Conquérant et Foulque Nerra. Né au Mans en 1133, il mène une vie itinérante, à la suite de ses parents, entre l’Angleterre et la France. En 1152, il épouse Aliénor, tout juste divorcée du roi de France et de dix ans son aînée. Elle lui apporte en dot l’Aquitaine. En 1154, il reçoit l’Angleterre par héritage maternel et devient roi sous le nom d’Henri II. Chinon est au centre de ses possessions continentales. Il choisit d’y entreposer le trésor royal et y séjourne fréquemment. Il y tient pour la dernière fois sa cour de Noël en 1172, entouré de sa femme et de ses fils, qui se disputent déjà son héritage territorial. Abandonné par ses enfants qu’il n’a pas su ni voulu associer à son pouvoir, malade et fuyant Philippe Auguste, il meurt à la Forteresse de Chinon en 1189.

JACQUES DE MOLAY

Jacques de Molay est le dernier grand maître de l’ordre du Temple, ce corps d’élite de moines soldats fondé au XIIe siècle pour assurer la sécurité des pèlerins désireux de se rendre à Jérusalem. Il dirige l’ordre de 1292 jusqu’à sa dissolution par le roi de France en 1312. Dès 1307, Philippe le Bel avait pris prétexte des déviances de l’ordre pour arrêter tous ses membres et les accuser d’hérésie. Plusieurs mois après cet épisode, Philippe le Bel accepte d’envoyer soixante-quinze Templiers devant le pape à Poitiers. Mais, en cours de route, le roi fait retenir à Chinon cinq dignitaires de l’ordre dont Jacques de Molay. Emprisonnés à la Forteresse de juin à août 1308, ils ont laissé de nombreux graffiti dans la tour du Coudray. Entre le 17 et le 20 août 1308, des émissaires du pape se rendent à la Forteresse pour auditionner les prisonniers dans le cadre de leur procès. Il en résulte un document important pour l’histoire de l’ordre, le parchemin de Chinon, qui est conservé dans les archives secrètes du Vatican. A l’issue du procès, Jacques de Molay est exécuté sur le bûcher en 1314.

CHARLES VII

Depuis 1328, la guerre de Cent ans oppose la couronne de France aux anglais qui revendiquent l’héritage Plantagenêt. En 1419, les Anglais s’emparent de Paris, forçant le dauphin Charles (futur Charles VII) à s’exiler à Bourges. Par le traité de Troyes, signé en mai 1420, les parents de Charles VII, sous l’influence du clan bourguignon allié des anglais, déshéritent leur fils au profit d’Henri V d’Angleterre. Le dauphin n’accepte pas ce traité et se fait proclamer roi de France, mais il ne peut être sacré à Reims, sous contrôle anglo-bourguignon. Son royaume, dit « royaume de Bourges », correspond à peu près à la France du sud de la Loire. Il célèbre son mariage avec Marie d’Anjou à Bourges en 1422. Chinon est alors pour lui une résidence estivale où la cour s’installe seulement en 1427. En mars 1429, il y reçoit Jeanne d’Arc venue le convaincre de se faire sacrer à Reims.

PROSPER MÉRIMÉE

Prosper Mérimée a mené une double carrière administrative et littéraire. Auteur de récits, de nouvelles et d’articles de revues ; il est élu à l’académie française en 1844. Parallèlement, il devient inspecteur général des Monuments Historiques en 1834. Dès 1837, Mérimée propose la création d’une commission des Monuments historiques composée de sept membres, la plupart proches du roi Louis-Philippe. Ce service s’intéresse d’abord aux monuments et sites remarquables de la Préhistoire à la Renaissance. Une documentation et des listes de sites sont constituées.
En 1840, la Forteresse de Chinon est classée Monument historique, mais les ruines sont dangereuses et, en 1854, la municipalité demande la démolition des bâtiments. La mobilisation s’organise et les Chinonais en appellent à Napoléon III pour éviter cette destruction. L’intervention de Prosper Mérimée est alors décisive : dans un long rapport, il décrit l’état du château et déplore les dégradations faites sur le monument par les habitants eux-mêmes. Grâce à Prosper Mérimée une subvention des Monuments historiques est attribuée au château pour les restaurations qui débutent en 1857.

JEANNE D’ARC

Jeanne d’Arc est venue rencontrer Charles VII à la Forteresse de Chinon. Cet épisode célèbre de l’épopée Johannique est généralement décrit comme une scène mythique et miraculeuse : « La Reconnaissance ». Il n’en est rien, car Il y eut non pas une, mais deux entrevues à Chinon. La première se déroule le 25 février 1429, deux jours après l’arrivée de Jeanne. Elle est menée jusqu’aux appartements du roi où celui-ci la reçoit en petit comité. Elle est logée dans le donjon du Coudray. Sa virginité est vérifiée par une assemblée de femmes, présidée par la reine de Sicile, Yolande d’Aragon. Puis Charles VII l’envoie à Poitiers pour que ses conseillers et docteurs en théologie puissent juger de sa bonne foi. A son retour, Jeanne est à nouveau reçue par le roi, entre le 27 mars et le 5 avril 1429. Cette seconde audience dite du « signe », prit l’aspect officiel et public qu’on attribue généralement à la première entrevue. Elle marque la fin de l’enquête de Poitiers et tient lieu de présentation officielle de Jeanne. Elle apporte alors au roi une couronne en or qui était « le signe » matériel de sa promesse de mener le roi au sacre, puis elle se retire dans une chapelle voisine.

Son histoire en 10 dates

Le site de la Forteresse est occupé depuis trois mille ans, comme l’ont révélé les fouilles archéologiques récentes. Il faut attendre la fin de l’époque gauloise pour connaître un peu les habitants des lieux. Un aristocrate guerrier gaulois a alors installé sa demeure sur le fort Saint-Georges. Le propriétaire des lieux s’est fait enterrer juste devant, avec sa grande épée, privilège accordé par César aux vétérans de ses troupes auxiliaires indigènes. A l’époque gallo-romaine, Chinon est un petit bourg. Sur la hauteur, des constructions en pierres ou plus modestes, en torchis, se développent. Puis, dans le contexte de la fin de l’Empire romain, le promontoire est fortifié et devient un castrum évoqué par l’historien Grégoire de Tours.

Le promontoire fortifié au Ve siècle continue d’être occupé aux époques mérovingienne et carolingienne. De vastes silos enterrés et des bâtiments utilitaires de cette époque ont été retrouvés. Chinon abrite un atelier monétaire royal aux VIIe et VIIIe siècles ; puis, de 920 à 954, la menace viking n’étant pas écartée, on y transfère celui de Tours. Au Xe siècle, la Forteresse est tenue par les comtes de Blois, grands vassaux du roi de France. Le premier et le plus puissant d’entre eux, Thibaud 1er dit » le tricheur » devient comte autour de 942 et le reste jusqu’en 974. Thibaud fait édifier la première tour en pierre de la Forteresse en 954. Il l’entoure d’une enceinte propre qui l’isole du vieux castrum.

Au XIe siècle, les comtes d’Anjou menacent fortement la puissance des comtes de Blois. Ils s’emparent de la Touraine en 1044 : la Forteresse de Chinon est cédée à Geoffroy Martel. Il meurt sans enfant en 1060. Son neveu Foulques IV lui succède. Il réussit à rétablir peu à peu son autorité sur ses vassaux particulièrement indisciplinés. A sa mort en 1109 l’Anjou atteint à peu près sa configuration définitive. Ses puissants voisins sont le roi de France, le duc d’Aquitaine et le duc de Normandie.
C’est à Foulques IV que l’on doit l’achèvement de la nouvelle enceinte de la Forteresse. Il lève notamment des impôts à cette fin, entre 1087 et 1105.

La Forteresse de Chinon est au centre des possessions continentales du roi d’Angleterre Henri II Plantagenêt, devenu en 1154 maître d’un empire s’étendant de l’Ecosse aux Pyrénées. Il y entrepose une partie du trésor royal. Il y séjourne fréquemment entre 1160 et 1180. Sa grande réalisation à Chinon est la construction du palais du fort Saint-Georges. Situé à l’est de la vieille Forteresse, il est plus commode pour loger une administration de plus en plus importante.

Abandonné par ses enfants qu’il n’a pas su ni voulu associer à son pouvoir, malade et fuyant Philippe Auguste, Henri II Plantagenêt meurt à la Forteresse de Chinon en 1189. Accompagné par Geoffroy, fils illégitime mais seul à lui être demeuré fidèle, le corps est transporté à l’abbaye de Fontevraud pour y être enseveli. Richard, enfin roi, vient saluer rapidement la dépouille de son père, pour la forme. Fontevraud devient la nécropole des Plantagenêt : Aliénor d’Aquitaine et Richard Cœur de Lion y seront également enterrés.

Dès 1200, Jean Sans Terre qui a conscience de l’importance stratégique de Chinon, prépare la Forteresse à la guerre. Après la prise de la Normandie, Philippe Auguste part à la conquête de la Touraine. A l’automne 1204, les armées du roi de France mettent le siège devant la Forteresse. Hubert du Bourg est connétable de Chinon depuis 1203 et soutient le siège contre Philippe Auguste jusqu’en 1205. C’est un grand chef de guerre qui a pu jouer un rôle actif dans la conception de la défense de la Forteresse de Chinon. Malgré cela, Philippe Auguste prend le château le 23 juin 1205, après un siège de neuf mois.

Au lendemain de sa victoire, Philippe Auguste doit réactiver les capacités défensives de la Forteresse très affaiblie par le siège. Il y fait construire une grande tour circulaire, la tour du Coudray.

Entre juin et août 1308, la Forteresse de Chinon est le théâtre d’un événement important de l’histoire de l’ordre du Temple. Cet épisode s’inscrit dans le cadre d’une lutte de pouvoir entre le roi de France Philippe le Bel et le pape Clément V. Plusieurs mois après avoir ordonné l’arrestation de tous ses membres, Philippe le Bel accepte d’envoyer soixante-quinze templiers devant le pape à Poitiers. Mais, en cours de route, le roi fait retenir à la Forteresse de Chinon les quatre dignitaires de l’ordre, dont le grand maître Jacques de Molay, dans le but de faire capoter toute tentative d’absolution par le souverain pontife. Le pape décide alors d’envoyer, à la Forteresse de Chinon, trois cardinaux chargés d’interroger les dignitaires afin de les réintégrer au sein de l’église catholique. Le parchemin de Chinon est l’acte authentique qui résulte de cette entrevue.

Jeanne d’Arc est venue rencontrer Charles VII à la Forteresse de Chinon. Cet épisode célèbre de l’épopée Johannique est généralement décrit comme une scène mythique et miraculeuse : « La Reconnaissance ». Il n’en est rien, car il y eut non pas une, mais deux entrevues à Chinon. La première se déroule le 25 février 1429, deux jours après l’arrivée de Jeanne. Elle est menée jusqu’aux appartements du roi où celui-ci la reçoit en petit comité. Elle est logée dans le donjon du Coudray. Puis Charles VII l’envoie à Poitiers pour que ses conseillers et docteurs en théologie puissent juger de sa bonne foi. A son retour, Jeanne est à nouveau reçue par le roi, entre le 27 mars et le 5 avril 1429. Cette seconde audience dite du « signe », prit l’aspect officiel et public qu’on attribue généralement à la première entrevue. Elle marque la fin de l’enquête de Poitiers et tient lieu de présentation officielle de Jeanne.

A partir du XVIe siècle, la Forteresse de Chinon est dépourvue de rôle stratégique, elle est abandonnée au profit de châteaux plus modernes. En 1824, malgré la dangerosité du site, le parc de la Forteresse est aménagé en promenade publique. Le circuit est agrémenté d’une pépinière de mûriers, un parterre est installé à l’emplacement de la grande salle des logis en ruine. En 1840, la Forteresse est classée Monument Historique, mais les ruines restent dangereuses, et en 1854 la municipalité demande la démolition des bâtiments. L’intervention de Prosper Mérimée sera décisive et marquera le début des travaux de restauration.

La Forteresse a fait l’objet d’un vaste projet de restructuration entre le début des années 2000 et 2010 : restauration des remparts et des logis royaux, construction d’un bâtiment neuf pour accueillir la billetterie/boutique. Ces travaux ont été précédés et accompagnés, de 2003 à 2010, de fouilles archéologiques sans précédent permettant un renouvellement historique complet. Un nouveau parcours de visite agrémenté de nombreux dispositifs interactifs est proposé.

Foulques IV fait fortifier la forteresse de Chinon. Il écrit l’histoire des comtes d’Anjou, premier récit historique de cette dynastie.

Ce film évoque la confrontation entre Plantagenêt, rois d’Angleterre et Capétiens, rois de France, à la charnière des XIIe et XIIIe siècle.
La prise de la Forteresse de Chinon par le roi de France en 1205 est un tournant décisif de ce conflit.

Déclin et restauration

Une forteresse à l’abandon

Dépourvue ensuite de rôle stratégique et abandonnée au profit de châteaux plus modernes, la forteresse tombe peu à peu en ruines. Des inventaires du début du XVIIe siècle la décrivent dans un état de délabrement complet. Elle est vendue comme bien national à la Révolution et lotie entre divers particuliers. Ils occupent les ruines, construisent des maisons au pied des remparts et creusent des caves dans le coteau.

À partir de 1824, malgré la dangerosité du site, le parc du château est aménagé en promenade publique. Le circuit est agrémenté d’une pépinière de mûriers, un parterre est installé à l’emplacement de la grande salle des logis en ruine.

En 1840, la forteresse est classée Monument Historique, mais les ruines restent dangereuses, et en 1854 la municipalité demande la démolition des bâtiments. L’intervention de Prosper Mérimée sera décisive et marquera le début de la restauration de la forteresse de Chinon. En 1926, les terrains attenants sont également classés.

Projet de restauration en 2004.

Un programme de restauration ambitieux : les logis royaux couronnés

L’ambition du département est de préserver et de valoriser ce patrimoine exceptionnel. Pour favoriser le développement de ce lieu de prestige, son rayonnement, le parti retenu a été d’allier création contemporaine et protection du patrimoine. Il s’agissait de restituer la compréhension historique, architecturale et artistique du site dans le respect de l’esprit des lieux. Pour y parvenir, la démarche misait sur la complémentarité de la restauration et de la création contemporaine.

2003 marque le début du programme, avec le rendu des études préalables, de l’étude de préfiguration, et le début des fouilles archéologiques.

Entre 2005 et 2006, le rempart sud du fort Saint-Georges est restauré. Entre 2006 et 2007 c’est la tour du rempart oriental, côté château du Milieu. L’année 2007 marque aussi le début des travaux de restauration sur le donjon du Coudray. Au Moyen Âge, la porte d’entrée de la tour et les dispositifs défensifs associés (herse, assommoir) étaient situés au premier étage. La porte était accessible par un escalier situé dans un avant-corps (petit bâtiment annexe). Au fil du temps, escalier et avant-corps sont tombés en ruine. Cet accès, devenu inutilisable, a été condamné et une porte a été percée au rez-de-chaussée. La restauration a consisté à rétablir le système d’accès médiéval, en reconstruisant un escalier en pierre. L’escalier en ruine qui menait à la plateforme sommitale a également été refait. Pour le public, cet endroit offre désormais un excellent point de vue sur l’ensemble du château, des logis royaux et de la ville de Chinon.

Concernant les logis royaux, il ne s’agissait pas de procéder à une restitution à l’identique. Le choix retenu consistait plutôt à reconstruire un logis royal mettant en valeur les procédés de construction de la fin du Moyen Âge. Le point fort du projet résidait dans la réfection de la toiture, disparue depuis le XIXe siècle les grands et petits combles. La grande salle ou salle de la Reconnaissance, qui est complètement détruite est restée en l’état. Sur les grands combles et les petits combles, les pignons ont été complétés par des tailleurs de pierres afin de restituer les pentes d’origine des toitures et recevoir de nouvelles charpentes. Il s’agit de reproductions de charpentes inspirées par les modèles du XVe siècle. La charpente de la chambre du roi (petit comble) a fait l’objet d’un soin particulier et s’orne de poinçons sculptés.

Ces fouilles sont d’une ampleur rare en milieu castral, puisqu’elles concernent plus de 5 000 m², à quoi il faut rajouter l’étude fine du bâti des logis royaux et de la tour philippienne dite “du Coudray”. Étalées sur six années (mai 2003 à juillet 2009), elles ont suivi à des rythmes divers les travaux de restauration menés par l’architecte en chef Arnaud de Saint-Jouan et la création de nouvelles infrastructures. Outre les études de bâti, elles se répartissent en trois grosses opérations : la fouille du fort Saint-Georges et de ses abords (partie orientale de la forteresse), celle de l’extrémité orientale du château du Milieu, et le suivi de plus d’un kilomètre de tranchées de réseau dans le fort du Coudray (extrémité occidentale de la forteresse) et le château du Milieu.

  • Ces travaux ont renouvelé considérablement notre vision de cet ensemble imposant, où se déroulèrent quelques-uns des épisodes-clé de l’histoire de France, depuis les Plantagenêts jusqu’à la présence de la cour de Charles VII pendant la guerre de Cent ans. Les périodes les plus anciennes, et notamment l’Antiquité et le haut Moyen Âge, sortent enfin de l’obscurité.
  • L’occupation la plus ancienne remonte à la fin de l’Âge du Bronze, mais elle n’est matérialisée que par un fond de fosse contenant du mobilier céramique de qualité. Il faut ensuite attendre la fin du premier siècle avant J.-C. pour que l’occupation prenne de la consistance à nos yeux. Un enclos fossoyé quadrilatéral est sans doute la trace d’un habitat élitaire, plus qu’un sanctuaire, aucun mobilier spécifique n’ayant été trouvé dans le fossé. La tombe d’un guerrier en arme retrouvée à proximité est aussi un argument en ce sens. L’occupation perdure à l’époque gallo-romaine, et s’étend à la totalité de l’éperon. Un bâtiment à hypocauste a été observé au 19e s., tandis que les fouilles récentes ont révélé une grande quantité de mobilier résiduel, présent dans les stratigraphies jusqu’aux 10-11e s. La découverte en 2009 d’une portion d’une vingtaine de mètres du rempart du castrum mentionné par Grégoire de Tours au 6e s., et qui peut dater du 5e s., met fin aux doutes quant à la localisation de cette fortification. Enfin, une zone funéraire a été fouillée à l’extérieur du castrum, vers l’est (fort Saint-Georges), dans le secteur où avait déjà été inhumé le guerrier gaulois.
  • Les siècles suivants sont peu représentés, mais la continuité d’occupation est certaine. Il faut attendre les 8-9es s. pour que les témoignages d’occupation se fassent plus denses. Cela correspond sans doute à une réactivation du site par les comtes de Blois, qui se concrétisera dans les textes avec la mention de l’édification d’une turris par Thibaud le Tricheur vers 943, peut-être dans le cadre de la mise en défense du territoire contre les Vikings, qui venaient de se retirer de Nantes seulement peu de temps auparavant.
  • Le château se présente alors comme un quadrilatère défensif situé à l’entrée de l’éperon. Un bâtiment est supposé dans l’angle nord-est de cette enceinte. En effet, le chemin de ronde avec parapet qui couronne le rempart oriental monte par un escalier vers le nord. Il est probable qu’il desservait l’étage d’un bâtiment. Ce dernier, à une date aussi haute, n’était sans doute pas une tour, mais une résidence aristocratique à un étage.
  • Le reste de l’éperon, vers l’ouest, est occupé par des zones à vocation économique et artisanale. Des “fonds de cabane” et des silos ont été observés dans les tranchées de réseau. Les silos semblent s’aligner le long d’un chemin qui parcourait le site d’est en ouest. Leur capacité est importante, puisqu’avec une moyenne de trois mètres cubes, elle excède largement ceux que l’on retrouve en milieu rural. Toutefois, elle n’atteint pas celle du château éponyme du comte de Blois, dont les plus gros dépassaient neuf mètres cubes. Leur contenu, pauvre en mobilier, signale toutefois un mode de vie aristocratique (vaisselle glaçurée, mortiers de pierre, faune rare ou consommée jeune).
  • Cette bipartition entre un pôle défensif/élitaire et le reste du site perdurera jusque dans le courant du 12e s. Au début du 11e s. est édifiée une chapelle dépendant de l’abbaye de Bourgueil, qui sera connue dans les sources plus tardives sous le nom de prieuré Saint-Mélaine. Cet élément nouveau structure le site en trois parties successives d’est en ouest, depuis l’habitat comtal jusqu’à la basse-cour. Ce prieuré est très mal connu, car les divers travaux ne l’ont pas impacté, et seul un plan sommaire du 18e s. permet d’en apprécier la localisation.
  • À partir de 1044, la forteresse passe aux mains des comtes d’Anjou, dans le cadre de la politique expansionniste de cette dynastie. L’apogée du site se situera sous le règne d’Henri II Plantagenêt et ses deux fils, Richard Cœur de Lion et Jean sans Terre. L’évolution du château avant Henri II est mal connue. Elle consiste principalement en un renforcement des remparts et une augmentation de la surface enclose. Les vieilles murailles antiques et carolingiennes sont progressivement remplacées par un rempart plus grand. Mais il ne sera terminé et flanqué de tours que dans le courant du 12e s., peut-être seulement du temps d’Henri II. Il est probable aussi qu’une tour maîtresse fut érigée, de neuf ou en transformant le vieux logis carolingien. En effet, s’il ne subsiste aucun “donjon” à Chinon, il n’est guère concevable qu’il n’en ait pas été doté, comme les forteresses voisines de Loches, de Langeais ou de Montbazon, par exemple.
  • L’apport majeur du règne d’Henri II fut la construction sur le fort Saint-Georges, devant la vieille forteresse, d’un ensemble de bâtiments qui est interprété comme un “palais”, c’est-à-dire un complexe administratif et de gouvernement. Ces bâtiments étaient tout à fait inconnus avant les fouilles de 2003-2004, le fort Saint-Georges ayant été rasé dès le 17e s. et transformé en clos rural, ce qu’il restera jusqu’au début du 21e s. Ce complexe ne ressemble en rien à un nouveau château, avec sa grande aile dominant la rivière, flanquée de trois autres perpendiculaires. Deux tour-porches y donnaient accès de part et d’autre, et une chapelle fut dédiée à Saint-Georges, édifiée de façon à être bien visible de la rivière, du bourg et de la route de Tours. Une partie de son riche décor sculpté polychrome a été retrouvée dans les remblais de démolition qui encombraient une salle basse aménagée sous la chapelle. Les parallèles pour ce genre de complexe bâti sont à chercher du côté d’autres palais romans de même époque, et notamment de Westminster, capitale anglaise des Plantagenêts. Chinon était, avec Caen, une capitale de ses possessions continentales qui s’étendaient de la Normandie aux Pyrénées. Il y entreposa son trésor et y tint plusieurs cours.
  • Cependant, le conflit entre les Plantagenêts et les Capétiens prit de l’ampleur, entre l’ambition d’un Richard Cœur de Lion et celle d’un Philippe Auguste. Par sa position frontalière, la Touraine fut un âpre enjeu entre les deux dynasties. C’est finalement Philippe Auguste qui l’emporta, et en 1205, la forteresse de Chinon passa définitivement dans le domaine royal, après un siège d’un an. Pourtant, Richard et Jean avaient considérablement fortifié l’édifice, ce que les études récentes ont mis en évidence.
  • Le palais du fort Saint-Georges fut transformé en “avant-château” destiné à protéger le château principal (château du Milieu), à l’instar du système adopté pour le Château-Gaillard. De fortes tours et un rempart considérable furent construits, tandis que les fonctions plus résidentielles étaient transférées dans le château du Milieu, dans de grands bâtiments qui deviendront les logis royaux du temps de Charles VII. Le château du Milieu fut également renforcé. Son extrémité occidentale fut isolée par une profonde douve. Il forma un autre “avant-château”, symétrique à l’ouest du fort Saint-Georges, connu plus tard sous la dénomination de “fort du Coudray” ; il donnait sur le château du Milieu par l’intermédiaire d’une forte tour-porche, découverte en 2009. À sa pointe, dominant la vallée, fut construite une grande tour (tour dite “du Moulin”), qui est un condensé de l’architecture militaire du temps.
  • Ces dispositifs ne furent pas suffisants, et la forteresse tomba. Les capitaines et les ingénieurs de Philippe Auguste ne furent pas en reste pour parachever la défense des lieux, sans doute instruits par les faiblesses qu’ils avaient révélées lors du siège. L’accès principal de la forteresse fut établi à l’opposé de la ville (“porte des Champs”), et constitué d’un imposant châtelet flanqué de deux tours circulaires. Il fut lui-même flanqué d’une grosse tour édifiée à l’angle nord-est du château du Milieu, à l’emplacement présumé de la tour maîtresse alors détruite (“tour de l’Échauguette”). Cette porte ouvrait dans l’espace entre le fort Saint-Georges, dès lors marginalisé, et le château du Milieu, de sorte que l’assaillant n’accédait pas directement dans ces lieux.
  • Le fort du Coudray fut aussi complété, plus symboliquement, par une tour ronde comme Philippe Auguste aimait en doter ses châteaux conquis ou nouvellement construits (tours justement dites “philippiennes”). Celle-ci est un peu atypique, car elle ne dispose ni d’une entrée au rez-de-chaussée, ni d’un fossé circulaire défendant celle-ci. En effet, la contrainte topographique, interdisant ce fossé, a obligé à une entrée au premier étage, accessible et protégée par un avant-corps, selon une technique éprouvée depuis les donjons du 11e s.
  • Enfin, les espaces résidentiels furent agrandis. Le logis dominant la Vienne fut prolongé, et un bâtiment fut construit en vis-à-vis, près du prieuré Saint-Mélaine, délimitant un espace qui va se transformer en cour. D’autres bâtiments furent adossés aux courtines, dont les fonctions étaient peut-être davantage militaires.
  • À partir du deuxième tiers du 13e s., la structure générale de la forteresse est figée. À part la tour d’Argenton au 15e s., les travaux ultérieurs consisteront pour l’essentiel en la création de nouveaux espaces résidentiels, que ce soit dans le château du Milieu ou le fort Saint-Georges. Une nouvelle chapelle, dédiée à Saint-Martin, fut construite au 14e s. dans le fort du Coudray. Les ducs d’Anjou entreprirent à la fin de ce même siècle d’importants travaux d’embellissement des logis, comme vient de le montrer l’étude de bâti (Bastien Lefebvre) et la reprise des sources écrites (Solveig Bourocher). Enfin, c’est bien sûr la présence de la cour de Charles VII au début du siècle suivant qui entraîna l’achèvement de ce complexe résidentiel qui vient de retrouver sa toiture détruite au 19e s.
  • Louis XI fut le dernier roi à séjourner régulièrement à Chinon, pour s’adonner à la chasse et au plaisir de visiter les prisonniers qu’il y tenait. La forteresse retrouva brièvement un rôle stratégique lors des guerres civiles du 16e s. Les fouilles ont mis en évidence des travaux de remise en défense non négligeables, comme le recreusement de fossés autour de la tour du Coudray et de l’Échauguette, ou la construction d’un énorme boulevard d’artillerie au nord du château pour contrôler la route de Tours.
  • Acquis au 17e s. par le duc de Richelieu, le château fut partiellement démantelé et tomba peu à peu en ruine. Vendu comme bien national à la Révolution, il fut divisé en plusieurs propriétaires. Il fut sauvé par l’intervention de Prosper Mérimée, et le département le prit en charge. Depuis l’an 2000, il aura investi plus de 15 millions d’euros pour le conforter et donner aux visiteurs de meilleures conditions de visite, par des espaces rénovés ou nouveaux, et la mise en place d’une muséographie innovante. Le moindre mérite de cette opération n’est pas d’avoir nourri parallèlement la connaissance que l’on avait de cet édifice, qui sera ainsi mise à la disposition de tous.

Ouvrages de référence

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37500 Chinon