Le fort en 3D ?
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Prenons de la hauteur...
Bonaparte et la mise en défense des côtes
Après la rupture de la paix d’Amiens avec la Grande-Bretagne le 18 mai 1803, Bonaparte envoie sur l’île d’Yeu le général de brigade Henri Bertrand en vue d’établir un nouveau projet de défense. En effet, face à la permanence de la menace de la flotte anglaise qui s’était assurée la maîtrise des océans, la défense des côtes demeurait l’un des sujets majeurs de préoccupation de Napoléon.
Dans son rapport, le général Bertrand fait état du système de défense en place et des moyens à mettre en oeuvre pour l’améliorer, en créant autour de l’île une véritable ceinture de batteries de canons à effet de dissuasion. Il joint à son rapport une carte des défenses côtières dans laquelle figure, pour la première fois, le tracé d’un fort a établir sur la hauteur dite des Deux-Moulins (ou Pierre-Levée) située au-dessus du port, préférée au site de Ker Viroux près de Saint-Sauveur. La fonction des défenses côtières était de retarder au maximum l’attaque contre la forteresse elle-même, située en retrait des côtes et ainsi, résister suffisamment longtemps en attendant les secours venant du continent .
Le premier fort de Pierre-Levée
Le premier fort de campagne construit ici (il se trouvait à l’est de l’actuelle citadelle) ne comportait qu’un quadrilatère central formé d’un rempart en terre aux parements intérieurs en pierres sèches de 3m de hauteur, comprenant une traverse de terre barrant l’entrée et un magasin à poudre. En avant de chacun de ses angles furent aménagés des bastions en terre ainsi qu’une lunette à l’extrémité ouest du plateau et une flèche à l’extrémité est, assurant la défense avancée. L’ensemble mesurait 80m sur 42m de large. Les deux moulins de Ker Rousseau subsistaient dans les bastions nord-est et sud-est. La menace anglaise grandissant, le Premier Consul déclara l’île d’Yeu en état de siège par un arrêté du 13 avril 1804. Un contingent de 1500 soldats, toutes armes confondues fut alors dépêché sur l’île.
On travailla dans la hâte et faute de moyens financiers appropriés, on ne put faire ni fossé ni revêtement d’ensemble, hormis la redoute centrale, ce qui rendait la position particulièrement vulnérable. Cette lacune sera maintes fois soulignée dans tous les rapports futurs de Génie et servira de base à l’argumentation déployée pour justifier les projets ultérieurs de construction d’une forteresse digne de ce nom. Le fort, qui devait recevoir 21 pièces d’artillerie, ne fut doté que de 9 canons et subsista « provisoirement » jusqu’en 1859.
Les batteries de côte
Dans son rapport de 1803, en plus du fort central, le général Bertrand préconise la mise en place d’une véritable ceinture de batteries de canons à effet de dissuasion sur tout le pourtour côtier. L’intérêt de ce dispositif était d’éviter tout débarquement sur l’île et, le cas échéant, de retarder au maximum l’attaque contre la forteresse centrale.
Chaque batterie était composée d’un parapet taluté de terre derrière lequel étaient placés les canons. En arrière se trouvait une petite bâtisse servant à la fois de corps de garde et de poudrière. La pièce principale, conçue pour abriter les soldats, était dotée d’une cheminée et la petite poudrière était aménagée sur une des extrémités du bâtiment.
Dès 1804, ces batteries de côte vont être aménagées tout autour de l’île. Jusque-là, seule la côte sableuse était défendue par des redoutes côtières, devenues vétustes. Par des tirs croisés, l’ensemble du littoral était ainsi défendu et même certaines baies, plus difficiles d’accès pour les bateaux, pouvaient être couvertes. Leur nombre varia de 8 à 15 au rythme des nombreux conflits maritimes, tout comme leur entretien et leur armement.
Les bâtiments militaires annexes situés à Saint-Sauveur
Le premier fort de pierre-Levée ne permettait ni de loger les troupes, ni de stocker les approvisionnements de bouche, ni de soigner les soldats. À cette fin, divers bâtiments ont dû être aménagés dans le bourg de Saint-Sauveur.
Une manutention militaire (M)
Dans ce vaste enclos (rue de la Missionnaire), on trouvait une boulangerie avec deux fours de 30 rations chacun, une bluterie, des magasins aux farines et aux vivres, un logement pour les préposés aux provisions et les boulangers, une grange à fourrage et une réserve de bois de chauffage. Les communications de l’île avec le continent étant parfois difficiles et interrompues pendant plusieurs semaines, ces réserves et magasins étaient indispensables pour l’occupation de l’île par un corps de troupe. Le général Tristant brision dans un rapport de 1796 explique qu’il fallait par conséquent « considérer l’île comme un vaisseau flottant et abandonné à lui-même ».
Une infirmerie (H) et un hôpital militaire (H’)
L’ancienne demeure du procureur fiscal fut transformée en infirmerie et pharmacie tenue par les soeurs de la Sagesse. L’ancien grenier à blé seigneurial qui lui fait face fut quand à lui transformé en hôpital militaire pouvant recevoir 30 malades.
Une caserne (C)
On transforma l’ancienne grange seigneuriale en caserne pour 320 hommes. Elle se composait de quatre grandes chambres de soldats, quatre chambres de sous-officiers et deux cuisines. Néanmoins, beaucoup de soldats logeaient chez l’habitant et aidaient périodiquement aux travaux agricoles.
La construction du nouveau fort de Pierre-Levée
Le premier fort de pierre-Levée, construit à la hâte, sans revêtement d’ensemble, rendait la position très vulnérable. De plus, la dissémination des soldats dans toute l’île entraînait une certaine inertie en cas de descente ennemie.
Les services du Génie entreprirent donc une réflexion afin de remédier à ces défauts. Pour être efficace, les défenses côtières devaient s’appuyer sur un important ouvrage capable d’être à la fois un point central de résistance et la caserne de la garnison. La reconstruction du fort de Pierre-Levée fut arrêtée définitivement par le Ministère de la Guerre en 1858.
Les travaux commencèrent le 1er août de la même année et le chantier dura 8 ans (1858-1866). On trouva sur l’île quelques manoeuvres mais la plupart des ouvriers vinrent du continent. ces 400 hommes, tous corps de métier confondus, arrivèrent pour certains avec leurs familles, d’autres, célibataires, se marièrent avec des filles de l’île. Ils fondèrent ainsi de grandes familles comme les Girard, les Bernard ou les Tonnel.
Il fallut d’abord araser la colline de Pierre-Levée puis creuser dans le roc les larges fossés sur 7 mètres de profondeur en moyenne et 18,5m de largeur. Les déblais occasionnés par le chantier servirent de remblais pour les glacis et pierre pour la construction.
De nombreux matériaux furent acheminés depuis le continent, tels que la chaux hydraulique, le calcaire pour les encadrements des créneaux et embrasures, le bois pour les menuiseries, les ferronneries et éléments de fonte, etc…
Il faut donc imaginer un va et vient incessant de bateaux entre l’île et le continent durant toute cette période.