Plan extrait de : «Senlis, Site Historique du château royal, plan des vestiges archéologiques» Jean-Pierre Paquet, ACMH d’après Georges Matherat. Décembre 1946, Bibliothèque Municipale de Senlis. Plan dressé d’après les Fouilles de Georges Matherat. L’interprétation de certains espaces fait encore l’objet de discussion et peut toujours évoluer.
Son histoire
L’histoire de Senlis est riche de dix siècles de présence royale quasiment ininterrompue. La ville était le siège d’un château ou d’un palais mérovingien puis carolingien dès le haut Moyen Âge, complètement disparu et sans preuves archéologiques certaines, mais mentionné dans nombre d’actes et documents anciens. Il a pu s’agir d’un palais issu de la transformation du prétoire du haut Empire romain, qui a dû se trouver à l’emplacement des actuelles ruines puisqu’il s’agit du point le plus élevé de Senlis. Le trésor royal y est conservé en 854. Charles II le Chauve y garde sa fille Judith, déjà veuve pour la seconde fois en 860, sous la protection « paternelle et royale et la garde épiscopale », avant qu’elle ne soit volontairement enlevée par Baudouin Ier de Flandre. À partir de 862, Senlis devient le centre de la résistance contre les Vikings. Charles enferme au château royal son frère Pépin II d’Aquitaine, roi déchu, à partir de 864, et son fils l’évêque Hincmar de Laon à partir de 870. Charles le Chauve est également le premier roi dont le séjour fréquent à Senlis ne fait aucun doute, puisqu’il a daté de nombreuses chartes de Senlis.
En 946 et 949, le château (ou plutôt l’enceinte gallo-romaine) résiste à des sièges célèbres par des milliers d’assiégeants. En 949, le château est apparemment utilisé par Bernard le Danois, comte de Senlis ; au moins est-ce ici que son neveu Richard lui est remis par son précepteur Osmond de Conteville, qui l’avait libéré de son exil forcé à Laon auprès de Louis d’Outremer. C’est aussi au château de Senlis que le jeune Louis V meurt accidentellement d’une chute, en date du 22 mai 987. Cet incident donne lieu à l’assemblée de nobles et d’ecclésiastiques influents, qui finira par élire Hugues Capet comme roi des Francs, pendant la même année. Hugues Capet emprisonne Charles de Basse-Lotharingie au château de Senlis en 991, avant de le transférer à Orléans où il meurt peu de temps après.
Robert II venait tous les ans passer un certain temps à Senlis, autour de l’an 1000, pour mener des conversations théologiques avec Lézelin, deuxième abbé de Saint-Arnould de Crépy-en-Valois. Philippe Ier signe de nombreux actes à Senlis, employant la formule in aula nostra regia. Le terme aula renvoie plutôt à un auditoire ou une grande salle. Vers 1130, Louis le Gros fait démolir entièrement ce premier château pour le reconstruire par la suite, exception faite d’une grosse tour du Xe siècle ; le même roi étant également à l’origine de la reconstruction de la cathédrale Notre-Dame de Senlis, c’est-à-dire de l’édification de la cathédrale actuelle. C’est de ce château de Louis le Gros que subsistent les ruines actuelles, adossées au rempart gallo-romain du IIIe siècle au nord-ouest de la cité. Bien qu’aucune source ne dit que le château fut implanté au même endroit que le palatio carolingien, il n’y a aucune raison de croire que le château primitif ne se situait pas au même endroit : la cité était trop densément construite pour laisser au monarque le choix de choisir un nouvel emplacement. Des fouilles ont bien été menées entre 1943 et 1949 par Georges Matherat, mais leur produit s’est perdu, et les conclusions tirées par le jeune chercheur étaient trop hâtives voire hasardeuses, aboutissant dans un plan du Senlis gallo-romain invalidé dans pratiquement tous ses détails depuis.
En 1183, le traité de paix dit de Senlis est signé probablement au château. Un an plus tard, Philippe-Auguste y célèbre ses noces avec Isabelle de Hainaut. Le château est légèrement modifié lors des règnes de Saint-Louis, Charles V et Francois Ier, mais sa disposition générale ne change pas. C’est Charles V qui fait transformer la tour n° 28 ou « tour de l’Oratoire » de l’enceinte gallo-romaine en oratoire. Malgré ces travaux d’adaptation, le palais perd son importance dès la fin du XIIIe siècle, dans la mesure que la fonction centrale et le rôle de Paris augmentent. Bientôt après la mort de François Ier en 1547, le château devient le siège du présidial, en 1551. Il n’est dès lors plus utilisé comme résidence royale et se dégrade rapidement, faute d’entretien. Lors de ses fréquents passages à Senlis, Henri IV loge d’habitude à l’hôtel Séguin, rue de la Treille, maison à colombages conservée dans un excellent état. En 1780, au bout de deux siècles d’abandon ou plus, un large pan de la construction s’écroule, dont la salle d’audience (l’ancienne salle des gardes, au nord de la chapelle royale).
Le domaine de l’ancien château est vendu comme bien national en 1793, et les dépendances sont en grande partie démolies en 1816. En 1835, la famille Turquet de la Boisserie, vieille famille Senlisienne établie dans la région depuis le XIIIe siècle, acquiert les ruines du château. Elle est déjà propriétaire de l’ancien prieuré Saint-Maurice contigu depuis 1816. Le bâtiment ayant abrité l’administration des Eaux et Forêts, dans le prolongement du pignon néogothique, est toutefois abattu en 1861, en n’épargnant que les vestiges encore en place à l’heure actuelle. Jusque-là, la partie occidentale du château derrière la tour de l’Oratoire se poursuivait donc vers le sud ; une façade néogothique a été construite en 1861 pour clôturer le bâtiment amputé. La chapelle royale dédiée à saint Denis en 1142 a elle aussi été démolie au XIXe siècle hormis la tribune occidentale. Depuis, les ruines ont été bien préservées et deviennent la propriété de la ville de Senlis en 1956 avec l’ensemble du domaine, y inclus l’actuel jardin du Roy au nord du rempart et le prieuré Saint-Maurice.
Description des ruines
Du château royal subsistent quatre éléments bâtis séparés les uns des autres. La porte fortifiée vers la rue du Châtel date du XIIIe siècle et est bien conservée, mais a perdu les deux tours rondes qui l’auraient flanquée jusqu’à leur démolition au XVIIe siècle. L’on peut encore aujourd’hui observer le double dispositif de herse, et il est possible que le châtelet disposait d’un pont-levis. Hormis cette porte bien protégée, avant tout un signe de puissance, le château n’avait pas de défense particulière. – En regardant vers la grille d’entrée du jardin du château royal depuis la place du Parvis, l’on trouve la porte fortifiée à gauche de l’Office du tourisme, en recul par rapport à la rue, et à droite de l’hôtel des Trois-Pots. Les riverains utilisent ce renfoncement pour garer leurs voitures, si bien que ce vestige médiéval n’est pas mis en valeur.
Le portail piéton du jardin du château royal, entre l’Office de tourisme et le musée des spahis, ne date que d’autour de 1900, et la grille a été posée pendant les années 1970. Les bâtiments annexes qui suivent à gauche après l’hôtel de l’Homme Sauvage abritant l’Office de tourisme n’ont eux non plus pas de rapport avec l’ancien château ; ils datent de peu avant 1835.
En face, immédiatement à droite de l’entrée à l’angle nord-est du parc, se trouve une grosse tour carrée de la fin du Xe siècle, écrêtée au XVIIe siècle. Son apparence d’origine est inconnue, mais bien des caractéristiques le rapprochent d’un donjon. Bâti avec des gros blocs d’appareil provenant de bâtiments publics du Senlis antique (Augustomagus), la bâtisse a pendant un certain temps été confondue avec une construction gallo-romaine. En réalité, seulement les fondations contiennent des vestiges archéologiques de cette époque. La tour se distingue par des très larges contreforts saillants et des murs épais de 4,5 m, pour une superficie construite de 21,5 m sur 17 m. L’intérieur contient une unique salle rectangulaire, remaniée à l’époque gothique, avec un puits dans la partie sud-est. C’est près de cette tour que le socle de la statue de l’empereur Claude a été découvert, exposé au musée d’art et d’archéologie de Senlis. La tour ne se visite pas ; elle n’était vraisemblablement pas reliée au château royal de Louis le Gros.
Les deux ruines qui suivent en direction de l’ouest sont les vestiges du château proprement dit. Elles sont également appuyées contre la muraille gallo-romaine et partiellement visibles depuis le jardin du Roy, rue du Chat-Haret. Le premier corps de bâtiments est le plus important. En le contemplant depuis le sud, l’on voit au rez-de-chaussée un grand passage en arc brisé, qui devient bientôt plus étroit : c’était le principal accès vers les appartements royaux. À l’étage, l’on aperçoit un arc plein cintre souligné de pointe-de-diamant et encadré par des colonnes engagées, qui conservent leurs chapiteaux sculptés. Un deuxième arc du même type est visible si l’on regarde la ruine depuis l’est. Ces deux arcades donnent sur la tribune occidentale de la chapelle royale Saint-Denis, consacrée en 1142 et démolie au XIXe siècle, hormis cette tribune. La chapelle comportait deux travées et une abside en hémicycle. Son plan reste visible au sol. – La pièce derrière, contre le rempart, était le cellier. Il en reste une colonne ronde supportant deux arcs brisés. À gauche du cellier, suivaient les cuisines et leurs annexes. Le plafond était plat, comme le démontrent ses arrachements aux murs, toujours visibles.
L’étage contenait la « salle des gardes » à droite, communiquant avec la chapelle par une arcade et un petit portail à l’archivolte soigneusement travaillée (non visible de l’extérieur), et la « salle des maréchaux » à gauche. Une petite porte reliait les deux salles. Les arcades visibles depuis l’est aussi bien depuis l’ouest n’avaient qu’une fonction décorative, et un crépi devait initialement les cacher depuis la « salle des gardes » à l’est. C’est donc à l’ouest que ces vestiges sont les plus intéressants. Trois arcs plein cintre avec des archivoltes ornées de tores sont supportés par des colonnes engagées à chapiteaux, dont une est en bâtons brisés. Des arcades d’une disposition identique subsistent également sur le bâtiment à gauche de la salle des maréchaux, et existaient aussi sur les murs nord et sud. Plus rien ne subsiste par contre du grand escalier monumental à l’est, à droite de la chapelle, édifié sous François Ier pour donner un accès direct à la « salle des gardes ». Derrière les ruines, se situe la tour n° 29 ou « tour des Gardes », accessible depuis le château, et dont l’affectation depuis la construction de l’enceinte de Philippe-Auguste n’est pas connue.
Le corps de bâtiments le plus à l’ouest abritait probablement les appartements privés. La façade méridionale avec son pignon percée d’une petite rosace a été construite en 1861 dans le style néogothique, à la suite de la démolition de la suite du bâtiment vers le sud. À l’étage, côté est, des arcades du même type que celles déjà décrites en rapport avec la salle royale sont visibles. Côté ouest, la vue s’ouvre sur la tour n° 28 de l’enceinte gallo-romaine, dite « tour de l’Oratoire » car transformée en oratoire sous Charles V, roi de 1364 à 1380. De cette transformation reste une baie en arc brisé visible depuis le jardin du Roy, sur la façade est de la tour. – L’intérieur du bâtiment est utilisé comme dépôt des fouilles archéologiques de l’arrondissement de Senlis. Il y subsiste à l’étage une cheminée monumentale très remarquable du XVe siècle.