Le château en 3D ?
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Un domaine seigneurial aux mains d'importants personnages
Les origines du domaine
Le château de Courtanvaux, du latin curtis in valle signifiant en français la “cour dans la vallée”, est situé au creux du vallon des Ruisseaux, au nord-ouest du bourg de Bessé-sur-Braye. La première mention de Courtanvaux remonte à 1332. À l’origine, il ne s’agit que d’un petit fief relevant de Vancé. Le premier seigneur connu de Courtanvaux apparaît en 1351 sous le nom de Michel de Doucelles. Son fils Michel lui succède à la tête du domaine. S’ensuivent Jean Le Tort et sa femme Jeanne Asselin, puis à partir de 1455, Jacques Berziau, peut-être neveu par alliance, lequel rachète en 1459 la part de sa cohéritière Marie, veuve de Jean Cullier, devenant ainsi sei- gneur de Courtanvaux à part entière.
La fin du Moyen Âge marque le développement du domaine de Courtanvaux auquel sera rattachée la seigneurie de paroisse de Bessé en 1586, suite à la vente du fief de la Cour-de-Bessé par Marguerite de Vendômois à Gilles de Souvré.
Un domaine transmis sans aliénation
Le château de Courtanvaux présente la parti- cularité de n’avoir jamais été vendu depuis le XVe siècle. Il s’est toujours transmis par héritage ou par mariage, et ce jusqu‘à son acquisition par la commune de Bessé-sur-Braye en 1978. Son histoire est ainsi associée à celle de quatre illustres familles, toutes proches du pouvoir : les Berziau, les de Souvré, les Le Tellier de Louvois et les de Montesquiou-Fezensac.
Les Berziau (1459 à 1518-1519)
Jacques Berziau, d’abord notaire et secrétaire du roi, puis contrôleur général des finances, épouse en secondes noces Jeanne de Villiers, d’une noble famille du Maine. Le début de la construction du château dans sa configuration actuelle lui est attribué ; il succède à un logis primitif de plan très simple, dont l’origine de la fondation reste encore inconnue. À sa mort vers 1498, la seigneurie de Courtanvaux revient à son seul fils, Jean Berziau, qui meurt sans postérité à la fin de l’année 1518 ou au début de l’année 1519, faisant de son beau-frère, Antoine de Souvré, l’héritier du domaine. Ce dernier, originaire d’une ancienne famille du Perche, avait épousé Françoise Berziau en 1510.
Extrait du plan cadastral de Bessé-sur-Braye, 1829. Archives départementales de la Sarthe PC/036/002 section A1
Les de Souvré (1518-1519 à 1662)
Cette famille occupe de hautes fonctions au ser- vice des rois de France successifs. Aussi, c’est en faveur de Gilles de Souvré, petit-fils d’Antoine de Souvré, que Henri IV érige Courtanvaux, réuni à d’autres seigneuries de la région, en marquisat par lettres patentes* du mois de mars 1609, enre- gistrées en 1610. Henri IV porte une grande ami- tié à Gilles de Souvré qu’il appelle familièrement “La Gode” (fille de joie). Il séjourne d’ailleurs à plusieurs reprises au château de Courtanvaux, notamment lorsqu’il assiège Le Mans. Il y vient pour des parties de chasse, mais sans doute aussi pour la proximité du château de Cogners où réside sa favorite, Gabrielle d’Estrées. Une des chambres du grand château porte toujours son nom. C’est sur son ordre qu’est construit en 1596, sur la Braye, pour faciliter l’accès à Bonneveau, le pont Saint-Gilles, rebaptisé Pont Rouge de Bessé en 1785. En 1602, Gilles de Souvré devient gouver- neur du dauphin, futur Louis XIII, qui le fait maré- chal de France en 1614 avec ce commentaire :
“Monsieur, si je n’étais roi de France, je vou- drais être Souvré.”.
Il repose aujourd’hui dans le caveau de la famille de Montesquiou- Fezensac au cimetière de Bessé-sur-Braye. Les de Souvré ont marqué durablement l’histoire de Courtanvaux par la construction du portail d’entrée.
Les Le Tellier de Louvois (1662-1781)
Le marquisat de Courtanvaux reste dans la maison des de Souvré jusqu’en 1662, date à laquelle Anne de Souvré, arrière-petite-fille de Gilles de Souvré, épouse “au scandale de toute la France”, aux dires de Saint-Simon (1675-1755), François-Michel Le Tellier, marquis de Louvois. Saint-Simon précise dans ses Mémoires qu’Anne de Souvré “avoit la plus grande mine du monde, la plus belle et la plus grande taille ; une brune avec de la beauté ; peu d’esprit, mais un sens qui demeura étouffé pendant son mariage”. François-Michel Le Tellier, plus connu sous le nom de Grand Louvois, est nommé secrétaire d’État, puis ministre de la guerre sous Louis XIV. Il est le fils du chancelier de France et secrétaire d’État, Michel Le Tellier. Les Le Tellier de Louvois résident essentiellement à Versailles et négligent Courtanvaux dont ils confient la gestion aux régisseurs du domaine.
Les de Montesquiou-Fezensac (1781-1978)
Originaire du Gers, les de Montesquiou- Fezensac appartiennent à la branche cadette de la maison de Montesquiou, l’une des plus anciennes de France, dite d’Artagnan. Lointains cousins de la mère du célèbre mousquetaire, Charles de Batz de Castelmore (1611/1615- 1673), le héros d’Alexandre Dumas (1802-1870), ils sont à l’origine de la restauration néo- gothique* du château aux XIXe et XXe siècles. Leurs armoiries d’or à deux tourteaux de gueules posés en pal et leur devise latine Deo duce ferro comite (Dieu pour guide, l’épée pour compagne) se retrouvent partout à Courtanvaux.
En épousant Louise-Charlotte-Françoise Le Tellier de Montmirail (en Brie) en 1780, Anne-Elisabeth-Pierre de Montesquiou-Fezensac fait passer le domaine de Courtanvaux dans sa famille en 1781, à la mort de François-César Le Tellier, le grand-père de sa femme. Après avoir été comte de l’Empire en 1809, grand chambellan de France en remplacement de Talleyrand en 1810, puis pair de France sous la Restauration, il tombe en disgrâce passagère au retour au pouvoir de Louis XVIII en 1815 pour s’être rallié à Napoléon Ier pendant les Cent Jours. Il décide alors de se retirer dans un Courtanvaux délaissé depuis près de 150 ans. Anne-Elisabeth-Pierre de Montesquiou-Fezensac s’engage dans la vie locale. Il devient maire de Bessé de 1819 à 1834 et membre du Conseil général de la Sarthe qu’il préside presque sans discontinuer de 1826 à 1833. En 1823, il vend à Jacques Montaru et son épouse Louise Anne Pothée un moulin à blé à la condition qu’un moulin à papier y soit établi. La première feuille est faite en 1824. La fabrication de papier à Bessé-sur-Braye prend une grande importance par la suite, l’usine employant jusqu’à 860 salariés en 1993. Enfin, il fonde en 1826 un hospice à l’emplacement de l’actuel EHPAD Louis Pasteur. Lui succèdent à la tête des lieux : Anatole, Odon, qui épouse la princesse Marie Bibesco en 1867, Raoul, Odon, vivant à Courtanvaux de longues années en solitaire et Pierre de Montesquiou-Fezensac, le premier à ouvrir le château au public en 1963. À la mort de Pierre de Montesquiou-Fezensac en 1976, le château est vidé de son mobilier et mis en vente par ses héritiers. Il abritait, entre autres, une importante galerie de portraits et de nombreux souvenirs du roi de Rome (1811- 1832) conservés par Louise-Charlotte-Françoise Le Tellier, épouse d’Anne-Elisabeth-Pierre de Montesquiou-Fezensac, qui en fut la gouvernante. Elle est aussi connue sous le nom de “Maman Quiou” ou “Maman Mont”, sobriquets qui lui ont été donnés par le roi de Rome tant il avait de l’affection pour elle. La commune de Bessé-sur-Braye se porte acquéreur des lieux deux ans plus tard, en 1978, pour la somme totale d’un million trois cent vingt mille francs, avec le soutien de l’État. C’est ainsi que cette résidence familiale séculaire, intimement liée à l’histoire de Bessé-sur-Braye et ses environs, devient un domaine public à vocation culturelle et touristique.
L'évolution du site
Courtanvaux est mentionné dès le XIVe siècle sans que l’on sache quels aménagements et constructions existaient sur ce lieu implanté sur le flanc d’une vaste colline boisée. L’histoire du lieu est mieux connue à partir de la fin du Moyen Âge grâce à la conservation de sources archivistiques.
L’apport des Aveux
Le château de Courtanvaux a conservé son chartrier composé de documents seigneuriaux, remontant pour les plus anciens au XIVe siècle, et de nombreuses pièces d’archives des familles Le Tellier de Louvois et de Montesquiou- Fezensac. Pour en assurer la conservation et faciliter son étude, la commune de Bessé-sur Braye les a en partie déposés aux Archives départementales de la Sarthe en 2005 et 2007. Bien peu de ces documents ont été étudiés, en dehors de quelques aveux donnant une idée de l’évolution du site.
Le plus ancien aveu connu, daté du 26 octobre 1490, est rendu par Jacques Berziau à Jean, bâtard de Vendôme. Il décrit les bâtiments suivants : “maisons, caves, jardins, chapelle, le tout clos de murs, avecques une tousche de boys (petite parcelle de bois), sise au-dessus de ladite cour, une fuye et un clos de vigne”. Cette énumération montre qu’à cette date Courtanvaux possède tous les attributs d’un domaine seigneurial, des bâtiments divers dont une chapelle, des bois pour la construction et la chasse, des murs de clôture rappelant la vocation défensive des châteaux médiévaux et le pigeonnier (la fuye), symbole du rôle de justice du seigneur. L’année suivante, en 1491, Jacques Berziau réalise d’importants travaux – semble-t-il sur le grand château – pour disposer d’une habitation digne de sa nouvelle charge de contrôleur général, à laquelle il est nommé à partir de 1488 au moins. Une querelle éclate au cours de ce chantier, ce qui nous vaut de connaître les ouvriers des différents corps de métiers employés à cette construction. Sous la direction de Jehan Detays, “maîstre des œuvres”, c’est-à-dire l’architecte, travaillent Collin Hain, maçon de Bessé ; Guillemain Dormeau, “varlet et serviteur dudit Collin” ; Pierre Folliau et Simon Oger, maçons de Montoire ; Guillaume Denéchau, couvreur d’ar- doises de Lavenay ; Maurice Auger, Jehan Sallé et François Rigault, également couvreurs ; Jehan Morin, perrier de Bessé ; Ambroise Jollis, charpentier de Bouloire et un manœuvre nommé Blaisot.
Ainsi, s’ouvre un siècle de transformations du domaine de Courtanvaux qui va lui donner son aspect général actuel, en témoignent les aveux du XVIIe siècle.
L’aveu rendu le 9 mai 1690 par François- Michel Le Tellier, marquis de Louvois, au duc de Vendôme reprend celui rédigé en 1610, juste après l’érection de Courtanvaux en marquisat. Il donne des précisions sur le château, dont l’architecture ne semble pas avoir changé entre 1610 et 1690 : “Premièrement mon chastel de Courtenvau, situé en la paroisse de Bessé, consistant en deux hauts pavillons entre lesquels il y a un grand corps de logis composé de salles basses et hautes, plusieurs chambres, estages et galleries hautes et basses pour aller en un autre ancien et grand corps de logis au derrière du susdit, composé aussi de plusieurs chambres et estages ; entre lesquels deux corps de logis sont les offices de cuisines, sommellerie et boulangerie ; une chapelle proche et néanmoins séparée du dit premier corps de logis, fondée par mes prédécesseurs en l’honneur de Notre-Dame-de-Lorette ; un petit jardin proche de ladite chapelle ; écurie, pont-levis et autres fortifications, le tout en un tenant”. Cette description correspond aux bâtiments délimitant encore en partie la cour d’honneur du château de Courtanvaux : deux grands corps de logis rejoints par une galerie disparue et dont l’emplacement est occupé par les deux hautes terrasses actuelles créées au XIXe siècle pour desservir les différents étages du château. Sur la terrasse basse, est actuellement aménagé dans le coteau un fournil où se trouvent deux fours : l’un à pain, restauré en 2014, et l’autre, plus petit, à pâtisserie. Ce type d’aménagements troglodytiques est commun dans les résidences seigneuriales de la vallée du Loir.
Une résidence seigneuriale de la fin du Moyen-Âge
Ce grand ensemble, dont les façades et toitures sont inscrites Monuments Historiques par arrêté du 11 juin 1980, se compose de deux grands corps de logis. Le premier dit le “petit château”, auquel est adossée la tour du beffroi, ou tour de l’horloge, renfermant un escalier à vis qui dessert les étages. Le caractère résidentiel de la construction est affirmé par la présence de grandes fenêtres à meneau et traverse au détriment des aspects défensifs. Ce logis est construit vers 1455 par Jacques Berziau, à la faveur de la pacification du Maine après la période troublée de la guerre de Cent Ans (1337-1453). Le pignon sud du petit château était flanqué d’une aile basse, peut-être du XVIIe ou XVIIIe siècle, si l’on en juge son apparence visible sur l’iconographie ancienne ; elle rejoignait l’échauguette qui forme l’angle de l’enceinte seigneuriale. Cette aile a été détruite entre 1838 et 1861 et l’échauguette, très remaniée au XIXe siècle, a fait l’objet d’une restauration de sa toiture en 1996.
Le second corps de logis dit le “grand château” est construit, comme le précédent, en pierre blanche du pays appelée tuffeau et couvert d’ardoise dès l’origine. Ses toitures, charpentes et cheminées ont fait l’objet de travaux au cours des années 1980, 1990 et 2000. Les fondations de ce bâtiment reposent dans un large et profond fossé défensif dont il ne reste plus aujourd’hui que la portion sud. Cet édifice de l’extrême fin du XVe siècle est la résidence principale de Jacques Berziau et sa famille, le petit château servant probablement à loger leurs serviteurs. Il est percé d’un porche, largement remanié au XIXe siècle dans le style néo-gothique, donnant sur un pont-levis à passages charretier et piétonnier, encore en place à la fin du XVIIe siècle. Les rainures, où s’inséraient les trois flèches permettant au pont-levis de basculer, subsistent encore sur la façade principale du grand château. Cette élévation comptait, avant la multiplication des fenêtres et l’augmentation de leurs dimensions au XIXe siècle, assez peu d’ouvertures, surtout dans les parties basses. Sur le flanc sud-est de la cour d’honneur, est bâtie – semble-t-il par Jean Le Tort – une chapelle citée dès 1454 et dédiée à Notre-Dame-de-Lorette. L’entrée d’origine se trouvait sur le côté nord, en face du grand logis. La porte avec son arc en anse de panier est d’ailleurs toujours visible, bien que murée. La chapelle est modifiée dans le style néo-gothique par Marie Bibesco, héritière du domaine de Courtanvaux à la mort de son mari, Odon de Montesquiou-Fezensac. Pour cela, elle fait appel en 1893 à l’architecte tourangeau Victor Laloux (1850-1937), lauréat du Grand Prix de Rome en 1878, à l’origine de la gare d’Orsay à Paris. L’actuelle entrée à auvent date de cette campagne de travaux. Ce petit porche, abritant l’accès à la chapelle, a fait l’objet d’une restauration par la commune de Bessé-sur-Braye en 1983. À l’intérieur, les voûtes sont à croisées d’ogives. Le vitrail de l’Annon- ciation, quasi-identique à celui présent dans l’église Saint-Martin de Souligné-sous-Ballon, et celui du Sacré-Cœur de Jésus représenté sous les traits d’Odon de Montesquiou-Fezensac, à la demande de sa veuve, ont été réalisés à la fin du XIXe siècle par les maîtres-verriers manceaux Kuchelbecker fils et Jacquier. Ils ont été restaurés par la commune de Bessé-sur-Braye en 2003. L’ensemble de ces constructions délimitait l’enceinte seigneuriale médiévale. Jadis hermétique- ment fermée, elle regroupait jusqu’au XVIe siècle les fonctions résidentielles, domestiques et défensives.
La basse-cour
Les communs
Toute la partie située à l’est de l’enceinte est contemporaine du portail d’entrée du XVIe siècle. Cette basse-cour est assez bien décrite par l’aveu rendu en 1690 par le marquis de Louvois : “une basse-cour dans laquelle sont les autres écuries, pressoir, estable, maison à cheminée pour le logement du fermier et un puits ; le tout enclos de murailles où il y a deux tourelles et pont dormant, un jardin enclos où est la fuye à pigeons”. Des constructions citées à la fin du XVIIe siècle, il ne subsiste que le portail d’entrée et la fuye. Les écuries actuelles, dont les toitures ont été réhabilitées en 2011, ont remplacé une ancienne grange au début des années 1830. En outre, l’orangerie, type de bâtiment en vogue à partir du XVIIIe siècle, a été construite, probablement peu avant 1829. Le chemin qui traverse la basse-cour est mentionné dès 1490, il relie au nord la route de Cogners à Bessé-sur-Braye et donne accès, au sud-ouest, à La Nouette, ancienne chaussumerie et briqueterie de Courtanvaux.
Le portail d’entrée
Devancé par un pont dormant enjambant le fossé d’enceinte, le portail d’entrée est ouvert de deux portes, charretière et piétonnière, flanquées de deux tours rondes coiffées de dômes. Cet ouvrage défensif du XVIe siècle est destiné à protéger l’accès à la basse-cour. Toutefois, le soin apporté à la construction et son décor Renaissance en font surtout un élément de prestige seigneurial. En effet, son rôle militaire est grandement atténué par l’abondance et la finesse des ornements qui le parent. Outre la corniche à denticules, le décor inspiré de l’Antiquité se concentre autour des baies et au niveau du passage où il se compose de motifs divers et de niches encadrant jadis les armoiries des propriétaires. Longtemps daté vers 1580, ce portail d’apparat semble toutefois avoir été construit entre 1547 et 1552 par Antoine de Souvré sous le règne de Henri II (1519-1559), d’où la présence des trois croissants de lunes imbriqués, symboles illustrant la devise de ce roi. Selon Raoul de Montesquiou-Fezensac, certains détails du décor ont été bûchés à la Révolution française. Reconnu comme un édifice majeur de la Renaissance de l’ouest de la France, le portail d’entrée est le seul édifice du domaine de Courtanvaux à avoir été classé Monuments Historiques en 1948.
Le pigeonnier
Dans l’alignement de ce portail d’entrée, au sud de la basse-cour, a été édifié un colombier appelé localement fuye. Destiné à élever des pigeons qui offrent des mets de choix et procurent des fientes utilisées comme engrais, le pigeonnier a également une valeur symbolique importante.
De fait, sa construction étant réservée aux détenteurs du droit de haute justice, son élévation permet d’affirmer son pouvoir et sa puissance. Si une fuye, peut-être simple volière, est mentionnée à Courtanvaux dès 1490, la tour-pigeonnier actuelle a pu être édifiée après l’érection de la terre de Courtanvaux en marquisat en 1609, acte par lequel les seigneurs de Courtanvaux accèdent au statut de haut-justicier. Cette fuye remaniée sous les de Montesquiou-Fezensac a perdu la plupart de ses dispositions intérieures. L’échelle tournante a disparu ; il subsiste néanmoins quelques boulins et juste en dessous une partie du bandeau horizontal ceinturant l’édifice afin d’empêcher l’ascension de prédateurs. Ses toiture, charpente et lucarne ont fait l’objet d’une campagne de restauration menée par la commune en 2013.
Les transformations du château aux XIXe et XXe siècles
Au cours des XIXe et XXe siècles, la famille de Montesquiou-Fezensac initie trois campagnes de restauration et d’aménagements successives, faisant de cette demeure ancestrale une résidence moderne dotée des dernières innovations en matière de confort et d’hygiène.
La première campagne de travaux (1815-1821)
Désaffecté depuis près de 150 ans, le château offre un cadre peu confortable lorsque, malgré une première tentative avortée en 1790, Anne- Elisabeth-Pierre de Montesquiou-Fezensac et Louise-Charlotte-Françoise Le Tellier, nommée gouvernante des enfants de France par Napoléon Ier (1769-1821) en 1810, décident d’y fixer leur résidence à la chute de l’Empire en 1815. Les deux époux décident, à l’hiver 1815-1816, d’adapter cette “vieille demeure devenue à peine habitable” aux nécessités de la vie moderne. Les travaux consistent à restaurer les toitures, transformer les portes et les fenêtres, redistribuer et redécorer les appartements : au nord, se trouvaient ceux du comte et au sud, ceux de la comtesse. Anne-Elisabeth-Pierre de Montesquiou-Fezensac et Louise-Charlotte-Françoise Le Tellier placent l’entrée principale du château, dans le style néo-classique, au milieu de la façade du premier étage, côté cour d‘honneur. Le mur de la terrasse basse s’ouvrait alors sur un grand escalier, entouré de part et d’autres de vasques en forme de baignoire et de bustes d’empereurs romains.
La deuxième campagne de travaux (1838-1856)
Les travaux se poursuivent sous leur fils, Anatole de Montesquiou-Fezensac, qui s’attache à remettre au goût du jour le château en renforçant son caractère flamboyant. La recherche de l’aspect pittoresque du Moyen Âge succède donc au néo-classique de la génération précédente. Ainsi, les fenêtres sont reprises et le portail d’entrée néo-classique à pilastres et linteau supportant un arc en plein cintre prend un caractère médiéval par l’aménagement d’un tympa et de pinacles. Il perd sa fonction d’entrée principale car le grand escalier d’accès est supprimé. Une balustrade néo-gothique en pierre de taille décorée de quadrilobes est construite sur le mur désormais fermé de la terrasse basse. Elle s’effondra en grande partie au cours des années 1940. La bibliothèque formant un petit cabinet octogonal lambrissé est située à l’emplacement d’un ancien escalier. Créée vers 1840, elle est dite de style “troubadour”, notamment en raison de ses ogives en bois réalisées, comme le plancher marqueté, par le menuisier manceau Blottière. Cette pièce est l’une des seules à avoir été épargnées par la troisième vague de travaux exécutée par Marie Bibesco ; elle donne un aperçu de la qualité du décor intérieur des aménagements disparus. Dépourvue de livres pendant longtemps, certains ouvrages, dont le plus ancien remonte à 1691, y ont retrouvé leur place, afin de redonner à cet espace sa fonction de bibliothèque.
Les travaux de Marie Bibesco (à partir de 1882)
L’ultime et la plus importante transformation de Courtanvaux est due à Marie Bibesco, fille de Georges Dimitru Bibesco, grand hospodar de Valachie, au sud de l’actuelle Roumanie, de 1842 à 1848, et de Marie Vacaresco. Grâce à sa fortune personnelle, elle entreprend une importante campagne de rénovation et de modernisation à la mort de son mari survenue en 1882. Odon de Montesquiou-Fezensac avait hérité du domaine en 1878, au décès d’Anatole de Montesquiou- Fezensac, son grand-père. Dans La Petite Mademoiselle, son cousin, le dandy Robert de Montesquiou-Fezensac (1855-1921), qui inspira à son ami Marcel Proust (1871-1922) le person- nage du baron de Charlus dans À la recherche du temps perdu, écrit de Marie Bibesco : “Le Comte a fait un mariage d’intérêt, en épousant cette cousine maigre, déjà vieille fille, en apparence vouée au célibat, et dont la fortune, assez respectable, a permis d’accorder, au castel familial, des restaurations sans cesse ajournées, en même temps que d’acquérir des terres”. Lui qui venait passer ses vacances à Courtanvaux lors- qu’il était jeune, témoigne, dans Les Pas effacés, de l’ampleur des transformations : “durant une période de travaux ordonnés par [Marie Bibesco], j’ai trouvé là de tels chambardements, que je n’ai plus osé m’y risquer depuis.” La mort de la princesse en 1929 met fin à la création architecturale à Courtanvaux.
Au premier étage du grand château, Marie Bibesco demande à l’architecte local Ferdinand Travaillard, résidant à Saint-Calais, de percer et décorer une enfilade de quatre salons – tous indépendants à l’origine – longue de quarante-sept mètres. Le plus grand d’entre eux, le salon des armoiries, regroupe 150 écussons armoriés. Chacune des armoiries peintes est nominative : prénoms et noms des femmes ayant épousé un membre de la famille avec la date de leur mariage ou noms des familles alliées aux de Montesquiou-Fezensac. Ce sont près de 850 ans d’alliances familiales, depuis Aurianne de la Motte en 1060 jusqu’à Régine d’Amilly en 1905, qui sont représentées. Cette suite de nouveaux salons, équipés pour deux d’entre eux d’une porte à galandage en bois sculpté, est mise en valeur par un large escalier d’honneur à deux volées tournantes réalisé en 1893 par l’architecte académique Victor Laloux. La chambre de la princesse est le pendant privé de cette enfilade. Les murs, autrefois entièrement dorés à l’or fin, sont ornés de motifs floraux au pochoir dans le goût Art nouveau. Le plafond et les parties basses des murs sont quant à eux recouverts de papier marouflé imitant le cuir. Le panneau sous la fenêtre est un réemploi issu d’un coffre riche- ment décoré et sculpté du XIVe siècle. En façade, les fenêtres retrouvent leurs meneaux au dessin très simple et plus authentique, réduisant la décoration flamboyante voulue par Anatole de Montesquiou-Fezensac. Enfin, Marie Bibesco dote la porte de la terrasse basse de son décor actuel et crée le petit escalier en encorbellement.
Les éléments de confort
L’équipement de ce château de campagne devient digne de celui d’un hôtel particulier parisien de cette époque, ce qui permet à la propriétaire des lieux d’impressionner ses invités, venant de la capitale par le train. Marie Bibesco accroit le confort de sa demeure en faisant installer : le téléphone intérieur, l’éclairage au gaz, rendu possible dès 1901 grâce à l’inauguration de l’usine à gaz de Bessé-sur-Braye en 1900, le chauffage central à air pulsé avec chaudières par calorifère, rendant les cheminées surtout décoratives (un premier système avait été installé par Morin du Mans sous Anatole de Montesquiou-Fezensac), une cuisine et des salles de bain modernes. En outre, le château bénéficie très tôt de l’eau courante. Montgolfier aurait fait installer en 1792 à Courtanvaux l’un de ses premiers béliers hydrauliques, permettant d’alimenter les pièces d’eau des jardins par une rivière souterraine. Toutefois, la mise en place d’un bélier hydraulique au centre de la terrasse basse est véritablement attestée en 1819. En 1892, Marie Bibesco fait établir deux béliers hydrauliques d’Ernest Bollée fils, dont le modèle a été présenté à l’Exposition universelle de Paris en 1889 : l’un pour alimenter les ruisseaux du parc, l’autre pour les besoins intérieurs. Les eaux étaient élevées, depuis le puits de la terrasse basse, à près de 30 mètres de hauteur dans un grand réservoir encore visible aujourd’hui, pour être ensuite redistribuées par gravité aux différents étages du grand château. Les transformations réalisées sous l’égide de Marie Bibesco à Courtanvaux concernent également l’écrin paysager du château.