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Une première abbaye disparue

Abbaye Saint-Maurice de Blasimon - Ass French Baroudeur

La date de 721 a souvent été avancée comme étant celle de la fondation de l’abbaye. Aucune source historique sûre ne permet de confirmer cette date. Elle n’est pourtant pas invraisemblable.

Nous serions à l’époque mérovingienne, sous le roi Thierry IV, que l’on connait peu, mais dont on connait mieux le maire du palais, Charles Martel, qui allait arrêter les arabes en 732, à Poitiers.

L’Aquitaine connaissait déjà le christianisme à Bordeaux et dans les villes depuis le IIIe siècle. En 401, l’évêque de bordeaux, Delphin, était venu consacrer une première communauté chrétienne à Langon. Dans les campagnes le christianisme était également apparu dans les milieux romanisés : les écrits d’Ausone et de Paulin de Nole en sont le témoignage au Ive siècle. À Blasimon, des fouilles archéologiques ont prouvé l’existence de « villa » gallo-romaines de la même période.

Saint-Maurice, patron de notre abbaye, était un martyr ; membre de l’armée romaine envoyée en Gaule au IIIe siècle, il devait persécuter les chrétiens, mais, converti lui-même au christianisme, il refusa d’obéir à l’empereur Maximin, et fut massacré ainsi que les soldats qui l’avaient soutenu.

Le choix de Maurice comme patron de l’abbaye rappelle ce contexte gallo-romain. Une première vague d’expansion du monachisme vers le Sud Ouest de la France est apparue aux VIIe siècle et VVIIIe siècles, que Blasimon en ait fait partie n’est donc pas impossible.

Pourquoi des moines auraient ils choisi ce site de Blasimon ? De multiples traces d’occupation humaine aux époques préhistoriques puis gallo-romaines ont été laissées dans le secteur ; l’abbé Hoarau, fondateur du musée local, pensait avoir découvert de multiples « ex voto » de religions celtiques ou autres accumulés prés des sources.

Les moines se seraient donc volontairement installés à Blasimon dans un but missionnaire, pour amener au christianisme des populations déjà en recherche sur le plan religieux. L’existence d’un édifice religieux antérieur sur l’emplacement de l’abbaye, pourrait expliquer le choix étonnant de ce site, dans un fond de vallée marécageux et souvent inondé, délaissant un éperon rocheux tout proche.

Cette première abbaye aurait été détruite, peut être au cours des raids des nouveaux envahisseurs, les Vikings. Bordeaux fut plusieurs fois attaquée, notamment en 848, et des édifices religieux furent pillés jusque loin dans l’intérieur des terres. Blasimon en a peut être été victime, même s’il est difficile d’imaginer les normands remontant la Gamage.

Abbaye Saint-Maurice de Blasimon - Ass French Baroudeur

Fondation de l'abbaye bénédictine en 980

Une nouvelle fondation, celle là plus historiquement confirmée par les textes et les études archéologiques, eut lieu vers 980. Elle était due au duc d’Aquitaine, Guillaume Sanche, et à un premier abbé dont on connait le nom, Fors Arsius. C’était une filiale de l’abbaye de Saint Jean d’Angély elle-même fondée vers 850, par des moines bénédictins. Les moines de Blasimon allaient donc appliquer la règle de Saint Benoit.

Saint Benoit de Nurse, qui vécut en Italie de 480 à 547, fondateur du monastère du Mont Cassin, a écrit sa règle en tenant compte des premières expériences de vie monacale dont il avait connaissance. C’est un long texte divisé en plus de soixante dix chapitres. Il peut servir de lecture et de base de méditation pour les moines car on y trouve tout ce qui plait à Dieu d’après les textes bibliques. Mais c’est aussi une règle de vie qui se veut très généralement applicable, adaptable à des conditions différentes. Dans les grandes lignes l’emploi du temps doit se répartir sur trois activités : la prière, même pendant la nuit, le travail manuel, et intellectuel comme la lecture, et le repos. Le monastère est présenté comme un centre de vie autonome et en grande partie autarcique comme l’étaient les grands domaines agricoles du Bas Empire romain ; chaque moine pouvait avoir une spécialité y compris dans le domaine artisanal. L’humilité était une des qualités demandées aux moines, à tel point que « si l’un d’eux venait à s’enorgueillir de ce qu’il sait faire…, on lui interdirait l’exercice du métier ». Cela s’est appliqué aux sculpteurs qui ont façonné les voussures et chapiteaux de la façade de l’abbaye ; leur anonymat a été strictement respecté…

Abbaye Saint-Maurice de Blasimon - Ass French Baroudeur

Pour l’organisation interne du monastère, c’est l’abbé, le « père », qui tient le rôle principal, c’est lui qui règle les détails de la vie quotidienne, les vêtements, la nourriture, la répartition des activités. La vie des moines de notre abbaye a donc pu connaître de multiples modifications au cours des âges. Des réformateurs ont parfois trouvé que les moines n’appliquaient pas assez rigoureusement tel ou tel aspect de la règle, et allaient fonder une nouvelle famille de bénédictins ; à Blasimon, au XVIIe siècle ce sont des Feuillants, un nouvel « ordre » de bénédictins qui ont repris l’abbaye.

Mais surtout, l’importance de l’abbé rend plus compréhensible l’influence qu’a eu la désastreuse habitude du système de la « commende ».  Dès le XIVe siècle le Roi de France accordait les bénéfices d’une abbaye à des cadets de familles nobles, confirmés dans leur rôle d’abbé par les autorités ecclésiastiques. Ces abbés n’étaient plus obligés de résider dans leur abbaye. À Blasimon, dès le XVIe siècle se sont succédés des abbés des familles d’Espiamont, et de La Combe. Ensuite les abbés ont de moins en moins résidé dans leur abbaye, se contentant d’en percevoir une part de plus en plus importante des revenus. Il est bien évident que la vie religieuse de l’abbaye a pâti de l’absence des abbés.

Pendant plusieurs siècles des moines ont donc prié chaque jour dans l’abbaye, ce qui était pour eux la part essentielle de leur vie ; mais l’histoire ne retient que les événements qui ont perturbé cette permanence spirituelle.

La période d'expansion

La nouvelle abbaye connut d’abord une belle période d’expansion dans le cadre de la société féodale. La nouvelle dynastie fondée par Hugues Capet mit beaucoup de temps à élargir son pouvoir au delà de la région parisienne ; des seigneurs locaux se partagent et souvent se disputent le pouvoir. À Blasimon c’est l’abbé qui joua le rôle de seigneur ; il étendit ses possessions, prieurés, moulins ou simples tenures tout autour de Blasimon, de Sauveterre, au sud, jusqu’à Sainte Florence au nord, prés de la Dordogne.

C’est l’époque des croisades ; le monachisme est partout florissant ; l’abbaye de la Sauve Majeure est créée en 1079, les ordres Hospitaliers et Templiers installent des commanderies dans la région ; Blasimon est une étape possible sur le chemin de pèlerinage vers Saint-Jacques de Compostelle.

Les moines de Blasimon ont voulu concrétiser leur succès en reconstruisant leur abbaye : un grand projet est mis en chantier à la fin du XIIe siècle à partir de 1160-1180. Les travaux ont commencé par la façade et la première travée à l’ouest. L’architecture permet de comprendre quelle était l’ambition des plans prévus, notamment par le soin des sculptures chargées d’instruire les fidèles mais aussi par la taille de l’édifice, surtout en hauteur. Les bâtiments conventuels furent également repris, du côté de la salle du chapitre, à l’est du cloître.

Le grand projet fut abandonné dés le siècle suivant. Les moines se contentèrent de reconstruire plus simplement les murs latéraux en s’appuyant sur les bases des anciens murs. le chevet fut simplifié en un simple mur plat percé de trois ouvertures. Par contre ils couvrirent leur abbatiale de voûtes en style gothique tout en simplifiant les sculptures des chapiteaux. Ils durent ensuite consolider les murs latéraux déjà fragilisés par l’état marécageux des sols, par de gros contreforts.

L’abbé, en tant que seigneur, a été amené à jouer un rôle dans la rivalité opposant le Roi de France au Duc d’Aquitaine, roi d’Angleterre. Le sénéchal du roi d’Angleterre, duc d’Aquitaine, fonda quelques bastides, ces villes neuves, regroupant des populations dans un cadre juridique précis avec des objectifs divers, économiques et militaires. Il négocia avec l’abbé de Blasimon pour obtenir une option de ses terres sur une motte où il fonda la bastide de Sauveterre en 1281. Un quart de siècle plus tard, vers 1317-1322, après de délicates négociations, le sénéchal du roi-duc Edouard II signa avec l’abbé de Blasimon, Martin, un traité de « paréage » créant une nouvelle bastide auprès du château. La charte de fondation précisait le partage des droits et devoirs seigneuriaux ; les détails très précis sur les biens de diverses natures, sur l’administration, la justice, les impôts et taxes laissent supposer que les préoccupations d’ordre matériel devaient occuper une large place dans la vie quotidienne du monastère. il en résultait bien une perte d’indépendance et d’influence de l’abbé et des moines, qui perdaient aussi dans cette affaire une partie de leurs revenus.

L’influence de l’abbaye a sans doute souffert aussi de la concurrence de nouvelles implantations monastiques. Le monastère de la Sauve Majeure, plus récent, connaissait à son tour un grand succès ; c’était lui désormais, qui profitait des dons en terres ou droits divers jusque dans le secteur proche de Blasimon ; une querelle, par exemple opposa Blasimon à La Sauve, à propos de Ruch, que l’évêque de Bazas venait de confier à la nouvelle abbaye.

Les guerres de religion


Les problèmes religieux ont eu des conséquences beaucoup plus graves pour la vie de l’abbaye.

Dès le milieu du XVIe siècle le courant de réforme protestant se répandait rapidement en Aquitaine et notamment le long de la vallée de la Dordogne. De nouvelles églises calvinistes se sont créées à Castillon, Sainte-Foy la grande, Pessac, Gensac… Des rivalités violentes opposaient les communautés protestantes et catholiques ; elles dégénérèrent en luttes armées surtout quand Catherine de Médicis, en 1561-1562 envoya Blaise de Montluc pour « pacifier » la région. Blasimon était resté un solide bastion catholique. L’abbé Bernard de La Combe avait participé comme délégué du clergé à un colloque à Poissy pour une tentative de conciliation entre catholiques et protestants ; il avait aussi été chargé de consoler Blaise de Montluc qui venait de perdre son fils.

En 1587 Henri de Navarre vint diriger la lutte contre les troupes royales qui, sous les ordres du duc de Mayenne avaient pris Castillon et massacré une partie de la population. Il battit l’armée catholique royale à Coutras le 2 octobre. Il avait chargé un de ses fidèles, Henri de Meslon, de prendre le point de résistance catholique qu’était l’abbaye de Blasimon. Une troupe de deux mille hommes a assiégé l’abbaye. Les moines réfugiés dans les combles de l’église ont résisté. Avec eux se trouvaient quelques fidèles et amis, parmi lesquels Jean et Pierre d’Aubert, écuyers, membres d’une famille noble alliée aux comtes de Duras et de Rauzan. Pierre d’Aubert réussit, pendant la nuit à descendre à l’aide des cordes des cloches, à passer à travers les troupes des assaillants, et à aller chercher des secours à Rauzan. Avec mille deux cents fantassins et arquebusiers les catholiques ont pu dégager l’abbaye et chasser les protestants. Si les détails de ce récit sont difficilement contrôlables, les dégâts causés à la façade de l’abbaye, qui avait été « retardée », sont encore visibles.

Les moines, très inquiets de l’insécurité que cette opposition entre communautés religieuses faisait régner dans la région, et qui allait se poursuivre pendant le règne de Louis XIII, allèrent se réfugier dans un prieuré à Sauveterre. Cette bastide entourée de remparts offrait un meilleur site défensif que Blasimon, qui n’avait pas été fortifié. On ne sait pas exactement combien de temps dura ce repli. En 1626, le cardinal de Sourdis, archevêque de Bordeaux, envoya à Blasimon, des Feuillants, une nouvelle congrégation bénédictine, mais un peu plus tard ce sont des religieux de Saint-Maur qu’on y retrouve.

La décadence


Abbaye Saint-Maurice de Blasimon - Ass French Baroudeur

Ce retour ne semble pas avoir donné une nouvelle vigueur à l’abbaye. La liste des abbés, toujours « commendataires » et non résidents, qui se sont succédés au XVIe siècle n’a pu être établie qu’avec difficulté, car ils n’ont pas laissé de traces sur place. Le dernier des La Combe, Bernard IV, fut remplacé vers 1600 par Petrus de Bruges, puis ont suivi Nicolas Orgier en 1623, Antoine de Clermont en 1634, Jacques de Gase en 1650, Jacob de Goury en 1666, Victor Roi en 1688, Jean Binet en 1703. Ils se contentaient de se partager avec quelques moines les revenus qu’ils pouvaient encore tirer des domaines dépendant de l’abbaye, en vendant quelques parcelles comme les moulins et même le château.

En 1721, Guillaume de villefroy reçut l’abbaye en « commende » ; il était docteur en théologie, professeur d’hébreu au collège de France, et secrétaire du duc d’Orléans ; il résidait généralement à Paris, paroisse Saint-Gervais. Vers 1740, il n’y avait plus que trois moines résidant à Blasimon. L’un d’entre eux était un jeune étudiant de bonne famille qui avait obtenu cette place de moine lui permettant de poursuivre ses études. Au bout de trois ans il demanda le droit de quitter la vie monacale pour épouser une jeune veuve, d’une famille blasimonaise. Il obtint cette autorisation sans trop de difficultés. Après son départ il ne resta plus que deux moines dans l’abbaye, dont le prieur Pierre Descamps. Ils participèrent au chapitre de l’ordre des bénédictins réuni à Blaye en 1761. Ils se plaignaient de l’état d’abandon dans lequel se trouvait l’abbaye, invoquant l’insuffisance des revenus et le mauvais état des bâtiments pour ne plus accepter de nouveaux moines. C’était un constat de liquidation.

En 1768 la congrégation des Exempts, dont Blasimon faisait partie, fut supprimée. La « mense conventuelle », autrement dit les revenus, de l’abbaye fut confiée au séminaire de bazar. A la mort de l’abbé de Villefroy en 1778 l’abbaye fut officiellement fermée. C’est le vicaire général du diocèse de Bazas, Jean Antoine Hercule de Chapelain qui fut nommé « abbé de Blasimon », titre théorique. Il demanda au roi de France l’autorisation de démolir les bâtiments conventuels pour en vendre les matériaux, tout en mettant en cause les négligences de son prédécesseur. Il obtint cette autorisation par lettre du 26 août 1779.

De saint-Maurice à Saint-Nicolas

La paroisse de Blasimon utilisait depuis longtemps un autel dédié à Saint-Nicolas, dans l’abbaye, ce qui avait parfois provoqué quelques difficultés avec les moines. Officiellement, en 1777, le curé de la paroisse Jean-Baptiste Noguères, avait pris possession de l’église abbatiale Saint-Maurice, qui devenait église paroissiale sous le patronage de Saint-Nicolas. C’est cette situation qui a permis de garder notre vieille abbatiale en activité jusqu’à aujourd’hui.

L’intervention de Léo Drouyn, artiste passionné par les bâtiments anciens, permit d’arrêter la destruction des bâtiments conventuels et de les conserver dans l’état où il les avait trouvé au milieu du XIXe siècle.

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