Le château est établi dans la plaine de Caen, sur le bord sud d’un plateau « de médiocre élévation » dominant la basse vallée de l’Orne dans laquelle s’est développée la ville ancienne de Caen. À la pointe de ce plateau, une vaste enceinte flanquée de tours pour la plupart carrées délimite un espace d’environ 250 sur 225 m. À l’ouest et au sud, elle suit l’escarpement qui surplombe le centre-ville ancien et qui a été taillé pour être plus abrupt. À l’est et au nord, un fossé a été creusé dans le roc, le séparant du quartier du Vaugueux et de la campagne. Ses défenses ont été améliorées au cours des siècles ; s’y sont succédé : la tour-porte de Guillaume, le donjon carré d’Henri Ier et l’enceinte quadrangulaire à tours d’angle de Philippe Auguste. Un profond fossé, qui fut doublé ultérieurement, les isolait du plateau.

Son histoire

Les origines du château

À partir du Xe siècle, la croissance agricole caractéristique de cette période entraîne la création de nombreux marchés locaux. Les seigneurs, désireux de contrôler le développement des villes et villages, érigent des châteaux et souvent accompagnent ces établissements par la fondation d’un établissement religieux. Caen est un bon exemple de ce qu’on peut appeler un « bourg castral ». Situé dans une riche plaine agricole, Caen n’échappe en effet pas à la règle et connaît un rapide développement le long de la rive gauche de l’Odon. Il est donc possible qu’un premier élément fortifié ait existé vers 1025, date à laquelle Caen est qualifié de burgus (bourg) dans une charte de Richard II ; aucun élément archéologique ne vient toutefois accréditer cette théorie. Quoi qu’il en soit, c’est Guillaume le Conquérant qui met en place une véritable citadelle à partir de 1060 sur un éperon rocheux dominant la basse vallée de l’Orne. Il s’agit sûrement d’un moyen de contrôler cette agglomération qui prend de l’ampleur ; l’absence de lien entre le château et la ville à cette époque – la seule porte étant alors au nord – semble confirmer cette thèse. Mais le duc mûrit un plus grand dessein. Marqué par la rébellion des barons du Cotentin pendant sa jeunesse, il souhaite disposer d’un point d’appui sûr en Basse-Normandie. Le site de Caen, à proximité de la mer et à équidistance de Rouen et du Cotentin, est donc choisi par Guillaume le Conquérant afin d’y construire sa forteresse. La construction du château, au même titre que la fondation de deux abbayes (abbaye aux Hommes et abbayes aux Dames), montre la volonté du souverain d’établir une deuxième capitale dans la partie occidentale du duché.

Salle de l’Échiquier (XIIe siècle).

Une résidence princière

Toutefois, dès ses origines, le château de Caen semble être davantage une résidence princière où le duc-roi exprime sa puissance et son prestige qu’une forteresse au rôle militaire affirmé. L’élément le plus important du château est en effet le palais constitué d’appartements privés destinés à la famille princière (les camerae), d’une chapelle (la capella) et surtout d’une Grande Salle, salle d’apparat (l’aula). Certes, le château est protégé par les fossés et par l’escarpement rocheux, retaillé pour être plus abrupte, et dès la fin du règne de Guillaume le Conquérant, la simple palissade qui devait ceinturer le plateau a été remplacée par une muraille de pierre. Mais le château souffre déjà de son archaïsme d’un point de vue militaire. La présence des civils, un village regroupé autour de l’église Saint-Georges étant incorporé à l’enceinte, peut constituer une gêne ; toutefois le château assurera un rôle de refuge tout au long du Moyen Âge. Plus grave, sa localisation à mi-pente le rend très vulnérable : il surplombe la ville qui se développe à ses pieds au sud, mais il est lui-même dominé au nord par les coteaux où s’élève aujourd’hui le campus 1. De plus, son emprise est beaucoup trop vaste (5 hectares) et il n’est protégé que par une simple tour-porte située au nord de l’enceinte.

Le château au XIIe siècle

Le fils de Guillaume le Conquérant, Henri Ier Beauclerc, tente de régler ce dernier problème au XIIe siècle par la construction du donjon à proximité de la tour-porte. Cette tour carrée, peut-être entourée d’un mur, est un véritable château à l’intérieur du château. Construit vers 1120, il fait partie des nombreuses tours construites par le roi d’Angleterre après sa reprise en main du duché de Normandie. Mais le rôle administratif et politique du château reste prégnant. Plus ou moins à la même époque, le roi d’Angleterre fait également construire une nouvelle Grande Salle, aujourd’hui connue sous le nom de salle de l’Échiquier. Deux fois plus grande que la précédente, elle permet de répondre au faste de la cour royale. Cet usage survivra à Henri Ier Beauclerc, puisque son successeur Henri II d’Angleterre et ses fils (Richard Cœur de Lion et Jean sans Terre) y organisent en 1182 une fastueuse cérémonie pour les fêtes de Noël afin de démontrer la supériorité de sa cour et donc son prestige à ses adversaires, notamment le roi de France Philippe II. Fait rare, une seconde salle d’apparat, plus petite, est semble-t-il construite au sud-ouest du grand hall sur l’esplanade surplombant la ville. L’étude des Grands rôles de l’Échiquier montre également que la résidence princière caennaise est l’une des plus visitées par les ducs-rois. Et surtout son rôle politique et administratif y est clairement identifié, surtout à partir de 1170 quand l’administration fiscale et judiciaire est partiellement sédentarisée à Caen. Dans la deuxième partie du XIIe siècle, l’intérêt militaire que portent les souverains anglais au château de Caen s’amoindrit. Le duché de Normandie n’est pas tiraillé par des troubles internes importants ; la menace provenant davantage de la frontière avec la France à l’est, Richard Cœur de Lion concentre ses efforts dans la vallée de la Seine. Après la mort de son frère, Jean sans Terre utilise le château comme prison dans le conflit qui l’oppose à Arthur de Bretagne dont le comte de la Marche. Il y met aussi à l’abri sa femme Isabelle d’Angoulême.

Les remaniements de Philippe Auguste

Le château de Caen est pris sans combat par Philippe Auguste en 1204. Comme ailleurs dans le duché, le roi de France entreprend d’importants travaux afin de moderniser la forteresse. Afin d’améliorer les défenses au nord, le donjon est entouré par une courtine protégée à chaque angle par une tour circulaire et isolée par un profond fossé ; l’ensemble est doublé au nord par une autre tranchée tout aussi abrupte en fer à cheval qui forme ainsi une zone tampon appelée Roquette ou Garenne. L’accès au nord étant bouché par ces aménagements, l’accès se fait désormais à l’est par une porte fortifiée, la porte des Champs. Enfin deux tours circulaires sont érigées à l’est (tour Mathilde) et à l’ouest (tour Puchot) à la jonction avec les fortifications de Caen. Grâce à ses réalisations, le monarque dispose d’une citadelle plus sûre, mais il démontre également sa puissance dans l’une des principales villes de ce territoire nouvellement conquis.

C’est aussi après sa reprise que le gouverneur du château et celui du donjon sont réunis en une seule fonction ; le château est désormais géré par un gouverneur unique, un lieutenant du roi et un major.

De la résidence princière au pôle administratif

Le château de Caen n’est plus une résidence princière et les visites royales se font rares ; Henri IV serait le dernier à y séjourner le 12 septembre 1603, ses successeurs préférant loger en ville lors de leur passage à Caen. Le château accueille aussi parfois des hôtes de marque, comme Richard d’York, lieutenant général de Normandie et gouverneur de France et de Normandie, pendant l’occupation anglaise. Mais le château conserve surtout un rôle administratif important. L’Échiquier de Normandie s’y réunit une fois par an jusqu’à sa sédentarisation de fait en 1302 à Rouen. Le bailli de Caen, représentant du roi dans cette partie de la province, réside au sein de l’enceinte du château dans le Logis du Roi, mentionné pour la première fois en 1338. Le Logis du Roi, aujourd’hui connu sous le nom de Logis du Gouverneur, abritait les appartements personnels du bailli, une chapelle privée, les bureaux du bailliage et une salle d’audience. En 1450, le bailliage s’installe rue Cattehoule (actuelle rue de Geôle). Le pouvoir royal est alors incarné par le gouverneur des villes et du château de Caen qui réside dans l’ancienne demeure du bailli. D’ailleurs la charge est souvent réunie à celle du bailli, quand elle n’est pas déléguée à un lieutenant général.

Le château dans la guerre de Cent Ans

Au XIVe siècle, l’intérêt stratégique du château se trouve réaffirmé lors de la guerre de Cent Ans. La forteresse devient un élément clé du dispositif de défense de la Normandie. Des travaux de défense sont effectués après la prise de Caen en 1346 ; la transformation de la poterne sud ouvrant vers la ville en véritable accès fortifié, la porte Saint-Pierre, et la construction de la barbacane de la porte des Champs datent probablement de cette époque. Les tractations entre la France et l’Angleterre réduisent la menace extérieure et l’activité ralentit. Le réaménagement cesse totalement au début de l’occupation anglaise qui commence en 1417 après la prise de la ville et du château par Henri V d’Angleterre. Des travaux d’envergure reprennent toutefois à partir de 1435 quand les Français entreprennent de reconquérir la Normandie ; les Anglais construisent la barbacane de la porte Saint-Pierre afin de se protéger d’une attaque venue de la ville. Après la reconquête française en 1450, le château perd définitivement tout intérêt stratégique au plan national.

Le château face aux troubles intérieurs

En tant que symbole du pouvoir, le château de Caen reste néanmoins la cible de ceux qui contestent l’autorité royale. De ce fait, on continue de moderniser le château afin de l’adapter au progrès de la poliorcétique. De 1467 à 1468, le capitaine du château et sa garnison prennent le parti de Charles de France contre son frère, le roi Louis XI. François de Silly, bailli de Caen à partir de 1503, fait renforcer les murailles du château en accumulant d’épaisses masses de terre le long des remparts afin d’augmenter leur résistance à l’impact des boulets. Mais quand le château est bombardé à partir du 1er mars 1563 depuis le cimetière de l’église Saint-Julien par les troupes protestantes de l’amiral de Coligny, une brèche est ouverte dans les murailles au bout du troisième jour et les catholiques encerclés se rendent ; une troupe de 2 000 hommes, commandée par François du Plessis de Richelieu, reprend finalement le château le 14 avril 1563. Dans le conflit qui oppose Louis XIII à Marie de Médicis, le gouverneur de Normandie, Henri II d’Orléans-Longueville, prend le parti de la reine-mère. Le capitaine Prudent, fidèle au gouverneur qui lui a confié le commandant du château, braque les canons sur la ville qui demande au roi d’intervenir. Du 14 ou 17 juillet 1620, le roi, assisté par César de Choiseul du Plessis-Praslin, assiège le château qui finit par se rendre. Certains proposent alors de faire raser le château, mais le roi préfère garder la forteresse malgré son faible intérêt militaire. C’est le dernier fait d’armes important dans lequel le château joue un rôle direct. Le château est pris d’assaut par les révolutionnaires en 1789, puis par les royalistes en 1815 ; mais dans les deux cas, les autorités du château laissent rentrer la population sans intervenir.

Armoiries du Dauphin de France du XVe siècle retrouvées lors des fouilles de la salle des remparts.

Le déclin de la paroisse Saint-Georges

À partir du XVIe siècle, l’usage purement militaire du château tend à se confirmer. La population civile déserte peu à peu l’enceinte castrale. L’église Saint-Georges a été construite pour accueillir une centaine de paroissiens, mais à la fin du XVIIIe siècle, les registres paroissiaux n’enregistrent plus qu’un enterrement par an dans le cimetière de 32 m2 qui entoure l’église, ce qui permet d’évaluer la population à environ 25 personnes. En outre, la part relative des familles de militaires tend à s’accroître et à devenir prédominante. Le nombre de militaires fluctue avec le temps. Après 1450, la garnison se compose de 50 hommes en armes et de 100 archers. Pendant la période d’agitation liée aux guerres de Religion, très violentes en Normandie, l’effectif remonte jusqu’à 250 têtes, avant de retomber à 50 le siècle suivant. À la fin du XVIIe siècle, sous le règne de Louis XIV, est construit un hôtel des Invalides ; à la veille de la Révolution, cette compagnie des invalides est constituée de 70 hommes et cinq lieutenants. À cette époque, sont également cantonnés dans l’enceinte du château quatre canonniers et un commandant d’artillerie, un arsenal et des magasins à poudre y ayant été installés.

Les prisons du château

Le château est également utilisé régulièrement comme prison. Des geôles sont mentionnées dès 1184-1185 à l’angle sud-est de l’enceinte et vers la porte des Champs ; cette prison est transférée au XVe siècle lors de l’occupation anglaise dans la rue Cattehoule et devient la geôle du bailliage qui donne son nom à la rue. À partir de cette période, la différenciation entre prisonniers militaires et civils est de plus en plus nette. On ne dispose pas de sources permettant de connaître la place des prisonniers dans le château au XVIe siècle, mais il existe de nombreux documents concernant la période courant du XVIIe au XIXe siècles. Le château de Caen n’est pas utilisé pour les prisonniers de droit commun qui sont envoyés dans la prison du bailliage ou le dépôt de mendicité de Beaulieu (actuel centre pénitentiaire de Caen à la Maladrerie). Les prisonniers du château sont de deux types : les civils envoyés par lettre de cachet et les captifs pour cause de guerre. Les civils envoyés par lettre de cachetsont peu nombreux ; on en dénombre seulement cinq entre 1753 et 1787. Les témoignages des prisonniers eux-mêmes, comme celui de Charles François Dumouriez envoyé à Caen en 1774, permet de comprendre que les conditions de détention sont loin d’être difficiles. L’emprisonnement au château de Caen reste en effet une faveur du roi ; cela permet au roi ou à une famille influente d’écarter provisoirement de la société un élément gênant sans lui faire subir de condition de détention dégradante. La deuxième catégorie de prisonniers, les captifs pour fait d’armes, est plus importante numériquement, mais reste assez limitée. Le château est mis sporadiquement à disposition pour interner des prisonniers capturés lors de sédition paysanne (révolte des va-nu-pieds en 1639) ou lors de guerre avec des ennemis extérieurs (les officiers espagnols venus de Flandres entre 1643 et 1648 ou les captifs de la bataille de Denain en août 1712). Il est possible que quelques protestants aient également été emprisonnés après la révocation de l’édit de Nantes en 1685. Les prisonniers étaient sous la surveillance de la garnison du château, mais tous les frais (habillement, nourriture, ameublements) étaient supportés par la ville. Il n’existait pas de prison à proprement parler dans le château. On utilisait telle ou telle pièce en fonction des besoins. Ainsi en 1771, il est fait mention de trois cachots dans le donjon, deux dans la porte Saint-Pierre et d’une prison à bonnet de prêtre à proximité de cette dernière porte ; six ans plus tard, il semble qu’il n’y ait plus qu’une cellule située dans une des tours de la porte Saint-Pierre. Un projet de véritable prison militaire constituée de chambres de disciplines est proposé à la fin du XVIIIe siècle, mais jamais réalisé.

La prison révolutionnaire et la destruction du donjon

Le 18 juillet 1789, le peuple s’empare du château et confisque les armes qui y sont entreposées. Charles François Dumouriez, nommé gouverneur depuis peu de temps, accepte d’arborer la cocarde tricolore et la situation revient rapidement au calme. Pendant le reste de la Révolution française, le château est régulièrement utilisé comme prison par la ville qui peut ainsi isoler ceux qui sont identifiés comme étant des ennemis de la Révolution : le nouveau gouverneur du château, le vicomte Henri de Belzunce, en août 1789 ; 84 suspects royalistes en novembre 1791 ; l’ancien secrétaire de Jacques Necker, Georges Bayeux, en août 1792 ; 230 manifestants refusant la conscription militaire en mars 1793. Les prisonniers les plus importants sont Claude-Antoine Prieur-Duvernois et Charles-Gilbert Romme, représentants en mission envoyés par la Convention nationale. Arrivés en pleine insurrections fédéralistes, ils sont assignés à résidence dans le presbytère de l’église Saint-Georges à partir du 12 juin 1793. Ils sont libérés un mois plus tard après la défaite des troupes fédéralistes lors de la bataille de Brécourt. Afin de punir cet affront, la Convention décrète le 6 août 1793 que « le donjon et château de Caen dans lesquels la liberté et la représentation nationale ont été outragées, seront démolis. Sur les ruines du donjon il sera planté un poteau, sur lequel seront inscrits les noms des députés déclarés traîtres à la patrie ». Les travaux de démolition commencent dès le 18 août. Le presbytère est démoli, le donjon en grande partie arasé et la porte Saint-Pierre endommagée.

La prison militaire

Mais la destruction s’arrête là et dans les derniers mois du Directoire, on décide de restaurer les défenses du château. En 1805, la porte Saint-Pierre est effectivement restaurée. Le château retrouve en effet son usage militaire. Dès 1791, les derniers civils – en fait les reliquats de l’ancienne compagnie des Invalides – sont chassés du château. En 1799, un magasin à poudre est installé dans l’ancienne église ; deux autres sont construits dans l’enceinte en 1815-1818. Comme sous l’ancien régime et pendant la Révolution, il sert encore dans les deux premières décennies du XIXe siècle à emprisonner pendant un court séjour des contestataires (conscrits réfractaires, manifestants contre la cherté du blé). Ensuite la prison devient exclusivement réservée aux militaires, les prisonniers de droit commun étant envoyés à Beaulieu ou dans la prison du palais de justice. La garnison stationnée dans le château après la paix de 1814 dispose de salles de police : deux cellules – l’une destinée aux soldats, l’autre aux sous-officiers – près de la porte Saint-Pierre et deux cachots dans la porte elle-même. Les graffitis gravés dans la pierre sont un témoignage de cet usage. La véritable prison militaire se trouvait toutefois dans des locaux vétustes situés rue des Carmes. Les projets de construction d’une prison militaire dans l’enceinte du château se multiplient : 1819, 1824, 1827-1832, 1834. C’est en 1848 qu’une prison militaire est aménagée dans les bâtiments existants au sud-est de l’enceinte. Le conseil de guerre est installé au premier étage. Deux chambres, destinées aux officiers, sont rajoutées en 1854 et, en 1856, un préau clos par un mur est érigé afin de permettre la promenade des officiers captifs. La prison militaire devient un espace enclos à l’intérieur de l’enceinte castrale. Pouvant accueillir 2 officiers, 37 soldats et sous-officiers, elle est jugée trop petite et est finalement fermée en 1881 quand le château est transformé en caserne.

Un rôle mineur jusque dans les années 1870

Jusqu’à la fin du XIXe siècle, le château occupe une place subalterne dans l’appareil militaire national et régional. Outre le conseil de guerre et sa prison, on y trouve les bureaux de recrutement, le chef de bataillon du Génie et le chef d’escadron d’artillerie. Mais le château est condamné par son archaïsme. En 1811, alors même que le blocus des ports normands par les Anglais se resserre, Napoléon Ier fustige dans une lettre adressée à son ministre de la Guerre les travaux de restauration de la porte Saint-Pierre et précise qu' »il faudrait démolir cette citadelle et la vendre à la ville dont les promenades y gagneraient ». Inadapté au nouveau type de conflits, le château est sauvé par son importance pour le maintien de l’ordre dans une ville jugée trop frondeuse. Le 23 juillet 1881, le château est définitivement rayé du tableau des places fortes, mais reste dans le domaine d’État affecté au département de la Guerre.

La caserne Lefebvre

La situation change toutefois sous la Troisième République. La défaite de 1870 amène les autorités à réorganiser totalement l’appareil militaire national et notamment son implantation territoriale. Tout au long du XIXe siècle, la ville de Caen, qui – outre la caserne de Remonte – ne dispose que d’une caserne inadaptée aux besoins de l’époque (la caserne Hamelin), demande l’implantation d’un régiment de cavalerie. C’est finalement une prestigieuse unité de fantassins qui s’installe au château. Le 36e RI y est cantonné par étape à partir de 1876. Au début de l’année 1877, un premier bâtiment est construit au nord de l’enceinte ; les derniers restes du donjon sont abattus, les fossés comblés et le terrain aplani afin d’aménager une vaste place d’armes. Les premiers soldats prennent possession des lieux début juillet 1877. Jusqu’en 1901, le régiment est cantonné par alternance à Paris, Falaise et Caen avec le 5e RI. Après cette date, il est définitivement fixé à Caen et un nouveau bâtiment est construit perpendiculairement au premier, entre celui-ci et la porte des Champs. D’autres unités se joignent au 36e RI dans la première décennie du XXe siècle : un bataillon du 5e RI en 1905et les compagnies du 129e RI après 1908. Le château est donc profondément remanié afin de devenir la caserne Lefèvre, elle peut accueillir, pour les manœuvres, jusqu’à 5 000 hommes d’infanterie.

Les bâtiments de cantonnement érigés à l’emplacement du donjon sont conçus selon les stéréotypes de l’architecture militaire de l’époque :

  • un rez-de-chaussée avec les lavabos, les cantines et les bureaux des sous-officiers ;
  • deux étages où logent les troupes dans des chambrées de 25-28 hommes ;
  • des combles dans lesquels on installe les réservistes pendant leur période d’instruction ;
  • les niveaux supérieurs étant desservis par quatre escaliers, un par compagnie.

1 600 hommes étaient cantonnés dans le château et ce chiffre pouvait monter jusqu’à 2 400 pendant la période de service des réservistes. Jusqu’en 1914, le 36e ne prend part à aucun combat. La vie de la garnison tourne autour de la formation des conscrits et des manœuvres. Le régiment occupe alors une place importante dans la vie locale tant d’un point de vue économique que culturel. Le 36e est mobilisé le 5 août 1914 et revient triomphalement en 1919. Mais les effectifs baissent et l’unité est finalement dissoute en 1923 au grand dam de la ville. En 1938, un monument aux morts en mémoire des 8 838 membres du 36e tués pendant le conflit est érigé à proximité de l’ancienne chapelle palatine. L’année suivante, le régiment est reformé et quitte Caen le 10 septembre 1940.

Soldats de la force d’occupation allemande sur la terrasse d’artillerie (1940).

Le château après le Débarquement

Après la reddition de la France, les troupes du Troisième Reich occupent le château. Mal entretenus pendant des années, les bâtiments sont très vétustes ; à tel point qu’en 1941, le front sud des remparts s’effondre. Pendant le Débarquement de Normandie, des Anglais et des Canadiens y sont emprisonnés. Pendant la bataille de Caen, le secteur du château est la cible des bombardements aériens et des tirs d’artillerie. Le château et ses abords sont sérieusement endommagés :

  • l’enceinte est touchée à plusieurs endroits ;
  • les bâtiments au sud de l’enceinte sont en ruine ;
  • les vestiges du Vieux palais et le bâtiment nord de la caserne sont détruits ;
  • les autres monuments de l’enceinte (Échiquier, salle des Gouverneurs, église Saint-Georges) sont endommagés.

La cour sert de lieu d’exécution d’un collaborateur notoire le . Puis, pour les travaux de déblaiement de la ville, des baraquements sont installés pour accueillir l’office national des cantonnements des ouvriers de la reconstruction (ONCOR).

À la fin du déblaiement des ruines de Caen en 1946, le château, qui n’était plus visible des Caennais depuis plus d’un siècle et demi du fait de la destruction du donjon et de l’envahissement des fossés par les habitations, réapparaît. Il est décidé de restaurer et de mettre en valeur cet ensemble qui surplombe la ville. Ayant perdu définitivement son usage militaire, il est rendu, ainsi que le plateau qui l’entoure, par le ministère de la défense à la ville en 1956. La caserne Lefevbre est détruite en décembre 1958.

Restauration et fouilles archéologiques

Le château est restauré dans son état le plus proche de l’époque médiévale. Bien qu’ils soient inscrits en 1946, les bâtiments à l’intérieur de l’enceinte datant du XVIe – XVIIe siècles sont détruits. Les éléments de décoration ornant la porte Saint-Pierre depuis sa reconstruction au début du XIXe siècle (colonnes, fronton avec le sceau du Premier Empire) sont également déposés. Les baraquements du XIXe siècle qui ont survécu pour la plupart aux bombardements servent de centre d’hébergement pour l’office national des cantonnements des ouvriers de la reconstruction, puis sont démolis en 1958.

En 1949, l’archéologue caennais Michel de Boüard entreprend les premières fouilles aux abords de l’église Saint-Georges ; il s’agit d’un des premiers exemples d’archéologie médiévale. Des fouilles systématiques sont menées dans l’enceinte du château de Caen ; elles permettent notamment de dégager les bases du donjon enfouies aux XIXe siècle après le comblement des fossés et la construction des baraquements de la caserne.

Parallèlement à ces travaux, les autorités s’opposent sur la destination à donner aux bâtiments conservés. L’Université de Caen souhaite intégrer le château au campus qui est édifié par Henry Bernard sur les coteaux nord (actuel Campus 1). Dans ce cadre Marc Brillaud de Laujardière, architecte en chef de la reconstruction de Caen, prévoit le prolongement de l’actuelle avenue du Six-Juin jusqu’à l’université. Il est également prévu de construire un monument à l’emplacement du donjon. Ce projet, qui nécessitait de percer les remparts sud et de combler le fossé nord n’est pas mené à bien, notamment du fait de l’opposition de l’administration des monuments historiques. Le projet d’affectation à l’université est définitivement abandonné en octobre 1956 par la cession du château à la Ville par l’administration du Domaine. La ville souhaite quant à elle faire du château « l’enceinte des musées ». À mi-chemin des commerces du centre et de l’université, le château devient le lieu de rencontre symbolique entre la ville et le savoir. En décembre 1963, le musée de Normandie accueille ses premiers visiteurs dans le Logis des Gouverneurs, restauré pour l’occasion. En 1967 est installé le musée des beaux-arts qui ouvre ses portes en 1970. Depuis 2007, plusieurs œuvres, notamment One Man, nine animals de Huang Yong Ping, ont été installées autour du musée afin de former un parc des sculptures.

Le projet de mise en valeur

Dans les années 1990, un vaste projet pluriannuel de mise en valeur du château est lancé par la municipalité. Ce projet prévoit notamment de restaurer les remparts qui ne l’ont pas été après la Seconde Guerre mondiale. Le rempart nord-ouest, en très mauvais état, a été restauré et mis en sécurité entre 2004 et 2006. Des travaux similaires sont entrepris sur le rempart nord-est à partir de 2014.

La terrasse d’artillerie dite du Cavalier XVIe siècle, fortement érodée, a également été restaurée. 6 000 m3 de remblai ont été évacués, afin de mieux voir le mur d’enceinte nord-ouest, du XIIe siècle. Le volume du cavalier est restitué dans son état du XVIe siècle ; sous la terrasse, ont été aménagées les salles dites du Rempart, équipement muséal moderne de 1 200 m2 accueillant depuis 2008 les expositions temporaires du musée de Normandie.

En préalable à cette opération, l’Institut national de recherches archéologiques préventives (INRAP) mène en 2005 un chantier de fouilles préventives qui permet de mettre au jour une poudrière et des forges du XIIIe au XVe siècles. Les deux murs de la grande forge sont ornées de dessins de mors, preuve de l’existence d’écuries au château à une certaine époque. Selon l’INRAP, le développement de ce « quartier des labeurs » est « l’un des rares cas observés en France d’activités métallurgiques dans un site castral à propos duquel on peut suivre l’évolution des techniques du XIIIe au XVe siècles ». La cave d’une maison privée du XVe siècle ayant conservé une belle cheminée a également été dégagée.

Cette maison, située à la limite du périmètre de fouille, est adossée à un mur plus ancien. En 2010, un premier diagnostic confirme que ce mur fait partie d’une grande salle de 13 m sur 24 m. En 2011 et 2012, de nouvelles campagnes de fouilles sont entreprises afin de dégager cette grande salle contemporaine de la salle de l’échiquier (XIIe siècle) et d’identifier l’usage de ce bâtiment. Les fouilles reprennent à l’été 2013 et permettent de mettre au jour cette grande salle d’apparat dont l’un des murs est en excellent état de conservation. Cette salle, qui présente de nombreuses caractéristiques communes avec la salle de l’Échiquier, pourrait dater de la fin du XIIe siècle et pourrait avoir été construite pour Henri II Plantagenêt. La salle, probablement abandonnée au XVe siècle, aurait servi de dépotoir. À partir du XVIe siècle, ses pierres sont récupérées et sont réemployées pour la construction d’autres bâtiments.

Fin 2016, l’INRAP a conduit un chantier en vue de la réalisation d’un diagnostic archéologique. Celui-ci a permis de mettre au jour plusieurs vestiges : la prison, dont l’état de conservation est jugé exceptionnel (sur les murs conservés sur une hauteur de 5 m, des graffitis probablement réalisés par des prisonniers sont encore visibles), une maison près de la Porte des Champs et un mur dont on ne connaissait pas l’existence et dont la technique de construction, très soignée, permet de le dater du XIe ou XIIe siècle.

Fouilles de la seconde salle d’apparat.

En 2011.

En 2013.

En 2014.

Architecture

Guillaume le Conquérant se fait construire un palais au nord de l’enceinte dans la deuxième partie du XIe siècle. Ce palais reprend l’organisation classique des demeures seigneuriales de cette époque. Il est constitué d’un ensemble de trois bâtiments principaux, peut-être entouré par un mur le séparant du reste de l’enceinte castrale : la grande salle (espace de réception officielle, aula dans les textes latins, bien que l’ancien français ne connaisse que l’appellation Grant Sale), la chapelle (chapelle palatine réservée au duc-roi et à ses proches, en latin capella) et les appartements princiers (appartements de la famille ducale, puis royale, qui apparaissent dans certains textes latins sous le nom de camerae, terme repris aujourd’hui pour son analogie avec l’aula et la capella. Souvent, ce sont à proprement parler les appartements que l’on désigne sous le terme de palais ou palatium. Cette résidence princière conserve son rôle central jusqu’au XIIIe siècle. La construction du donjon par Henri Ier Beauclerc ne change pas la destination du palais qui reste la résidence privilégiée des rois, la camera regis. L’aula de Guillaume le Conquérant en revanche est probablement transformé en appartement privé après la construction, toujours par Henri Ier Beauclerc, de la nouvelle Grande Salle, connue aujourd’hui sous le nom de salle de l’Échiquier. Quand le château perd son statut de résidence royale après l’incorporation de la Normandie au domaine royal français en 1204, le Vieux palais se trouve marginalisé. Il fait encore régulièrement l’objet de travaux, mais n’est plus utilisé épisodiquement pour accueillir les hôtes de marque, les représentants du roi résidant dans le Logis du Roi. Ainsi quand Richard Plantagenêt, le duc d’York s’installe au château en 1444, le Vieux palais, très vétuste, doit être rénové. Au fil des siècles, le Vieux palais de Guillaume le Conquérant est profondément modifié, la chapelle étant le bâtiment le mieux conservé. L’ensemble est finalement détruit en 1944 pendant la bataille de Caen. Les fouilles de Michel de Boüard dans les années 1960 ont permis cependant d’en dégager les structures rendues lisibles au sol par des graviers sombres.

La Grande Salle de Guillaume le Conquérant est un rectangle de 16 sur 8 m. Le sol étant en terre battue, il est possible que l’étage noble se soit trouvé au deuxième niveau, le départ d’un escalier à vis ayant été retrouvé au sud-ouest de la salle. À quelques mètres au sud, s’élevait la chapelle dédiée à saint Georges, comme l’église paroissiale avec qui elle a pu être confondue par le passé. Comme il était l’usage au XIe siècle, elle se trouvait dans un bâtiment perpendiculaire à la salle d’apparat, suivant un axe sud-est – nord-ouest. Le bâtiment a été monté directement sur l’argile de la terrasse post-glaciaire sur laquelle est érigée le château ; cette absence de fondation est caractéristique des modes de construction des XIe et XIIe siècles. La chapelle était relativement imposante (16 sur 7 m) et servait pour les réunions ordinaires de l’Échiquier. Au XVe siècle, on perça des baies gothiques et les murs gouttereaux furent renforcés par des contreforts ; le chevet plat fut également détruit afin de permettre l’érection d’un mur clôturant vers le sud l’ensemble des bâtiments du Vieux Palais. Une abside et un bas-côté sont rajoutés à cette époque. Avec « son archivolte intérieure garnie de redents, son archivolte extérieure ornée de feuillages en chou frisé qui se complique d’un arc en accolage avec fleuron terminal, et les deux contreforts plantés de biais et finissant en pinacles qui l’encadrent », la porte latérale du bas-côté était caractéristique de l’architecture du XVe siècle.

Ruines du palais de Guillaume le Conquérant.

Pavage ancien.

La salle dite de l’Échiquier se situe au nord-ouest de l’enceinte dans une zone dite du « vieux palais ». C’est en effet à cet endroit que Guillaume le conquérant fit construire son palais ducal. C’est aussi l’endroit où fut érigée la première chapelle Saint-Georges.

La salle est vraisemblablement érigée au XIIe siècle même si on ne connaît pas encore son affectation d’origine. En effet, plusieurs textes datant du XIIe siècle affirme que l’échiquier se réunissait soit dans le palais ducal, soit dans la chapelle Saint-Georges. Il est possible toutefois qu’occasionnellement des séances de l’Échiquier aient pu y être tenues. Il s’agissait avant tout d’une Grande Salle (salle d’apparat, en latin aula, dont on retrouve l’équivalent en Angleterre sous le nom de hall ou Great Hall en anglais moderne) où étaient organisées des cérémonies et des fêtes. On connaît la salle sous différents noms au fil des époques : salle du Tinel au XIIIe siècle, salle du Palais au XVe siècle, salle de l’Arsenal au XVIIIe siècle. C’est à cette époque qu’une forge est installée dans le bâtiment.

Le bâtiment mesure 30,70 mètres sur 11,02 mètres ; les murs sont hauts d’environ 8 mètres et épais, en moyenne, d’un mètre. Un débat oppose les spécialistes sur le fait que la salle était divisée en deux niveaux. Pour la plupart, la salle devait probablement être séparée en deux niveaux, avec l’étage noble au premier et les espaces de service au rez-de-chaussée. Le plafond de la partie inférieure devait alors être à environ 3,60 mètres du sol. La porte permettant l’accès à la salle actuellement par le rez-de-chaussée se serait trouvée à l’origine au premier étage. Le plancher aurait été supprimé dans la seconde moitié du XIVe siècle et le sol de terre battue recouvert à la même époque d’un pavage.

En 1944, un obus tombe sur la partie nord-est de la salle et la détruit partiellement. La salle est restaurée après les recherches de Michel De Boüard dans les années 1960.

Façade sud-ouest.

Porte principale.

Intérieur.

L’église paroissiale dédiée à Georges de Lydda est construite dans la deuxième moitié du XIe siècle. À l’emplacement de l’église actuelle, se trouvait auparavant un bâtiment de facture plus élémentaire dont on ne sait s’il s’agit d’un lieu de culte préexistant ou d’une simple habitation. Orientées nettement plus à l’est, les fondations de cet édifice furent exhumées en 1964 par Michel de Boüard et les archéologues du centre de recherches archéologiques et historiques médiévales (CRAHM) de l’université de Caen. Les fouilles de 1964 ont également permis de mettre au jour le chœur de l’église romane dont l’abside était semi-circulaire. Il s’agissait d’une église de village qui pouvait accueillir une centaine de paroissiens. Le droit de patronage de l’église appartenait au chapitre de la cathédrale de Bayeux jusqu’en 1080 ; à cette date, il est racheté par Mathilde de Flandres qui le lègue à l’abbaye aux Dames. La paroisse faisait partie du doyenné de Caen, dans le diocèse de Bayeux.

L’église reste dans son état originel jusqu’au début du XVe siècle. Sévèrement touchée par les bombardements anglais lors du siège de 1417, elle est profondément remaniée dans la deuxième moitié de ce siècle. Les travaux commencent probablement pendant l’occupation anglaise ; la charpente recouverte de lambris couvrant la nef est sûrement due à un charpentier anglais. Les fenêtres romanes sont bouchées et on perce des grandes baies de style « modérément flamboyant ». Le clocher que l’on observe sur les gravures du XVIIe siècle date sûrement de cette époque également. Fin XVe -début XVIe siècle, le chœur est reconstruit dans le style gothique. Au sud de la nef, sont érigés une chapelle et le portail actuel.

À partir du XVIe siècle, les civils désertent le château. En 1779, les registres paroissiaux n’enregistrent plus qu’un enterrement par an dans le cimetière de 32 m² qui entoure l’église, ce qui permet d’évaluer la population à environ 25 personnes. L’église paroissiale est désaffectée pendant la Révolution. Du 3 au 28 mars 1793, on y enferme 230 personnes ayant manifesté contre l’enrôlement militaire. En 1799, l’église est transformée en magasin à poudre. En 1827, le service du Génie propose de détruire l’église afin de permettre la construction d’une prison militaire ; le projet est abandonné en 1832. Après que le château a été transformé en caserne, l’ancienne église sert un temps de salle d’armes.

Pendant la bataille de Caen en 1944, le château est à nouveau bombardé. Le presbytère et le pignon sud de la nef sont détruits. L’ancien lieu de culte est restauré. Pour rappeler ce passé cultuel, des stalles provenant de l’église Saint-Jean de Caen y sont installées et une table de pierre est disposée dans le chœur afin d’évoquer le souvenir de l’autel disparu. Les vitraux sont confiés à Max Ingrand dans le chœur. Ils représentent saint Étienne encadré par saint Georges et saint Michel. Les vitraux de la nef, œuvre de Maurice Rocher, figurent la vie du Christ à gauche et une scène associant saint Georges et Richard Cœur de Lion à droite. La grande verrière est consacrée à des épisodes de la vie de Guillaume le Conquérant. Dans le cadre du projet de réaffectation du château à l’université, il est programmé que l’ancienne église soit occupée par l’aumônerie des étudiants. Cette proposition est abandonnée et Saint-Georges est convertie en mémorial en souvenir des pertes civiles de la bataille de Caen en 1964. La dépouille d’une victime anonyme est inhumée dans l’ancien lieu de culte. Moins de vingt ans plus tard, le mémorial change d’affectation. En 1979, le corps de la victime inconnue est exhumé pour être inhumé de nouveau au chevet de l’ancienne église qui est utilisée à partir de 1980 par le musée de Normandie qui y organise des expositions temporaires. Le 25 mars 2013, le plan d’aménagement de l’église en centre d’interprétation de l’histoire du château et en centre d’accueil des visiteurs est approuvé par le conseil municipal. Après une légère restauration, le centre ouvre le 28 mai 2014.

Le centre d’interprétation.

Chœur de l’église depuis la nef.

Façade sud après restauration en 2012.

Portail flamboyant.

La première référence concernant ce bâtiment, alors appelé Logis du Roi, date de 1338. Construit sans doute au début du XIVe siècle, c’était la résidence privée du bailli. On y trouvait également une salle d’audience et les bureaux du bailliage. Ceux-ci furent transférés à proximité de la prison de la rue Cattehoule (actuelle rue de Geôle) après 1450. Le Logis du Roi devint donc la demeure du capitaine du château, enfin celle du gouverneur « des ville et château de Caen ».

Le bâtiment fut presque entièrement reconstruit au XVIIe siècle. Les contreforts des façades de l’aile sud et la tour d’escalier à l’intérieur de la cour sont des vestiges du bâtiment originel. En novembre 1680, Robert-Jean-Antoine de Franquetot, comte de Coigny, gouverneur du château et bailli de Caen, passa un accord avec Pierre Cottard, architecte du roi, pour remettre en état le Logis du Roi. Les travaux furent terminés en 1682. Les armoiries de la famille des Guillotte-Franquetot-Coigny, qui conservèrent les charges de gouverneur et de bailli jusqu’à la fin de l’ancien régime, étaient gravées sur le fronton.

Au XIXe siècle, le Logis des Gouverneurs est utilisé comme salle d’armes. En 1834, le Génie propose de le transformer en prison militaire, mais le projet ne fut pas réalisé. Quand le château fut transformé en caserne, l’ancienne demeure du bailli abrita le mess des officiers, une bibliothèque et une salle de conférences.

En 1944, sa toiture est soufflée, mais le gros œuvre a résisté. Dans les années 1950, on décide d’y installer le musée de Normandie. En 1958, le bâtiment est rénové ; c’est à cette époque que le grand escalier extérieur est supprimé. En 1960, les services du musée s’installent et le musée ouvre ses portes au public en décembre 1963. En 1978-1982, le musée est agrandi : des réserves sont creusées sous la cour et une nouvelle aile est construite au nord, donnant ainsi au bâtiment la forme d’un U.

Aile sud-est antérieure au XVIIe siècle.

L’extension construite en 1978-1982.

La cour avec les réserves en sous-sol.

Le donjon du XIIe siècle et ses évolutions

À l’origine, seule une tour-porte protège la partie nord des fortifications, alors même qu’il s’agit de l’espace le plus exposé de l’ensemble car dominé au nord par les coteaux où s’élève aujourd’hui le campus 1. Peu après 1120, un véritable donjon est construit en pierre de Caen par Henri Beauclerc à quelques mètres de la tour-porte. Construite en pierre de Caen, l’intérieur des murs était en moellon calcaire d’une épaisseur moyenne de 4,30 mètres ; ils mesuraient environ 25 mètres de haut. On estime que le donjon mesurait 24 mètres du nord au sud et 27,40 mètres d’est en ouest. Dans sa partie basse, les murs font en moyenne 4,30 mètres d’épaisseur.

On connait très peu l’organisation spatiale interne du bâtiment. Un mur d’est en ouest, contemporain de la construction du donjon, sépare le bâtiment de manière presque égale. La partie nord est divisée ultérieurement en deux parties inégales par un second mur nord-sud. Ces murs montaient jusqu’au sommet du donjon. Il est probable que le rez-de-chaussée du bâtiment servait de magasin à vivres ; un puits profond de 21 m, non compris dans l’épaisseur du mur, a été retrouvé dans la partie sud. Les parties supérieures devaient être aménagées comme espace de vie.

L’accès au donjon se situait au premier étage. On y accédait par un escalier extérieur protégé par un avant-corps. Cet escalier s’allongeait sur 17,40 mètres, le long du mur sud. Une chapelle devait également être aménagé dans sa partie orientale. Les étages supérieurs étaient accessibles par un escalier en colimaçon, peut-être situé au sud-est et montant jusqu’au sommet.

Le sommet était à l’origine séparé en trois parties par des charpentes reposant sur les murs intérieurs. Un chemin de ronde, probablement crénelé, entourait l’ensemble. Au XVIe siècle, les charpentes sont remplacées par une plateforme sur laquelle sont placées des canons.

Au XIVe siècle, le donjon fait l’objet de travaux. À l’extérieur, le sol est rehaussé d’environ 0,90 mètres, rendant l’escalier extérieur inutilisable ; l’avant-corps est alors arasé au niveau du nouveau sol. Afin d’y bâtir des tourelles, les contreforts du donjon sont également renforcés, à l’exception de celui du milieu sur le mur ouest qui garde son aspect peu proéminent d’origine.

Le castel compris dans la chemise du XIIIe siècle

Au XIIIe siècle, le donjon est ceinturé d’une chemise de forme trapézoïdale située à environ une quinzaine de mètres de distance. Les murs font environ 3 mètres d’épaisseur et. dans les angles, sont construites des tours circulaires d’un diamètre intérieur de 4,50 mètres ; ces tours portent les noms de « cheval blanc, cheval noir, cheval rouge, cheval gris ». La chemise est dotée d’un chemin de ronde muni de créneaux. Préalablement à la construction de cette chemise, un fossé est construit dans la roche d’une profondeur de 10 mètres et large de 16 mètres dans sa partie supérieure. La tour-porte du XIe siècle doit également être démoli afin de construire ce mur d’enceinte ; les fondations de cette tour ont toutefois été mis au jour par Michel de Boüard. Deux ponts, situés aux angles nord-ouest et sud-est, sont érigés au-dessus du fossé, non loin des tours d’angle.

Après la construction de la chemise, quelques bâtiments sont construits, adossés à la fortification. Ainsi, un bâtiment rectangulaire, la « salle de la Reine », est construit contre le mur sud. Il est en état de délabrement avancé au XVIIIe siècle ; il ne reste aujourd’hui qu’un mur d’une hauteur d’un mètre. Sur le mur est, un silo, puis une cuisine sont construits. Dans l’angle sud-ouest, un moulin, mu par un cheval, est érigé.

Au XIVe siècle, le sol, rehaussé d’environ 0,90 mètres, est pavé. Après la destruction de l’avant-corps du donjon, une passerelle couverte reliant la porte du donjon au mur sud de la chemise est construite sur des poteaux en bois reposant sur des épis de maçonnerie. À côté de la salle de la Reine, une nouvelle cuisine est construite. Sur l’emplacement de l’ancienne cuisine, le long du mur est, le manoir dit du châtelain est construit.

La destruction de l’ensemble

Lors du soulèvement de Caen contre la Convention nationale, les deux représentants de la convention nationale Romme et Prieur de la Côte d’or sont arrêtés le et placés en rétention à l’intérieur du donjon. Après la répression de l’insurrection fédéraliste, la convention décide de raser le château par un décret daté du . La destruction débute le . Ce qu’il en reste est laissé à l’état de ruine. Une colonne marquant l’endroit de l’emprisonnement des deux conventionnels était prévue à l’emplacement du donjon.

Vers 1816–1818, une poudrière est construite dans la partie sud du donjon, détruisant une partie des vestiges. Dans les années 1840, les ruines demeurant au-dessus du sol sont rasés. Dans les années 1870, les fossés sont comblés afin de construire les baraquements de la caserne Lefebvre.

À partir de 1956, Michel de Boüard mène une campagne de fouilles qui permet de dégager les bases du donjon. Il ne reste actuellement qu’1,75 mètres des murs inférieurs du donjon.

Angle sud ouest du donjon.

Côté ouest du donjon.

Garenne au nord du donjon.

Les murs de l’enceinte

Lors de la première construction du château, les remparts sont constitués de simples palissades de bois. Le tracé de ces premiers remparts n’a guère évolué à travers les années sauf sur la partie nord avec la construction du donjon ; l’enceinte d’origine correspond toutefois au mur nord de la chemise du donjon. Au XVIe siècle, d’importants remblais sont placés contre les murs afin d’éviter la destruction par les tirs d’artillerie.

À compter de mars 2004, la municipalité de Caen, aidée par les subventions du FEDER, a entrepris la restauration des remparts (consolidation, dégagement des meurtrières fermées au XIXe siècle). Après qu’on a constaté une augmentation constante du volume de pierres éboulées côté rue de Geôle, le remplacement de pierres et la consolidation ont été achevés en 2008 pour un coût d’1,15 million d’euros. Cette première tranche de travaux doit se terminer en 2013. La deuxième tranche de travaux (consolidation et restauration des remparts Est et Sud, ainsi que des passerelles de la porte Saint-Pierre et de la porte des Champs) doit s’étaler jusqu’en 2016 et devrait coûter 4,3 millions d’euros.

Le rempart nord restauré.

Le rempart sud-ouest.

Le rempart sud.

Le rempart est.

Les tours

Ces remparts sont constitués de treize tours dont deux de forme circulaire. Ces deux tours font la jonction avec le reste des fortifications de la ville : la tour dite « Reine Mathilde » au sud-est de l’enceinte et la tour « Puchot » située au nord-ouest. Les autres tours sont de forme rectangulaire et enchâssées dans les remparts : la partie supérieure se situe au niveau du chemin de ronde ; la partie inférieure au niveau du sol du rempart. Au XVIIe siècle et au XVIIIe siècle, trois des tours situées à l’angle sud-ouest servent pour le gouverneur et les jardiniers. La tour septentrionale, située près de l’église Saint-Georges, est occupée par le bedeau d’où son nom de « tour du Bedeau ». La tour située à proximité de la porte des champs était appelée « tour des vielz prisons » à cause de la première prison construite dans l’enceinte du château avant son déplacement à l’extérieur de l’enceinte.

Tour Puchot située au nord-ouest du château.

Tour Mathilde au sud-est.

Les portes

Les deux portes sont l’œuvre du bailli de Caen François de Silly.

La porte des Champs.

Porte des Champs

Aucune trace archéologique ou source historique ne prouve l’existence d’un accès au château par l’est avant le XIIIe siècle. Il semble que cette porte ait été créée après la destruction de la tour-porte consécutivement à l’édification de la chemise autour du donjon. Cette porte a porté plusieurs noms : de la Pigacière, de devers les champs, du Vaugueux et de secours. L’histoire de la barbacane est mal connue et l’on ne sait si elle existait dès le XIIIe siècle ou si elle a été construite dans le seconde quart du XIVe siècle afin de se protéger des troupes anglaises.

Elle était constituée à l’origine de deux tours accolées. Ces deux tours semi-circulaires en fer à cheval, élargies dans leur partie inférieure encadrant l’entrée, sont réunies ensuite par des murs de liaison plus avancés auquel il est fait référence dans un texte de 1338. Pendant l’occupation de la ville par les Anglais au XVe siècle, le capitaine du château, le comte John Falstof, fait renforcer la porte ; la plateforme du pont, une fois relevé, s’encastre désormais dans la porte. C’est probablement à cette époque que sont construits les mâchicoulis.

Barbacane porte Saint-Pierre.

Porte Saint-Pierre

Au sud des remparts, devait se situer une poterne qui est ensuite remplacée par une entrée plus importante, l’actuelle porte Saint-Pierre. Cette partie sud des remparts est détruite en même temps que le donjon par le décret du . Elle est restaurée à partir de 1804 avec l’ajout d’un pont-levis et d’un sceau du Premier Empire au-dessus de la porte ; ces derniers éléments ont disparu lors de la restauration du château après la Seconde guerre mondiale.

La barbacane de la porte Saint-Pierre est construite peu après la prise de la ville par les Anglais en 1435. Les travaux débutent en 1438 pour se terminer en 1445.

Les passerelles des deux portes sont rénovées en 2012 et 2013.

Les fortifications de Caen

Le château

Vers 1060-1080, la muraille du château de Caen est construite. Ces remparts sont maintes fois réaménagés mais l’emprise du château n’a que peu évolué depuis le XIe siècle. Les accès au château en revanche ont été modifiés au fil des siècles. À l’origine, l’accès se faisait par une tour-porte au nord à proximité immédiate du donjon ; au sud, on trouvait une petite poterne accessible depuis un étroit sentier assez abrupt. Au XIIIe siècle, quand la ville devient française, Philippe-Auguste fait construire une courtine autour du donjon et on supprime partiellement l’entrée nord. Un nouvel accès principal, la Porte des Champs ou de la Pigacière, est alors construit au nord-est de l’enceinte. Elle est précédée au XIVe siècle par une barbacane. À la même époque, une véritable entrée est aménagée au sud avec la construction de la porte Saint-Pierre qui est, un siècle plus tard, au XVe siècle, également dotée d’une barbacane. L’enceinte, hérissée de tours, est entourée de fossés que l’on peut encore voir aujourd’hui. Les murailles de la ville se rattachent à l’enceinte du château au niveau de la tour Puchot à l’Ouest et de la tour Mathilde à l’est. Ces deux tours ont été construites au début du XIIIe siècle.

Bourg-le-Roi

La Tour Leroy sur les bords de l’Odon avant la couverture de la rivière en 1860.

Sous Guillaume le Conquérant, la cité au pied du château est également clôturée. D’après les chartes de l’abbaye aux Hommes, créée à cette même époque, les travaux commencent après la conquête de l’Angleterre et sont terminés en 1077. Dans l’une des premières chartes de Saint-Étienne, il est fait notion du bourg « à partir du mur vers l’ouest ». À d’autres endroits, il ne doit s’agir sûrement que d’une levée de terre semble-t-il précédée d’un fossé, puisque qu’un texte de 1083 mentionne une partie du cimetière Saint-Étienne-le-Vieux comme étant « située à l’extérieur du fossé au roi ». Cet ouvrage était peut-être surmonté d’une palissade en bois. La valeur défensive de l’ensemble est toutefois hypothétique. Il semble plutôt qu’il était destiné à délimiter le Bourg-le-Duc des faubourgs placés sous la juridiction des abbayes. Aucune preuve archéologique ou textuelle ne fait d’ailleurs mention d’ouvrages au nord et au sud du bourg ; peut-être la présence de barrière naturelle (le coteau de Bagatelle au nord et la rivière au sud) semble-t-elle suffisante. Le clos enserre la paroisse de Saint-Sauveur, une grande partie des paroisses Notre-Dame, Saint-Étienne et Saint-Pierre et une portion plus congrue des paroisses Saint-Martin et Saint-Julien, la majeure partie de ces dernières étant placées de fait en position de faubourg.

Au début du XIIIe siècle, il est plausible que l’octroi de privilèges communaux soit accompagné d’un renforcement des structures défensives de la cité. Bien qu’aucune source écrite n’accrédite cette thèse, il est probable que les murs est et ouest prennent leur caractère militaire à cette époque. Il ne s’agit probablement que d’une palissade en bois percée de portes. La mention de la porte au Berger en 1245 serait la première référence à ces fortifications. Ce n’est toutefois qu’après la prise de la ville par les Anglais en 1346 que sont entrepris la construction d’une enceinte en pierre, le roi Philippe de Valois donnant des lettres patentes pour que les Caennais reconstruisent les murailles à leur frais. Charles le Sage autorise l’abbesse de la Trinité en 1358 à prélever un impôt supplémentaire afin de financer les travaux de renforcement. Les murs, d’une épaisseur de 6 à 7 pieds, sont surmontés d’un chemin de ronde et flanqués de 32 tours rondes ou carrées, avec plate-forme pour l’artillerie ; le tout étant protégé par des fossés ou par des cours d’eau. Les différents ouvrages sont construits entre 1346 et 1363. Au nord, le nouveau mur précédé d’un fossé abrupte, creusé au pied du coteau, se prolonge jusqu’au douve du château dont il est séparé par un mur. Au sud, les « petits murs », larges d’environ 2,10 m, sont élevés le long de l’Odon et une muraille est érigée entre le pont Saint-Pierre et le mur oriental à l’emplacement de l’actuel chevet de l’église Saint-Pierre. Le mur oriental est également reconstruit, comme l’atteste une source datant de 1409, et précédé d’un fossé. À l’ouest, un nouveau mur est également dressé, légèrement plus proche de l’église Saint-Étienne-le-Vieux que les ouvrages en terre qui l’ont précédé.

Endommagés lors des sièges de la ville en 1417 et en 1450, cet ensemble d’ouvrage est reconstruit. Après la reprise en main de la ville par les Français, le système défensif est remanié par la construction de deux tours rondes protégeant l’angle nord-ouest (tour Chastimoine) et le flanc nord (tour de Silly) de la ville. L’enceinte prend alors sa forme définitive. Les murs semblent avoir été construits rapidement. Des fouilles menées sur le rempart nord en 1970 ont démontré que ce dernier reposait sur des fondations très peu profondes. L’emploi de ces méthodes de construction peu appliquées expliquerait la rapide détérioration des murailles qui durent être reprises dès le XVIe siècle.

Au XVIe siècle, des travaux d’entretien et de réfection sont menés. À la fin des années 1570, la Porte Millet et la Porte au Berger sont réparées. Dans les années 1580, la porte de Bayeux est rénovée et un corps-de-garde est construit pour la protéger. Dans les années 1590, c’est la Porte Saint-Julien qui fait l’objet de travaux.

L’île Saint-Jean

Le nouveau duc de Normandie Robert Courteheuse, fils du Duc Guillaume fait creuser au début du XIIe siècle un canal entre la Noë (petit bras d’eau) et l’Orne. Il fait aussi construire une première muraille à partir de 1102. Afin que la nouvelle rivière artificielle soit toujours en eau, il fait détourner une partie du cours de l’Orne grâce à la construction d’un barrage nommé la Chaussée Ferrée. Saint-Jean devient ainsi une île. Mais ces cours d’eau peuvent être traversés à gué pendant l’été. Ainsi en 1343, en prévision d’une attaque de la ville par les Anglais, une palissade en bois est élevée le long des rivières. Cette enceinte n’empêche pas la prise de la ville par Édouard III. C’est alors qu’est prise la décision d’ériger une ligne de remparts autour de l’ilot. Elle part de la tour au Landais (en face de la tour Leroy, longe le bras de l’Orne jusqu’au sud (actuel quai Vendeuvre) puis repart vers l’ouest vers le canal Robert pour finalement rejoindre les petits près. L’enceinte est relevée après les sièges de 1417 et 1450.

Au Moyen Âge, le port de Caen est aménagé sur les berges de l’Odon, côté Saint-Jean. Il est protégé par la tour Leroy, sur la rive gauche, et par la tour aux Landais, sur la rive droite, reliées entre elle par une chaîne empêchant des navires hostiles de remonter le cours de la rivière.

Les abbayes

L’abbaye aux Hommes et l’abbaye aux Dames sont fondées au milieu du XIe siècle par le couple ducal. Elles sont probablement entourées d’un mur marquant les limites de leurs propriétés et les protégeant des pillards. Toutes les deux ont juridiction sur les faubourgs qui les environnent ; ainsi sont formés le Bourg-l’Abbé autour de Saint-Étienne et le Bourg-l’Abbesse autour de la Trinité et de Saint-Gilles. Pendant la Guerre de Cent Ans, la ville est prise et dévastée à plusieurs reprises ; les abbayes subissent également les assauts des belligérants. L’abbaye aux Dames reçoit en 1359 l’autorisation de collecter une taxe afin de renforcer leurs défenses. L’abbaye aux Hommes est également fortifiée. En février 1433, Henri VIII d’Angleterre, qui occupe la ville depuis 1417, ordonne l’abaissement des murs des bourgs abbatiaux. Les murailles sont en fait conservées, mais les fossés de l’abbaye aux Dames sont comblés.

Les nouvelles fortifications des Petits Près (dite des Tenailles)

Porte Neuve, construite vers 1590 et détruite en 1798.

Les deux ensembles fortifiés de Bourg-le-Roi et de Saint-Jean ne forment pas un ensemble cohérent. Entre les deux agglomérations, un morceau de campagne, les Petits Prés, pénètre jusqu’au cœur de la ville.

Des projets de nouvelles fortifications sont proposées en 1462, puis en 1495. En 1512, Louis II de La Trémoille fait aménager une chaussée surélevée précédée d’un fossé entre la porte de la Boucherie et la porte Saint-Jacques. Charles de Bourgueville décrit le rempart comme comprenant « quatre grandes espaces vuides, soustenues de sommiers et gistes, pour y planter le canon à baterie sur ladicte prairie, contre ceux qui voudroyent assaillir la ville de ceste part-là ». Les deux portes permettant d’accéder à ce boulevard sont également remaniées afin qu’on puisse y faire passer les pièces d’artillerie si besoin.

Le 5 août 1569, un bastion est élevé entre la porte Saint-Étienne et le Grand Odon. Mais ce bastion est mal connu car il est rapidement détruit. Alors qu’une grande partie de la Normandie choisit le camp de la Ligue, Caen choisit de rester fidèle au roi. Elle donne ainsi l’asile aux membres fidèles du Parlement de Normandie. Dans ce contexte, il apparait crucial de renforcer les défenses de la ville. En 1590, les échevins ordonnent la construction d’une nouvelle muraille entre la porte Saint-Étienne et l’île de la Cercle. Ce rempart doit s’appuyer sur deux bastions élevés l’un près de la porte Saint-Étienne, appelé bastion des Jésuites à partir du XVIIe siècle, l’autre dans la Cercle des Jacobins. Les opérations débutent mais sont suspendues pendant plus d’un an. Au milieu du mois de juin 1592 Léonor Chabot-Charny et Odet Goyon de Matignon arrivent à Caen, accompagnés de Jean Errard. Le 7 juillet 1592, Guillaume de Condren, commissaire député par le roi pour les fortifications, présente aux échevins un mémoire sur ce qui lui semblait le plus nécessaire améliorer rapidement les défenses. Ce plan prévoit la construction de trois bastions reliées par une nouvelle muraille : l’un à l’angle de l’Orne et de l’île Saint-Jean, notamment pour défendre Vaucelles ; l’un dans la Cercle et le troisième au sud-ouest du Bourg-le-Roi à l’emplacement de l’ancien bastion Saint-Étienne. Les travaux sont immédiatement lancés. Le cours du Grand-Odon est dévié afin de construire le bastion Saint-Étienne. Une partie de ses eaux sont également divertie vers le nord afin de remplir le fossé préexistant jusqu’au mur qui, en portant un canal, permet au Petit Odon d’entrer dans la ville. Enfin vers le sud, la rivière également relié à un fossé aménagé dans la prairie, peut-être creusé en 1590. Le roi accorde aux échevins des privilèges afin de financer les travaux. Guillaume de Condren, nommé entre temps commissaire général, intendant des réparations et fortifications de la ville de Caen envisage de poursuivre en 1593 les travaux en construisant le bastion prévu face à Vaucelles. Mais les échevins préfèrent se concentrer sur les autres bastions et la nouvelle courtine dite des Tenailles ; au final, cet ouvrage ne sera jamais réalisé. En revanche, les plans initiaux sont modifiés en vue de percer dans la courtine une nouvelle porte, dite neuve ou des Près, permettant d’entrée dans la ville depuis la Prairie. Celle-ci est achevée en 1595. Cette même année commence les travaux du bastion de la Cercle.

Les ressources accordées en décembre 1592 pour trois ans n’étant plus disponibles et le contexte politique étant moins tendu, le chantier est stoppé pendant plusieurs années et l’ouvrage commence à tomber en ruine. À partir de 1598, le centre du bastion de la Cercle, laissé inachevé est occupé par le Champ de foire. Les travaux de la muraille reprennent en 1609 et sont définitivement achevés en 1615. Les travaux du bastions de la foire reprennent en 1616 et ceux du bastion Saint-Étienne en 1617. L’ensemble est terminé en 1620-1621. Les Jésuites sont ainsi autorisés à détruire l’ancienne fortification se trouvant derrière le collège du Mont où ils sont installés.

Le quartier de la place Royale peut alors être aménagé à l’emplacement des Petits Près entre cette courtine et les enceintes de Bourg-le Roi et de l’île Saint-Jean. Cet espace offre ainsi l’avantage de combler le vide entre la paroisse Notre-Dame et la paroisse Saint-Jean en permettant de sécuriser par la même occasion la chaussée Saint-Jacques, voie de circulation permettant de désengorger le Pont Saint-Pierre. La partie des murailles située désormais à l’intérieur de l’espace urbain devient alors obsolète.

En 1432, les Anglais envisagent de détruire certaines fortifications autour de Saint-Étienne et la Trinité puis se ravisent.

La destruction des fortifications commence à la fin du XVIIIe siècle par les Petits murs, rendus obsolètes par la construction de la courtine. La Tour Saint-Jacques et la Porte des Jacobins sont ainsi détruites pour ouvrir la rue de Bernières. Les tours sont utilisées comme prison.

Mais le mouvement s’accélère dans la seconde partie du XVIIIe siècle quand les édiles et les officiers royaux conçoivent de grands plans d’urbanisme pour aérer la cité médiévale. Malgré le rapport du maréchal de camp Louis Le Bègue Duportail qui préconise la remise en état des fortifications, celles-ci sont démolies progressivement. En 1716, les murs le long des quais entre la tour aux Landais et le pont Saint-Pierre sont abattus ; de l’autre côté de cette tour, les murs soutenus par des terrasses sont arasés et le terrain pavé afin d’élargir la rue des quais. Afin d’aménager la place Saint-Pierre et d’améliorer la circulation générale, notamment sur l’axe Paris – Cherbourg, on détruit le Châtelet en 1755 et la Porte Millet, au sud de l’île Saint-Jean, au début des années 1760. Dans les années 1750 encore, l’intendant de la Généralité de Caen, François-Jean Orceau de Fontette, fait raser une partie des remparts vers le Coignet aux Brebis, extrémité ouest de la place Saint-Sauveur, pour aménager la place Fontette et ouvrir une nouvelle voie d’accès à la ville par l’ouest à travers les jardins de l’Abbaye aux Hommes, la rue Guillaume le Conquérant. La porte Saint-Étienne est détruite en 1758. La tour Chastimoine est détruite à la fin des années 1780 pour construire le nouveau Palais de Justice. En 1782, la porte au Berger est démolie. En 1783, la Porte de Bayeux est démolie pour créer la place Saint-Martin et en 1785, la porte Saint-Julien disparait. En 1786, on comble les Fossés Saint-Julien pour les aménager en promenade. Les fortifications des deux abbayes sont également démantelées. On aménage les jardins de l’Abbaye aux Hommes en remblayant le terrain pour créer une grande esplanade. En 1797, il est décidé de combler les fossés de la courtine des Tenailles et en 1798 le principe de la destruction de la porte des Près est adopté.

Les destructions continuent tout au long du XIXe siècle jusque dans la première partie du XXe siècle. En , la porte des Près est démolie. À l’emplacement des anciens fossés de la courtine, est créé l’actuel Boulevard Bertrand. Puis en août 1819, c’est au tour de la porte de la Basse rue d’être démolie ; c’est la dernière porte à avoir été détruite. En 1821, les vestiges de l’enceinte de l’Abbaye aux Dames sont également démolies En 1830, les Tours du Massacre et Malguéant sont également démantelées. En 1922, le Canal Robert est comblé.

Lors de la destruction de l’hospice Saint-Louis au début des années 1920, un pan des murailles demeurant entre l’actuelle place Maréchal-Foch et la place du 36e Régiment d’infanterie est démoli afin de lotir le quartier Saint-Louis. La tour Ès-Morts et la tour Devers-les-Près font l’objet d’un classement au titre des Monuments Historiques en 1921 et sont conservées. Mais en 1926, la tour Devers-les-Morts, dans un état de délabrement trop avancé, est radiée de la liste des monuments historiques. La tour Ès-Morts quant à elle est détruite pendant les bombardements de la bataille de Caen.

Les portes

Plan de l’abbaye aux Hommes, extrait du Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle, par Eugène Viollet-Le-Duc, 1856.

Le Châtelet par Georges Bouet.

Les quatre premières portes de la ville sont la porte Milet (mentionnée en 1175), la porte du marché, la porte Calibourg (mentionnée en 1247) et la porte au Berger.

Plusieurs portes permettaient d’entrée dans la ville :

  • Porte du Pont de Darnetal ou Pont Saint-Pierre (fortifié par le Châtelet),
  • Porte de la Boucherie ou Notre-Dame (dans l’actuelle rue de Strasbourg),
  • Porte Saint-Étienne (à proximité de l’église Saint-Étienne-le-Vieux),
  • Porte Arthur ou au Duc,
  • Porte Saint-Martin, du Marché, de Bayeux, Pémagnie (vers le Bessin ou la Bretagne) ou Baudry (sur l’actuelle place Saint-Martin),
  • Porte Saint-Julien, Calibort ou Vilaine,
  • Porte au Berger,
  • Porte du Bac, Saint-Malo ou Saint-Gilles (donnant accès au port),
  • Porte Millet (entre l’île Saint-Jean et Vaucelles),
  • Porte des Prés (sur la courtine construite en 1590, du côté ouest de l’actuelle place Gambetta).

Plusieurs portes, de moindre importance, furent provisoirement construites sur les enceintes de la ville :

  • Porte du Moulin (au bout de la rue Hamon sur l’actuel boulevard Maréchal-Leclerc),
  • Porte des Jacobins (vers le théâtre),
  • Porte de l’île Renaud (vers la Porte Saint-Étienne),
  • Porte des Mineurs (vers l’actuelle clinique de la Miséricorde, anciennement couvent des Cordeliers).

Les tours

Tour Machart au début du 19e (François-Gabriel-Théodore Basset de Jolimont).

Les enceintes étaient hérissées d’une vingtaine de tours dont on connait le nom des principales :

  • Tour Leroy,
  • Tour aux Landais, reliée à la précédente par une chaîne pour protéger l’accès au port,
  • Tour Lebaski à l’extrémité de la rue Neuve-Saint-Jean,
  • Tour Machard ou au Massacre, vers l’angle sud-ouest de la place d’armes,
  • Tour Malguéant ou des Moulins de l’Hôtel-Dieu de Caen à proximité de la Porte Millet,
  • Tour-ès-Morts, vers l’angle entre la promenade de Sévigné et le cours de Gaulle (rue Paul Toutain),
  • Tour Anzeray,
  • Tour Pendant,
  • Tour Saint-Jacques,
  • Tour de la Boucherie ou Meritain,
  • Tour Lourirette,
  • Tour Chastimoine,
  • Tour Silly ou des Cordeliers,
  • Tour Puchot, à l’angle nord-ouest du Château pour protéger la Porte Saint-Julien,
  • Tour de la Reine Mathilde, à l’angle sud-est du Château de Caen.

Plan des fortifications de la ville et du château dessiné vers 1695-1713.

Plan de Caen daté de 1705.

Ouvrages de référence

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