Contexte et création

À l’aube du XIe siècle et sous la nouvelle dynastie des capétiens, le pouvoir royal est très affaibli. À partir de 1016, le comté de Melun où se situe Blandy, appartient au domaine royal. Mais celui-ci reste exiguë et ne couvre que de façon discontinue le bassin parisien. En effet, le territoire s’émiette entre les ducs et les comtes qui font construire des châteaux sur leur terre comme symbole de leur domination.

Parce qu’il est situé à la frontière avec le comté de Champagne, le comté de Melun est une position stratégique de premier ordre, et c’est pour cette raison que le Roi y place des représentants de son pouvoir, nommés les « vicomtes de Melun ».

Les vicomtes Guillaume II et Adam III de Melun, descendants directs d’Adam II de Melun, compagnon d’armes de Philippe Auguste à Bouvines, seraient les bâtisseurs du château dès 1220.

Château fort

Au XIVe siècle, pendant la guerre de Cent Ans et grâce à des mandements successifs des Rois Charles V et Charles VI, les comtes de Tancarville Jean II et Guillaume IV réalisent les aménagements du château-fort. Le château est fortement modifié avec de nouvelles fortifications et structures de défense : le fossé est agrandi, une nouvelle tour-porte avec pont-levis à flèche est percée dans le mur d’enceinte, trois tours sont édifiés (la tour des Gardes, le nouveau Donjon, la tour des Archives), un chemin de ronde est construit en haut des courtines.

Pendant deux siècles et demi après la guerre de Cent Ans, le château appartient aux plus illustres familles du royaume : ses propriétaires sont alliés aux familles d’Orléans-Longueville, de Bourbon-Soissons, de Savoie, de Nemours. La résidence est aménagée au goût de l’époque : galerie, jeu de paume, aménagements de confort, décoration des logis, jardin d’agrément. Mais le tracé de l’enceinte n’évolue pas de façon significative.

Dégradation

Le XVIIIe siècle marque un tournant majeur dans l’histoire de Blandy cristallisé autour d’un personnage : le maréchal Claude-Louis-Hector de Villars (1652-1734). Ce dernier, élevé au rang de duc en 1705 et devant acquérir des terres pour légitimer l’accès à son nouveau rang, achète à l’héritier de la duchesse de Nemours le comté de Melun et la seigneurie de Blandy. Son nouveau titre est alors attaché aux terres de Vaux-le-Vicomte, dont il acquiert le château la même année.

Du symbole d’une puissance féodale héréditaire installée depuis le Moyen Âge, Blandy devint une demeure inutile et coûteuse qui portait même ombrage par son ancienneté à l’identité nouvelle et voisine du maréchal. Dès 1707, le Maréchal transforme le château de Blandy en une simple ferme agricole. De nombreux bâtiments intérieurs sont modifiés ou détruits pour satisfaire cette nouvelle fonction. Aussi, il fait retirer les toitures des tours du château, éventrer la porte d’entrée et combler le fossé. Cependant, et malgré ces multiples transformations, on remarque une volonté de conservation : la vente des pierres aurait pu rapporter beaucoup au Maréchal de Villard, décrit à son époque comme un personnage pingre.

L’édifice sera petit à petit abandonné et ses fortes détériorations vont le conduire dans un état de ruine avancée. Néanmoins, ce changement radical de fonction a permis de sauvegarder l’édifice pendant la période révolutionnaire. À l’inverse de nombreux biens aristocratiques, le château n’est pas vendu comme bien national et démantelé tant par sa silhouette et sa vocation dépourvue de tout signe de féodalité.

C’est à la fin du XIXe siècle qu’il entame sa plus grande période de destruction. Racheté au comte de Choiseul-Praslin par la commune en 1883, il fut classé en 1889 au titre de monuments historiques. Le classement à cette époque souligne la volonté de conserver l’édifice et démontre également une volonté didactique. Cependant, les logis seigneuriaux ne semblant pas dater de l’époque médiévale ont été détruits avant 1900 car ils menaçaient de s’écrouler et dévalorisaient l’ensemble de la forteresse.

Les basses-cours du château

Un paysage modelé du XIIIe au XVIIe siècle

Dès les premières fortifications de terre, le château était accompagné d’une basse-cour. les paysans et artisans qui oeuvraient pour le château y étaient installés, tandis que le château à motte était le dernier refuge en cas de conflit. Le manoir de Blandy a également engendré une répartition semblable : d’une part les logis et tours défensives réservés au seigneur, d’autre part le lieu de production et d’habitation des gens travaillant pour le manoir.

Le tracé de ces basses-cours est parfaitement visible sur le plan du géographe du roi Desquinemare (1745). Il l’est encore sur les cadastres des années 1812 et 1845. Il a été mis en évidence très tôt par M. Taillandier, érudit local ayant compilé des textes anciens lors de son étude du château.

Cette basse-cour s’installe au sud-ouest du château où elle est délimitée par les fossés (partie de la rue Saint-Martin), par une partie de la rue de la Fontaine (ou de l’abreuvoir) et, au sud, par un tracé parallèle à la rue de Courte-Souppe, qui correspond à l’alignement avec le tracé du fossé du manoir, dans l’axe de la tour de justice. Il faut supposer qu’à l’époque du manoir, la basse-cour s’étendait plus au nord-est et que la cour du château et le nouveau fossé, plus large, en ont amputé une grande partie.

Elle correspond à deux parcelles du plan Desquinemare qui appartiennent au duc de Choiseul-Praslin, alors propriétaire du château, puis à deux parcelles du cadastre de 1812 appartenant à Monsieur Taillandier, qui les possède encore d’un seul tenant en 1845. Le tracé de cette première basse-cour est souligné de hauts murs qui existent encore aujourd’hui. À l’intérieur, une exploitation s’y est déployée sur la moitié de la superficie, tandis qu’un espace libre, seulement percé d’une mare est situé dans l’autre moitié. En face, on trouve la fontaine et le lavoir utilisés par le village. À cet endroit un passage est aménagé. Cette basse-cour s’agrandit par des parcelles jusqu’à la rue Courte-Souppe et la totalité de la rue de la Fontaine. Cette limite correspond alors à l’agrandissement du château durant la seconde moitié du XIVe siècle.

De l’autre côté de la rue de la Fontaine, étaient situées les « terres du seigneur », quelquefois nommées « le jardin ». En fait, il s’agit d’une surface importante, présentant une forte déclivité jusqu’à la rivière de l’Ancoeur. On pense plutôt à des terres mises en culture, à des vergers, tout en préservant un potager suffisant pour les besoins du château. Une haie sépare le terrain en deux parties, où peuvent s’effectuer des activités différentes. En bas de cette grande parcelle, coule l’Ancoeur et le moulin à eau seigneurial est situé à proximité, au nord. Des murs enclosent le jardin par endroits. Le pressoir (à pommes) et le colombier le jouxtent à l’est, avant le château.

Dans la basse-cour, prenaient place des élevages de volailles, attestés par des animaux entiers et de tous âges, jetés dans les latrines à plusieurs reprises. Peut être y trouvait-on également d’autres élevages d’animaux de grande taille, comme vaches, porcs et moutons qui pouvaient paître dans le « jardin ». y étaient sans doute effectués tous les travaux de préparation alimentaires, fabrication des laitages, boissons comme le vin ou la bière et conservation des fruits et légumes. On y trouvait également les animaux de labour (boeufs) et de transport (chevaux) et les charrettes nécessaires. une écurie y est indiquée plus tard, sur le cadastre de 1845, mais elle pouvait prendre la suite d’une écurie ancienne. Enfin, des ateliers devaient être réservés au stockage et à la réparation des différents outillages utilisés.

Dans cette présentation des deux basses-cours, il faut mentionner une autre hypothèse, sur laquelle nous ne pouvons pas nous prononcer actuellement, mais qu’il faut considérer.

Hypothèse de restitution des basses-cours sur fond de plan Desquinemare (1745)

État XIIIe siècle

État XIVe siècle

Sur le plan Desquinemare, apparaît en face du donjon du château, au sud-est, un ensemble de parcelles de forme carrée, qui se distingue nettement du reste des habitations de cette zone et en est séparé par de petites anomalies parcellaires non négligeables. En effet, une limite nette sépare cette masse parcellaire du reste et de plus, des ressauts dans le tracé de la rue Saint-Martin la soulignent. Cette surface pourrait également être envisagée comme étant une parcelle dédiée au château, d’autant plus que la porte ouverte dans le donjon, bien que défendue par une herse, semble être une faiblesse dans la défense du château. Il est donc tentant, de voir dans cette porte un accès plus direct à un espace lié au château et a contrario expliquerait cette ouverture dans la tour maîtresse. En revanche, les plans et état de section des différentes périodes, ne permettent pas de confirmer cette hypothèse. Seul le four banal, à l’angle de cet ensemble, appartient au château, le reste étant réparti à toutes périodes entre de multiples propriétaires.

Une forteresse transformée en résidence (XIIIe-XVIIIe siècle)

Du manoir au château fortifié

Du XIIe au XIVe siècle, le château de Blandy se développe en deux phases successives : d’abord l’enceinte modeste et restreinte du manoir, puis celle du château avec une enceinte plus vaste et de hautes tours.

Le manoir

La phase la plus ancienne, XIIe-XIIIe siècle, est marquée par une enceinte au plan oval. Elle subsiste dans la partie nord-ouest du château actuel, et elle a été reconnue partiellement par les fouilles et par l’analyse architecturale pour le reste de son tracé. Elle correspond à la haute-cour des enceintes castrales habituelles. La présence d’une basse-cour est bien marquée par le parcellaire au sud-ouest du château. Il est possible que d’autres annexes aient existé aussi vers l’est, dans les environs de l’actuelle mairie. La première enceinte est constituée d’un simple mur précédé d’un fossé. il n’est pas sûr qu’il y ait eu des tours à l’origine. La porte était certainement là où elle a existé jusqu’aux XIIIe ou XIVe siècles : à l’emplacement de la tour carrée. Une première tour-porte marquant l’entrée a dû exister à cet endroit dès la construction du rempart, mais nous n’en n’avons ni trace ni preuve. La partie basse de la tour carrée, dans laquelle on voit bien la porte murée, a dû être reconstruite sur la fin du XIIe siècle, et elle constituait clairement l’accès au manoir.

Au premier temps de son édification, l’enceinte ne comportait pas d’ouvrages de flanquement. Les tours que nous voyons actuellement ont été ajoutées après coup. cette adjonction est nette pour la tour du nord, dite aussi « tour devers l’église », un peu moins pour la tour d’angle nord-est dite « tour de justice ». Hormis ces deux tours subsistant aujourd’hui, le rempart comporte aussi une poterne. La fouille a mis en évidence, au sud, la base d’une tour carrée détruite depuis le XIVe siècle.

Les logis

Plusieurs logis, appuyés contre le mur d’enceinte, sont construits dès le XIVe siècle, comme le logis nord (logis du sieur Gimat en 1688) et la salle dite de l’auditoire, entre la tour carrée, la tour nord et la tour de justice. Entre la tour carrée et la tour des gardes, le logis qui s’appellera plus tard le logis du bailli, respecte le tracé de l’ancienne enceinte. Il fait face au logis seigneurial, terminé par la tour Longueville abritant l’escalier. Au XVIe siècle, les deux logis seront reliés par une galerie à la mode de l’époque. Le pavillon au-dessus de la cave est flanqué, plus tard, d’un deuxième pavillon disposant de chambres et de gardes-robes. Les logis ont deux étages et un comble aménagé. Ils sont desservis par des escaliers et disposent de cheminées et de latrines. De grandes fenêtres percent les façades et en faisaient certainement des logis confortables.

La herse du donjon : du chêne de 1381

La seule herse conservée au château de Blandy, celle du donjon, constitue une spécificité par son ancienneté et son maintien en place depuis plus de six cents ans. Il s’agit d’un des rares éléments non restaurés du site. Elle permettait de protéger l’accès à la cage d’escalier au rez-de-chaussée du donjon. La grille en bois est toujours en place, dans son logement, large fente pratiquée dans l’arc en plein cintre de la porte maçonnée et dans les rainures des piédroits de la porte.

Actionnée à partir d’une chambre de levage munie d’un treuil situé au premier étage, elle pouvait être entièrement extraite à ce niveau, pour entretien par exemple, car l’espace supérieur était plus haut que la herse elle-même.

La structure de la grille est simple : composée de deux montants de section rectangulaire (12/8 cm), ses traverses sont identiques mais d’une section légèrement plus mince (8/10 cm). Actuellement et dans la mesure où la herse est relevée, seules trois traverses sont visibles. Elles sont montées à mi-bois, formant une grille avec trois pièces verticales terminées en pointe effilée et maintenues par des montants corniers assemblés à tenon et mortaise. L’ensemble des bois est en chêne débités de brin, c’est-à-dire par équarrissage d’une bille de dimension voisine de la pièce finie.

Une étude dendrochronologique, basée sur des comparaisons d’échantillons, a pu être pratiquée en 2006. Elle a permis, à partir d’échantillons prélevés in situ sur sept pièces de bois (cinq séries), de préciser la date du dernier cerne du bois, soit 1381. Une telle datation permet de conclure que les arbres concernés ont été récoltés vers 1390-1405 et que la herse a été réalisée entre 1390-1405.

Par rapport aux autres portes et bois présents au château, la herse arrive ainsi chronologiquement en 7e position derrière des arbres datant pour le plus ancien de 1328 (poutre du niveau 3 de la tour nord) et pour le plus « récent » de 1361 (plafond du 3e niveau de la tour des gardes). Après les bois de la herse, on trouve encore des bois de 1386 (tour des gardes) et de 1520 (porte de la tour nord).

Il est à noter enfin que l’origine des chênes utilisés pour la construction de la herse était sans doute un peu atypique par rapport aux lieux d’approvisionnement couramment utilisés. Les autres bois du château sont plus disparates et proviennent sans doute d’autres forêts.

Les courtines

Les quatre courtines édifiées pour l’extension de l’enceinte sont plus importantes, en largeur, en hauteur et en profondeur que les courtines primitives. Elles sont, de plus, entièrement maçonnées au mortier de chaux, et toute maçonnerie à la terre est exclue.

La situation de ces courtines par rapport aux tours n’est pas la même partout. Ainsi, pour la tour des archives, le chemin de ronde est continu, traversant la tour par un passage. Ce passage est desservi par l’escalier de la tour. Par contre, pour la tour des gardes, le passage n’était pas prévu lors de la construction, et a dû faire l’objet d’un aménagement dont le détail ne nous est plus connu. Enfin, pour le donjon, les deux chemins de ronde venaient buter contre les flancs de cet ouvrage sans aucun accès. Dans un deuxième temps ce dispositif a été corrigé, par la construction d’une surélévation avec escalier, menant à une poterne à pont-levis ouvrant dans le troisième étage du donjon.

La porte primitive et la tour carrée

Sur le côté nord-ouest de l’enceinte, il existait une forte tour au plan quadrangulaire irrégulier. Une porte en arc brisé s’ouvrait sur l’extérieur. Cette porte murée n’est plus visible qu’à l’intérieur de la tour, l’extérieur ayant été chemisé ultérieurement.

Du côté de la cour du manoir, le passage de cette porte primitive s’ouvrait largement sous un arc surbaissé. Cette tour-porte comportait une salle à l’étage et un autre probable sous le comble. Mais les parties hautes primitives et le couronnement sont inconnus par suite de la surélévation de cette tour au XIVe siècle. L’emploi du calcaire grossier du Lutétien pour les carreaux d’angles et pierres appareillées est remarquable dans cette tour-porte. Ce matériau était importé de carrières parisiennes (vallée de la Bièvre à Saint-Médard) ou proches de Paris (Charenton, Ivry). Différents édifices de la région montrent un tel emploi, mais toujours dans de petites proportions, ce qui met en évidence le caractère luxueux de ce matériau. La collégiale de Champeaux, toute proche, en est un exemple. Cette tour-porte était l’accès principal du manoir, et ouvrait sur la place commune à celui-ci et à l’église, face au chemin venant de Moisenay.

La poterne

Dans la région sud-ouest de l’enceinte s’ouvrait une poterne. Dans un premier temps, cet ouvrage n’était qu’une simple ouverture dans l’enceinte. Cependant l’encadrement de cette poterne montrait une facture soignée, avec la mise en oeuvre d’un appareil de carreaux en calcaire grossier, comme à la tour-porte voisine. Cette poterne ouvrait sur la basse-cour du manoir.

Dans un deuxième temps, lors de phases de surépaississement et de surélévation de l’enceinte, cette poterne a été doublée d’une avancée fortifiée dominant le fossé. Deux forts massifs appareillés en carreaux de grès, encadraient une courte avancée bâtie au-devant de la poterne primitive. Un assommoir commandé depuis le chemin de ronde défendait cet accès. Les représentations anciennes du château montrent que les deux contreforts étaient réunis par une arcade. Cette arcade était certainement un mâchicoulis sur arc, comme à la poterne subsistant encore au rempart de Sens. Le renforcement défensif de cette poterne a été exécutée avec des matériaux locaux (grès, meulière) ce qui démontre un intérêt plus grand pour l’efficacité au détriment de l’aspect.

La tour de justice

L’enceinte formait un angle brusque au nord-est. Cet angle a été pourvu d’une tour d’angle dont l’architecture a été particulièrement soignée. Avant sa surélévation au XIVe siècle, cette tour dépassait peu la courtine, mais remplissait un rôle considérable. Implantée dans l’axe de la grande rue, elle assurait le contrôle du village. Avec ces deux étages, aux meurtrières différemment orientées, elle offrait des postes de tir nombreux. Enfin une voûte couvrait son dernier étage, permettant, non pas une terrasse comme on le pense généralement, mais un lieu propice à l’entrepôt de projectiles lourds, pierres, tonneaux de liquides divers, conservés sous le comble en prévision des attaques.

La basse-cour

Au sud-ouest du château, le tracé des rues et des limites parcellaires met en évidence une grande structure ovale prolongeant la forme générale du château. La majeure partie des parcelles de ce lieu était au XVIe siècle dans la réserve seigneuriale, c’est-à-dire en propriété directe et non dans la censive. Cette appartenance démontre l’existence d’une basse-cour en cet endroit. L’extension du manoir dans cette direction trouve une explication avec la présence de la fontaine et du lavoir encore existants. La présence d’un point d’eau était une absolue nécessité en raison de la présence des animaux, et plus particulièrement celles des chevaux. Certains murs assez hauts peuvent être des vestiges de l’enclos de cette basse-cour. Aucune recherche archéologique n’a été menée sur cet espace.

La "tour devers l'église"

Sur le côté nord-ouest de l’enceinte, sans qu’un angle particulier existe à cet endroit, se dresse une tour cylindrique. Elle est dénommée simplement « tour du nord », mais un texte de 1688 la nomme plus exactement « tour devers l’église ». Elle est édifiée à peu de distance de l’église et semble, de ce fait, ne jouer aucun rôle. En effet, le haut choeur renaissance construit au XVIe siècle ne permet plus de comprendre la situation de cette tour. Avant cette construction pourtant, elle dominait le chemin venant de l’autre rive de l’Ancoeur, depuis Andrezel et la route de Champeaux.

Le fossé

Les sondages de 1995 faits dans l’intérieur du château ont mis au jour en deux points le fossé primitif du manoir, en un secteur où il fut comblé au XIVe siècle par suite de l’accroissement de l’enceinte. La principale caractéristique de ce fossé était d’être à fond plat. Il avait une profondeur d’environ quatre mètres pour une largeur du double. Dans les parties où l’enceinte a été conservée au XIVe siècle, le fossé a été profondément surcreusé faisant disparaître sa forme primitive.

Le fossé et l'escarpe de l'enceinte

L’ensemble de la nouvelle enceinte étendue et améliorée a été muni d’un large et profond fossé. Dans la partie ancienne conservée, le fossé a été surcreusé de manière à monter un profil en « V ». Ce surcreusement permettait d’atteindre la nappe aquifère et d’avoir ainsi des fossés partiellement en eau.

Dans la partie abandonnée de l’enceinte le fossé a été comblé, mais a aussi servi à construire des caves, dont le cellier à proximité de la tour des archives. Dans la partie neuve, le fossé a été aussi creusé en « V ». Ce fossé ainsi dessiné contournait soigneusement le pied du donjon et de la tour des archives qui montraient ainsi une escarpe herbue. Le pied de la tour des gardes était construit en escarpe maçonnée. Dans un deuxième temps, le pied de l’enceinte a été renforcé par une escarpe maçonnée très inclinée. Au pied du donjon, cette escarpe était construite en grands carreaux de grès, appuyés contre le talus. Le pied de la tour avait été entaillé, de manière à encastrer les derniers carreaux de grès de l’escarpe. L’entaille bien caractéristique de cette opération est bien visible en différents points de l’enceinte : sur les tours des gardes et de justice en particulier.

Cette modification permettait d’empêcher le creusement de sapes au pied de l’enceinte : la forte pente de l’escarpe est incompatible avec un effet de rebond pour des projectiles jetés depuis le haut des tours ou des chemins de ronde. Un talus identique existe au pied de la chemise du donjon de Vincennes. L’enchaînement chronologique des faits observés laisse entrevoir que cet aménagement est imputable à la mise en défense des ouvrages fortifiés, entrepris à la suite de la reprise de la Guerre de Cent Ans en 1415.

Blandy aux origines du protestantisme

Le château de Blandy-les-Tours constitue, aujourd’hui, un lieu de mémoire du protestantisme en France. Au XVIe siècle, le château, au propre par ses fortifications comme au figuré, est un bastion de l’esprit réformé. Pour mieux dire, il forme une enclave au coeur du pays briard. Comment expliquer cette singularité ? Elle doit son existence à la rencontre de deux phénomènes distinctifs : l’émergence, dans le diocèse de Meaux, des tout premiers courants réformés français de l’Histoire et le maintien d’intérêts patrimoniaux des seigneurs de Blandy.

Dans la vicomté de Melun, les seigneurs de Blandy règlent le devenir de leur famille par des alliances. Membre de la famille royale et petit-fils de Dunois, le compagnon d’armes de Jeanne d’Arc, Louis Ier d’Orléans-Longueville se marie avec Jeanne de Hochberg, marquise de Rothelin en Brisgau dans le sud de Bade. La famille de la marquise de Hochberg conclut cette alliance pour des raisons patrimoniales car elle possède quelques terres dans le duché de Bourgogne ainsi que le comté de Neuchâtel en Suisse. Les Hochberg ont toujours entretenu des alliances avec ce vaste duché afin d’y maintenir leurs fragiles possessions, d’abord avec Charles le Téméraire, dernier duc de Bourgogne, puis avec Louis XI lorsque celui-ci incorpore le duché à la Couronne de France. Le mariage de Jeanne de Hochberg avec un Orléans-Longueville participe de cette politique matrimoniale. Il s’agit, en effet, de s’allier la Maison royale de France, nouvelle propriétaire du duché, en contractant un mariage avec un prince du sang issu de cette Maison. De ce mariage naissent trois garçons dont les deux premiers meurent jeunes. Le dernier de la fratrie, François d’Orléans-Longueville, se marie en 1536 à Jacqueline de Rohan. À la mort de ce dernier, la Confédération suisse tente de soustraire la principauté de Neuchâtel de l’héritage familial. Curatrice de son fils Léonor, Jacqueline de Rohan se rend en Suisse pour faire valoir ses droits. C’est là-bas, vers la fin des années 1550, au contact des réformateurs Guillaume Farel et de son disciple Jean Calvin, qu’elle embrasse la religion réformée. Jacqueline de Rohan fait alors du château de Blandy un refuge protestant sans toutefois que les habitants du village soient obligés de changer de religion. Durant la première guerre civile, consécutive à la provocation du massacre de Wassy, Coligny rallie à Meaux la première « prise d’armes » du prince Louis Ier de Condé qui prendra Orléans par surprise. Beaucoup de Huguenots trouvent alors refuge, malgré les dangers, au château de Blandy. Une lettre de Calvin, datée de 1563, lui rend honneur :

« Vous n’avez jamais eu honte ni crainte de vous avouer du troupeau de Jésus-Christ, même que votre maison a été un hôpital pour recevoir les pauvres brebis dispersées. L’humanité que vous avez exercée envers ceux qui étaient affligés pour le nom de Dieu lui a été un sacrifice agréable ».

Lors du mariage de la princesse Marie de Clèves (personnage distinct de La Princesse de Clèves) avec Henri Ier de Bourbon, deuxième prince de Condé, en août 1572, Blandy réunit la fine fleur de l’aristocratie huguenote parmi laquelle se trouvent le jeune prince Henri de Navarre, futur Henri IV, ou encore l’amiral de Coligny. C’est cette même cour qui, quelques semaines plus tard, est conviée à Paris au mariage d’Henri de Navarre avec Marguerite de Valois, cette cour encore qui périt presque entièrement pendant le massacre de la Saint-Barthélemy. La fille de Jacqueline de Rohan, Françoise d’Orléans, fait, elle aussi, un mariage protestant en épousant Louis Ier de Bourbon, prince de Condé et duc d’Enghien, le chef du parti calviniste, mais abjure la foi réformée après la nuit du 24 au .

La vie au château

Les sources renseignant sur des aspects de la vie quotidienne dans les châteaux ne sont pas si nombreuses pour qu’elles puissent être négligées. La découverte fortuite, lors de travaux, de deux fosses de latrines de 7 à 9 m3 localisées à proximité de la tour Carrée, sous la « salle de l’Auditoire », contre la courtine, est donc de ce point de vue particulièrement intéressante.

Édifiées en moellons de meulière et de grès, liés de sable et de chaux, les fosses de latrines sont voûtées et séparées par un mur 0,3 m d’épaisseur. Les sièges de latrines étaient de grosses dalles de grès situées au-dessus. Les fouilles archéologiques menées en 1996 et 1998 ont apporté de nombreuses informations sur la vie quotidienne au château. Des analyses carpologiques, parasitologiques, palynologiques, micromorphologiques, archéozoologiques ont été menées outre l’étude des objets en terre cuite, métal, verre, pierre et os. Cette conjonction d’axes de recherches est alors particuliérement rare et reste encore peu fréquente. Les fosses ont été comblées entre la fin du XIVe siècle et la première moitié du XVIe siècle par les rejets d’excréments ainsi que par une utilisation concomitante en tant que dépotoir. Des éléments de destruction d’un bâtiment ont été rejetés dans les fosses durant la seconde moitié du XVIe siècle.

Les études mettent en évidence une alimentation choisie, typique d’une classe sociale privilégiée. La céréale la plus consommée est le froment. Il sert à l’élaboration de pains, de bouillies, de gruaux, de potages et de brouets. Le seigle a également été relevé ainsi que l’avoine et l’orge qui sont sans doute à mettre en relation avec l’alimentation des chevaux et des chiens. Le pourpier fut sans doute utilisé en tant que légume. La table est garnie de fruits préparés ou consommés frais tels que les fraises et le raisin, les framboises, mûres, figues, pommes, le sureau, la prune et la cerise, peut-être le coing et la sorbe. Des fruits à coque, noix et noisettes, sont attestés. Les plats étaient majoritairement parfumés au fenouil, plus rarement d’aneth ou de céleri. La moutarde blanche épiçait le tout. Le genévrier fut employé en tant qu’aromate ou pour ses vertus diurétiques et le myrte en tant qu’épice ou comme liqueur. Le miel et la bière furent probablement consommés.

L’alimentation carnée est essentiellement tournée vers le bœuf, dans une moindre mesure le porc et les caprinés. Les animaux consommés ont été élevés pour leur viande, aucun n’a été abattu pour cause de vieillesse. La part du gibier est particulièrement réduite même si elle concerne le sanglier, le cerf, de jeunes chevreuils et le lièvre. A contrario, le poisson est particulièrement abondant : espèces marines apprêtées pour la conserve au sein desquelles abonde le hareng ; espèces d’eau douce locales parmi lesquelles se retrouvent les anguilles, brochets et perches.

Une pratique hygiénique a pu être mise en évidence, celle de jonchées d’herbes de prairies, certaines odorantes et spécifiquement cultivées à cette fin, jetées sur les sols ou dans les latrines à des fins d’assainissement.

La céramique mise au jour dans les latrines est avant tout utilitaire et produite dans les environs de Paris : de la vaisselle de table (pichets, godet, coupelle, biberon, etc.) ou de transport (gourdes), de la vaisselle de cuisine (coquemars, marmites, écrémeuses, etc.), des objets domestiques tels qu’une lampe à huile, une chaufferette, de possibles éléments de céramique de poêle, une albarelle, une sorte de flacon pharmaceutique. Des verres à boire de grande qualité complétent le service de table.

Le mobilier métallique concerne avant tout l’habillement, certaines pièces ayant pu être perdues lors de l’usage des latrines. Le reste du mobilier est essentiellement relatif à la serrurerie et à l’ameublement en bois, mais il se retrouve aussi des objets appartenant à la cuisine – des couteaux – ou au harnachement des chevaux – fer à cheval, étrier, boucle12. Quelques fragments de verre à vitre parfois colorés et figurants des motifs géométriques ou végétaux sont signalés.

Ouvrages de référence

Informations utiles

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Tel: 01 60 59 17 80

chateau-blandy.fr

Place des Tours, 77115 Blandy