Prenons de la hauteur...
Si les désignations cadastrales « Mont » ne manquent pas dans le secteur, on cherche en vain les sept promontoires caractérisés qui ont pu baptiser le village. Septmen Montibus lit-on ,sur le texte de 1140, le plus ancien qui est connu, si bien qu’avec raison, l’étymologie Hivet proposait l’interprétation Septus Montibus qui veut dire : lieu entouré de montagnes. Jusqu’à présent, aucune découverte archéologique n’est venue établir l’antiquité du lieu ; on ignore même l’époque précise où les évêques de Soissons vinrent s’y imposer.
Le manque de textes n’a pas embarrassé les auteurs des XVIIIe et XIXe siècles, ils ont brodé des légendes comme celle par laquelle saint Prince, l’évêque frère de saint Remy, aurait reçu des grands biens, de Clovis, et aurait légué Septmonts à ses successeurs.
Le nom n’apparaît que plus tard, dans le légendaire des miracles de saint Grégoire. On vénérait à l’abbaye de Saint-Médard les reliques de ce saint que l’on invoquait au moment des épidémies. Le fléau du « mal des ardents » gagna Septmonts, sa population, curé en tête vint au monastère, pria, but à une certaine coupe miraculeuse et rapporta de ce breuvage bénit pour en asperger ses maisons et ses biens. Cette sorte de peste sévissait vers 1139, sous l’épiscopat de l’évêque Gosselin.
Le château
Visite archéologique et étapes de construction.
Étapes de construction
Jacques de Bazoches (1219-1242), le constructeur que l’on accepte, dédaigna placer la forteresse sur les hauteurs voisines, il l’a voulut au centre du village, dans la cuve.
Le plan de cette oeuvre primitive nous échappe car il n’en subsiste que trop peu de vestiges, qui consistent dans la partie basse d’une tour à bec incorporée au glacis du donjon et des pans de murailles noyés dans les débris de locaux entre la tour carrée et la salle Saint-Louis.
Des additions furent apportées à ce fort, leurs vestiges se voient dans la courtine ouest et dans les restes d’une première campagne du XIVe siècle, celle du logis Saint-Louis. Aux trois quarts du XIVe siècle, on décida la reconstruction complète du château. Le tracé de l’enceinte date de ce moment.
Pour des motifs inconnus, le front Est fut transporté en retraite, de ce fait, la « salle Saint-Louis » se trouvant en dehors, il fut nécessaire pour la protéger de l’enfermer dans une « chemise » ou bastion avancé.
L’enceinte fortifiée
Elle forme une sorte de trapèze de 385 mètres de périmètre dont les grands côtés ont en moyenne 115 mètres et les petits 80. Les murs prenaient pied dans de larges fossés, encore conservés sur les côtés Nord et Est. Le donjon fut placé à cheval sur la muraille à l’angle Nord-Est de manière à commander en éventail la vaste cour, les locaux d’habitation s’appuyant contre la courtine Est, entre la salle Saint-Louis et la tour carrée. Trois des côtés, ceux du Nord, de l’Est et de l’Ouest exactement rectilignes, sont l’oeuvre de cette ultime campagne de travaux au cours de laquelle le côté du couchant n’a pas été régularisé.
Douves et château côté Est
Cour intérieure, côté Ouest. Restitution C. Truchy.
La tour carrée
Elle est en réalité semi-ronde à l’extérieur. C’est son aspect intra-muros qui l’a ainsi fait baptiser ; de ce côté elle déborde de la courtine par deux redans qui augmentent ses capacités défensives par flanquements. Cette tour qui était entièrement préposée à la défense était à trois étages munis d’archères et desservis par un escalier à vis logé dans un des redans.
Le rez-de-chaussée et le premier étage sont seuls voûtés (en calotte). Le troisième communiquait avec les chemins de ronde ; la terrasse enfin est ceinturée de mâchicoulis.
Cette propriété fut détachée du château en faveur de Mme Brunaux née Juvigny, dont le gendre Tangre, contemporain des travaux de Leman, tint lui aussi à rénover son héritage. Sans grand souci archéologique, il redressa une partie du dernier étage et le surmonta d’un belvédère carré. Ces arrangements disparurent à partir de 1925 pour faire place à une restauration plus complète mais tout aussi originale. Ce fut Miss Gleason Kate (fille de l’inventeur de l’engrenage de ce nom) qui la réalisa, elle rendit toutes les pièces habitables, avec confort d’ascenseur ! Les hostilités de 1940 sont venues interrompre dans la propriété, la création d’autres édicules au caractère gothique américain.
Le donjon
C’est le morceau capital de l’oeuvre de Simon de Bucy. Sa silhouette étonnait nos devanciers :
« Ce n’est point une de ces masses cylindriques qui semblent écraser de leur poids la terre, comme la puissance des barons, qui y résidaient, écrasait les malheureux vassaux. Sa forme élégante et svelte lui donne un air de coquetterie, bien étrange pour une tour féodale. C’est qu’elle n’était pas construite pour l’oppression. Loin de peser sur la terre, elle semble n’y poser le pied, comme sur un point d’appui, que pour s’élancer dans les cieux, légère, gracieuse et noble, comme si son ingénieux auteur eût voulu lui faire indiquer la dernière et véritable patrie de ceux qui l’habitent… »
N’en déplaise à Godelle, le génial constructeur n’ambitionna que l’érection d’un ouvrage militaire et la coquetterie qu’il apporta ne découlait que du perfectionnement de l’architecture à la fin du XIVe siècle.
La comparaison des donjons de cette époque déconcerte, tant leur variété est grande ; et même si l’on ne quitte pas les frontières septentrionales de l’Île-de-France où, écartant Pierrefonds et La Ferté-Milon (parce qu’ils sont ouvrages princiers), il nous reste Droizy, Vez, Crouy-sur-Ourcq et Saint-Nicolas-aux-Bois.
À Septmonts, le maître d’oeuvre a résisté au renouveau de la tour sur plan oblong ; il conserve le cercle cher au XIIIe siècle, mais dans la section incluse dans l’enceinte ; il boursoufle le cercle, en étire des appendices et superpose des ouvrages. En le faisant, ce maître, qui est aussi celui de l’encorbellement, excelle à fondre ses éléments dans une unité d’oeuvre et à équilibrer ses volumes. Ce qu’il réalise est un ensemble de grande originalité qui fait impression, sans cesser d’être majestueux et puissant. La plume compétente de M. Ritter a qualifié ce donjon d’admirable et en a souligné les mérites :
« Grâce à la perfection de son appareil, à la fermeté de ses lignes dont les courbes et les angles attestent une science architectonique inégalable au service d’un goût sans défaut, grâce aussi au fini du moindre de ses détails, le donjon mérite d’être tenu pour le type même des ouvrages similaires de cette époque »
La coquetterie qu’on a cru remarquer n’est en réalité qu’affectation, ce qui y étonne a simplement été commandé pour des raisons tendant à améliorer des capacités d’habitat, de défense et aussi d’hygiène. Épris de nouveauté, le maçon ne rejette pas toutes les traditions, c’est ainsi qu’il voulut un donjon isolé et lui conserva son rôle d’ultime réduit défensif.
Menacé dans son logis près de la tour carrée, le maître pénétrait dans la galerie couverte du chemin de ronde, il en franchissait les 18 mètres et trouvait asile dans ses appartements du donjon où ses quartiers étaient indépendants de ceux de la défense.
Le nom du maître d’oeuvre n’est pas connu, mais ses principes s’accordent assez avec ceux de ses collègues au service du duc d’Anjou et surtout du duc de Berry dont le chef-d’oeuvre était Mehun-sur-Yèvre (1370).
L’extérieur
Le donjon, circulaire au dehors de l’enceinte, baigne son glacis dans les douves qu’une source alimente.
Du côté intérieur, il s’accole depuis sa base d’une semi-tourelle dont la vis interne est continue jusqu’au sommet. Contre elle s’appuie le saillant carré des latrines. À partir du premier étage et jusqu’au niveau du troisième, le plan passe à celui d’une sorte de trèfle, dont la tierce feuille est portée sur encorbellement. Au-dessus, la tour, cette fois en retrait et circulaire, n’est accolée que de la tourelle à vis qui s’exhausse en guette jusqu’à la hauteur de 43 mètres. Le sommet du donjon supporte les quatre massifs qui ventilent tous les conduits de fumée.
Le rez-de-chaussée, le premier et le second étage étaient réservés à l’habitation seigneuriale. Tous le dessus, qui prend au niveau du chemin de ronde était abandonné à la garnison. Le matériau a été fourni par la carrière l’Évêque, une particularité technique est à signaler : l’absence de marques de tâcherons dont l’usage est fréquent dans les grandes bâtisses contemporaines.
Au pied et à gauche du donjon se trouve la base d’une tourelle à éperon, vestige du XIIIe siècle que l’on souda à l’oeuvre de la fin du XIVe siècle. Une entrée moderne montre son intérieur étroit voûté d’ogives.
Près d’elle est la descente de cave. La cave se trouve au coeur des fondations du donjon, mais ne communique qu’avec la cour : salle de 5 mètres par 4,40 mètres, aérée par un soupirail et voûtée sous quatre branches d’ogives reposant sur des culots.
Par l’unique porte d’origine du donjon on pénètre dans un réduit où se trouvent trois seuils : de l’escalier à vis, des latrines (ici placées au-dessus de leurs fosses profondes) et celui de l’appartement du rez-de-chaussée.
Le logis renaissance
Monseigneur de Roucy entreprit la construction, dans l’enceinte fortifiée, d’une nouvelle maison de style Renaissance au XVIe siècle. Elle fut achevée par Jérôme de Hennequin et Simon Legras au XVIIIe siècle.
Une gravure de Tavernier a fixé l’aspect de la seule partie qui était habitable à la veille de la Révolution. C’est celle que transforma M. Leman, peintre épris du site qui racheta l’ensemble en 1864, en s’attachant de n’en pas dénaturer la physionomie extérieure.
D’aucunes croisées de pierre paraissent anciennes, leurs moulures et culots prismatiques dénotent que le gros oeuvre appartient au début du XVIe siècle. Décamps d’ailleurs avait noté là un blason qui est celui de Symphorien de Bullioud (1533). Le rez-de-chaussée ne comprenait que des offices et celliers, l’habitation se trouvait à l’étage. Le pavillon avait été habillé à une époque qui doit correspondre à celle de l’épiscopat de Jérôme Hennequin (1585-1619), on lui avait appliqué un avant-corps de logis précédé d’un perron avec escalier en fer à cheval.
Entrée, aujourd’hui détruite, du château et pavillon Renaissance, vers 1780.
Cet avant-corps se voit toujours, surmonté d’un fronton à niche. Sous sa corniche et dans un cartouche ornementé, on lit deux sentences latines. Voici la première :
« Quisquis hunc spectas domum, cogita ad alias aeternatis aedes tibi migrandum » (Vous qui examinez cette maison, pensez aux édifices de l’éternité, où vous devez arriver un jour).
Cette recommandation, gravée sur le bâtiment qui va périr exhale un accent plus persuasif que jamais. Hugo a pu le retenir qui, à Hauteville-House inscrira celle-ci : « Habitant des demeures périssables, pense à la demeure éternelle ».
Leman avait vidé et renouvelé l’intérieur de ce petit pavillon. Par caprice de symétrie, il lui avait ajouté un autre avant-corps et converti une portion du rempart attenant en terrasse à balsutrade.
Antoinette Leininger, artiste lyrique, qui lui succéda en 1877, acheva son oeuvre et fit sculpter son chiffre sur le fronton de la lucarne. Ces initiales de la seule personnalité féminine qui s’inséra dans la chronique austère du château, surplombent aujourd’hui les ruines du logis Renaissance, car les bombardements de 1918 n’ont pas épargné les lieux.
Elle épousa le baron Daniel d’Ezpeleta, décédé au château de Septmonts le 12 février 1924 à l’âge de 80 ans. Devenue baronne par son mariage et vieillie, la châtelaine s’éteignit en 1929. Les litiges de sa succession, qui se sont poursuivis durant des dizaines d’années, n’ont pas été sans promouvoir l’abandon total des lieux et la ruine de ce qui pouvait être réparé.
Ainsi, plus d’un demi siècle s’écoula jusqu’à la création en 1970, sous l’impulsion de René Lucot, de l’Association des Amis de Septmonts, laquelle en outre tenait à assurer la protection de la secrète vallée de la Crise contre le modernisme extravagant.
Locataire moyennant le franc symbolique, l’Association, à force d’efforts et d’appels au bénévolat, a entrepris de tirer le domaine de l’anéantissement et de l’oubli : elle a effectué le débroussaillage, de multiples travaux de réparation et d’entretien qu’il était urgent d’aborder. Elle a aussi ouvert à tous l’accès du monument prestigieux et a lutté pour l’arracher à la spéculation immobilière.
Enfin, depuis 1978, la commune de Septmonts, aidée par le Conseil Général du département, s’est rendue propriétaire du domaine. La besogne de remise en valeur n’en reste pas moins à poursuivre, mais un grand pas est fait : le donjon victorieux des années, des conflits et des abandons pourra dans l’harmonie et le pittoresque de son environnement protégé, exhiber à ses visiteurs le talent d’un génial architecte et la puissance féodale de l’évêché de Soissons aux temps médiévaux.
Les évêques et le château primitif
Gosselin de Vierzy fut un des plus remarquables pontifes de Soissons, un grand fondateur d’abbayes, ami de Suger et correspondant de saint Bernard. Il est le premier à entrer dans la chronique de Septmonts, il y reçut Mathilde de La Ferté-sous-Jouarre, venue pour mettre au point des affaires de l’abbaye Notre-Dame. Il y confirma aussi une donation du comte de Soissons à l’abbaye de Braine en 1140. La féodalité était alors bien en place, tous les évêques possédaient des maisons de campagne qui deviendront des châteaux. Gosselin lui-même avait conscience de sa noblesse, c’est lui, le premier, qui s’érigea en suzerain du comté de Soissons.
L’évêché de Soissons jouissait d’importantes prérogatives sous l’ancien régime, son titulaire n’était pas des six pairs ecclésiastiques parce qu’il n’était pas seigneur de sa cité, mais en rang hiérarchique dans la province de huit puis onze évêchés, il venait le premier à la suite de l’archevêque de Reims, et à ce titre il se qualifiait de doyen et premier suffragant. C’est lui qui consacrait le métropolitain et l’inhumait. Il présidait aux assemblées, en l’absence de l’archevêque, et, en pareille occasion, il était appelé à sacrer les rois.
Au sacre de Reims, l’évêque de Soissons remplissait la fonction éminente de diacre, c’est lui qui lisait l’Évangile et ensuite le remettait à baiser au souverain.
Sous le rapport féodal, l’évêque avait pleine seigneurie sur Septmonts, Belleu, Noyant et Rozières, villages se tenant. C’est Septmonts qui fut choisi pour être le siège de sa suprématie ; là ses nombreux vassaux viendront lui rendre hommage. Quatre parmi les plus importants, et détenteurs de forts châteaux étaient dit les « casés de l’évêché » : le comte de Soissons et les seigneurs de Pierrefonds, Montmirail et Bazoches.
Les devoirs et les bons rapports entre féodaux se rendaient de manière patriarcale. Voici les usages curieux qui se pratiquaient lors de la première entrée solennelle d’un évêque à Soissons : le maréchal (titulaire d’un fief à Cuffies) avait pour lui le cheval du prélat ; le pannetier (fieffé de Romeny) avait les linges et nappes qui avaient servi au festin ; le bouteiller qui avait son fief à Septmonts et Noyant retenait la coupe du maître et les vins qu’on lui avait offerts. Ce jour-là, les quatre « casés » avaient un rôle qui put paraître flatteur à ses débuts, il leur incombait de porter sur leurs épaules, depuis la porte de la ville et jusque dans la cathédrale, la chaire dans laquelle leur seigneur était confortablement assis.
Nivelon de Cherizy, grand prélat des temps héroïques, vedette de la croisade de Constantinople, signa son passage à Septmonts en 1177 ; il y aurait, de plus, reçu Philippe Auguste au retour de son sacre en 1180.
C’est à ce moment que l’affaire du « droit de gîte » apparaît. Les rois s’arrogeaient le droit de se faire héberger avec leur suite dans des établissements religieux. Le cas se produisant, l’évêque dirigeait la cavalcade au château de Septmonts mais la réception n’en était pas moins coûteuse. L’occasion se présenta à Nivelon d’espérer libérer l’évêché de cette sujétion : le roi désirait acquérir la seigneurie de Pierrefonds (1185), l’un des vendeurs était précisément Nivelon. L’on convint dans le traité que l’évêché faisait abandon de ses droits suzerains, moyennant quoi le roi renonçait à son droit de gîte. Cette clause ne sera pas toujours respectée. Les rois, en effet, joindront Pierrefonds au domaine du Valois qu’ils donneront en apanage, les apanagistes ne rendront aucun devoir de vassalité envers Soissons, tandis que les rois maintenant dessaisis de Pierrefonds, prétendront recouvrer leur usage de gîte, d’où les récriminations intermittentes des prélats frustrés.
Haymard de Provins, l’évêque constructeur du choeur de la cathédrale de Soissons, séjournait « en sa maison » de Septmonts en 1218, peu de temps avant d’abandonner la crosse à Jacques de Bazoches. Avec ce dernier, l’évêché allait devenir bénéfice familial comme il l’avait été pour la maison de Pierrefonds. Jacques était d’excellente famille, il avait sous les yeux les récentes réalisations d’architecture militaire de ses diocésains de Bazoches, Braine, Passy-en-Valois et La Ferté-Milon, il résolut de suivre l’exemple à Septmonts.
La structure de ce château (dont Dormay a lu la preuve) n’est pas connue, les infimes vestiges qu’on en devine ne permettent même pas d’en restituer le plan.
Le grand honneur qu’eut l’évêque fut de sacrer Louis IX en 1226, et la tradition a toujours assuré que c’est à Septmonts qu’il le reçut, avec sa mère, Blanche de Castille, et la Cour.
Jacques mourut en 1242, son petit-neveu Milon de Bazoches (66e év.) sacra encore Philippe-le-Hardi en 1271 en l’absence d’archevêque. Il légua au Chapitre cathédral du bien propre qu’il avait à Septmonts, pour le remède de l’âme de son oncle et prédécesseur : Nivelon de Bazoches.
Gérard de Courtonne (69e év.) reçut à Septmonts en 1316 Philippe-le-Long revenant du sacre, mais il lui fit signer une déclaration que le gîte qu’il prenait était sans conséquence pour l’avenir.
Pierre de Chappes (70e év.) signa ici un acte en 1337, il avait eu la hardiesse deux ans auparavant d’adresser au roi une sommation respectueuse de lui envoyer au titre de Pierrefonds, un chevalier pour le porter à son entrée solennelle. Le conflit du gîte était lancinant.
Le château neuf et la Guerre de Cent Ans
Simon de Bucy, jeune encore, fut élu évêque de Soissons (le 72e) en 1362. Il était d’une famille locale fort attachée à Bucy-le-Long ; fils d’un premier président au parlement, personnage politique de ces temps troubles, parent d’un défunt évêque de Paris bienfaiteur de Notre-Dame, parent encore d’un autre Simon de Bucy qui viendra plus tard, qu’on dira fils de Louis XII et qui sera archevêque de Bourges.
Tout au long de son épiscopat de quarante-deux ans, Simon fut un prélat sage, on ne voit pas qu’il ait été d’humeur guerrière, et cependant c’est le constructeur de la nouvelle forteresse de Septmonts.
Il faut considérer qu’on était au temps des désordres et de l’invasion. Le pays était infesté de gens de guerre, qui, d’un parti ou d’un autre, saccageaient et vivaient de pillages et de rançons. Les ruines et la misère étaient générales, les villages surtout se dépeuplaient et les terres allaient à la friche. Tout cela explique l’entreprise générale de fortifications du quatrième quart du XIVe siècle, celle des abbayes et de leurs fermes, des châteaux de Droizy, Berzy, Vez, Pierrefonds et La Ferté-Milon.
À Septmonts, les travaux furent radicaux, la vieille enceinte fut renversée, seul le logis plus récent, dit de « Saint-Louis », fut conservé. L’évêque oeuvrait pour sa sécurité, et aussi pour celle de ses sujets à qui la vaste cour pouvait servir d’asile.
On a la bonne fortune de posséder encore le texte du dénombrement des biens de l’évêché, fourni par Simon de Bucy en 1373. Cette pièce qui énumère une multitude de fiefs et d’arrières-fiefs montre le revenu confortable dont disposait le seigneur-évêque. À Septmonts, outre son « hostel », il y possède pour son confort et ses plaisirs, 1 jardin, 2 clos de vigne, 5 viviers, 1 garenne. Il a la ferme de la Carrière, le moulin, le four, la grange aux dîmes. Il jouissait des droits seigneuriaux et de justice, des dîmes, vinages, tailles et corvées. Huit fiefs y relevaient directement de lui, ils étaient détenus par d’aucuns de ses commenssaux, clercs ou écuyers.
C’est le 28 janvier 1404 qu’à « Septmonts, dans la chambre d’apparat de la maison épiscopale, près de la chapelle », révérend père en Dieu, Mgr Simon de Bucy rédigea son testament. Il ne survécut que huit mois à cet acte et trépassa le 14 octobre.
Quel fut le destin du château dans la suite de la guerre de Cent-Ans, de quels événements fut-il le théâtre ? C’est ce qu’il est impossible de dire. La France est déchirée par les partis, la plume tombe de la main des annalistes, la chronique des évêques du temps est restée dans l’ombre. Tout juste voit-on le prélat contemporain de Jeanne d’Arc, Renaud des Fontaines, tout acquis à la cause bourguignonne, reparaître à Septmonts en 1439 ; il y est encore le 25 août 1442 et y meurt quelques jours après.
On connaît deux lettre, datées de 1416 et 1417, de l’évêque Nicolas Graibert, qui s’obstinait à s’enfermer dans son château, par crainte des gens de guerre, et s’excusait de ne pouvoir venir prendre possession de sa cathédrale et rendre ses devoirs. Des lettres parentes du roi, en 1448, donnaient satisfaction à l’évêque Jean Milet, qui lui avait exposé l’état lamentable du pays soissonnais après les ravages des guerres, dégâts notamment à Septmonts, « séjour assez ordinaire des évêques ».