Placée sur la via Agrippa, l’essor de Noyon débute à la préiode gallo-romaine. Limitée à une dizaine d’hectares dans un premier temps, la ville est vite délimitée par un castrum de 2,5 hectares fin IIIe – début IVe siècle. Deux siècles plus tard, en 531, saint Médard, évêque de Vermand, déplace l’évêché de Saint-Quentin à Noyon suscitant l’implantation d’une première cathédrale dans le castrum. Au siècle suivant, saint Éloi, conseiller de Dagobert, est fait évêque de 640 à 665. Il conforte la fondation de Médard en créant une école épiscopale. À la période carolingienne, la ville garde les faveurs de la dynastie régnante : en 768, Charlemagne est couronnée roi de Neustrie dans la cathédrale. Deux siècles plus tard, la ville n’aura pas perdu son attrait : le 3 juillet 987 Hugues le Grand, dit Capet y est sacré roi.

Noyon et ses évêques restent durant tout le Moyen Âge de fidèles et proches serviteurs des capétiens : l’évêque Simon de Vermandois, qui bâtira la cathédrale du XIIe siècle, est cousin de Louis VI ; Etienne sera l’ambassadeur de Philippe Auguste auprès du roi du Danemark pour solliciter la main de sa fille, Ingeburge ; Pierre Ier n’est autre que le fils de Philippe Auguste… Cette intimité des évêques avec la couronne n’exclue pas une politique épiscopale destinée à agréger les pouvoirs militaires, civils et judiciaires. L’évêque-comte, par ailleurs devenu Pair de France, impose ainsi, de siècle en siècle, la marque par excellence de son pouvoir : la cathédrale.

Les cathédrales antérieures au XIIe siècle

Ce sont les textes qui nous renseignent sur les édifices antérieurs à l’actuelle cathédrale. Trois églises se sont succédées depuis le premier édifice bâti vers 532 après que Saint Médard eut déplacé le siège de l’évêché à Noyon. Cette première église cathédrale, probablement située près du mur oriental du castrum, est altérée lors de l’incendie de 676 et remplacée par un nouveau monument, peut-être celui qui reçut la sépulture de Chilpéric et dans lequel se déroula le couronnement de Charlemagne. Sur l’emplacement de cette église, ruinée par les incursions normandes de 859, fut élevée la cathédrale carolingienne mentionnée en 932 dans les Annales de Flodoard. De ces édifices nous ne connaissons rien. ni les fouilles réalisées en 1920, ni les textes nous instruisent sur ces monuments successifs. Tout au plus pouvons nous tirer quelques conclusions sur leur emplacement dans l’enceinte. Il semblerait en effet que ces cathédrales aient été adossées à la muraille comme permet de le supposer un épisode de 932, qui nous apprend que l’on pouvait entrer dans le castrum en passant par une fenêtre d’église. Par ailleurs, la cathédrale actuelle, par le choix de ses espaces, notamment un transept à extrémité hémicylindrique et un transept de façade, ainsi que le parti de son élévation à empilement de niveaux percés de baies en plein cintre, semble témoigner de la reproduction, dans l’édifice gothique, d’écritures, d’espaces et de volumes inspirés de la cathédrale carolingienne. La mentalité médiévale est tout à fait favorable à cette démarche de reproduction de formes et de volumes anciens dans l’oeuvre nouvelle et cela pour deux raisons : une raison liturgique d’une part et une raison symbolique d’autre part.

La liturgie conditionne les faits et gestes des ecclésiastiques. L’espace est par conséquent conçu selon une liturgie à la fois universelle et propre à chaque communauté en ce qu’elle insuffle des variantes – rituel lié aux cultes des saints locaux notamment – dans les grands temps liturgiques. Les espaces sont ainsi investis de manière codifiée par les chanoines selon une répartition stricte faite de marges et de transitions visuelles. Il était inconvenable de rompre avec ces habitudes spatiales en rapport avec les termes de la liturgie. D’autre part, du point de vue symbolique, il était tout aussi inconvenable de créer un monument – en l’occurrence l’actuelle cathédrale gothique – fait d’espaces et de formes inédits ; au contraire, l’oeuvre n’avait de légitimité qu’à condition de s’inscrire dans la continuité du passé. À cet égard, en reproduisant des volumes et des espaces anciens, les commanditaires ne faisaient que légitimer la nouvelle cathédrale en la plaçant dans la continuité historique. Ainsi, la cathédrale carolingienne vit toujours dans la cathédrale actuelle.

La cathédrale des XIIe et XIIIe siècle

Au début du XIIe siècle, après qu’un incendie altéra la cathédrale carolingienne en 1131, l’évêque Simon de Vermandois entreprit la construction d’un nouvel édifice.

Le chantier débutera par le chevet vers 1145-1150.. une fois ce dernier achevé, aux alentours de 1170, il fut procédé à la destruction des remparts, puis à celle, progressive, de la vieille église ; vinrent ensuite la construction du transept vers 1170-1185, celle de la chapelle épiscopale, vers 1160-1170, et de la nef gothique -vers 1185- jusqu’à son portail dans les années 1230. Des chantiers annexes furent engagés, notamment la reconstruction du palais épiscopal et du cloître des chanoines entre le XIIe et le XIIIe siècle. De nouveaux espaces furent ensuite créés, entre le XIVe siècle et l’âge classique, avec l’implantation de chapelles le long de la cathédrale et l’érection de la Librairie durant la première décennie du XVIe siècle.

Architecture

La cathédrale de Noyon est bâtie sur un plan en croix latine.

Le chevet est composé de trois travées rectangulaires et d’un rond-point semi-circulaire. Il est entouré d’un bas-côté et d’un déambulatoire, autour desquels sont construits deux tours carrées, quatre chapelles rectangulaires et cinq chapelles rayonnantes semi-circulaires.

Les deux bras du transept se terminent en abside, ce qui constitue la principale originalité de l’édifice. Ils répètent le même modèle que le chevet, mais sans bas-côté, déambulatoire ni chapelles, ce qui donne au visiteur l’impression d’une version plus réduite.

Les bâtisseurs de la nef ont donné au vaisseau principal un système de voûtement assez particulier : au sol, les supports alternent pile forte et pile faible, ce qui semble appeler une voûte d’ogives sexpartites, comme à la cathédrale de Sens. Cependant, les maîtres maçons ont construit une voûte quadripartite, ce qui a intrigué les chercheurs.

La façade ouest comporte un porche à trois portes ajouté au XIVe siècle, et deux tours qui n’ont jamais été terminées, leurs portions les plus hautes datant du XIIIe siècle ; ses motifs décoratifs ont été grandement abîmés.

L’élévation de la nef comme celle du chœur est à quatre niveaux : grandes arcades, tribunes, triforium qui prend la forme d’arcatures aveugles et fenêtres hautes. Ces arcatures aveugles « étaient ornées de couleurs : elles étaient sources de lumières autant qu’un vitrail tant par la nature lumineuse du matériau que par la représentation des saints et des anges » qui composaient une couronne céleste autour du sanctuaire.

Sur les bas-côtés nord de la nef s’ouvrent six chapelles latérales, sur le bas-côté sud, elles sont au nombre de trois et beaucoup plus vastes. Les arcs-boutants de la cathédrale furent reconstruits au XVIIIe siècle.

La façade

Le soubassement du massif occidental de la cathédrale de Noyon est bâti en pierre calcaire, et non pas en grès comme dans les autres parties de la cathédrale. L’ensemble est aussi large que la nef de la cathédrale, et occupe l’espace d’une travée. La façade est précédée vers le parvis d’un porche à trois arcades, fermé par un mur épais sur les côtés. Initialement, le mur occidental de ce porche était plat, mais deux contreforts ont été ajoutés, entre les arcades, au XIVe siècle. Derrière ces arcades, trois portails subsistent à l’état de fragments. Ils ont été détériorés lors de la Révolution française. Un tapis de motifs floraux couvre les parties basses des ébrasements et des trumeaux, ainsi que les linteaux. Les statues d’ébrasement sont perdues. Le portail central représentait le Jugement dernier. L’ensemble était proche des portails de la cathédrale d’Amiens, réalisés vers 1225-1235. On peut en déduire une production dans les années 1230-1235.

Au deuxième niveau, au-dessus des portails, en retrait des arcades du porche, deux triplets de fenêtres de même taille en plein cintre, prises dans un arc brisé encadrent un troisième triplet qui diffère des deux autres par la taille plus élevée de la baie du milieu. Ce triplet central a été modifié après l’incendie de 1293 : il pouvait y avoir auparavant à cet endroit une fenêtre tripartite ou bien une rose.

Au troisième niveau, une galerie à arcades court le long de la façade, ouverte par six fines arcades dans chacune des trois divisions latérales et centrale.

Au-dessus, la tour sud garde son apparence d’origine : trois hautes arcatures brisées ouvrent chacune des quatre faces. La tour nord a été quant à elle remaniée ultérieurement. Elle est ouverte par deux baies de deux lancettes surmontées d’une rose sur chaque face. À l’angle nord-ouest de la tour sud, un départ d’arc laisse imaginer qu’une série d’arcatures avait été prévue en guise d’écran entre les deux tours.

Le chevet

La construction de la cathédrale a commencé par le chevet. À l’extérieur de celui-ci, un soubassement de grès a un contour qui n’est pas celui de la cathédrale actuelle. Il pourrait s’agir des traces d’un premier projet de reconstruction après l’incendie de 1131, lancé par l’évêque Simon de Vermandois. Au-dessus s’élève l’édifice actuel, caractéristique des premières années du gothique. Une ceinture de cinq chapelles rayonnantes entoure le chevet. Chacune de ces chapelles a deux fenêtres, qui sont séparées, à l’extérieur, par un contrefort colonne. Entre les chapelles naissent des arcs-boutants qui soutiennent, au deuxième niveau, le mur extérieur des tribunes. Deux baies ouvrent ce mur dans chaque espace entre les arcs-boutants ; ces baies sont séparées par un contrefort colonne, sur le même modèle qu’au niveau inférieur. Encore au-dessus se dresse le haut chœur. Initialement, il n’était pas soutenu extérieurement, mais des arcs-boutants ont été ajoutés au XVIIIe siècle, ce qui a modifié la silhouette générale du chevet. La toiture à très forte pente a été reconstruite après la Première Guerre mondiale, sur le modèle de celle qui avait été construite au XIVe siècle, après l’incendie de 1293. Les parements et les pierres moulurées ont quant à eux été très refaits lors des restaurations du XIXe siècle, puis des années qui ont suivi la Première Guerre mondiale, ce qui donne un aspect un peu dur aux moulurations.

Le choeur

Lorsque Simon de Vermandois entreprit une nouvelle cathédrale il se heurta à un problème de place. Il fut décidé d’implanter le nouveau chevet en dehors de la ville, dans les fossés qui bordaient les remparts disposés à l’emplacement du transept actuel. Le chantier commença ainsi en dehors de la cité. Si ce parti avait pour intérêt de permettre l’érection d’une plus grande cathédrale, il favorisait également la liturgie : pendant que la construction progressait à l’extérieur, les chanoines, derrière les remparts, dans la vieille cathédrale, continuaient à donner le culte. Toutefois, bâtir dans les fossés imposait des fondations destinées à rattraper le dénivelé de terrain entre le sol de la ville et celui des extérieurs, en contrebas. Une épaisse fondation en pierre de grés, de cinq mètres de hauteur, fut donc jetée. De plan alvéolaire, elle annonce le tracé de la superstructure.

La nef

La nef est constituée de onze travées, incluant celle de la façade ouest, qui à l’intérieur forme une sorte de petit transept. Son élévation est à quatre niveaux : grandes arcades s’ouvrant sur les collatéraux nord et sud, tribunes, triforium et fenêtres hautes.

L’arc en plein cintre a été maintenu dans les deux niveaux supérieurs, c’est-à-dire dans les arches du triforium, et les baies des fenêtres hautes. Il en va de même pour les fenêtres des bas-côtés. Par contre les arcs aigus ogivaux apparaissent au niveau des deux étages inférieurs, celui des grandes arcades et celui des tribunes.

La construction de la nef daterait des années 1180 – 1205. On remarque une alternance entre des piles fortes formées de colonnes en faisceaux, et des piles faibles constituées de colonnes monocylindriques. Cette disposition indique que le premier choix des maîtres d’œuvre est de construire un voûtement sexpartite. Ce choix a été abandonné pour des problèmes techniques d’équilibre des charges. L’alternance des piles a été conservée par une volonté esthétique.

Les tribunes comportent des baies géminées à remplage orné d’un oculus trilobé. Elles sont bordées d’une belle balustrade en fer forgé.

Au-dessus, un triforium aveugle est composé de quatre petites arcades par travée. Enfin, e niveau des fenêtres hautes est composé de doubles baies.

Six chapelles latérales ont été ajoutées au bas-côté nord au début du XIVe siècle. Les trois grandes chapelles latérales du bas-côté sud datent des XIVe, XVe et XVIe siècles. La chapelle située au centre (du XVIe) appelée Chapelle Notre-Dame-de-Bonsecours est particulièrement riche en décorations. C’est un superbe exemple d’architecture du règne de François Ier.

Le transept

Le soubassement des piles de la croisée du transept est mis en place lors de la deuxième campagne de construction, dès avant 1165. L’ensemble du transept est ensuite construit durant la troisième campagne de travaux, entre 1165 et 1185, en commençant par le bras nord.

Les deux bras du transept sont formés par deux travées droites, suivies d’une abside à cinq pans. L’élévation est à quatre niveaux, qui en paraissent cinq : le niveau inférieur est divisé entre un soubassement, qui présente une arcature murale composée de deux arcades en plein cintre retombant sur une colonnette sur chaque pan de mur, et, au-dessus, une grande arcade plaquée sur le mur, qui encadre une petite niche. Au deuxième niveau, un triforium aveugle, composée d’arcatures en plein cintre. Ces deux niveaux forment ensemble un étage aveugle, qui est surmonté d’un étage éclairé formé par les deux niveaux supérieurs de l’élévation : au troisième niveau, chaque pan de mur est ouvert par des arcades jumelles, séparées par une galerie du mur ouvert par des fenêtres, tandis qu’au quatrième niveau, les baies, similaires à celles du troisième niveau, sont ouvertes directement à travers le mur.

Chacun des bras du transept s’ouvre à l’est par un porche.

La croisée du transept

À l’entrée du chœur, après les deux piles de la croisée du transept, sont élevées deux piles tout aussi épaisses, ce qui fait que la première travée du chœur repose sur quatre piles extrêmement fortes. En regard de cette travée, les maçonneries des bas-côtés sont également très fortes (c’est là que se trouvent des escaliers menant aux tribunes du chœur). Cela peut paraître excessif et inutile. La raison en est que deux tours ont été commencées reposant sur ces supports solides, mais elles ne furent jamais terminées.

Les annexes du transept : salle du Trésor et chapelle épiscopale

La salle du Trésor, bâtie durant la décennie 1170 simultanément au bras nord du transept, est un édifice à deux niveaux, englobant le portail Saint-Pierre. Elle servit à conserver en sécurité les reliques, les chartes, les vêtements et objets liturgiques.

L’ornementation de cet édifice se caractérise par la richesse des motifs (chapiteaux, culots, bagues), des supports (monolithes et appareillés), des profils, des tracés d’arcs (plein cintre et arc brisé), des voûtes (berceau à pénétration, voûte d’arêtes et voûtes d’ogives) et des baies (fenêtre en plein cintre, rose). Cette décoration résulte du contenu. De nombreuses salles du Trésor, du XIIe au XVe siècle, partagent cette richesse. Celle de Noyon se distingue cependant comme la seule ornée d’une rose.

On peut penser qu’il s’agit là d’une affirmation du pouvoir de la communauté religieuse. Pourquoi en particulier l’exprimer à travers l’édifice abritant le Trésor, si ce n’est parce que ce dernier constitue la richesse véritable de l’église ?

L’ornementation des salles du Trésor était aussi soignée intérieurement qu’extérieurement, alors que peu avaient accès à l’intérieur de l’édifice, on est en droit de se demander si leur mise en valeur ne serait pas un élément signalétique du contenu et, en particulier, des reliques ? De la même façon que les châsses et reliquaires magnifiaient les fragments des corps saints, les salles du Trésor constituaient un reliquaire monumental.

À l’opposé, la chapelle épiscopale, quant à elle initialement soudée au bras du transept et reliée à ce dernier, nous est parvenue dans un état partiel. Victime de l’esthétique « monumentaliste » du XIXe siècle soucieuse d’isoler la cathédrale, la chapelle fut désolidarisée de cette dernière par l’ablation de ces travées occidentales. L’ornementation et les parties hautes ont beaucoup souffert mais sa structure générale est en revanche assez bien conservée. Elle est constituée d’un seul vaisseau, comportant trois niveaux actuellement répartis en sous-sol, rez-de-chaussée et premier étage. Le monument présente d’évidentes analogies stylistiques avec le bras sud du transept invitant à situer sa construction sous l’épiscopat de Renaud (1175-1188) ce que confirme la nomination d’un chapelain pour la desservir en 1183.

Ouvrages de référence

Informations utiles

-

Tel: 03 44 44 21 88

https://noyon-tourisme.com

3 Parvis Notre Dame, 60400 Noyon