Le château en 3D ?
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DELAVIGNE, « Plan du grand parc de Bizy appartenant à son Altesse Sérénissime le comte d’Eu ». Plume et encre avec rehauts de couleur sur papier, 1771 (Archives nationales).
Ses origines
Dès le XIVe siècle, on trouve la famille Jubert, propriétaire de terres à Bizy. La plupart des membres de cette famille jouèrent un rôle important, d’abord en Normandie au parlement de Rouen à la Cour des aides, puis dans l’administration du royaume.
En 1675, Nicolas Jubert, seigneur de Bouville et de Bizy, conseiller d’État, obtient l’érection en marquisat de la seigneurie de Bizy, et d’après Saint-Simon : « Bouville, conseiller d’État et intendant d’Orléans, voulut revenir d’Orléans ; il avait acquis à la porte de Vernon, un petit lieu appelé Bizy, en belle vue, qu’il avait accommodé en bourgeois qu’il était, et dont Belle-Isle, depuis son échange, a fait une habitation digne en tout point d’un fils de France ».
Le surintendant Fouquet
Le surintendant des finances Fouquet était célèbre par la construction du magnifique château de Vaux-le-Vicomte et les fêtes qu’il y donna, notamment en l’honneur de Louis XIV ; il fut condamné en 1664 pour péculat et rébellion, à la confiscation de ses biens et à la détention perpétuelle au château de Pignerol, où il mourut en 1718. Malgré la vindicte dont Louis XIV poursuivit jusqu’à sa mort son ancien ministre des Finances et toute sa famille, la confiscation de ses biens ne fut pas absolue, notamment en ce qui concerne ceux de la surintendante qui lui furent laissés à disposition avec les titres honorifiques qui y étaient attachés. Il avait acquis, en 1658, d’Henri de Gondi, duc de Retz, Belle-Isle-en-Mer, dans le Morbihan, en même temps que le privilège de quasi-souveraineté sur ce territoire, avec l’obligation, étant donné son intérêt stratégique, d’en assurer la défense et d’en entretenir les fortifications. Fouquet y avait englouti des sommes considérables. Sa disgrâce en 1661, avait entraîné la substitution de l’autorité royale à la sienne. Cette substitution, simple en apparence, devait entraîner une série de problèmes qui mirent dix ans à trouver une solution et qui fut à l’origine de Bizy.
Le Duc de Belle-Isle
Son petit-fils, le duc de Belle-Isle, entré à 16 ans aux Mousquetaires du Roi, regagna la confiance de Louis XIV grâce à sa conduite pendant la guerre de succession d’Espagne. Ses contemporains, le duc de Saint-Simon et le président Hénault le décrivent en ces termes :
« Grand, bien fait, poli, respectueux, insinuant et aussi honnête homme que le peut le permettre l’ambition quant elle était effrénée et telle était la sienne ». (Saint-Simon)
« La simplicité et la douceur de son extérieur étaient faites pour induire en erreur. Il était extrêmement profond et vindicatif, tandis qu’il paraissait tout oublier, jaloux d’être aimé et n’aimait rien, libertin sans attachement mais très aimable dans la société, aimant le plaisir mais plus encore la fortune, ayant des idées vastes mais au-delà de ses talents, une mémoire prodigieuse, point du tout philosophe et n’ayant jamais réfléchi sur lui-même. Enfin si le maréchal de Belle-Isle n’a pas été un grand homme, il sera à coup sûr un homme extraordinaire ».
Au terme de très longues négociations qui se poursuivent après la mort de Louis XIV, le duc de Belle-Isle obtient le 27 mai 1719, en compensation des sommes investies par son grand-père dans les fortifications de Belle-Isle-en-Mer, le Vexin Normand, les comtés de Gisors, des Andelys, de Vernon, la terre de Longueville et différentes autres seigneuries et terres dans le Maine et le Languedoc.
Le Duc de Belle-Isle, par Baptiste Nivelon.
Aussitôt entré en possession de Bizy, Belle-Isle, aidé de son frère dit le chevalier de Belle-Isle, dont d’après Saint-Simon : « l’union de ces deux frères ne fit qu’un coeur et qu’une âme », entreprend d’agrandir son domaine grâce à plus de 350 contrats d’échange ou d’achat de terres, de bois, de vignes, avec des particuliers ou des communautés religieuses.
En 1723, il créé l’avenue des Capucins, qui mène du parc de Bizy jusqu’à la Seine et que l’on admire à partir de l’escalier monumental devant la fontaine de Vénus.
Il est nommé maréchal de france en 1741 ; c’est à cette époque que commence la réalisation d’un projet ambitieux : le remplacement du château construit par les Bouvilles par un ensemble de bâtiments grandioses. Les écuries, en attendant la construction d’un nouveau château, devaient en être l’élément principal.
Le vieux château, situé perpendiculairement et au nord-est du château actuel, abandonné progressivement, destiné à la démolition, ne disparaîtra que de nombreuses années plus tard.
Le petit-fils du châtelain de Vaux-le-Vicomte tenait de son aïeul le goût de la somptuosité et du faste. Il charge Contant d’Ivry de réaliser ses projets. Considéré comme le « meilleur architecte d’Europe », architecte du Roi et du Régent, on lui doit en particulier le commencement de la construction de l’église de la Madeleine, de la cour des Fontaines et de l’escalier d’honneur du Palais-Royal. Le maréchal fait construire quatre corps de bâtiments d’une décoration pareille et régulière, comprenant au nord une partie principale avec trois pavillons, au sud des écuries construites à l’image de celles de Versailles, où l’on fit l’expérience des voûtes plates en briques, surbaissées à la manière du Roussillon, dites à « la catalane ».
C’est à cette époque que furent créés le petit parc, les jardins et les jeux d’eaux. L’ensemble avec le château faisait dire à Saint-Simon que c’était « une habitation digne d’un fils de France » ; on l’appelait aussi « le Petit Versailles ».
En 1749, presque à l’apogée de sa fortune, le maréchal de Belle-Isle reçoit Louis XIV et Madame de Pompadour : il est cousin de la reine de France par son mariage avec Mademoiselle de Béthune, épousée à 20 ans, en 1729. Quelques années plus tard, il est nommé duc de Gisors, pair de France, prince du Saint-Empire ; en 1761, conseiller d’État et ministre de la guerre.
Ayant perdu sa deuxième femme en 1755, et son fils unique, le charmant comte de Gisors qui fut mortellement blessé, en 1758, à la bataille de Crefeld, le maréchal lègue, en 1759, au roi, les terres reçues lors de l’échange de Belle-Isle, à charge pour lui de payer ses dettes qui étaient considérables.
Il meurt à Versailles en 1761 ; il est enterré dans la collégiale de Vernon. Le roi échange Bizy au comte d’Eu contre la principauté souveraine de Dombes. Celui-ci, à sa mort, lègue Bizy à son cousin, Louis Jean-Marie de Bourbon, duc de Penthièvre, grand amiral de France et dernier des petits-fils légitimés de Louis XIV et de Madame de Montespan.
Le château du duc de Penthièvre, 1790, façade nord, construit par Constant d’Ivry pour le duc de Belle-Isle en 1741.
Le château du général Le Suire, vers 1810, aquarelle de Fontaine.
Bizy, restauré et agrandi par le roi Louis-Philippe, vers 1840.
L J M de Bourbon duc de Penthievre
Le Duc de Penthièvre
Cet héritage augmente encore la fortune du duc de Penthièvre qui est déjà la plus importante d’Europe. Il abandonne de bonne heure le service du Roi, et dans sa retraite, se livre aux « exercices d’une piété austère et à ceux de toutes les vertus » et fait de bizy, à partir de 1783, une de ses résidences préférées, après avoir vendu au roi Louis XVI son château de Rambouillet.
Dès le début de la Révolution, seul de tous les membres de la famille royale, le duc de Penthièvre est acclamé comme au bon vieux temps. Il n’est plus, d’après les lois nouvelles, que le « citoyen Penthièvre », mais les patriotes se garderont bien de l’appeler ainsi, de peur, non de lui déplaire, mais de l’attrister. À Amboise, où le prince séjourne, une émeute se calme subitement parce que quelqu’un fait observer qu’il n’aime pas le bruit et qu’il partira si on se révolte.
Si on insinue qu’il a tort de ne pas émigrer, il répond :
« Pourquoi le peuple me voudrait-il du mal ? J’ai toujours pensé que le rang élevé analogue à ma naissance me dévouait à me sacrifier pour lui ».
En 1792, le duc de Penthièvre quitte son château d’Anet avec sa fille, la duchesse d’Orléans, et s’installe définitivement à Bizy. Il y mène la vie de grand seigneur ; il n’a perdu aucun de ses serviteurs ni modifié aucune de ses habitudes. Les bonnets rouges le saluent bien bas et les sans-culottes lui présentent les armes. Les patriotes de Vernon veillent à sa sécurité et ne tolèrent pas que l’on moleste leur bon duc.
En septembre 1792, sa belle-fille, la princesse de Lamballe, surintendante et amie de la reine Marie-Antoinette, est massacrée à la prison de la Force.
Ces événements tragiques vont abréger la vie du duc de Penthièvre, malgré les manifestations de reconnaissance de la ville de Vernon, pourtant connue pour son ardeur révolutionnaire : elle fait ce qu’aucune autre n’aurait osé : il fut arrêté en Conseil, et du consentement unanime de tous les patriotes, qu’un arbre de la liberté serait planté devant le château, afin de prouver au bon seigneur que les coeurs de ses vassaux n’étaient pas changés. Le maire, accompagné des officiers municipaux et de la garde nationale au grand complet, préside la cérémonie. le duc y assiste des fenêtres de son appartement. L’arbre symbolique porte un tableau présentant cette inscirption : « Hommage à la vertu ». Des tables sont dressées dans les allées du parterre ; on y sert du bon vin et grande chère ; le prince, toute sa cour et même ses chapelains se mêlent à foule qui les comble de bénédictions »… Et ceci se passe en septembre, dix jours après les massacres, alors que Danton était ministre.
Le duc de Penthièvre meurt le 4 mars 1793, après avoir donné sa bénédiction aux autorités de la ville qui lui avaient demandé cette faveur. Le journal de Perlet, du 7 mars 1793, relate l’événement en ces termes :
« Le citoyen Penthièvre est mort lundi d’une hydropisie de poitrine dans son château de Vernon… Tout le monde sait l’usage qu’il faisait de ses richesses. C’était le patrimoine du pauvre déposé par la Fortune entre les mains de la Vertu… L’histoire dira qu’il fut prince… mais la voix du pauvre percera à travers les siècles pour le proclamer Père des Indigents ».
Penthièvre disparu, les biens de la famille d’Orléans furent confisqués et Bizy ayant été déclaré bien national, le 17 prairial an VI, le château et le petit parc sont adjugés à des marchands de biens… Ceux-ci commencent la démolition d’une partie des constructions de Belle-Isle : le bâtiment central disparut, l’entretien du parc fut abandonné et les arbres coupés.
Le général Le Suire
Le 28 octobre 1805, le général Le Suire (baron de Bizy en 1808, titre de l’Empire) rachète Bizy abandonné depuis douze ans. Il fait construire une maison plus modeste dans le goût de l’époque.
La famille d'Orléans
À la restauration, la duchesse d’Orléans doit racheter ceux de ses biens qui avaient été vendus : elle acquiert Bizy, en 1817, du général Le Suire. Elle avait trouvé refuge pendant la Terreur dans la clinique du docteur Belhomme et fut ensuite exilée en Espagne par le Directoire.
Elle habite son ancienne demeure ; après elle, son fils, le roi Louis-Philippe, roi des Français, agrandit et modifie la maison de campagne du général Le Suire. Il restaure les anciens bâtiments et crée un parc à l’anglaise, en plantant la plupart des arbres que l’on y voit aujourd’hui. Ses séjours à Bizy sont fréquents pendant les dix-huit années de son règne.